Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 16 septembre 2020, n° 19/11386

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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Patrick Michaud · Études fiscales internationales · 18 octobre 2020

Depuis le colloque de BERCY en juin 2009 la politique confirmée par E Woerth , la recherche du renseignement est devenue un des piliers de la lutte contre l'évasion fiscal Dans le cadre de cette politique, l'utilisation de la visite domiciliaire civile prévue par le L 16B du LPF-procédure très protectrice des droits et ce contrairement à la perquisition douanière ou la nouvelle procédure d'enquête pénale fiscale (BOFIP 2.06.19)qui autorisent les gardes à vue fiscales « dites de confession » D'après les statistiques de la DGFiP (rapport sur 2019 p 54 ) 185 opérations de visites …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 15, 16 sept. 2020, n° 19/11386
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/11386
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 11 juin 2019
Dispositif : Annule la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 15

ORDONNANCE DU 16 SEPTEMBRE 2020

(n° 42, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 19/11386 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CACAA

Décision déférée : Ordonnance rendue le 12 Juin 2019 par le Juge des libertés et de la détention du Juge des libertés et de la détention de PARIS

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, AC AD-AE, Conseillère à la Cour d’appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l’article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l’article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de M N, greffier lors des débats et de la mise à disposiition ;

Après avoir appelé à l’audience publique du 17 juin 2020 :

La société SA X GLOBAL LICENSOR

agissant en la personne de son représentant légal

Élisant domicile au cabinet de Me Hervé LEHMAN

[…]

[…]

Représentée par Me Hervé LEHMAN de la SCP LEHMAN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0286

APPELANTE

et

LA DIRECTION NATIONALE DES ENQUETES FISCALES

[…]

[…]

Représentée par Me S DI FRANCESCO de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

INTIMÉE

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 17 juin 2020, l’avocat de la requérante, et l’avocat de l’intimée ;

Les débats ayant été clôturés avec l’indication que l’affaire était mise en délibéré au 16 Septembre 2020 pour mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

Avons rendu l’ordonnance ci-après :

Le 12 juin 2019 le juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) du Tribunal de grande instance (ci-après TGI) de PARIS a rendu, en application de l’article L. 16 B du LPF du livre des procédures fiscales (ci-après LPF), une ordonnance autorisant des opérations de visite et saisie, à l’encontre de la société Luxembourgeoise X GLOBAL LICENSOR SA, dont le siège social est sis rue des Capucins L 1313 à Luxembourg, dont l’objet social est notamment l’exploitation de droits de la propriété intellectuelle, dans les lieux suivants :

— les locaux et dépendances sis 120, rue du Faubourg I Honoré 75008 PARIS, susceptibles d’être occupés par la SA X GLOBAL LICENSOR et/ou la SAS X et/ou SCI Belles Feuilles et/ou la SARL PROPRIÉTÉS DE CHÂTEAUX et/ou la SARL EDUCABIL et/ou la SARL SEDIF et/ou la SAS TSV Immobilier et/ou la SCI Poncelet et/ou toute société du groupe X ;

— les locaux et dépendances sis 122, rue du Faubourg I Honoré 75008 PARIS, susceptibles d’être occupés par la SA X GLOBAL LICENSOR et/ou la SAS X et/ou la SARL INTERNATIONAL PROPERTY MANAGEMENT et/ou la SAS EDITIONS NATIONALES DE PRESSE MEDIA ET COMMUNICATION et/ou la SAS JOURS DE PASSIONS et/ou la SARL PROPRIETES ET CHATEAUX et/ou la SAS TSV IMMOBILIER et/ou les entités X INTERNATIONAL REALTY ' PROPERTY MANAGEMENT et/ou X INTERNATIONAL REALTY et/ou toute société du groupe X ;

— les locaux et dépendances sis […], susceptibles d’être occupés par M. Z DE I J et/ou Mme AA DE I J, née X et/ou la SAS X.

L’ordonnance était accompagnée de 42 pièces annexées à la requête.

L’autorisation de visite et saisie des lieux susmentionnés était délivrée aux motifs que la société de droit luxembourgeois X GLOBAL LICENSOR SA serait susceptible de développer sur le territoire national une activité de gestion de droits de la propriété intellectuelle sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi, omettrait de passer les écritures comptables y afférentes.

Et ainsi cette entité serait présumée s’être soustraite et/ou se soustraire à l’établissement et au paiement de l’impôt sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d’affaires, en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts (articles 54 et 209-I pour l’IS et 286 pour la TVA).

Il ressortait des éléments du dossier que M. Z DE I J en tant qu’actionnaire majoritaire, bénéficiaire économique principal, administrateur de catégorie A et président de la société X GLOBAL LICENSOR serait un homme clef de cette dernière.

Il serait également établi que la SA X GLOBAL LICENSOR réaliserait un chiffre d’affaires composé de redevances liées à l’exploitation de la marque X, dont l’essentiel serait réalisé à destination du territoire national et principalement à destination de sociétés du groupe X et plus particulièrement de la SAS X.

Compte tenu de l’écart constaté entre 2016 et 2017 entre les prestations de services intracommunautaires facturées et le chiffre d’affaires mentionné sur les comptes sociaux déposés par la SA X GLOBAL LICENSOR pour ces mêmes années, cette dernière serait présumée minorer son chiffre d’affaires.

Par ailleurs, la SA X GLOBAL LICENSOR n’apparaît pas disposer au LUXEMBOURG des moyens humains et matériels suffisants et nécessaires à la réalisation de son objet social pour le niveau de chiffre d’affaires et des résultats qu’elle déclare.

Il était précisé que Mme B Y, administratrice de catégorie A de X GLOBAL LICENSOR, dont elle n’est pas associée, aurait été employée par la SAS X jusqu’au 31 octobre 2016 à un poste de simple exécutante (assistante).

Dès lors, il pourrait être présumé que Mme Y assurerait un rôle administratif et non actif dans les décisions stratégiques de la société X GLOBAL LICENSOR.

Selon les services fiscaux, M. Z DE I J serait présumé résider sur le territoire national, où il disposerait de deux adresses (86, […] et […]), où il recevrait du courrier pour l’une et où des consommations d’énergie et d’eau seraient constatées pour l’autre.

De même, les administrateurs de catégorie B ' à savoir, Mme O P, Mme C D, M. E F, M. Q R, M. G H et M. S T U ' seraient tous domiciliés sur le territoire national sauf M. S T U et seulement depuis juillet 2018.

Par ailleurs, les équipes General Management et Development, rattachées à l’adresse luxembourgeoise de la société X GLOBAL LICENSING SA seraient principalement composées de personnes résidant sur le territoire national, travaillant pour la SAS X, sous statut salarié ou indépendant.

De surcroît, l’activité de communication/marketing du groupe X, facturées par X GLOBAL LICENSOR via des redevances de communication, serait présumée être assurée par la SAS X, laquelle disposerait, sur le territoire national, au travers d’un groupe salarié et/ou de consultants indépendants très étoffé, de moyens humains et matériels conséquents, contrairement à la société X GLOBAL LICENSOR dont les moyens d’exploitation seraient très limités pour assurer la communication d’un groupe international tel que X pour le niveau d’activité qu’elle déclare.

Ainsi, il pourrait être présumé de ce qui précède que les prestations facturées par la société française SAS X à la société luxembourgeoise X GLOBAL LICENSOR SA rémunéreraient le travail des équipes de communication, développement et management et que cette dernière serait présumée disposer sur le territoire national de moyens matériels et humains significatifs lui permettant la réalisation de son objet social pour le niveau d’activité qu’elle déclare.

Dès lors, la société de droit luxembourgeois X GLOBAL LICENSOR SA serait présumée réaliser, à titre habituel, à partir du territoire national, une activité de gestion de droits de la propriété intellectuelle sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omettre de passer les écritures comptables y afférentes.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, le JLD de PARIS a autorisé la visite domiciliaire par ordonnance du 12 juin 2019.

Le 25 juin 2019 la société X GLOBAL LICENSOR (ci-après BGL) a interjeté appel de l’ordonnance du JLD du 12 juin 2019.

L’affaire était initialement fixée à l’audience du 18 mars 2020 pour être plaidée au fond.

Par conclusions en date du 15 octobre 2019, la société BGL a demandé à ce qu’il soit transmis à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité (ci-après QPC) suivante :

« La portée effective que confère à l’article L. 16 B du LPF l’interprétation jurisprudentielle constante selon laquelle les motifs et le dispositif de l’ordonnance autorisant une visite domiciliaire sont présumés rédigés par le juge, même lorsque l’ordonnance est entièrement rédigée par l’administration fiscale, porte-t-elle atteinte aux droits et libertés reconnus par les articles 66 de la Constitution et 2, 16 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ' »

Le dossier concernant la demande de QPC a été audiencé pour plaidoirie le 11 décembre 2019, la décision a été mise en délibéré pour être rendue le 15 janvier 2020.

Par décision du 15 janvier 2020, la demande de QPC a été rejetée .

L’affaire au fond a été fixée à l’audience du 18 mars 2020 puis renvoyée à l’audience du 17 juin 2020 du fait de l’état d’urgence sanitaire , et mise en délibéré au 16 septembre 2020.

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d’appel de PARIS le 15 octobre 2019 et par conclusions récapitulatives du 26 février 2020, soutenues à l’audience du 17 juin 2020, la société appelante fait valoir :

Il est rappelé que la société BGL, société de droit Luxembourgeois a été créée en décembre 2015 pour répondre à un besoin résultant du choix de développer à l’international l’exploitation de la marque X, qui a acquis une notoriété importante dans le domaine de l’intermédiation de l’immbilier de luxe. L’objet social de BGL est de poursuivre un commerce ou une activité concernant la création, le développement et la gestion de la propriété de Software et autres droits de propriété intellectuelle, dont elle peut octroyer les licences et sous licences à des sociétés affiliées, qu’elles soient membres du même groupe ou des sociétés tierces. La société française X SAS réalise l’essentiel de son chiffre d’affaires en France et s’acquitte de l’impôt sur les sociétés en France. Le choix d’une structure au Luxembourg pour le développement international de la marque est un choix cohérent et qui ne répond à aucune préoccupation de dissimulation fiscale. Créer une structure au Luxembourg afin de gérer dans l’ensemble des pays du monde les licences de la marque X est un choix entrepreneurial cohérent et légal.

BGL conteste l’analyse de l’administration selon laquelle BGL utiliserait les moyens matériels et humains de la société X, de telle sorte qu’elle devrait être présumée avoir son activité en France, alors que l’activité de BGL au Luxembourg est réelle et les critères de rattachement au Luxembourg sont bien remplis. BGL tient à affirmer clairement, même si sa position n’est pas l’objet du recours, que son activité est réelle, qu’elle est exercée au Luxembourg, qu’il n’existe aucun comportement frauduleux dans le fait de confier la gestion internationale de la marque à une société basée au Luxembourg.

1 ' Nullité de l’ordonnance en raison de l’absence de vérification concrète par le juge de la demande d’autorisation et de l’absence de motivation

La protection des libertés individuelles par le juge judiciaire.

Il est soutenu que l’intervention effective du juge, garant des libertés individuelles, est essentielle en présence d’une restriction portée à une liberté fondamentale et que la jurisprudence validant la pratiques des ordonnances pré-rédigées par l’administration est contraire à la position constante de la Cour de cassation sur l’obligation de motivation.

Eu égard aux articles 66 de la Constitution et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l’homme (ci-après CESDH), aux décisions du Conseil constitutionnel du 29 décembre 1983 n° 83-164 DC 29 et du 29 décembre 1989 n° 89-268 DC, aux arrêts de la chambre mixte de la Cour de cassation de 1989 et à la lettre et l’esprit de l’article L. 16 B du LPF, il ne saurait donc être admis que l’autorité agisse en fait de manière non distincte de l’autorité administrative, en se bornant à authentifier les documents établis par celle-ci.

Il est rappelé que le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 décembre 1989 concernant l’article 108 ( modifiant l’article L16 B du LPF) a affirmé l’obligation du juge de vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée, qu’il incombe au juge judiciaire de veiller au respect des prescriptions de l’article L16B. Les parlementaires ont critiqué la pratique de la signature par le juge d’une acte prérédigé par l’administration, Le Conseil constitutionnel a exigé à plusieurs reprises un contrôle réel et effectif du juge judiciaire. Il est rappelé une décision de la Cour d’appel de Paris du 4 février 2010 qui a annulé une ordonnance du JLD pour défaut de vérification personnelle par le juge du bien fondé de la demande.

Absence de contrôle effectif et de motivation propre.

Il est d’abord fait valoir que l’ordonnance rendue le 12 juin 2019 par le JLD du TGI de PARIS est quasiment identique à celle rendue la veille par le JLD du TGI de NANTERRE, et que les 42 pièces présentées (43 à NANTERRE) sont les mêmes.

De surcroît, l''apparence licite ' des pièces ne figure pas dans les requêtes.

En second lieu, il est argué que la lecture attentive de l’ordonnance attaquée permet de constater que le juge n’a procédé à aucune vérification, les erreurs figurant dans le texte rédigé par l’administration ne lui étant jamais apparues.

Il est mis en exergue plusieurs inexactitudes concernant les dates mentionnées dans les pièces : ainsi, par exemple, s’agissant de la pièce n° 4, la consultation du site n’a pas été effectuée le 8 mars 2019 mais le 8 avril 2019 ; s’agissant de la pièce n° 7, l’attestation n’a pas été signée le 12 mars 2019 mais le 28 mai 2019 ; les mêmes erreurs sont relevées concernant les pièces 17, 29, 39,40 et 42.

En troisième lieu, le chiffre de 2 037 26 €, indiqué en page 9 de l’ordonnance, est manifestement erroné.

Il est soutenu que si le juge avait vérifié les assertions de l’administration, il aurait immédiatement constaté qu’elles étaient fausses.

En effet, la pièce n° 2, c’est-à-dire les comptes sociaux de BGL, ne montre à aucun moment que le chiffre d’affaires de celle-ci est de 3 111 719,08 € en 2016 et de 2 037 262,06 € en 2017. Au contraire, la pièce indique que ces chiffres correspondent au « Résultat brut ».

En réalité, le chiffre d’affaires de l’appelante en 2016 était de 5 245 050 € et en 2017 de 5 992 860 €.

Il est argué que cela détruit les deux présomptions de fraude retenues dans la motivation établie par l’administration ( les deux présomptions sont que BGL minimiserait son chiffre d’affaire réel, et que le bénéfice de BGL serait de 66% en 2016 et 54% en 2017, selon la thèse exposée en page 9) , puisque d’une part, le chiffre d’affaires inscrit dans les comptes est évidemment supérieur aux

prestations facturées et seulement la moitié est facturée aux sociétés du groupe X, d’autre part, BGL ne réalise pas 54%, voire 66% de bénéfice mais environ 40% en 2016 et environ 18% en 2017, ce qui est normal pour une société gérant des droits de propriété intellectuelle. Les chiffres présentés par l’administration sont aberrants, mais le juge qui doit procéder à au contrôle effectif des pièces n’a pas relevé cette aberration.

Absence de présomptions .

Selon la thèse de l’administration fiscale, BGL développerait sur le territoire national une activité de gestion de droits de propriété intellectuelle. L’appelante apporte des arguments et des pièces à l’appui pour contester les prétendues présomptions de cette activité sur le territoire national :

— 

le fait que’BGL réalise un chiffre d’affaire composé de redevances liées à l’exploitation de la

marque’ ne constitue pas un indice de fraude puisque BGL a été créée dans un pays de l’union européenne pour gérer la marque X dans le cadre du développement international de celle-ci , elle a acquis le droit d’exploitation de la marque ( l’accord de cession d’un contrat de licence est produit).

— le fait que monsieur Z de I-J soit désigné comme 'l’homme clé’est contestable car BGL est dirigée par deux administrateurs de catégorie A. Les administrateurs de catégorie B résidant en France n’ont pas de pouvoir de décision, Monsieur de I -J, qui a une activité internationale, se déplace constamment dans le monde pour développer l’activité internationale du groupe , il séjourne parfois en France

— l’affirmation selon laquelle 'BGL réalise l’essentiel de son CA à destination de la France et minore son CA ': cela est contesté et cette assertion est fausse du fait d’une mauvaise lecture des comptes sociaux de BGL.

— l’affirmation selon laquelle 'BGL n’apparait pas disposer au Luxembourg des moyens humains et matériels suffisants', est fausse, il est produit le contrat de travail et les bulletins de salaire de madame Y , domiciliée au Luxembourg ,qui assure son rôle d’administratrice et non de simple exécutante, ainsi que les contrats de travail et les bulletins de salaire de deux autres salariés embauchés en qualité de chargé de communication / publicité internationale de façon successive en 2016 et 2018 .Ainsi la présence de 2 salariés à temps plein est suffisante s’agissant d’une activité de gestion des droits de marque, et cela d’autant plus la pièce N° 2 permet d’établir que les dépenses de personnel de BGL en 2018 s’élevaient à 100.000 euros, ce que le juge n’a pas vérifié. L’assertion de l’administration selon laquelle BGL n’a qu’une domiciliation et une assistante pour renvendiquer 'une substance’ n’a pas été vérifiée par le juge et ne constitue pas une présomption sérieuse.

— l’affirmation selon laquelle 'l’activité de communication/ Marketing de BGL est présumée être assurée par la société française X’ est fausse, en effet les relations entre X et BGL sont transparentes et font l’objet de conventions réglementées, les sommes payées à ce titre par BGL à X entrent dans le Chiffre d’affaire de cette dernière et sont soumises à l’IS en France, cela est habituel et licite entre les sociétés d’un groupe, qu’il soit national ou international.

Ainsi le contrôle effectif du juge aurait permis de constater que les prétendues présomptions ne sont que des assertions fauses ou dénuées de lien avec une prétendue fraude.

2 ' Nullité de l’ordonnance en raison de l’absence de présentation par l’administration de tous les éléments en sa possession

L’obligation de présenter tous les éléments en possession de l’administration

Selon l’article L. 16 B du LPF, la demande d’autorisation « doit comporter tous les éléments d’information en possession de l’administration de nature à justifier la visite ».

La demande d’autorisation ne comportait pas en l’espèce tous les éléments d’information en possession de l’administration

Il est fait valoir que la décision d’admission partielle au maximum (lettre 4135) en date du 25 avril 2019 n’est pas jointe à la requête, alors que la pièce n° 28-2 la mentionne.

Il est soutenu que cette décision de rejet concernant la TVA déductible de 63 985,05 € était notamment fondée sur le fait que BGL était une société établie au LUXEMBOURG et qu’à ce titre, la TVA facturée par des prestataires français devait être auto-liquidée au LUXEMBOURG et ne pouvait donc pas donner lieu à un remboursement par les autorités françaises.

Ainsi, l’administration n’a pas communiqué cet élément à décharge en sa possession.

L’ordonnance conclut que 'compte tenu des écarts constaté en 2016 et 2017 entre les prestations de services intracommunautaires facturés et le chiffre d’affaires mentionné sur les comptes sociaux déposés par X Global licensor SA pour ces mêmes années, cette dernière est présumée minorer son chiffre d’affaires'. Selon l’appelante cela est faux puisque le chiffre d’affaires de BGL n 'est pas celui annoncé par l’administration fiscale.

Le juge dans son ordonnance a écrit à deux reprises que BGL était présumée se soustraire ' au paiement de l’impôt sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d’affaires, en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts’ sans préciser à quels éléments il fait référence pour qualifier ces manquements, ainsi le juge n’a pas rempli son obligation d’indiquer les éléments de fait et de droit qu’il retient pour motiver sa décision.

En conclusion, il est demandé à la Cour d’appel d’annuler l’ordonnance du JLD du TGI de PARIS du 12 juin 2019 et de condamner la DGFP à payer à la société X GLOBAL LICENSOR la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d’appel de PARIS le 31 janvier 2020, soutenues à l’audience du 17 juin 2020, l’administration fait valoir :

L’administration effectue un rappel préalable de la procédure (1) et dans la discussion ( 2) un rappel préalable des faits (2.1) avec les éléments retenus par le juge pour autoriser la mise en oeuvre d’une procédure de visite domiciliaire ( a) et les conditions de l’article L16B pour autoriser les visites domiciliaires (b) .

2.2 sur l’argumentation de l’appelante.

a ' Sur la rédaction de l’ordonnance

Selon une jurisprudence constante, les motifs et le dispositif de l’ordonnance rendue en application de l’article L. 16 B du LPF sont réputés établis par le juge qui l’a rendue et signée et cette présomption ne porte pas atteinte aux principes d’impartialité et d’indépendance du juge qui statue sur requête, dans le cadre d’une procédure non contradictoire.

b ' Sur les erreurs dans le texte de l’ordonnance

La requérante fait état de ce que le texte de l’ordonnance comprendrait plusieurs erreurs factuelles,

relevées à la lecture des pièces joints à la requête et de leur descriptif. Il est d’abord fait observer que ces erreurs purement matérielles (dates de consultation d’un site, date de signature d’une attestation…) ne font aucunement grief à l’appelante.

Par ailleurs, la Cour de cassation subordonne la sanction d’une absence de communication d’éléments dont l’administration avait connaissance à la condition que ces pièces aient été de nature à remettre en cause l’appréciation des éléments de fraude par le juge.

Il est argué que la présence d’un élément erroné n’est pas systématiquement susceptible d’entraîner l’annulation de l’ordonnance.

En effet, conformément à une jurisprudence établie, dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel, le Premier président doit rechercher si la requête ne contient pas d’autres éléments laissant présumer des agissements frauduleux. L’arrêt de la Cour de cassation du 18 décembre 2012 cité a rappelé l’obligation du premier président de 'rechercher si en dépit d’inexactitudes et d’incohérences supposées relevées dans la requête, cette dernière ne contenait pas d’autres éléments laissant présumer la fraude dont était suspectée la société'

S’agissant plus particulièrement des résultats déclarés par la société X GLOBAL LICENSOR au LUXEMBOURG, il est fait observer que si le montant du chiffre d’affaires tel que communiqué par l’appelante à l’appui de ses conclusions, est supérieur à celui dont l’administration a fait état, cet élément ne fait que renforcer les présomptions de fraude.

Il est rappelé que selon les éléments factuels retenus par le JLD, la SA X GLOBAL LICENSOR n’apparaît pas disposer au LUXEMBOURG des moyens humains et matériels suffisants et nécessaires à la réalisation de son objet social pour le niveau de chiffre d’affaires et des résultats qu’elle déclare. Or, cet élément se trouve nécessairement renforcé si le chiffre d’affaires effectivement réalisé par la société est supérieur à celui indiqué par l’administration.

Au contraire, l’activité de communication/marketing du groupe X, facturée par X GLOBAL LICENSOR via des redevances de communication, est présumée être assurée par la SAS X qui dispose, sur le territoire national, à travers d’un groupe salarié et/ou de consultants indépendants très étoffé, de moyens humains et matériels conséquents, contrairement à la société X GLOBAL LICENSOR, dont les moyens d’exploitation sont plus que limités pour assurer la communication d’un groupe international tel que X pour le niveau d’activité qu’elle déclare.

Par ailleurs, il est souligné que la présomption d’exercice d’une activité professionnelle par la société BGL en FRANCE existe indépendamment du montant de son chiffre d’affaires déclaré au LUXEMBOURG.

c ' Sur l’élément à décharge qui n’aurait pas été communiqué

Il est fait valoir que s’agissant de l’examen de la demande de remboursement de la TVA, l’administration ne procède à aucun contrôle formel.

En l’espèce, c’est au vu de la situation déclarée par la société X GLOBAL LICENSOR que l’administration s’est prononcée : s’agissant d’une société luxembourgeoise, la TVA qui lui est facturée par des prestataires français doit être auto-liquidée au LUXEMBOURG.

Il est rappelé que la présente procédure et les présomptions retenues par le JLD visent justement à remettre en cause cette situation telle que déclarée par la société.

En conclusion, il est demandé de :

— confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du JLD du TGI de PARIS ;

— rejeter toutes autres demandes, fins et conclusions ;

— condamner l’appelante au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.

SUR CE

1 ' sur la nullité de l’ordonnance en raison de l’absence de vérification concrète par le juge de la demande d’autorisation et de l’absence de motivation.

Il résulte des conclusions de l’appelante et des échanges à l’audience que de nombreuses pièces auxquelles se réfère le juge des libertés et de la détention pour motiver son ordonnance sont inexactes ou erronées : pièce 4-7-39 (date de consultation ou d’édition erronée), pièces 7-42 (erreur de date de signature), pièces 17 -29 (erreur de dates portant sur des périodes de faits rapportés), pièce 40 (absence de valeur probante), que l’administration fiscale à l’audience n’a pas contesté les erreurs relevées qu’elle qualifie d’ 'erreurs matérielles’ qui ne font pas grief.

En l’espèce, l’appelante relève que des présomptions essentielles de l’administration (Chiffre d’affaire réel minimisé, évolution du bénéfice de la société ) reposent sur des données chiffrées inexactes, que l’administration a fait une confusion entre 'le chiffre d’affaires’ et le’ résultat brut’ , que dans la page 9 de l’ordonnance la thèse exposée fait état de chiffres erronés, que la simple consultation de la pièce numéro 2 annexée à la requête (compte déposé par la société BGL) permettait de repérer l’erreur de l’administration dans sa requête, qu’il résulte de la lecture de la pièce 1 produite par l’appelante (attestation de l’expert comptable de BGL) que celle-ci contredit les affirmations de l’administration concernant les chiffres et le calcul du pourcentage des bénéfices, que si le juge avait effectué une vérification précise et in concreto des pièces, il aurait relevé les erreurs et ne les aurait pas reproduite dans son ordonnance, que les erreurs réitérées concernant plusieurs pièces reproduites dans l’ordonnance sont de nature à remettre en cause l’appréciation des éléments de fraude par le juge.

Il en résulte que le juge des libertés et de la détention n’a manifestement pas examiné les pièces remises par l’administration, sans quoi il aurait relevé des inexactitudes et erreurs matérielles, qu’il n’a donc pas obéi aux prescriptions de l’article L16B qui prévoit que 'le juge doit vérifier de manière concrête que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée’ .

Ainsi, les pièces 4- 7- 17-29 -39-40-42 citées par l’ordonnance sont inexactes ou erronées et ne peuvent plus être évoquées à l’appui de la requête de l’administration, les pièces 11 à 41 sont des pièces visant à établir les liens commerciaux entre et la SA BGL, la SAS X et d’autres sociétés pour justifier les visites dans des lieux susceptibles d’être occupés par ces entités, que les pièces 6, 7, 8, 9 , 15, 16, 34, 14, 28-2, 40 concernent les lieux occupés par Monsieur Z de I J et ses déplacements privés et professionnels justifiés selon l’appelante du fait des activités internationales de la société qui imposent de nombreux déplacements de la part de monsieur Z de I J , les pièces 1, 2, 3-1, 3-2, 5, 6, 9, 10 ,11 15, 17 sont des pièces comptables et fiscales connues de l’administration fiscale concernant la société X Global Licensor qui n’apportent aucun élément concernant la présomption de fraude, qu’en revanche l’appelante produit des pièces attestant de l’activité professionnelle soutenue et réelle de Madame B Y, de K G et de E F auprès de la société BGL SA (pièce N°3) qui contredisent la thèse de l’administration selon laquelle BGL ne dispose pas au Luxembourg de moyens matériels et humains suffisants à la réalisation de son objet social.

Ainsi en plus des inexactitudes et incohérences relevées dans la requête présentée par l’administration et reprises dans l’ordonnance signée par juge des libertés et de la détention, il convient de relever, du fait de l’effet dévolutif de l’appel, qu’aucun autre élément laisse présumer la

fraude dont était suspectée la société BGL.

Ce moyen sera déclaré recevable

Dès lors et sans qu’il y ait lieu d’examiner le second moyen proposé, il convient de prononcer l’annulation de l’ordonnance du 12 juin 2019 rendue par le Juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris.

Les circontances de la procédure ne justifient pas qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en dernier ressort:

—  Annulons en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de PARIS en date du 12 juin 2019 ;

— Déclarons nulles les opérations de visite et saisies subséquentes ;

— Rejetons toute autre demande ;

—  Disons n’ y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

- Disons que la charge des dépens sera supportée par la Direction Générale des Finances Publiques.

LE GREFFIER

M N

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

AC AD-AE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 16 septembre 2020, n° 19/11386