Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 17 décembre 2020, n° 18/27910

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 - ch. 7, 17 déc. 2020, n° 18/27910
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/27910
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Melun, EXPRO, 19 septembre 2018, N° 17/00040
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

République française

Au nom du Peuple français

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 7

ARRÊT DU 17 Décembre 2020

(n° 129 , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 18/27910 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B64Y2

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Septembre 2018 par le juge de l’expropriation de Melun RG n° 17/00040

APPELANTS

Monsieur Z X

[…]

[…]

Non comparant, représenté par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010 substituée par Me Michaël GRIENENBERGER-FASS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1441

Madame C A E épouse X

[…]

[…]

Non comparante, représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010 substituée par Me Michaël GRIENENBERGER-FASS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1441

INTIMÉES

DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES TRÉSORERIE GÉNÉRALE DE SEINE ET MARNE

France Domaine

[…]

[…]

représentée par Mme Nathalie LAURENT, comparante en visio conférence, en vertu d’un pouvoir général

ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D’ILE DE FRANCE (EPFI

[…]

[…]

représentée par Me Barbara RIVOIRE de la SCP SARTORIO LONQUEUE SAGALOVITSCH & ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0482 substituée par Me Jonathan AZOGUI, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Septembre 2020, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Hervé LOCU, président

Marie-José DURAND, conseillère

Gilles MALFRE, conseiller

Greffier : Mme Marthe CRAVIARI, lors des débats

ARRÊT :

—  CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Hervé LOCU, président et par Mme Marthe CRAVIARI, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par arrêté préfectoral du 31 octobre 2016 les travaux et les acquisitions foncières nécessaires à la réalisation de l’opération de renouvellement urbain du quartier «'Les Fontaines'» situé sur la commune de Savigny Le Temple ont été déclaré d’utilité publique au profit de l’EPFIF.

L’ordonnance d’expropriation a été rendue le 1er décembre 2016.

Sont notamment concernés par l’opération M. Z X et C A E épouse X propriétaires du lot n°9 de la copropriété immobilière abritant l’actuel centre commercial des Fontaines sur la parcelle […], lieu-dit «'Les Régalles'».

Il s’agit d’un local commercial de 42m² dont à l’avant un espace vente et l’arrière, rehaussé de quelques marches, un box bureau et sanitaires ; les sols carrelés, les murs peints, les plafonds en dalles et les huisseries sont en bon état d’entretien.

La parcelle est classée en zone UD du PLU, soit une zone urbanisée.

La date de référence fixée par le 1er juge est celle du 26 juin 2015, date à laquelle la dernière

modification du plan local d’urbanisme intéressant la zone en cause est devenue opposable aux tiers.

Faute d’accord sur l’indemnisation l’EPFIF a, par mémoire visé au greffe le 14 novembre 2017, saisi le juge de l’expropriation de Seine et Marne.

Par jugement du 20 septembre 2018 et celui rectificatif rendu le 18 octobre 2018, après transport sur les lieux le 16 mars 2018, le juge de l’expropriation a :

— fixé l’indemnité de dépossession à la somme de 54 130 euros ;

— condamné l’EPFIF à verser aux consorts X la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile';

— dit que les dépens seront laissés à la charge de l’autorité expropriante en application des dispositions de l’article L 312-1 du code de l’expropriation.

Les consorts X ont interjeté appel le 12 décembre 2018 des jugements susvisés.

Pour l’exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

- déposées au greffe, par les consorts X, appelants, le 12 mars 2019, notifiées le 20 mai 2019 (AR du 27 mai 2019), le 24 juillet 2019, notifiées le 24 juillet 2019 (AR du 30 juillet 2019) aux termes desquelles ils demandent à la cour :

— de réformer dans sa totalité le jugement rendu';

— de fixer l’indemnité principale à la somme de 120 000 euros';

— de fixer l’indemnité de remploi à la somme de 12 000 euros';

— de condamner l’autorité expropriante à leur verser une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’au titre des frais de procédure en appel';

— de condamner l’autorité expropriante aux entiers dépens';

- adressées au greffe, par l’EPFIF, intimé et appelant incident, le 5 juin 2019, notifiées le 6 juin 2019 (AR du 13 juin 2019 et AR du 12 juin 2019), aux termes desquelles il demande à la cour de :

— réformer le jugement rendu';

— fixer les indemnités d’expropriation à la somme totale de 56 000 euros, se décomposant comme suit':

—  50 000 euros au titre de l’indemnité principale';

—  6 000 euros au titre de l’indemnité de remploi';

— condamner les consorts X à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile';

— de condamner les consorts X aux entiers dépens de l’instance ;

- adressées au greffe, par le Commissaire du gouvernement, intimé et appelant incident, le 21 juin 2020, notifiées le 23 juillet 2019 (AR au 30 juillet 2019 et 5 août 2019), aux termes desquelles il demande à la cour de':

— déclarer l’appel des consorts X recevable';

— de réformer le jugement pour non-respect de l’article R311-22 du Code de l’expropriation et ainsi allouer aux consorts X une indemnité totale de 56 440 euros.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Les consorts X font valoir que':

— le jugement doit être infirmé sur deux motifs : pour méconnaissance des dispositions de l’article R.311-22 du Code de l’expropriation du fait d’une indemnité allouée inférieure à celle proposée par l’expropriant et le commissaire du gouvernement (qui était de 56 000 euros)'; et pour erreur d’évaluation de la valeur du bien.

Sur ce second motif':

— premièrement, il est question de l’absence de prise en compte de la rentabilité du bien,

— il y a lieu de critiquer la seule utilisation de la méthode par comparaison du fait qu’il existe un manque de prise en compte de la rentabilité du bien exproprié, sur la base des articles L.321-1 et L.322-41 du Code de l’expropriation ;

— ils fondent leur argumentaire sur une «'rentabilité totale'» par un flux régulier de loyers depuis 10 ans d’un montant de 9 820, 20 euros par an, justifiant la somme de 120 000 euros sur une évaluation d’un expert immobilier près la cour d’appel de Paris, ce dernier ayant complété la méthode par comparaison par la méthode de valorisation à partir du loyer et d’un taux de capitalisation considéré comme adapté au bien en l’espèce ;

— En outre, il y a lieu de critiquer la pertinence des dix termes de comparaisons retenus par le juge en première instance (pas de mention de loyers pour huit d’entre eux, cas de locaux libres sans date de dernière occupation pour sept d’entre eux, puis pas de mention de la nature de l’affectation pour six d’entre eux) ;

— surtout, ils revendiquent être l’objet d’une «'méthode bien connue et efficace des expropriants » consistant à conclure des accords amiables à bas coût pour les biens de faible valeur afin de constituer des termes de comparaison profitables pour eux';

— ils justifient la rentabilité du bien en apportant aux pièces (dans les conclusions du 24 juillet 2019) le bail conclu le 4 décembre 2014 entre l’appelant et l’ancien preneur, mentionnant un loyer de 818,40 euros mensuel.

L’EPFIF répond que':

— concernant l’évaluation du bien exproprié':

— le bien exproprié doit être estimé à la date de l’ordonnance d’expropriation du 1er décembre 2016'; il souligne que les appelants continuent de percevoir les loyers versés malgré l’annulation de la préemption ;

— il ne conteste pas que le jugement a méconnu l’article R.311-22 du même Code par la fixation d’une

indemnité ultra petita ;

— sur l’évaluation du bien, il prend en compte cinq caractéristiques au sein de la méthode par comparaison (locaux commerciaux, situés dans le centre commercial Les Fontaines, en zone UD secteur c1, implantés au rez-de-chaussée ou au premier étage, libre ou occupé) ;

— à la suite de la comparaison de 9 biens libres et de 4 biens occupés, il arrive à une fourchette de 912,50 euros/m² à 1194 euros/m² pour les biens libres et 790 euros/m² à 1565euros/m² pour les biens occupés ;

— il propose donc de prendre la somme de1150 euros/m² comme valeur à retenir donnant ainsi 42m² x 1 150euros/m² = 48 300 euros ce que retient aussi le commissaire du gouvernement, et ce arrondi à 50 000 euros, et propose une indemnité de réemploi de 6 000 euros ;

— concernant la critique des arguments de la partie appelante':

— il rejette toute invocation de la méthode par capitalisation du rendement locatif car':

— il existe des mutations utiles relatives à des cessions similaires ;

— cette dernière méthode est très incertaine, trop éloignée de la réalité économique et se fonde donc sur trop d’éléments incertains manquants de précision et d’objectivité ;

— la jurisprudence l’écarte souvent du fait de son caractère incertain et arbitraire (ex : CA, Aix-en-Provence ; 6 mai 2010, 2010/30 et surtout CA Paris 11 octobre 2018 17/09605) ;

— il y a eu de critiquer l’absence de preuve concernant le loyer attestant de la rentabilité du bail ;

— le prix proposé par l’expert de la partie appelante conduit à une valeur vénale unitaire considérée comme «'hors marché'» par le commissaire au gouvernement ;

— le premier juge ne fit pas d’erreur sur le fondement de l’article L.332-8 du même Code du fait que la Cour de Cassation ait créé, une «'obligation de prise en compte'» des accords amiables «'peu important leur nombre'» (Cass. 3e civ., 10 mars 2009, 08/12284) ;

— les accusations par les appelants d’acquisitions forcées sont sans fondement et doivent être écartées, ces ventes ayant été faites sous le droit de préemption de la personne publique ce qui n’est pas assimilable à une cession forcée ;

— concernant l’entretien du bail :

— il revendique n’avoir émis aucune critique sur ce point, ce que l’absence d’abattement pour insalubrité démontre, alors même qu’il existe des difficultés d’accès à la seconde partie du local et l’absence de réserve ou de cave selon le propre expert de l’appelant ;

— malgré cela, l’intimé souligne avoir retenu la valeur de référence dans la fourchette haute mélangeant biens libres et biens occupés ; caractéristiques qui, au vu des circonstances n’influent pas ;

— les appelants ne proposent pas d’autres termes de référence récents pour corroborer leurs propos ;

Le Commissaire du gouvernement soutient que':

— la date de référence à retenir est le 26 juin 2015 par combinaison des articles L. 322-2 du même

Code et article L. 213-4 du Code de l’urbanisme ;

— la méthode d’évaluation par capitalisation doit être rejetée sur le fondement des dates éloignées, ce que fit la cour d’appel de Versailles pour une affaire similaire (3 juillet 2018, 16/04855) ;

— la méthode par comparaison est suffisante et doit être retenue ;

— la valeur de 1200 euros/m² retenue par le commissaire du gouvernement en première instance est cohérente ;

— l’indemnité totale d’éviction doit être de 56'440 euros, calculée comme suit': 1200euros/m² x 42m² = 50 400 euros pour l’indemnité principale et 3 540 euros pour l’indemnité de réemploi.

SUR CE, LA COUR

- Sur la recevabilité des conclusions

Aux termes de l’article R31126 du code de l’expropriation modifié par décret N°2017891 du 6 mai 2017 article 41 en vigueur au 1 septembre 2017, à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu’il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel.

À peine d’irrecevabilité, relevée d’office, l’intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu’il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L’intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l’ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d’exemplaires qu’il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l’espèce, les conclusions des consorts X du 12 mars 2019, de l’EPFIF du 5 juin 2019, et du commissaire du gouvernement du 21 juin 2019 adressées ou déposées dans les délais légaux sont recevables.

De même, les conclusions hors délai des consorts X du 24 juillet 2019 ne sont qu’une réplique aux conclusions de l’EPFIF et du commissaire du gouvernement intimés et appelants incidents, elles ne formulent aucune demande nouvelle, et donc sont recevables.

- Sur le fond

Aux termes de l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ratifiée ayant force de loi en France, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en

vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la réserve d’une juste et préalable indemnité.

L’article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique , et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l’article L321-1 du code de l’expropriation, les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.

Conformément aux dispositions de l’article L322-2, du code de l’expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération – sous réserve de l’application des articles L322-3 à L322-6 dudit code – leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L’appel des consorts X porte sur la méconnaissance par le juge de première instance des dispositions de l’article R.311-22 du Code de l’expropriation et sur l’évaluation de la valeur du bien ; les appels incidents de l’EPFIF et du commissaire du gouvernement ont trait à l’évaluation du bien exproprié.

S’agissant de la date de référence, l’EPFIF et le commissaire de gouvernement s’accordent à la situer en application des dispositions des articles L.2136 et L.2134 du code de l’urbanisme au 26 juin 2015, les consorts X n’ont pas conclu sur ce point. La date de référence est exactement fixée au 26 juin 2015 par le premier juge en application des articles susvisés.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

S’agissant des données d’urbanisme, le bien est située en zone Udcl du plan local d’urbanisme de la commune ; la zone UD correspond aux quartiers nord urbanisés de la commune en logements, bureaux, commerces, services et équipements publics et la zone Udcl couvre spécifiquement le périmètre de renouvellement urbain des Fontaines.

S’agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s’agit de la date du jugement de première instance, soit le 20 septembre 2018.

- Sur la méconnaissance des dispositions de l’article R 311-22 du code de l’expropriation'

Toutes les parties ont interjeté appel du jugement afin d’obtenir la réformation de celui-ci en ce qu’il a violé les dispositions de l’article R 311-22 du code de l’expropriation qui dispose que':

«'Le juge statue dans la limite des prétentions des parties, telles qu’elles résultent de leurs mémoires et des conclusions du commissaire du Gouvernement si celui-ci propose une évaluation inférieure à celle de l’expropriant (') » .

Il en résulte que le juge de l’expropriation ne peut accorder une indemnité inférieure à celle proposée par l’expropriant ou le commissaire du gouvernement.

Or, en l’espèce, le juge de l’expropriation de 1re instance a fixé l’indemnité principale à 48 300 € et 1'indemnité de remploi à 5 830 €, soit un total de 54 130 €, alors que tant l’expropriant que le commissaire du gouvernement proposaient une indemnité de d’éviction de 56'000 € soit 50 000€ pour l’indemnité principale et 6 000 € pour l’indemnité de remploi.

Le jugement qui n’a pas respecté l’article R 311-22 précité est donc réformé sur ce point.

- Sur l’évaluation de la valeur du bien exproprié

Les consorts X demandent la réformation du jugement en ce qu’il a fixé l’indemnité d’éviction en se fondant uniquement sur la méthode de comparaison basée sur les termes proposés par l’EPFIF et le commissaire du gouvernement.

Ils soutiennent que c’est à tort que le juge de 1re instance a rejeté la méthode de valorisation à partir du loyer et d’un taux de capitalisation, méthode qui prend en compte la rentabilité du local exproprié.

Le juge de 1re instance a effectivement rejeté cette méthode au motif qu’elle «'se fonde sur le bail consenti à la société SGTA qui selon 1'acte notarié du 26 janvier 2016 n’a jamais été suivi d’effet, et sur un taux de rendement non justifié'».

L’EFPFIF et le commissaire du gouvernement, intimés et appelants incident ont conclu à la confirmation de ce point du jugement.

Conformément à ce que soutiennent les consorts X, le bail consenti à la société SGTA le 26 janvier 2016 a été suivi d’effet, car il ressort que les parties ont respecté leurs obligations et l’intervention de la préemption de la commune qui s’est avérée illégale (pièce n°8 de l’appelant) ne suffit pas à rendre le bail sans effet.

Cependant, la méthode de valorisation à partir du loyer nécessite la production d’éléments tangibles et concrets permettant de fixer avec le plus de précision possible le taux de capitalisation applicable.

Or, ce n’est pas le cas en l’espèce puisque les appelants invoquent un taux de capitalisation aléatoire et arbitraire fondé sur des éléments non chiffrés.

En effet, les justificatifs au taux de capitalisation, bien qu’ils soient invoqués par un expert immobilier près de la Cour d’appel de Paris, manquent de pertinences et d’objectivité.

La pièce 7 produite par A. B. Expertises fait état en effet de taux de rendement locatif «'prime'» au 1er avril 2015. Or, cette date est assez éloignée de la date de valorisation du bien et mêle des situations très différentes (secteur parisien, 1re couronne, 2e couronne, France entière').

L’expert mandaté par les appelants retient un taux de capitalisation de 8 % pour les revenus bruts et 7,50 % pour les revenus nets, sans justifier avec précision la méthodologie déployée.

Il convient donc d’écarter la méthode de valorisation à partir du loyer et d’appliquer la seule méthode de comparaison.

Concernant l’état du local exproprié, les consorts X considèrent à tort que le local est libre bien qu’ils continuent de percevoir des loyers de la part de la commune après que la préemption de cette dernière soit déclarée illégale.

En effet, d’une part les consorts X ne peuvent prétendre que le bail a été suivi à la fois par le précédent locataire puis maintenant par la commune et prétendre ensuite que le local est libre de toute occupation.

D’autre part, bien que la préemption de la commune ait été déclarée illégale, le maintien dans le local en contrepartie de paiement du loyer initial, démontre l’existence d’un bail implicite dont le consentement des consorts X se manifeste par l’absence d’actions pour la libération du local.

Par conséquent, les références seront retenues en valeur occupée.

Pour l’application de la méthode de comparaison globale, il convient d’examiner les références des parties :

- Les références des consorts X

Le juge de 1re instance a retenu à bon droit que les références T5 à T10 produites par l’exproprié au profit d’autres acquéreurs que l’EPPIF qui dégagent un prix unitaire moyen de 1530 euros sont trop anciennes, de plus de cinq ans car datant des années 2002 à 2011, de sorte que ces références seront écartées.

Le terme T4 de novembre 2014 bien qu’étant relativement récent vis-à-vis de la date d’estimation du bien qui se situe au 20 septembre 2018 sera écarté, car il concerne un bien libre qui n’est donc pas comparable au bien exproprié évalué en valeur occupée.

Les 3 premiers termes qui datent de 2015 et qui concernent des biens occupés, comparables, seront retenus.

La moyenne du prix au m² des termes des consorts X retenus est la suivante':

(714 € + 1088 € + 1096 €) / 3 = 966 €

- Les références de l’EPFIF

Référence des biens libres

Les 9 premières références de l’EPFIF relatifs à des biens libres ne sont pas comparables donc seront écartées.

Référence des biens occupés

Les 4 références relatives aux biens occupés comparables, étant situées Place des Fontaines comme le bien évalué, seront quant à elles retenues pour le calcul du prix au m² du bien exproprié.

La moyenne du prix au m² des termes de l’EPFIF retenus est la suivante':

(1096 € + 790 € + 1215 € + 1565 €) /4 = 1 166 €/m².

- Les références du commissaire du gouvernement':

Il propose 7 références':

L’ensemble des termes proposés par le commissaire du gouvernement concerne des ventes récentes de locaux occupés et comparables donc sera retenu.

La moyenne est de (1215 € + 1096 € + 1565 € +1250€ +1111€ +1040 € + 1289€) / 7 = 1223 €.

En conséquence la moyenne générale est de':

(966 € + 1166 € + 1223 €) / 3 = 1118 euros/m².

Cependant, il convient de tenir compte des facteurs de plus-value suivants':

— l’activité d’assurance exploitée dans le local exproprié, bien plus lucrative que l’activité de tabac, de salon de coiffure etc., exploitée dans les locaux dont les termes ont été retenus,

— la localisation du local,

— la nature du locataire,

— la qualité de l’emplacement.

Il y a eu de tenir également compte des éléments de moins-value suivants relevés par l’expert des expropriés':

— accessibilité de la seconde partie des locaux,

— absence de réserve et de cave (pièce 07).

Les éléments de plus-value étant supérieurs aux éléments de moins-value, il convient de retenir un prix au m² supérieur à la moyenne, soit 1300 euros.

En conséquence, la Cour fixe le montant de l’indemnité devant revenir aux consorts X comme suit':

42 m² x 1300 € = 54 600 €.

Le jugement sera donc infirmé en ce sens.

- Sur l’indemnité de remploi

L’indemnité de remploi doit quant à elle être calculée conformément à l’article R 322-5 du code de l’expropriation, sur le montant de la seule indemnité principale':

—  20 % pour la fraction de l’indemnité principale inférieure à 5 000 € :

5 000 € x 20 % = l 000 €

—  15 % pour la fraction comprise entre 5 000 € et 15 000 € :

10 000 € x 15 % = 1 500 €

—  10 % pour le surplus : (54'600 -15 000) x 10 % = 3 960 €,

Soit au total': 6 460 €.

Le jugement sera donc infirmé en ce sens.

L’indemnité totale de dépossession en valeur occupée est de 54 600 euros (indemnité principale) + 6 460 €(indemnité de remploi) = 61 060 euros, arrondie à 61 100 euros.

- Sur l’article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement qui a débouté l’EPFIF de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamné sur ce fondement à payer la somme de 5 000 euros aux consorts X.

L’équité commande de condamner l’EPFIF à payer aux consorts X la somme de 3'000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

- Sur les dépens

Il convient de confirmer le jugement qui a laissé les dépens de la 1re instance à la charge de l’EPFIF, conformément à l’article L.3121 du code de l’expropriation.

L’EPFIF perdant le procès sera condamné aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe après une prorogation du délibéré, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevables les conclusions des parties ;

Infirme partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau :

Fixe à la somme de 61 060 euros arrondie à 61'100 euros, le montant total du par l’EPFIF à Mme C A E épouse A B et M. Z X pour la dépossession du lot n° 9 de la copropriété des Fontaines assise sur la parcelle AH 262

sise 6 Place des Fontaines, Lieu-dit « Les Régalles » sur la commune de SAVIGNY LE

TEMPLE, se décomposant comme suit :

—  54'600 euros pour le montant total de l’indemnité principale,

—  6 460 euros pour le montant de l’indemnité de remploi,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne l’EPFIF à payer aux consorts X la somme de 3'000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Condamne l’EPFIF aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 17 décembre 2020, n° 18/27910