Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 8, 9 octobre 2020, n° 19/11582

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 8, 9 oct. 2020, n° 19/11582
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/11582
Décision précédente : Tribunal de commerce d'Évry, 14 mai 2019, N° 2019R00075
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 8

ARRET DU 09 OCTOBRE 2020

(n° 184 , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/11582 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CACRY

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Mai 2019 -Tribunal de Commerce d’EVRY – RG n° 2019R00075

APPELANTS

M. Z X

[…]

[…]

[…]

SARL KEY BISCAYNE ASSET MANAGEMENT agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me E LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée par Me Virginie LARCHERON, avocat au barreau de PARIS, toque : D1802

INTIMEE

SAS CENTTHOR prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

[…]

[…]

[…]

Représentée et assistée par Me Hervé LEHMAN de la SCP LEHMAN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0286

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 septembre 2020, en audience publique, Laure ALDEBERT, Conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Florence LAGEMI, Président,

Thomas VASSEUR, Conseiller,

Laure ALDEBERT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Marie GOIN

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Florence LAGEMI, Président et par Marie GOIN, Greffier.

M. X est au travers de la société holding Key Biscayne Asset Management qu’il a constituée à cet effet, entré au capital de la société Antthik à hauteur de 15%, les 85% restant étant détenus par M. Y fondateur et dirigeant du groupe Antthik.

La société Antthik détient des participations dans différentes sociétés et des filiales dans le secteur de l’aménagement de bureaux et de stands, dont la société Centthor, SAS immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’ Evry qui est filiale à 100%.

Au moment de son entrée au capital de la société Antthik, M. Y et M. X ont établi un pacte d’associés signé le 11 décembre 2009 pour organiser le futur de leurs relations et M. X a été nommé directeur général de la société Centthor en charge de la direction commerciale avec le statut de cadre dirigeant.

Les relations entre M. X et M. Y se sont progressivement dégradées.

Le contrat de travail de M. X a pris fin par l’effet d’un licenciement pour insuffisance professionnelle intervenu le 21 février 2015 que ce dernier a contesté.

Postérieurement au départ de M. X de la société Centthor, le conflit s’est poursuivi.

M. X resté associé au capital du groupe Antthik via la société Key Biscayne Asset Management, reproche à M. Y de prendre délibérément à son insu des décisions contraires à l’intérêt du groupe et de minorer le résultat et la valorisation de sa participation caractérisant, selon lui, des actes d’abus de majorité.

C’est dans ce contexte que M. X et la société Key Biscayne Asset Management ont sollicité par requête l’autorisation, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, d’avoir accès aux données comptables de la société Centthor pour les exercices 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016 et la copie de certaines pièces juridiques.

Par ordonnance du 21 novembre 2017, le président du tribunal de commerce d’Evry a fait droit à cette demande.

Le 8 décembre 2017 la mesure a été exécutée et à la demande de la société Centthor, les documents emportés sous scellés ont été mis sous séquestre.

Par ordonnance de référé du 14 février 2018, le président du Tribunal de commerce d 'Evry a ordonné la levée des scellés et séquestres emportés le 8 décembre 2017 et a débouté la société Centthor de sa demande reconventionnelle en rétractation.

Par arrêt en date du 21 février 2019, la cour d’appel de Paris a annulé l’ordonnance comme résultant d’un excès de pouvoir et a confirmé la décision pour le surplus.

Par acte du 11 mars 2019, la société Centthor a fait assigner M. X ainsi que la société Key Biscayne Asset Management en référé devant le président du tribunal de commerce d’Evry aux fins de rétractation de l’ordonnance du 21 novembre 2017 et restitution des documents.

Par ordonnance rendue le 15 mai 2019, le président du tribunal de commerce d’Evry a :

— renvoyé les parties à se pourvoir au principal ;

— ordonné la rétractation de l’ordonnance sur requête en date du 21 novembre 2017 ;

— ordonné la restitution de toutes pièces, éléments et informations recueillis par l’huissier de justice intervenu au siège de la société Centthor (331 693 135 RCS Evry) le 8 décembre 2017 et ce, sous astreinte de 80 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance;

— interdit à M. X et à la société Key Biscayne Asset Management (518 013 511 RCS Nanterre) d’utiliser de quelque manière que ce soit les pièces, éléments et informations recueillis, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée à compter de la signification de l’ordonnance ;

— réservé le droit de liquider l’astreinte ;

— condamné solidairement M. X et la société Key Biscayne Asset Management à payer à la société Centthor la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 4 juin 2019, M. X et la société Key Biscayne Asset Management ont interjeté appel de la décision dans toutes ses dispositions.

Au terme de leurs dernières conclusions transmises le 5 juillet 2019, les appelants demandent à la cour de :

— les déclarer recevables et bien-fondés en leur appel ;

— infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 15 mai 2019 par le président du tribunal de commerce d’Evry ;

— débouter la société Centthor de toutes ses demandes ;

— In limine litiis, juger que M. X justifie d’un intérêt personnel et patrimonial à agir en tant qu’apporteur des fonds nécessaires à l’augmentation de capital du groupe Antthik avant la reprise des engagements par la société SARL Key Biscayne Asset Management dont il est le gérant ;

— juger que M. X étant signataire du pacte d’associés conclu avec M. Y le 11 décembre 2009, justifie d’un intérêt à agir à l’encontre de la société Centthor ;

— juger que le litige relatif au conflit entre M. X et la SAS Centthor sur le fondement du contrat de travail est indépendant du conflit né de sa qualité d’associé de la société, et relève de deux juridictions d’exception distinctes ;

— constater que la procédure de contestation de licenciement étant devenue caduque, la SAS Centthor était irrecevable à invoquer les griefs existant avec M. X en tant que salarié ;

— juger que la société Key Biscayne Asset Management justifie de sa qualité d’associée du groupe Antthik et donc de la société Centthor ;

En conséquence :

— déclarer la société SARL Key Biscayne Asset Management et M. X recevables et bien fondés à solliciter la mesure d’instruction contestée ;

— infirmer l’ordonnance de référé rendue le 15 mai 2019 en ce qu’elle a ordonné la restitution de toutes pièces, éléments ou informations recueillis par l’huissier de justice sous astreinte de 80 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance et fait interdiction à la société Key Biscayne Asset Management et à M. X d’utiliser de quelque manière que ce soit les pièces, éléments et informations recueillis sous astreinte de 100 euros par infraction constatée à compter de la signification de l’ordonnance ;

— à défaut, si la cour devait déclarer la demande de restitution recevable, débouter la SAS Centthor de sa demande de rétractation de l’ordonnance rendue sur requête le 21 novembre 2017 par le président du tribunal de commerce d’Evry, de sa demande tendant à déclarer non avenue la saisie du 08 décembre 2017 et de restitution des pièces, éléments et informations communiqués à l’huissier de justice au cours de son constat du 08 décembre 2017 et remis en son Etude le 12 décembre 2017 ;

— si toutefois par extraordinaire la cour devait déclarer irrecevable M. X à agir dans la présente instance, elle devra cantonner la réformation de l’ordonnance entreprise sur ce moyen et maintenir ses effets au bénéfice de la société Key Biscayne Asset management;

Sur le fondement de l’ordonnance sur requête :

— d’une part, constater que la communication par la SAS Centthor à la société Key Biscayne Asset Management et M. X des données et les documents emportés le 08 décembre 2017 et réceptionnés le 12 décembre 2017 par la SCP B C & E F, huissiers de justice associés, en exécution de l’ordonnance rendue sur requête le 21 novembre 2017 n’expose pas à un risque de violation d’un secret des affaires ou de la confidentialité ;

— d’autre part, dire que la qualité d’associé de la société Key Biscayne Asset Management et son gérant, M. X, du groupe Antthik et de la SAS Centthor justifie la communication et l’emport des données et des documents dont la liste est fixée à l’ordonnance rendue sur requête le 21 novembre 2017 ;

— dire que la SAS Centthor ne justifiant pas d’un intérêt légitime à solliciter le placement sous scellés ou sous séquestre et la restitution des données et pièces comptables emportées et réceptionnées par la SCP B C & E F, la mesure d’instruction n’expose pas la SAS Centthor à un risque de violation d’un secret des affaires ou de la confidentialité ;

— dire et juger que la mesure d’instruction ordonnée par ordonnance du 21 novembre 2017 ne

constituait pas une mesure d’investigation générale mais une mission limitée dans les documents demandés;

— juger que la SARL Key Biscayne Asset Management et M. X justifiaient des risques graves de dissimulations des éléments de preuve au soutien de leur requête de sorte que l’audit contradictoire était une procédure inadaptée ;

— en conséquence,

— déclarer infondée et débouter la SAS Centthor de sa demande de rétractation de l’ordonnance rendue sur requête le 21 décembre 2017 ;

— débouter la SAS Centthor de sa demande de restitution sous astreinte des pièces, éléments, informations recueillis et documents emportés et communiqués à l’huissier de justice ;

— confirmer l’ordonnance rendue sur requête le 21 décembre 2017 ;

— confirmer l’ordonnance de référé rendue le 14 février 2018 en ce qu’elle a ordonné la levée des scellés et séquestres apposés sur l’ensemble des données et des documents emportés le 08 décembre 2017 et réceptionnés le 12 décembre 2017 par la SCP B C & E F, et obtenus de la SAS Centthor ;

— débouter la société Centthor de sa demande de restitution sous astreinte des pièces, éléments, informations recueillis et documents emportés et communiquées à l’huissier de justice ;

— condamner la société Centthor à payer à la société Key Biscayne Asset Management et à son gérant, D X, la somme de 10.000 euros au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile ;

— condamner la société Centthor à payer à la société Key Biscayne Asset Management et à son gérant, D X, une somme de 10.000 euros « au titre de l’article 699 » du code de procédure civile et aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SELARL BDL Avocats conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Les appelants soutiennent en substance, sur la fin de non recevoir opposée par la société Centthor, qu’ils ont intérêt à agir en qualité d’investisseurs et d’associés du groupe Antthik dès lors que M. X a investi personnellement dans le groupe Antthik par l’intermédiaire de la société Key Biscayne Asset Management, qu’il est signataire et la société Key Biscayne Asset Management partie, du pacte d’associés du 11 décembre 2009 qui consacre leur droit à l’information des comptes de la société Antthik et de ses filiales ;

Ils expliquent qu’ils sont dans une situation de blocage en raison d’un conflit avéré avec M. Y qui dure depuis plusieurs années sur la gestion du groupe Antthik affectant la valorisation des parts sociales en cas de vente, faisant observer que leur requête est sans rapport avec la procédure de contestation du licenciement de M. X.

Ils soutiennent qu’en raison des risques graves de dissimulation des éléments de preuve, un audit contradictoire n’était pas adapté et qu’ils disposent d’un motif légitime avant tout procès au fond à pouvoir obtenir les preuves nécessaires pour connaître la réalité de la situation comptable et financière de la SAS Antthik et de ses filiales, en l’occurrence, la société Centthor dans un contexte où plusieurs actes illicites, abus de biens sociaux, abus de majorité, sont soupçonnés.

Ils ajoutent que les éléments recueillis au cours des opérations de constatation révèlent objectivement des anomalies qui remettent en cause la sincérité et la fiabilité de la comptabilité présentée.

Selon ses dernières conclusions transmises le 14 novembre 2019, la société Centthor demande à la cour de :

— débouter les appelants de l’ensemble de leurs prétentions ;

— confirmer l’ordonnance dont appel en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

— condamner solidairement M. X et la société Key Biscayne Asset Management à lui payer en cause d’appel la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Hervé Lehman, avocat, en application de l’article 699 du même code.

L’intimée soutient que :

— les appelants ne justifient d’aucun intérêt à agir sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, à son encontre dès lors que M. X n’est pas actionnaire de ladite société ni partie au pacte d’associés et que la société Key Biscayne Asset Management est actionnaire de la société Antthik mais pas de la société Centthor ; que l’ordonnance du 21 novembre 2017 a été rendue alors qu’un litige était en cours avec M. X devant une instance prud’homale ;

— aucun élément ni dans la requête, ni dans l’ordonnance du 21 novembre 2017 ne justifiait qu’il soit dérogé au principe de la contradiction, la démonstration réalisée par les demandeurs et tenant aux suspicions d’infractions ne correspondant en réalité qu’à la démonstration du motif légitime ;

— l’ordonnance rendue sur requête l’a été en violation des dispositions statutaires de la société Antthik et s’inscrit dans un contexte dégradé des relations entretenues par M. X.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 1er juillet 2020.

SUR CE, LA COUR

Il convient, à titre liminaire, de dire qu’il n’y a pas lieu à statuer sur la demande tendant à la confirmation de l’ordonnance de référé rendue le 14 février 2018 en ce qu’elle a ordonné la levée des scellés et séquestres apposés sur l’ensemble des données et des documents emportés le 08 décembre 2017 et réceptionnés le 12 décembre 2017 par la SCP B C & E F, huissiers de justice associés, en exécution de l’ordonnance du 21 décembre 2017, la cour n’étant en effet, saisie que de l’appel des dispositions de l’ordonnance de référé du 15 mai 2019.

Sur la recevabilité de la requête

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé.

Selon l’article 31 du code de procédure civile « l''action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. »

Dans l’affaire soumise à l’examen de la cour, la requête afin de mener des mesures d’investigation au siège social de la société Centthor a été formée au nom de M. X à titre personnel et de la

société Key Biscayne Asset Management qui ne sont pas actionnaires de la société Centthor ce qui, selon l’intimée, les rend irrecevables à agir pour défaut d’intérêt et de qualité.

Toutefois, la démonstration d’une qualité n’est pas une condition posée par l’article 145 du code de procédure civile pour obtenir une mesure d’instruction avant tout procès, qui permet une action ouverte à toute personne qui démontre un intérêt à agir, ce dont les appelants justifient.

En effet, il est constant que M. X a investi en numéraire par l’intermédiaire de la société Key Biscayne Asset Management qu’il a créée pour ce besoin, en souscrivant en 2009 à une augmentation de capital de la société Antthik, la holding du groupe dans laquelle il s’est associé avec M. Y.

Au moment de l’entrée au capital de la société Antthik, M. X qui allait apporter son concours en tant que directeur commercial de la société filiale Centthor, a signé personnellement le pacte d’associés daté du 11 décembre 2009, dont l’objet était « de définir les modalités de détention et de gestion des participations détenues par les soussignés dans la société Antthik »(article I du pacte).

Ce pacte officialisait leur intention de s’associer et prévoyait expressément une clause d’audit des comptes du groupe et de ses filiales.

A cet égard le pacte prévoyait un droit d’information renforcé ainsi rédigé (article VII) "l’associé dirigeant (M. Y) et la Société (la société Anttkik) s’engagent à communiquer à l’Investisseur (la société Key Biscayne Asset Management) toutes les informations utiles sur la Société et ses filiales actuelles et futures concernant l’activité, le budget, les comptes sociaux et les prévisions.

En outre l’Investisseur aura la faculté de faire réaliser à tout moment à ses frais un audit de la Société et/ou de ses filiales actuelles et futures en matière juridique, comptable et financière et ou stratégique."

Il résulte de ce qui précède que dans le cadre de ce conflit qui n’a pas trait à la contestation du licenciement de M. X dont la procédure est terminée, mais à un différend entre associés sur la gestion et la valorisation du groupe, M. X en tant qu’investisseur et signataire du pacte d’associés, a un intérêt patrimonial et personnel direct à obtenir des informations sur les comptes de la société Centthor, filiale du groupe Antthik.

Pour les mêmes raisons, la société Key Biscayne Asset Management, actionnaire de la holding Antthik et partie au pacte d’associés au moment de son entrée au capital, justifie également de son intérêt à agir.

Les appelants disposant ainsi d’un intérêt à agir et ayant qualité pour le faire dès lors que l’action prévue à l’article 145 du code de procédure civile n’est pas une action réservée, le moyen d’irrecevabilité soulevé ne peut qu’être rejeté.

Sur la dérogation au principe du contradictoire

En vertu des articles 875 et 145 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut ordonner sur requête une mesure d’instruction lorsque les circonstances exigent qu’elle ne soit pas prise contradictoirement.

L’article 493 du même code précise à cet égard qu’une ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. En vertu de l’article 494 dudit code, la requête doit être motivée.

Il résulte des dispositions qui précédent que la requête doit justifier que la mesure d’instruction demandée soit ordonnée non contradictoirement.

L’éviction du contradictoire, principe directeur du procès, nécessite que le requérant justifie de manière concrète les motifs pour lesquels il est impossible de procéder au cas d’espèce contradictoirement.

Les circonstances qui justifient cette dérogation, doivent être caractérisées dans la requête ou l’ordonnance qui y fait droit qui peut se contenter de s’y référer.

En l’occurrence, la cour relève aux termes de leur requête soumise au président du tribunal de commerce d’Evry le 16 novembre 2017 dont l’ordonnance adopte les motifs, que M. X et la société Key Biscayne Asset Management ne justifient pas d’éléments propres justifiant la dérogation à la procédure contradictoire ou de démonstration de cette nécessité.

En effet, si la requête fait état d’un contexte laissant craindre des actes de gestion illicites et des développements circonstanciés sur le conflit avéré entre associés conduisant M. X et la société Key Biscayne Asset Management à solliciter une mesure d’instruction, s’agissant des éléments propres susceptibles de fonder une dérogation au contradictoire, les requérants se contentent de mentionner « dés lors que la preuve des faits a des risques d’être dissimulée ou cachée par son auteur, il est de l’intérêt de la mesure soit ordonnée de manière non contradictoire et avant tout débat au fond afin d’en assurer la conservation » qui est une déclaration qui n’est étayée par aucune circonstance concrète justifiant que des risques graves de dissimulation existaient.

Les faits circonstanciés qui illustrent la situation de blocage dans laquelle se trouvent les parties, concernent le motif légitime visé par l’article 145 du code de procédure civile et ne contiennent pas d’éléments propres au cas d’espèce justifiant la nécessité de déroger à la procédure contradictoire, étant observé que les parties avaient prévu un droit d’information renforcé dans le pacte d’associés.

Il ne se déduit pas de ce contexte un risque de manipulation ou dissimulation de la comptabilité de la société Centthor, étant observé que ses résultats sont déclarés et intégrés au résultat de la société Antthik en application d’une convention d’intégration fiscale et que les autres documents (factures clients et fournisseurs relatifs aux contrats Renault, au projet COP 21, les baux signés, la procédure de contrôle fiscal ) ne présentent pas un risque de dépérissement.

Au vu de ces considérations, il convient de confirmer l’ordonnance rendue en ce qu’elle a ordonné la rétractation de l’ordonnance sur requête du 21 novembre 2017 et par conséquent l’obligation pour les appelants de restituer les pièces et l’interdiction de les utiliser sous astreinte.

Les astreintes qui sont confirmées dans leur montant seront toutefois fixées à une durée de 5 mois à compter de la signification de l’ordonnance.

Sur les autres demandes

La demande des appelants tendant à l’allocation de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile est infondée et sera en conséquence rejetée.

Le sort des dépens de première instance et de l’indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.

M. X et la société Key Biscayne Asset Management qui succombent en leurs prétentions, seront déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles et condamnés aux dépens d’appel.

A hauteur de cour il sera fait droit à la demande de la société Centthor pour la somme indiquée dans le dispositif.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance entreprise sauf en ses dispositions relatives à la durée des astreintes prononcées ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que les astreintes ordonnées pour la restitution des pièces et l’interdiction de les utiliser, sont fixées pour une durée de 5 mois à compter de la signification de l’ordonnance entreprise ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne M. X et la société Key Biscayne Asset Management à payer à la société Centthor la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d’appel recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

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