Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 3, 21 février 2020, n° 18/23633

  • Sous-location·
  • Logement·
  • Résiliation·
  • Bail·
  • Huissier·
  • Site·
  • Jugement·
  • Constat·
  • Titre·
  • Demande

Chronologie de l’affaire

Commentaires2

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Me Jeremy Mainguy · consultation.avocat.fr · 3 mai 2020

En matière de bail d'habitation, l'article 8 de la Loi du 6 juillet 1989 énonce que le locataire ne peut sous-louer son logement constituant sa résidence principale qu'avec l'accord écrit du bailleur. Le non-respect par le locataire de cette obligation l'expose principalement à deux sanctions : - la résiliation du bail à ses torts exclusifs et son expulsion du logement loué (Cour d'appel de PARIS, Pôle 04 ch. 03, 21 février 2020, n°18/23633) ; - sa condamnation à reverser au bailleur l'intégralité des sous-loyers perçus (Cour de cassation, chambre civile 3, 12 septembre 2019, …

 

Derhy Avocat

2.1 Initialement, condamnation à de simples dommages et intérêts en cas de sous-location Airbnb Avant que les plateformes explosent, le locataire qui sous-louait son appartement sur une plateforme de type Airbnb était condamné à verser uniquement de simples dommages et intérêts à son bailleur. C'est le Tribunal d'instance du 5è arrondissement qui a condamné pour la toute première fois un locataire à payer la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts par un jugement en date du 6 avril 2016. 2.2 Le remboursement des sous-loyers Airbnb ordonné par la Cour de Cassation Deux ans plus …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 - ch. 3, 21 févr. 2020, n° 18/23633
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/23633
Décision précédente : Tribunal d'instance de Paris, 11 janvier 2018, N° 11-17-000131
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 3

ARRÊT DU 21 FEVRIER 2020

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/23633 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6VTT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Janvier 2018 -Tribunal d’Instance de PARIS 19e- RG n° 11-17-000131

APPELANTE

Madame B Y

Née le […] à […]

[…]

[…]

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Cindy MIRABEL, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC402

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/029074 du 17/10/2018 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

SA IMMOBILIERE 3 F

SIRET : 552 141 533

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège :

[…]

[…]

Représentée par Me Judith CHAPULUT de la SELARL KACEM ET CHAPULUT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0220

Ayant pour avocat plaidant Me Chiara TRIPALDI de la SELARL KACEM ET CHAPULUT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0220

INTERVENANTE

Madame F I J épouse X

Née le […] à Levallois-Perret (92309)

[…]

[…]

Défaillante :

Assignation devant la Cour d’Appel de Paris , en date du 24/06/2019, remise à personne

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 Janvier 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Claude TERREAUX, Président de chambre

M. D E , Président de chambre

Mme Pascale WOIRHAYE Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur D E dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Viviane REA

ARRÊT : PAR DEFAUT

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Claude TERREAUX, Président de chambre et par Viviane REA, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 30 janvier 2002, la société d’HLM Immobilière 3 F a donné à bail à Mme B Y un logement de quatre pièces situé […].

Par requête du 27 septembre 2016, la bailleresse a demandé au président du tribunal d’instance de Paris 19e de désigner un huissier de justice afin de déterminer les conditions réelles d’occupation du logement.

Le 12 octobre 2016, Maître K-L, huissier de justice désignée par ordonnance du 30 septembre 2016, a constaté que l’appartement était occupé par une personne de nationalité américaine qui avait loué le logement pour une durée de neuf nuits par l’intermédiaire du site Airbnb.

Par acte d’huissier du 13 décembre 2016, la bailleresse a fait assigner Mme Y devant le tribunal d’instance de Paris 19e afin d’obtenir la résiliation judiciaire du bail pour sous-location prohibée.

Par jugement du 12 janvier 2018, le tribunal a fait droit à cette demande avec toutes conséquences de

droit, a condamné Mme Y au paiement de la somme de 530,42 euros au titre des loyers et charges dus au 31 octobre 2017, d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges, d’une somme de 1 300 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice et d’une somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, a débouté la bailleresse du surplus de ses demandes, a condamné Mme Y aux dépens et a prononcé l’exécution provisoire de la décision.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 6 novembre 2018, Mme Y a interjeté appel de ce jugement.

Par message du 27 mai 2019, Mme M-N, médiateur désignée par ordonnance du 18 avril 2019, a informé la cour de ce que la bailleresse avait refusé la médiation.

Par dernières conclusion notifiées à la société Immobilière 3 F le 4 novembre 2019 et signifiées à Mme F I J épouse X par acte du 22 novembre 2019, l’appelante demande à la cour de :

— acter, avant dire droit, son accord quant au recours à une médiation,

— à titre principal, annuler le jugement entrepris pour non respect du principe du contradictoire et du principe 'non ultra petita',

— à titre subsidiaire, infirmer le jugement,

— en conséquence, débouter la bailleresse de ses demandes et dire qu’elle occupe personnellement et à titre habituel le logement loué,

— à titre principal en cas d’infirmation, dire qu’elle n’a pas personnellement sous-loué l’appartement et condamner sa fille F I J épouse X en ses lieu et place,

— à titre subsidiaire en cas d’infirmation, dire que la sous-location litigieuse du 10 au 19 octobre 2016 ne constitue pas un manquement grave et répété justifiant la résiliation du bail et a fortiori son expulsion et condamner sa fille F X à la relever et garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre,

— à titre infiniment subsidiaire, condamner sa fille F X à la relever et garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre,

— en tout état de cause, condamner la bailleresse à lui rembourser la somme de 872 euros indûment perçue au titre des frais d’huissier non inclus dans les dépens,

— condamner la bailleresse aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par dernières conclusions notifiées le 25 avril 2019, la société Immobilière 3 F demande à la cour de :

— à titre principal, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et débouter Mme Y de ses demandes,

— à titre subsidiaire, en cas d’annulation du jugement, dire que l’appelante n’occupe pas personnellement et à titre habituel le logement loué en contravention avec les dispositions réglementaires régissant les logement sociaux et qu’elle a sous-loué l’appartement en contravention avec les mêmes dispositions,

— en conséquence, prononcer la résiliation judiciaire du bail en application des articles 1728 alinéa 1er et 1741 du code civil, ordonner l’expulsion des occupants du logement, autoriser la séquestration des meubles, dire que l’appelante est redevable des loyers et charges jusqu’à la date de résiliation puis la condamner au paiement d’une indemnité d’occupation fixée au montant de la quittance locative,

— en toutes hypothèses, condamner Mme Y au paiement d’une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens incluant le coût du procès-verbal de constat du 12 octobre 2016 et la signification de l’ordonnance sur requête.

Mme F X, assignée en intervention forcée par l’appelante par acte du 24 juin 2019 remis à sa personne, n’a pas constitué avocat ; le présent arrêt sera donc réputé contradictoire.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 décembre 2019.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient d’observer que la cour n’a pas à prendre acte de l’accord de Mme Y quant au recours à la médiation, le médiateur désigné par ordonnance du 18 avril 2019 ayant d’ores et déjà informé la cour du refus de la bailleresse de participer à ce type de mesure.

Sur la demande de nullité du jugement

Mme Y reproche au premier juge d’avoir motivé sa décision sur les dispositions de l’ancien article 1184 du code civil, alors que la bailleresse avait fondé sa demande sur les dispositions des articles 1728 alinéa 1er et 1741 du même code ; elle soutient qu’il aurait ainsi contrevenu au principe du contradictoire et statué 'ultra petita' en invoquant un texte qui n’avait pas été soumis à la discussion des parties.

Mais, aux termes de l’article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, et doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

En l’espèce, le premier juge pouvait parfaitement choisir un fondement juridique différent de celui mentionné par la bailleresse, dès lors qu’il respectait l’objet du litige, qui était d’obtenir la résiliation judiciaire du bail, et les moyens de droit invoqués par la bailleresse, à savoir la sous-location prohibée et le défaut d’occupation des lieux à titre personnel.

Le fait que le premier juge ait cité l’article 1184 en ses anciennes dispositions, lesquelles n’étaient plus applicables en l’espèce, est sans incidence sur la régularité du jugement dès lors que ces dispositions sont reprises dans les nouveaux articles 1217 et 1224 du code civil, qui prévoient la résolution du contrat en cas d’inexécution de ses obligations par l’une des parties.

Dans ces conditions, la demande visant à obtenir l’annulation du jugement ne saurait aboutir.

Sur la demande de résiliation du bail

Il résulte des attestations des voisins et amis de l’appelante que celle-ci occupait son logement personnellement et de manière habituelle avec sa famille, même si elle effectuait régulièrement des séjours en Tunisie.

En revanche, les pièces produites par la bailleresse démontrent que Mme Y a contrevenu aux dispositions de l’article 8 de la loi du 6 juillet 1989 qui interdit la sous-location sans l’accord du bailleur et à celles de l’article R.353-37 du code de la construction et de l’habitation qui interdit la sous-location dans les logements conventionnés.

En effet, le procès-verbal de constat d’huissier dressé le 12 octobre 2016 par Maître K-L, désignée par ordonnance sur requête du 30 septembre 2016, révèle que l’appartement était alors occupé par M. G H, de nationalité américaine, lequel avait réservé ce logement pour neuf nuits du 10 au 19 octobre 2016 à 172 dollars la nuit pour lui et huit autres personnes ; ce procès-verbal indique que les affaires personnelles de Mme Y étaient entreposées dans une chambre fermée à clé ; il mentionne également que des occupants de l’immeuble ayant gardé l’anonymat ont déclaré à l’huissier que l’appartement était loué régulièrement à des étrangers, de grandes familles en général, et qu’ils ne voyaient quasiment jamais Mme Y.

La consultation du site Airbnb a révélé que l’appartement avait été sous-loué à deux reprises antérieurement au constat précité, deux personnes ayant laissé des commentaires au sujet de ce bien en juillet et en août 2016.

Le fait que l’appartement ait été sous-loué à au moins trois reprises constitue une violation

caractérisée de l’interdiction de sous-location qui s’imposait à l’appelante.

Par ailleurs, il importe peu que l’auteur de l’annonce figurant sur le site Airbnb ne soit pas la locataire elle-même, dès lors que celle-ci est responsable des agissements des occupants de son chef, en particulier de ceux de ses enfants majeurs vivant avec elle dans les lieux loués.

Enfin, le fait que Mme A ait, depuis le constat d’huissier, retiré cette annonce et mis fin à l’activité de sous-location est sans incidence sur la gravité des manquements commis en 2016.

Ces manquements sont d’autant plus graves qu’il s’agit d’un logement conventionné ouvrant droit à des prestations sociales et destiné à des locataires dont les revenus ne dépassent pas un certain montant ; l’activité particulièrement lucrative de location d’un bien via le site Airbnb est radicalement contraire à la destination d’un tel logement social.

C’est donc à bon droit que le tribunal a jugé que ces manquements justifiaient le prononcé de la résiliation du bail aux torts de la locataire, même si cette sanction aurait plutôt dû être prononcée au visa de l’article 1741 du code civil.

Le jugement sera dès lors confirmé sur ce point, ainsi que sur les conséquences qu’il a tirées de la résiliation du bail, notamment quant à la fixation d’une indemnité d’occupation à compter de la date de résiliation.

Le prononcé de l’expulsion de la locataire est la conséquence nécessaire de cette résiliation et ne peut être évitée au seul motif que Mme Y rencontre des problèmes de santé ; il convient d’ailleurs d’observer que, devant le cour, l’appelante ne formule pas de demande de délai pour libérer les lieux, et qu’elle a obtenu de fait un délai de deux ans pour se reloger, le jugement ayant été prononcé le 12 janvier 2018.

Sur la dette locative

Même si la bailleresse reconnaît dans ses dernières écritures que l’appelante est désormais à jour des ses loyers et indemnités d’occupation, il n’en demeure pas moins que Mme Y ne conteste pas qu’elle était redevable d’une dette locative de 530,47 euros à la date de clôture des débats devant le tribunal ; le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il l’a condamnée au paiement de cette somme.

Sur les dommages-intérêts

A travers le procès-verbal de constat d’huissier en date du 12 octobre 2016, la bailleresse démontre que, à tout le moins, la locataire a bénéficié d’une somme de 1 549 dollars grâce à la sous-location de

son bien durant neuf nuits, du 10 au 19 octobre 2016.

Cet enrichissement s’étant réalisé au détriment du propriétaire des lieux, c’est à bon droit que le tribunal a alloué à celui-ci une indemnité de 1 300 euros en réparation de son préjudice.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la mise en cause de Mme F X

Mme Y demande à la cour de condamner sa fille Mme F X à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre, dans la mesure où c’est elle qui, en son absence, aurait sous-loué son appartement via le site Airbnb.

Mais le seul fait que l’annonce figurant sur ce site mentionne Mme F X comme 'hôte’ ne suffit pas à démontrer que la décision de sous-location ait été prise à sa seule initiative, sans l’accord de sa mère.

Dans la mesure où celle-ci ne rapporte pas la preuve que sa fille ait seule profité du fruit de la sous-location, sa demande de garantie ne saurait aboutir.

Sur la demande de remboursement de la somme de 872 euros

La somme de 872 euros mise à la charge de Mme Y par l’intimée correspond au coût, dûment justifié, du constat d’huissier dressé le 12 octobre 2016.

Même si le coût de cet acte n’est pas expressément visé dans le jugement entrepris, il n’en demeure pas moins qu’il entrait dans les dépens afférents à l’instance engagée devant le tribunal, au sens de l’article 695 du code de procédure civile, puisque ce procès-verbal a servi de fondement à l’action introduite par la bailleresse.

Celle-ci l’a donc imputé à juste raison sur le compte de l’appelante.

Dès lors, celle-ci doit être déboutée de sa demande de remboursement de cette somme.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L’appelante, qui succombe en toutes ses demandes formées devant la cour, doit être condamnée aux dépens de la procédure d’appel.

En outre, l’équité commande d’allouer à l’intimée la somme supplémentaire de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Déboute Mme B Y de toutes ses demandes formées devant la cour, y compris celles dirigées contre Mme F I J épouse X,

Condamne Mme Y à payer à la société d’HLM Immobilière 3 F la somme supplémentaire de 1

000 euros au titre des frais irrépétibles engagés devant la cour,

Condamne Mme Y aux dépens de la procédure d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 3, 21 février 2020, n° 18/23633