Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 12 mai 2021, n° 20/14094

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 3, 12 mai 2021, n° 20/14094
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/14094
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Paris, 3 octobre 2020, N° 20/54038
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 12 MAI 2021

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/14094 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCN2Y

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 04 Octobre 2020 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 20/54038

APPELANTE

S.A.R.L. LE RELAIS DE CLICHY, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Anne GIOVANDO, avocat au barreau de PARIS, toque : E2076

INTIMEE

S.C.I. 41-45 RUE SAINT-PETERSBOURG prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

41 rue de Saint-Pétersbourg

[…]

Représentée par Me Catherine DAUMAS de la SCP SCP d’Avocats BOUYEURE BAUDOUIN DAUMAS CHAMARD BENSAHEL GOME Z-REY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0056

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 Mars 2021, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Carole CHEGARAY, Conseillère conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre

Carole CHEGARAY, Conseillère

Edmée BONGRAND, Conseillère

Greffier, lors des débats : Olivier POIX

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambreet par Olivier POIX, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*******

Suivant acte sous seing privé du 29 novembre 2001, les sociétés ING Lease et Mur Ecureuil, aux droits desquelles vient la SCI 41-45 rue Saint-Petersbourg, ont donné à bail à la SCI Le Relais de Clichy des locaux à usage commercial situés 43/45 rue de Saint-Petersbourg et […] à Paris 8e pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 2002, moyennant un loyer annuel en principal 55 000 euros payable par trimestre d’avance. La société Le Relais de Clichy y exerce l’activité de restauration de groupes. Un local supplémentaire de 16 m², lui ayant par la suite été affecté et ayant donné lieu à facturation à compter du 1er janvier 2004, se trouve désormais comprise dans le bail.

Par ordonnance de référé du 2 juillet 2019, la société Le Relais de Clichy a été condamnée à verser par provision à la SCI 41-45 rue Saint-Petersbourg la somme de 56 073,30 euros au titre des loyers et charges impayés des 1er et 2e trimestres 2019.

Par ordonnance de référé du 29 novembre 2019, la société Le Relais de Clichy a également été condamnée à verser par provision à la SCI 41-45 rue Saint-Petersbourg la somme de 46727,76 euros au titre des loyers et charges impayés du 4e trimestre 2019 et a bénéficié de délais de paiement de 12 mois.

Suivant acte extrajudiciaire du 2 mars 2020, la SCI 41-45 rue Saint-Petersbourg a fait délivrer à la société Le Relais de Clichy un commandement de payer la somme de 28036,65 euros correspondant au terme exigible au 1er janvier 2020, soit les loyer et charges du 1er trimestre 2020.

Par acte du 5 juin 2020, la SCI 41-45 rue Saint-Petersbourg a fait assigner en référé la société Le Relais de Clichy devant le tribunal judiciaire de Paris en paiement de la somme de 56 073,30 euros au titre de l’arriéré locatif, sur le fondement des articles 834 et 835 du code de procédure civile, outre des dommages-intérêts et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile. A l’audience du 3 juillet 2020 devant le premier juge, la bailleresse a actualisé sa demande à la somme de 84 109,95 euros en principal, troisième trimestre 2020 inclus.

Suivant ordonnance de référé contradictoire du 4 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

— déclaré la demande de la SCI 41-45 rue Saint-Petersbourg formulée par la voie du référé recevable,

— condamné la société Le Relais de Clichy à payer à la SCI 41-45 rue Saint-Petersbourg la somme provisionnelle de 84 109,95 euros TTC au titre des loyers impayés sur la période du 1er janvier 2020 au 1er juillet 2020, échéance du troisième trimestre 2020 incluse,

— dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision sur dommages-intérêts de la SCI 41-45 rue Saint-Petersbourg,

— condamné la société Le Relais de Clichy à régler à la SCI 41-45 rue Saint-Petersbourg la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Le Relais de Clichy aux dépens qui comprendront le coût du commandement du 2 mars 2020,

— rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration du 7 octobre 2020, la société Le Relais de Clichy a interjeté appel de cette ordonnance.

Dans ses dernières conclusions du 8 janvier 2021, la Sarl Le Relais de Clichy demande à la cour de :

— infirmer l’ordonnance de référé rendue le 4 septembre 2020,

Statuant à nouveau,

— dire et juger que la société Le Relais de Clichy a élevé des contestations sérieuses qui relevaient de la compétence des juges du fond,

— dire et juger que la société Le Relais de Clichy est redevable de la seule somme de 28036,65 euros TTC correspondant au paiement du loyer du 1er trimestre 2020,

Au regard des éléments extérieurs à la volonté de la société Le Relais de Clichy,

— accorder à la société Le Relais de Clichy des délais de paiement sur une période échelonnée de 24 mois afin d’apurer sa dette locative,

— débouter la SCI 41-45 rue Saint-Petersbourg de toutes ses fins, demandes et prétentions,

— condamner la SCI 41-45 rue Saint-Petersbourg à verser à la société Le Relais de Clichy la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la SCI 41-45 rue Saint-Petersbourg aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions du 4 février 2021, la SCI 41-45 rue Saint-Petersbourg demande à la cour de :

Vu les articles 905-2 et 640 du code de procédure civile,

— déclarer caduque et irrecevable l’appel de la société Le Relais de Clichy,

Si la cour devait statuer,

— confirmer en son entier l’ordonnance de référé rendue le 4 septembre 2020 en toutes ses dispositions,

— débouter la société Le Relais de Clichy de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— condamner la société Le Relais de Clichy à verser à la SCI 41-45 rue Saint-Petersbourg une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Le Relais de Clichy aux entiers dépens que Me Catherine Daumas de la SCP Bouyeure, Baudouin, Daumas, Chamard, Bensahel, Gomez-Rey, avocat, pourra recouvrer

directement, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

MOTIFS

Sur la caducité de la déclaration d’appel :

La SCI 41-45 rue Saint-Petersbourg soulève la caducité de la déclaration d’appel sur le fondement des articles 905-2 et 640 du code de procédure civile. Elle fait valoir que la cour a adressé le 11 janvier 2021 à la société Le Relais de Clichy un avis de caducité 905-2 du code de procédure civile, motif pris de ce qu’aucune conclusion n’apparaît avoir été remise au greffe dans le délai d’un mois à compter du 7 décembre 2020, date de l’avis de fixation, et que l’appelante a indiqué en réponse avoir conclu le 8 janvier 2021. Elle en déduit, eu égard à la règle de computation des délais exprimés en mois énoncée à l’article 641 alinéa 2 du code de procédure civile, que la déclaration d’appel est caduque.

Il résulte de l’article 905-2 dernier alinéa du code de procédure civile que le président de la chambre a seul compétence pour prononcer la caducité de l’appel. En l’espèce, celui-ci a rendu le 25 février 2021 'après examen du dossier et des observations fournies’ un avis de non-caducité qui n’a pas été contesté.

Il n’y a donc pas lieu de statuer à nouveau de ce chef.

Sur le paiement des loyers et charges :

L’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

La SCI 41-45 rue Saint-Petersbourg expose que la société Le Relais de Clichy n’a pas respecté l’échéancier fixé par le juge des référés dans sa précédente ordonnance du 29 novembre 2019 de sorte que la dette locative est devenue intégralement exigible et n’a d’ailleurs toujours pas été entièrement réglée. Elle ajoute que la société locataire ne règle plus ses loyers et charges courants à échéance depuis le début de l’année 2020 et sollicite par provision la somme de 84 109,95 euros, soit 28 036,65 euros x 3, correspondant aux loyers des 1er, 2e et 3e trimestres 2020.

La société locataire soulève le caractère sérieusement contestable de la créance réclamée aux motifs d’une part que seule l’échéance du 1er trimestre 2020 a fait l’objet d’un commandement de payer, d’autre part que l’exploitation du restaurant a été entravée par les nombreuses manifestations citoyennes liées aux revendications des 'gilets jaunes', par les grèves à la SNCF et par le bailleur lui-même qui a fait diligenter une expertise judiciaire à la suite de laquelle elle a été contrainte de procéder à des travaux d’envergure dans la cuisine, avant de l’être par la fermeture administrative en raison de l’état d’urgence sanitaire à compter du 15 mars 2020. Elle considère que la situation résultant de la pandémie de Covid 19 recouvre le caractère de la force majeure et que les obligations nées du contrat de bail se trouvent momentanément suspendues.

Il est de principe que le locataire doit régler spontanément les échéances de loyers au terme prévu par le bail et que l’exigibilité des termes de loyer ne nécessite pas la délivrance d’un commandement de payer, de sorte que le premier juge a pu, à bon droit, considérer qu’à la date de l’audience le 3 juillet 2020, lors de laquelle la bailleresse a actualisé sa demande, les trois échéances des 1er, 2e et 3e

trimestres de loyer -payable d’avance par trimestre- étaient exigibles.

Il s’avère que les manifestations des gilets jaunes et les grèves de la SNCF de 2019 sont en grande partie antérieures à la période concernée par les échéances impayées de l’année 2020 et que l’absence de caractère durable des manifestations des gilets jaunes ayant lieu uniquement le samedi et de lien de causalité direct entre les grèves SNCF et la prétendue entrave à l’exploitation du restaurant ne sauraient constituer une contestation sérieuse quant à l’obligation essentielle du locataire de régler le loyer.

La réalisation des travaux exigés par la bailleresse et auxquels la société Le Relais de Clichy a finalement été condamnée par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 17 juin 2020 aux fins de mise en conformité de son bac à graisse pour éviter tout encombrement du collecteur des eaux usées, l’ayant contrainte à fermer pour ce motif dès le mois de janvier 2020, ne constitue pas non plus une contestation sérieuse s’agissant d’un événement lié à sa propre carence, comme l’a justement retenu le premier juge, le bailleur n’étant pas à l’origine de la mauvaise utilisation du bac à graisse et du trouble manifestement illicite ainsi causé au syndicat des copropriétaires de l’immeuble.

En application de l’article 1148 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la cause au regard de la date de conclusion du bail litigieux avant le 1er octobre 2016, il n’y a lieu à aucuns dommages-intérêts lorsque, par suite d’une force majeure ou d’un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé ou a fait ce qui lui était interdit. Pour qualifer un événement de force majeure, celui-ci doit remplir les trois conditions d’extériorité, d’irrrésistibilité et d’imprévisibilité.

Il est constant que le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure. En effet, la force majeure se caractérise par la survenance d’un évenement extérieur au débiteur, imprévisible et irrésistible, de sorte qu’il rende impossible l’exécution de l’obligation. Or l’obligation de paiement d’une somme d’argent est toujours susceptible d’exécution, le cas échéant forcée, sur le patrimoine du débiteur. Elle n’est pas, par nature impossibile, elle est seulement plus difficile ou plus coûteuse.

En l’espèce, il convient d’ajouter que l’appelante ne produit aucun document comptable, aucune pièce justifiant de difficultés de trésorerie rendant impossible le règlement de ses loyers et charges. Elle ne justifie pas davantage des aides de l’Etat qu’elle a dû percevoir puisque faisant l’objet d’une fermeture administrative ou ne s’explique pas sur les raisons pour lesquelles elle ne les auraient pas perçues.

Il en résulte que la société Le Relais de Clichy ne démontre pas le caractère irrésistible de l’événement lié à la fermeture de son établissement en raison de la pandémie de Covid 19. La suspension du paiement des loyers fondée sur la force majeure ne peut donc constituer une contestation sérieuse.

En conséquence, l’obligation de la société Le Relais de Clichy au paiement des termes des 1er, 2e et 3e trimestres 2020 à hauteur de la somme de 84 109,95 euros n’est pas sérieusement contestable et l’ordonnance entreprise sera confirmée.

Sur les délais de paiement :

La société Le Relais de Clichy sollicite un échelonnement de sa dette sur 24 mois. La SCI 41-45 rue Saint-Petersbourg s’y oppose.

La société locataire ne verse aucun élément financier à l’appui de sa demande de délais. Il n’est pas contesté qu’elle n’a pas respecté les délais de paiement qui lui ont été accordés aux termes de la précédente ordonnance. Dans ces conditions, il ne sera pas fait droit à cette demande.

Sur les autres demandes :

La société Le Relais de Clichy, qui succombe, supportera la charge des dépens d’appel. L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.

PAR CES MOTIFS

Constate qu’un avis de non-caducité de la déclaration d’appel a été rendu le 25 février 2021 par le président de cette chambre et dit n’y avoir lieu à statuer à nouveau de ce chef,

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la société Le Relais de Clichy de sa demande de délais de paiement,

Condamne la société Le Relais de Clichy aux dépens d’appel, lesquels pourront être directement recouvrés par Me Catherine Daumas de la SCP Bouyeure, Baudouin, Daumas, Chamard, Bensahel, Gomez-Rey, avocat, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu à indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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