Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 1er février 2022, n° 20/17403

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 3 - ch. 5, 1er févr. 2022, n° 20/17403
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/17403
Sur renvoi de : Cour de cassation, 15 septembre 2020
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 5

ARRET DU 01 FEVRIER 2022

(n° , 9 pages)


Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/17403 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCXQJ


Décision déférée à la Cour : Un jugement du 20 février 2018 accordant l’exequatur à une ordonnance et un jugement du 22 septembre 2014 rendus par la Cour de district de Californie a été infimé par un arrêt du 25 janvier 2019 rendu par la cour d’appel de Versailles.


Après arrêt du 16 septembre 2020 rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation qui a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel et renvoyé les parties devant la cour de céans.


DEMANDERESSES :

S.A.R.L. EXTENDED SOFTWARE XT SOFT

en liquidation

[…]

[…]

représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

assistée de Me Christine MARGUET LE BRIZAULT, avocat plaidant du barreau des HAUTS DE SEINE

S.E.L.A.R.L. A mandataire judiciare représentée par Maître Y Z A, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société EXTENDED SOFTWARE XT SOFT

[…]

[…]

représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

assistée de Me Christine MARGUET LE BRIZAULT, avocat plaidant du barreau des HAUTS DE SEINE


DEFENDERESSE :

Société THE PARAGON COLLECTION

prise en la personne de ses représentants légaux […]

89721 ETATS-UNIS

représentée par Me David MOTTE-SURANITI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0245

COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 décembre 2021, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposés, devant M. François MELIN, conseiller, chargé du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Hélène FILLIOL, présidente de chambre

Monsieur François MELIN, conseiller

Madame Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :


- contradictoire


- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


- signé par Madame Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Madame Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.


La société de droit américain The Paragon Collection LLC, ayant pour activité la distribution de logiciels informatiques, a conclu, le 2 avril 1996, avec la société de droit français Extended Software XT Soft, société spécialisée dans le conseil en informatique, un contrat de licence, dit Transparency, portant sur la commercialisation et la distribution de produits informatiques.


Ce contrat comportait une clause d’élection de for au profit des tribunaux de Californie stipulée comme suit : « Tout contentieux débutera seulement dans l’Etat de Californie».


A la suite d’un litige relatif au montant des redevances payées dans le cadre du contrat de licence, la société The Paragon Collection LLC a assigné la société Extended Software XT Soft devant la cour de district de Californie pour violation du contrat ainsi qu’en remboursement de paiements indus.


Par une ordonnance et un jugement du 22 septembre 2014, la Cour de district de Californie après avoir constaté que, bien que l’assignation de Paragon lui ait été régulièrement signifiée, la société Extended Software XT Soft n’avait pas constitué d’avocat, en a déduit que la procédure devait être diligentée par défaut et, après avoir analysé les actes et pièces communiqués, a accueilli les demandes de la société The Paragon Collection LLC en leur intégralité et a, en conséquence, condamné la société Extended Software XT Soft à lui payer la somme totale de 502.391,15 dollars américains.


Se fondant sur les décisions ainsi obtenues, la société The Paragon Collection LLC a, le 10 mars 2016, recouru à des mesures d’exécution forcée et a, parallèlement, le 16 mars 2016, assigné la société Extended Software XT Soft devant le tribunal de grande instance de Pontoise en exequatur de l’ordonnance et du jugement rendus le 22 septembre 2014 par la cour de district de Californie.


Par un jugement du 20 février 2018, le tribunal a octroyé l’exequatur à ces décisions.


Par jugement du 26 mars 2018 du tribunal de commerce de Pontoise, la société Extended Software XT Soft a été placée en liquidation judiciaire, la société A étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.


Par un arrêt du 25 janvier 2019, la cour d’appel de Versailles a infirmé en toutes ses dispositions le jugement du 20 février 2018, et, statuant à nouveau, a :


- débouté la société The Paragon Collection LLC de sa demande visant à voir déclarer exécutoires en France l’ordonnance du 22 septembre 2014 et le jugement du même jour, rendus par le juge en chef de la Cour de District des Etats-Unis, District central de Californie, et mettant à la charge de la société Extended Software XT Soft le paiement de la somme totale de 502.391,15 dollars,


- condamné la société The Paragon Collection LLC à payer à la société A, en sa qualité de liquidateur de la société Extended Software XT Soft, la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts.


Par un arrêt du 16 septembre 2020, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 25 janvier 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles et remis l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Paris.


En premier lieu, la Cour de cassation a relevé que pour rejeter la demande d’exequatur, l’arrêt d’appel a énoncé, d’abord, que l’ordre public international français impose que la loi du for ouvre les recours indispensables contre le jugement de première instance, spécialement lorsqu’il a été rendu par défaut, a constaté, ensuite, que la loi californienne ouvre un délai de recours d’un an, qui court du prononcé du jugement, sans prévoir l’exigence d’un acte de signification et a retenu, enfin, que cette voie de recours ne pouvant être exercée par le défendeur défaillant que si celui-ci a eu connaissance de la décision par la notification qui lui a été faite, l’absence d’exigence légale d’une notification en bonne et due forme alliée à la circonstance que le délai de recours court dès le prononcé de la décision est de nature à priver le défendeur de tout recours effectif et que cette absence de garantie procédurale contrevient aux droits à un procès équitable et à un recours effectif garantis par les articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Or, selon l’arrêt de cassation, en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la connaissance par la société Extended Software XT Soft de l’assignation et de l’instance devant la juridiction californienne ne démontrait pas que ses droits au procès équitable et au recours effectif, au sens des articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, avaient été respectés, nonobstant l’absence de notification des décisions rendues, dès lors qu’elle disposait d’un délai d’un an à compter de la décision pour former un recours, ce dont il résultait qu’au regard des circonstances de l’espèce, les décisions américaines pouvaient ne pas révéler d’atteinte à l’ordre public international de procédure, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.


En second lieu, la Cour de cassation énonce que pour retenir la responsabilité de la société The Paragon Collection LLC, l’arrêt a relevé que la signification des décisions de condamnation américaines après expiration du délai de recours caractérise une déloyauté procédurale fautive, cette manoeuvre ayant permis la saisie conservatoire du compte bancaire de la société Extended Software XT Soft qui présentait, à la date de la saisie, un solde créditeur. Or, selon l’arrêt de cassation, en statuant ainsi, alors que la faute imputée à la société The Paragon Collection LLC était étrangère à la procédure d’exequatur, la cour d’appel a violé l’article 509 du code de procédure civile.


La Selarl A, en sa qualité de liquidateur judiciaire, et la société Extended Software TX Soft ont saisi cette cour le 30 novembre 2020.


Par des conclusions notifiées le 23 décembre 2020, la Selarl A, en sa qualité de liquidateur judiciaire, et la société Extended Software ont demandé à la cour de :


- les déclarer recevables en leur appel ;


- infirmer le jugement ;


- rejeter la demande d’exequatur ;


- condamner la société The Paragon Collection LLC à régler la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts à la Selarl A en sa qualité de liquidateur judiciaire en raison du préjudice causé à son administrée par la privation des sommes figurant sur son compte bancaire au visa des articles 1382 et 1383 du code civil ;


- condamner la société The Paragon Collection LLC à régler la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à la Selarl A, en sa qualité de liquidateur judiciaire ainsi que les dépens.


Par des conclusions notifiées le 17 mars 2021, la société The Paragon Collection LLC a demandé à la cour de :


- juger que les conditions de l’exequatur sont réunies, rejeter l’appel ainsi que la demande de dommages et intérêts ;


- confirmer le jugement ;


- déclarer exécutoire en France l’ordonnance et le jugement de la cour de district de Californie du 22 septembre 2014 condamnant la société Extended Software à payer la somme de 502 391 dollars ;


- condamner la société Extended Software XT Soft représentée par la Selarl A au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

MOTIFS

1) Sur l’exequatur


Pour accorder l’exequatur à un jugement étranger, le juge français doit, en l’absence de convention internationale, s’assurer que trois conditions sont remplies, à savoir la compétence indirecte du juge étranger fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l’ordre public international de fond et de procédure ainsi que l’absence de fraude.


Il est prohibé au juge de l’exequatur de procéder à une révision du jugement étranger.

a) Sur la compétence indirecte du juge américain


Moyens des parties


La Selarl A, en sa qualité de liquidateur judiciaire, et la société Extended Software XT Soft soutiennent que cette dernière n’avait aucun lien de rattachement avec les Etats-Unis d’Amérique à la date de la saisine du juge, que seul le juge français était compétent en application de l’article 42 du code de procédure civile, que le juge américain aurait dû relever son incompétence en l’absence de comparution du défendeur, que le contrat Transparency est étranger au litige et qu’il stipule en tout état de cause qu’il doit être interprété conformément au droit de l’Etat de Californie et du tribunal de commerce de Paris.


La société The Paragon Collection LLC indique que la cour de district de Californie était compétente puisque le contrat Transparency stipule une clause attributive de juridiction à son profit.


Réponse de la cour


Si la Selarl A, en sa qualité de liquidateur judiciaire, et la société Extended Software XT Soft soutiennent à propos de l’examen de la compétence du juge américain que le contrat Transparency serait sans lien avec le litige ayant donné lieu au prononcé de deux décisions par le juge californien, leur allégation ne peut pas être retenue puisque dans l’exposé du litige inséré dans leurs conclusions puis à l’occasion de la présentation de certains moyens, elles indiquent expressément que le litige trouve son origine dans ce contrat (conclusions p. 2, 3 et 13).
Par ailleurs, il est constant que ce contrat comporte une clause d’élection de for au profit des tribunaux de Californie rédigée dans les termes suivants : « Tout contentieux débutera seulement dans l’Etat de Californie».


Or, cette stipulation conduit à retenir la compétence indirecte du juge californien, étant précisé que la Selarl A, en sa qualité de liquidateur judiciaire, et la société Extended Software XT Soft se réfèrent à tort à la stipulation du contrat selon laquelle il doit être interprété conformément au droit de l’Etat de Californie et du tribunal de commerce de Paris, dès lors qu’il s’agit d’une stipulation relative à la loi applicable et non pas au juge compétent et qu’elle est donc sans pertinence à ce sujet.

b) Sur l’allégation de tentative d’escroquerie au jugement


Moyens des parties


La Selarl A, en sa qualité de liquidateur judiciaire, et la société Extended Software XT Soft soutiennent que la société The Paragon Collection LLC a effectué une présentation frauduleuse du litige au juge américain en se prétendant créancière au titre du contrat Transparency dans l’assignation du mois de mars 2014 mais en fournissant par la suite, pour le calcul des redevances litigieuses, des justificatifs concernant un autre contrat, dit DRF. La société The Paragon Collection LLC a ainsi cherché à obtenir une décision du juge californien en entretenant une confusion entre deux contrats.


La société The Paragon Collection LLC indique que ces allégations sont fausses et tendent en réalité à demander au juge de l’exequatur de contrôler l’existence de la créance et donc le fond du litige.


Réponse de la cour


Le moyen A, en sa qualité de liquidateur judiciaire, et la société Extended Software XT Soft tend à ce qu’il soit procédé à une révision au fond des deux décisions dont l’exequatur est demandé, ce qui ne relève pas de l’office du juge de l’exequatur.


Le moyen est donc rejeté.

c) Sur le droit à un procès équitable et à un recours effectif et sur le respect des droits de la défense


Moyens des parties
La société A, en sa qualité de liquidateur judiciaire, et la société Extended Software XT Soft soutiennent que le délai de recours d’un an prévu par la loi californienne court à compter du prononcé du jugement, alors pourtant que cette loi ne prévoit pas que le jugement doive être notifié. Or, en l’espèce, les jugements ont été prononcés par défaut, de sorte que la société Extended Software XT Soft a été dans l’impossibilité d’exercer un recours faute d’avoir pu en avoir connaissance avant l’expiration du délai d’un an. Il y a eu donc atteinte aux droits à un procès équitable et à un recours effectif ainsi que la violation des droits de la défense, garantis par l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, ce qui contrevient aux exigences de l’ordre public international français.


La société The Paragon Collection LLC répond que la société Extended Software XT Soft a été assignée devant le juge californien en application des dispositions de la convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale. L’assignation lui a été délivrée le 21 mars 2014 mais elle n’a pas néanmoins constitué avocat, ce qui explique que les décisions aient été prononcées par défaut.


Réponse de la cour


La société The Paragon Collection LLC produit le procès-verbal, daté du 21 mars 2014, de signification de l’assignation devant le juge californien, la copie de l’acte ayant été remise en mains propres à M. X, gérant de la société Extended Software XT Soft, qui a déclaré à l’huissier de justice être habilité à recevoir cette copie.


Cette connaissance par la société Extended Software XT Soft de l’assignation et de l’instance devant la juridiction californienne démontre que ses droits au procès équitable et au recours effectif, au sens des articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ont été respectés, de même que les droits de la défense, nonobstant l’absence de notification des décisions rendues, dès lors qu’elle a disposé d’un délai d’un an à compter de la décision pour former un recours. Elle avait en effet la possibilité de constituer avocat devant le juge californien, ce qu’elle n’a pas fait en toute connaissance de cause et ce dont il a résulté que la procédure s’est déroulée par défaut.

d) Sur le principe du contradictoire


Moyens des parties


La société A, en sa qualité de liquidateur judiciaire, et la société Extended Software XT Soft soutiennent que les décisions américaines, rendues par défaut, violent le principe du contradictoire et donc l’ordre public international français. En premier lieu, elles indiquent que le juge américain a statué au vu de pièces qui n’ont pas été signifiées au préalable à la société Extended Software XT Soft alors pourtant qu’elles auraient dû être jugées irrecevables et a répondu à des demandes nouvelles qui n’avaient pas été portées à la connaissance de celle-ci, qui n’a pas pu les critiquer en constituant avocat. En second lieu, elles indiquent que le principe du contradictoire a également été violé en ce que postérieurement à l’assignation, la société The Paragon Collection LLC a fait évoluer les termes du litige en déposant des écritures et des pièces devant le juge californien et a de surcroît chiffré ses demandes en demandant des dommages et intérêts exorbitants.


La société The Paragon Collection LLC répond que l’assignation devant le juge californien a été signifiée régulièrement à la société Extended Software XT Soft, qui a alors fait le choix de ne pas constituer avocat et de ne pas ensuite exercer un recours contre les décisions qu’elle critique. Dès lors, elle ne peut pas invoquer utilement les moyens qu’elle développe et qui tendent en réalité à conduire à une révision au fond par le juge de l’exequatur des décisions californiennes.


Réponse de la cour


Il résulte des pièces produites aux débats que la société The Paragon Collection LLC a signifié à la société Extended Software Ext Soft la requête datée du 13 novembre 2013, tendant au paiement d’une somme de 75 000 dollars américains, au titre d’un contrat de licence XTSoft003 du 2 avril 1996 par lequel une licence a été consentie à la société IBM.


Or, en cours de procédure devant le juge californien, une seconde requête, datée du du 25 août 2014, a été déposée, par laquelle la société The Paragon Collection LLC a demandé le paiement d’une somme différente, d’un montant de 502 391 dollars américains. Cette seconde requête, à laquelle étaient annexées de nouvelles pièces, indique que la société Extended Software XT Soft n’a pas répondu à la précédente requête et que son défaut a été constaté.


La société The Paragon Collection LLC n’allègue pas que cette seconde requête et les pièces nouvelles qui y sont jointes ont été signifiées à la société Extended Software XT Soft et il constant que cette dernière n’a eu connaissance ni des demandes nouvelles ni des moyens nouvellement développés ni des pièces avant le prononcé des décisions litigieuses.


L’absence de signification de ces éléments à la société Extended Software XT Soft constitue une violation du principe de la contradiction, dès lors qu’elle n’a pas été mise en mesure de connaître les dernières demandes formulées à son encontre et d’y répondre, le cas échéant en décidant de constituer avocat, même si elle avait décidé dans un premier temps de ne pas le faire. Elle indique d’ailleurs qu’elle avait décidé, suite à la signification de la requête du 13 novembre 2013, de ne pas constituer avocat après avoir comparé l’enjeu du litige et le montant prévisible des honoraires d’avocat dans une procédure judiciaire américaine mais que la connaissance de la seconde requête, si elle lui avait été signifiée, aurait pu la conduire à modifier sa position à ce sujet.


Le principe de la contradiction étant un principe composant l’ordre public international français, il y a lieu de retenir que les décisions californiennes ont heurté cet ordre public et qu’elles ne peuvent pas, en conséquence, se voir accorder l’exequatur en France.


Le jugement du tribunal de grande instance de Pontoise du 20 février 2018 est donc infirmé, sans qu’il y a lieu d’examiner les autres moyens relatifs à l’exequatur sur lesquels la société Extended Software XT Soft se fonde.

2) Sur la demande de dommages et intérêts


Moyens des parties


La société A, en sa qualité de liquidateur judiciaire, et la société Extended Software XT Soft soutiennent que la société The Paragon Collection LLC a organisé une escroquerie sur la base de jugements californiens obtenus par fraude et en violation des principes évoqués ci-dessus. Elles ajoutent que les jugements ont été portés tardivement à sa connaissance, afin de lui faire perdre la possibilité de former un appel. Elles en déduisent que la société The Paragon Collection LLC a engagé sa responsabilité et doit être condamnée à réparer le préjudice subi à hauteur de 100 000 euros.


La société The Paragon Collection LLC répond que la procédure américaine étant régulière, sa responsabilité ne peut pas être engagée.


Réponse de la cour


Le juge de l’exequatur, dont les pouvoirs se limitent à la vérification des conditions de l’exequatur, ne peut connaître d’une demande reconventionnelle en responsabilité fondée sur une faute qui n’a pas été commise au cours de l’instance dont il est saisi.


Or, la faute qui est imputée à la société The Paragon Collection LLC est étrangère à la procédure d’exequatur mais se rapporte à la procédure suivie devant le juge californien. La demande est rejetée.

3) Sur l’article 700 du code de procédure civile


La société The Paragon Collection LLC, qui succombe, est condamnée au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la société Extended Software XT Soft, représentée par son liquidateur judiciaire, la société A.


La demande formée par la société The Paragon Collection LLC au titre de ce même article 700 est quant à elle rejetée.

4) Sur les dépens


La société The Paragon Collection LLC, qui succombe, est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS


Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Pontoise en toutes ses dispositions ;


Statuant à nouveau,


Déboute la société The Paragon Collection LLC de sa demande tendant à ce que soient déclarées exécutoires en France l’ordonnance du 22 septembre 2014 du juge en chef de la cour de district des
Etats-Unis, District central de Californie, et le jugement du 22 septembre 2014 rendu par la cour de district des Etats-Unis, pour ce même District central de Californie ;


Rejette la demande de dommages et intérêts formée par la société A, en sa qualité de liquidateur judiciaire, et la société Extended Software XT Soft ;


Condamne la société The Paragon Collection LLC au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la société Extended Software XT Soft, représentée par son liquidateur judiciaire, la société A ;


Rejette la demande formée par la société The Paragon Collection LLC de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;


Condamne la société The Paragon Collection LLC aux dépens.


LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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