Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 24 janvier 2022, n° 20/11605

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Chronologie de l’affaire

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www.actu-juridique.fr · 16 novembre 2022
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 10, 24 janv. 2022, n° 20/11605
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/11605
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Paris, 8 juillet 2020, N° 18/08233
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 10

ARRÊT DU 24 JANVIER 2022

(n° , 6 pages)


Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/11605 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCG7I


Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juillet 2020 -TJ de PARIS – RG n° 18/08233

APPELANT

MONSIEUR LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D’ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS

Pôle Fiscal Parisien 1, Pôle Juridictionnel Judiciaire


Ayant ses bureaux […]

[…]


Représenté par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430

INTIMES

Monsieur E-F, A Z

[…]

[…]

né le […] à SENLIS

Monsieur X, G H Y

[…]

[…]

né le […] à DIEPPE


Représenté par Me Didier CAM, avocat au barreau de PARIS, toque : G0347


Représenté par Me Agnès SIBEL, avocate au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 29 Novembre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur C D, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller

qui en ont délibéré,


Un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur C D dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRET :


- contradictoire


- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


- signé par M. C D, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur X Y a déposé des déclarations d’impôt de solidarité sur la fortune en son nom propre, pour les années 2009 à 2014.

Monsieur E F Z a également déposé des déclarations d’impôt de solidarité sur la fortune en son nom propre pour les années 2009 et 2010.


Cependant, l’administration fiscale les a invités à souscrire des déclarations communes, de 2009 à 2014, au visa de l’article 885 E du code général des impôts, et, à cette fin, les a mis en demeure le 3 juin 2016.


Le 22 décembre 2016, elle a procédé à la taxation d’office de cette imposition pour les années 2009 à 2014, en considérant qu’i1s constituent un foyer fiscal unique pour partager une vie commune et avoir une communauté d’intérêts, que révèlent une cohabitation continue depuis des années en dépit de la modification de leur résidence principale, 1'acquisition de plusieurs biens en indivision et une convergence d’intérêts financiers dépassant, selon elle, le cadre de simples intérêts économiques communs depuis de nombreuses années et consistant au bénéfice réciproque d’assurances vie et au pouvoir d’encaisser des fonds.


Les droits afférents ont été mis en recouvrement par avis du 13 décembre 2017, portant rappel de 57.799 euros en droits, 35.999 euros d’intérêts moratoires et pénalités, soit en tout 93.798 euros.


La réclamation élevée par les contribuables a été rejetée par décision de l’administration du 19 avril 2018.


Par exploit d’huissier délivré le 21 juin 2018, M. E-F Z et M. X Y ont fait assigner la Direction Régionale des Finances Publiques d’Ile de France et du Département de Paris.
* * *


Vu le jugement prononcé le 9 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Paris qui a statué comme suit :


- Infirme la décision de rejet de la Direction Régionale des Finances Publiques d’Ile de France et du Département de Paris du 19 avril 2018 ;


- Ordonne la décharge intégrale des droits rappelés et accessoires ;


- Rappelle qu’aux termes des dispositions de l’article L.208 du livre des procédures Fiscales, l’Etat devra restitution aux contribuables des sommes déjà perçues, majorées des intérêts moratoires dont le taux est celui de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du code général des impôts et qui courent du jour du paiement ;


- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires qui ont été reprises dans l’exposé du litige ;


- Dit irrecevable la demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile


- Condamne la Direction Régionale des finances publiques d’ile de France et du Département de Paris aux dépens,


- Rappelle l’exécution provisoire de droit ;


Vu l’appel déclaré le 3 août 2020 par la Direction régionale des finances publiques d’Ile de France et du Département de Paris,


Vu les dernières conclusions signifiées le 13 septembre 2021 par la Direction Régionale des Finances Publiques d’ile de France et du département de Paris,


Vu les dernières conclusions signifiées le 24 septembre 2021 par Messieurs E-F Z et X Y,


La Direction régionale des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris, demande à la cour de statuer comme suit:


-Recevoir le Directeur régional des Finances Publiques d’Ile-de-France et de Paris en son appel et l’y déclarer fondé ;


-Infirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Paris du 9 juillet 2020 (RG n°18/08233) ;


-Déclarer fondée la décision de rejet de l’administration du 19 avril 2018 ;


Et statuant à nouveau :


-Déclarer bien fondée la rectification opérée par l’administration ;


-Déclarer bien fondés les rappels en résultant ;


- Rejeter toutes les demandes de Messieurs Y et Z.


-Condamner Messieurs Y et Z aux entiers dépens


Messieurs E-F Z et X Y demandent à la cour de statuer ainsi qu’il suit :
Vu l’article 515-8, 9 du code civil


- Débouter purement et simplement Monsieur le Directeur Général des Finances Publiques de ses demandes ;


- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Paris du 9 juillet 2020 ;


Y ajoutant,


- Condamner l’appelant à payer à chacun des Intimés une somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;


- Condamner l’appelant à payer à chacun des Intimés une somme de 50 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 9 du code civil en réparation du préjudice que chacun a subi du fait de la violation de son droit à la vie privée ;


- Condamner l’appelant aux entiers dépens de la procédure sur le fondement de l’article 696 du code de procédure civile ;

SUR CE,

a) Sur la demande principale


Le Directeur général des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris (l’administration) fait valoir que la proposition de rectification a détaillé les éléments juridiques et de faits attestant de la vie commune et d’une communauté d’intérêts consistant en une résidence commune attestée depuis 1990 (de 1990 à 2012 au […] à Paris 10 ème, de 2012 à 2014 au 1 rue F Murat/38 Courcelles à Paris 8 ème, depuis 2014 au […], de plusieurs acquisitions immobilières en indivision, d’impositions communes, des pouvoirs réciproques d’encaisser les fonds perçus lors de la vente d’un bien indivis et des assurances-vie désignant les intimés bénéficiaires réciproques. Il ajoute que M. Z ne justifie pas qu’il résidait chez sa compagne, locataire dans le 5ème arrondissement, rue Tournefort. Il soutient que les lots 2042 et 2043 ont été réunis pour ne former qu’une seule unité d’habitation; que l’usage des appartements était commun aux deux copropriétaires, qui en avaient une jouissance indivise.


Messieurs E-F Z et X Y contestent ces impositions au motif que l’administration n’a pas démontré la communauté de vie qu’elle a invoqué pour asseoir ces impositions communes et que la condition de notoriété indispensable à la qualification du concubinage fait défaut. Ils soulignent que M. Y résidait seul au […] de 1990 à 2012, que Monsieur Z n’a jamais habité à cette adresse avec M. Y. Ils font valoir que le 27 février 1998, l’indivision sur le lot 2043 situé au […] a cessé du fait du rachat de la quote-part indivise par M. Y. Ils soutiennent que l’ensemble de leurs factures (EDF, eau, téléphone, etc '), leurs appels de charges de copropriété, leurs impôts fonciers et impôts sur les revenus étaient bien adressés séparément à leurs adresses respectives distinctes; que chacun était propriétaire d’un lot de copropriété distinct : le lot 2043 pour M. Y et le lot 2042 pour M. Z. Ils précisent qu’ils vivaient en colocation dans l’appartement situé 1, rue F Murat et […], que chacun a ensuite, dès 2015, payé sa taxe d’habitation à des adresses différentes ainsi que sa contribution à l’audiovisuel public.


Ceci étant exposé, il résulte des dispositions de l’article 885 E du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige que :
' L’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l’année, de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes visées à l’article 885 A ainsi qu’à leurs enfants mineurs lorsqu’elles ont l’administration légale des biens de ceux-ci .


Dans le cas de concubinage notoire, l’assiette de l’impôt est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l’année, de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant à l’un et l’autre concubins et aux enfants mineurs mentionnés au premier alinéa .


Selon l’article 515-8 du code civil : 'Le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple.'


Dans la présente espèce , il appartient à l’administration fiscale de prouver que, pendans les années fiscales en litige – 2009 à 2014-, M. E-F Z et M. X Y vivaient en état de 'concubinage notoire’ au sens du second alinéa de l’article 885 E du code général des impôts précité. La situation doit être éxaminée au regard de ces seules années.


Il est justifié que M. Z a acquis le lot numéro 2042 de l’état de division d’un bien immobilier situé […] , que M. Y était propriétaire des lots 2043, 2435,2436 et 2551 de ce même état de division, ces lots devenant indivis entre ces 2 personnes à compter de 1990 à concurrence de 20% pour M. Z et de 80% pour M. Y , ces derniers possédant en indivision (50/50) le lot n° 2750 . Les lots 2042 et 2043 correspondant chacun à un appartement et 2750 ( accés commun) ont été regroupés à la faveur d’une entréee commune en 2011 et ont fait l’objet d’une vente unique avec les autres lots le 31 janvier 2012 .


Il se déduit de cette situation que si l’on peut admettre l’existence d’un logement commun à compter de 2011, pour la période antérieure le fait pour 2 personnes physiques de vivre dans des appartements distincts situés au même étage ne caractérise aucunement une situation de concubinage 'notoire'. Le regroupement des 2 appartements permettant la vente d’un ensemble immobilier d’une surface accrue caractérise au plus une communauté d’intérêts.


L’appelante échoue à prouver une résidence commune au 26, rue de Paradis de 1990 à 2012 .


La location commune d’un appartement situé 1, rue F Murat à Paris (75008) ayant pris effet le 13 janvier 2012 ne peut être prise en compte au titre de la situation des intéressés au 1er janvier 2012.


Par de justes motifs que la cour adopte les premiers juges ont également écarté les autres éléments apportés par l’administration ( acquisition de biens immobiliers en commun entre 1990 et 2014, mandats d’encaissement des sommes issues de leurs ventes, assurances vie aux bénéfices réciproques,) en relevant que s’ils caractérisaient l’existence d’une communauté d’intérêts , il n’étaient pas suffisants pour prouver un concubinage notoire dans ses caractéristiques de vie privée commune connue de tierces personnes.


Le jugement déféré doit ainsi être confirmé.

b) Sur les autres demandes


Messieurs Z et Y sollicitent la condamnation de l’administration à verser à chacun d’entre eux une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts. Ils soutiennent que l’administration qui persiste, par l’exercice d’une voie de recours, à invoquer l’existence d’une situation de 'concubinage notoire’ au sens du second aliéna de l’article 885 E du CGI pour justifier l’obligation de souscription de déclarations communes d’ISF au titre des années 2009 à 2014, fait preuve à leur encontre d’un acharnement procédural; qu’elle les a contraints à dévoiler leur vie privée pour défendre leurs intérêts, au mépris du droit au respect de la vie privée consacré par l’article 9 du code civil.


L’administration fiscale soutient que messieurs Z et Y ne sauraient invoquer une violation du droit au respect de la vie privée dès lors qu’elle s’est bornée, dans le cadre des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article L.10 du Livre des procédures fiscales, à examiner et qualifiée une situation au regard d’une disposition légale, dont l’application repose sur la notion de concubinage notoire; qu’ils ne justifient pas de l’existence d’un préjudice certain.


Ceci étant exposé, l’administration fiscale se prévaut d’un article se référant au 'concubinage notoire’ ce qui induit nécessairement une discussion relative à la vie privée. Ce faisant les écritures de l’administration fiscale n’ont comporté aucune atteinte à l’intimité des contribuables. L’exercice d’une voie de recours en l’occurrence l’appel ne caractérise à lui seul aucun acharnement susceptible de porter atteinte au respect de la vie privée au sens de l’article 9 du code civil. La demande de dommages et intérêts présentée à ce titre doit êre rejetée.


Une indemnité sera alloué aux intimés sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :


La cour,


CONFIRME le jugement déféré;


CONDAMNE le Directeur général des finances publiques à verser à Messieurs E-F Z et X Y la somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;


REJETTE toutes autres demandes ;


CONDAMNE le Directeur général des finances publiques aux dépens et accorde à Maître Cam, avocat, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PR''SIDENT

C. BURBAN E. D
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