Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 12 janvier 2022, n° 19/07792

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Chronologie de l’affaire

Commentaires9

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Lettre des Réseaux · 17 février 2023

Contrat de franchise et délai légal de 20 jours L'article L. 330-3 du code de commerce, qui instaure un délai de 20 jours entre la date de transmission du DIP et la date de signature du contrat de franchise, est d'ordre public. Le contrat de franchise ne peut donc déroger à ce texte (Trib. arb., 9 février 2023, inédit). Il appartient au franchiseur de prouver que ce délai a effectivement été respecté (Trib. arb., 17 janvier 2023, inédit). Toutefois, le non-respect de ce délai n'emporte pas nullité du contrat de franchise dès lors que le consentement du franchisé n'a pas été vicié …

 

Lettre des Réseaux · 23 septembre 2022

L'erreur sur la rentabilité Le franchiseur transmet dans le document d'information précontractuelle (DIP) un état général et local du marché ne contenant que des données brutes dépourvues d'analyse. Article L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce Il appartient au franchisé de mener une étude de marché contenant des éléments d'analyse et des comptes prévisionnels. CA Paris, 5-4, 12 janvier 2022, n°19/07792 ; Cass. com., 28 mai 2013, n°11-27.256 Le manquement à l'obligation d'information précontractuelle peut fonder une demande en nullité du contrat pour erreur sur la …

 

Gouache Avocats · 15 avril 2022

Absence de manquement du franchiseur à son obligation d'information précontractuelle et reconnaissance du caractère substantiel de son savoir-faire Dans un arrêt du 12 janvier 2022, la Cour d'appel de Paris confirme l'absence de dol du franchiseur et le caractère substantiel de son savoir-faire et rejette ainsi les demandes en nullité formulées par le franchisé. En l'espèce, un contrat de franchise est conclu pour l'exploitation d'un magasin d'optique. La société franchisée est placée en redressement judiciaire qui sera convertie plus tard en liquidation. Elle assigne alors son …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 4, 12 janv. 2022, n° 19/07792
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/07792
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 5 mars 2019, N° 2016028148
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRET DU 12 JANVIER 2022

(n° , 9 pages)


Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/07792 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7WXI


Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Mars 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2016028148

APPELANTE ET INTERVENANT VOLONTAIRE

SELARL A-FLOREK (anciennement dénommée SELARL A) ayant son siège social

[…]

[…]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de TOURS sous le numéro 501 383 608

prise en sa qualité de Mandataire de la SARL D E, aux fins de poursuite des instances en cours et du recouvrement des sommes dues à la SARL D E, ayant son siège social […], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de TOURS sous le numéro 531 790 715, placée en liquidation judiciaire par suite d’un jugement du Tribunal de commerce de TOURS en date du 22 novembre 2016, mission conduite par Maître Z A.


Désignée en cette qualité par le jugement de Tribunal de commerce de TOURS du 10 juin 2021, mission conduite par Maître Z A, représentant légal de la SELARL A-FLOREK, en sa qualité de cogérant.


Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034


Ayant pour avocat plaidant Me Anthony RIGOUT, avocat au barreau de TOURS, toque : 81

INTIMEE

SARL MULTIVISION FRANCHISE prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social

[…]

94100 Saint-Maur-des-Fossés

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de CRETEIL sous le numéro 502 536 097
Représentée par Me Michaël DRAY de la SELURL DRAY-AVOCAT.FR, avocat au barreau de PARIS, toque : E0081

COMPOSITION DE LA COUR :


En application des disposition des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Octobre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente, chargée du rapport, et Mme Camille LIGNIERES, Conseillère.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente,

Mme Camille LIGNIERES, Conseillère,

Mme Sophie DEPELLEY,Conseillère,

Greffier, lors des débats : Mme Sihème MASKAR

ARRET :


- contradictoire


- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


- signé par Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente, et par Mme Meggy RIBEIRO, Greffière placée, présente lors du prononcé.

***


La société Multivision créée en 2000, est spécialisée dans l’optique, la lunetterie et la photographie sous l’enseigne VisionStore, activité qu’elle a exercée pendant plusieurs années dans des magasins en propre en région parisienne et qu’elle a ensuite développé en franchise à partir de 2008, via sa société soeur, la société Multivision Franchise.


Un contrat de franchise a été signé le 11 avril 2011 entre la société Multivision Franchise et la societé D E alors en cours de constitution, représentée par ses deux associés dirigeants, M. B Y et M. C X pour l’exploitation d’un magasin d’optique situé à Tours (37000). Ce contrat faisait suite à la signature d’un document d’information précontractuelle (DIP) le 1er octobre 2010.


La société D E a ouvert en 2013 une seconde boutique à Tours sous l’enseigne Kodak, hors du réseau Vision Store.


La société franchisée D E a été placée en redressement judiciaire le 1er décembre 2015.


Par actes extrajudiciaires des 7 et 8 avril 2016, arguant des manquements du franchiseur à ses obligations contractuelles, de l’absence d’un quelconque savoir-faire transmis et de chiffres d’affaires et résultats commerciaux réalisés très éloignés des prévisionnels ambitieux présentés par la société Multivision Franchise, la société D E représentée par la Selarl A, en qualité d’adminsitrateur judiciaire, a saisi le tribunal de commerce de Paris à l’effet de voir prononcer la nullité du contrat de franchise.
La procédure de redressement judiciaire a été transformée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Tours le 22 novembre 2016, la société A étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 6 mars 2019, le tribunal de commerce de Paris a statué en ces termes :

'' Prend acte de l’intervention volontaire de la SELARL A, prise en la personne de Me Francis A, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL D E ;

' déboute la SELARL A, prise en la personne de Me Francis A, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL D E de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

' déboute la SARL MULTIVISION FRANCHISE de sa demande de communication de pièces ;

' Déboute la SELARL A, prise en la personne de Me Francis A, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL D E de sa demande au titre de l’article 700 du CPC ;

' condamne la SELARL A, prise en la personne de Me Francis A, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL D E aux depens de l’instance, dont ceux a recouvrer par le greffe, liquidés a la somme de 77,84 € dont 12,76 € de TVA'.


Le liquidateur de la société D E a interjeté appel de cette décision le 11 avril 2019.


Par jugement du 10 juin 2021, le tribunal de commerce de Tours a prononcé la clôture de la liquidation judiciaire de la société D E.

Vu les dernières conclusions de la société A-Florek, intervenant volontaire en sa qualité de liquidateur judiciaire et appelante aux fins des poursuites des instances en cours et du recouvrement des sommes dues à la société D E, déposées et notifiées le 2 septembre 2021, par lesquelles il est demandé à la cour de :

« Vu les dispositions des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce ;

Vu les dispositions des articles 1108, 1109 et 1116 du Code civil dans leur version antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Vu les dispositions de l’article 1382 du Code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Vu les pièces versées aux débats ;

DONNER ACTE à la société SOCIETE D’EXERCICE LIBERAL A RESPONSABILITE LIMITEE A-FLOREK – PAR ABREVIATION SELARL A-FLOREK, mission conduite par Maître Z A, de son intervention volontaire en sa qualité de mandataire désigné en application de l’article L. 643-9 du Code de commerce aux fins de poursuite des instances en cours et du recouvrement des sommes dues à la SARL D E (précédemment immatriculée au RCS de TOURS sous le n° 531 790 715, dont le siège social était […], […], placée en liquidation judiciaire par suite d’un jugement du Tribunal de commerce de TOURS en date du 22 novembre 2016, liquidation judiciaire clôturée par jugement du Tribunal de commerce de TOURS du 10 juin 2021) venant aux droits de la société SOCIETE D’EXERCICE LIBERAL A RESPONSABILITE LIMITEE A-FLOREK – PAR ABREVIATION SELARL A-FLOREK, en sa précédente qualité de liquidateur judiciaire de la SARL D E, mission conduite par Maître Z A ; DIRE ET JUGER la société SOCIETE D’EXERCICE LIBERAL A RESPONSABILITE LIMITEE A-FLOREK – PAR ABREVIATION SELARL A-FLOREK ès qualités, mission conduite par Maître Z A, recevable et bien fondée en son appel ;

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :

- débouté la société SOCIETE D’EXERCICE LIBERAL A RESPONSABILITE LIMITEE A-FLOREK – PAR ABREVIATION SELARL A-FLOREK (anciennement dénommée SELARL A), agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL D E, et prise aujourd’hui en sa qualité de de mandataire désigné en application de l’article L. 643-9 du Code de commerce aux fins de poursuite des instances en cours et du recouvrement des sommes dues à la SARL D E, mission conduite par Maître Z A, de :

sa demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat de franchise conclu entre la société D E et MULTIVISION FRANCHISE le 11 avril 2011, pour dol et absence de cause,

sa demande de condamnation de la société MULTIVISION FRANCHISE à lui payer la somme de 78.645,51 euros HT, sauf à parfaire, à titre de remboursement du droit d’entrée et des redevances de franchise réglée par cette dernière,

sa demande tendant à voir juger que la société MULTIVISION FRANCHISE, en se rendant coupable de dol, a engagé sa responsabilité civile délictuelle à l’égard de la société D E,

sa demande tendant à la condamner à lui payer sauf à parfaire, une somme de 297.139,00 euros à titre de dommages-intérêts, sa demande formulée au titre de l’article 700 du CPC,en ce qu’il l’a condamné aux dépens de l’instance,et plus généralement en toutes ses dispositions lui causant grief.

ET STATUANT À NOUVEAU des chefs du jugement infirmés :

PRONONCER la nullité du contrat de franchise conclu entre la société D E et MULTIVISION FRANCHISE le 11 avril 2011, pour dol et absence de cause ;

En conséquence,

CONDAMNER la société MULTIVISION FRANCHISE à payer à la société SOCIETE D’EXERCICE LIBERAL A RESPONSABILITE LIMITEE A-FLOREK – PAR ABREVIATION SELARL A-FLOREK, prise en sa qualité de mandataire désigné en application de l’article L. 643-9 du Code de commerce aux fins de poursuite des instances en cours et de recouvrement des sommes dues à la SARL D E, mission conduite par Maître Z A, la somme de 78.645,51 euros HT, sauf à parfaire, à titre de remboursement du droit d’entrée et des redevances de franchise réglée par cette dernière ;

Par ailleurs,

DIRE ET JUGER que la société MULTIVISION FRANCHISE, en se rendant coupable de dol, a engagé sa responsabilité civile délictuelle à l’égard de la société D E ;

En conséquence,

CONDAMNER la société MULTIVISION FRANCHISE à payer à la société SOCIETE D’EXERCICE LIBERAL A RESPONSABILITE LIMITEE A-FLOREK – PAR ABREVIATION SELARL A-FLOREK, en sa qualité de mandataire désigné en application de l’article L. 643-9 du Code de commerce aux fins de poursuite des instances en cours et du recouvrement des sommes dues à la SARL D E, mission conduite par Maître Z A, une somme de 297.139,00 euros à titre de dommages-intérêts, sauf à parfaire, ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

DEBOUTER la société MULTIVISION FRANCHISE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ».

Vu les dernières conclusions de la société Multivision Franchise déposées et notifiées par RPVA le 9 septembre 2021, par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de :

« CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 6 mars 2019 en ce qu’il a débouté D E et la SELARL A es-qualités, désormais dénommée A-FLOREK, de l’intégralité de ses demandes,

Et dès lors, DEBOUTER la SELARL A-FLOREK des demandes formées en appel,

LA CONDAMNER au paiement de la somme de 12.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ».

SUR CE, LA COUR

Sur la nullité du contrat de franchise

- Sur la violation de l’information précontractuelle


La société A-Florek ès qualités soutient que le document d’information précontractuel prescrit par l’article L 330-3 du code de commerce, remis par la société Multivision s’est révélé suffisamment lacunaire et trompeur pour vicier le consentement de la société D E, en ce que ne figuraient pas les chiffres d’affaires annuels réalisées par les trois points de vente déjà existants, ni ceux réalisés par la société Multivision Franchise, ni davantage en annexe les comptes annuels visés par l’article R.330-1 du code précité, ni la présentation de l’état local du marché et la présentation de l’état général du marché ne reposait que sur des chiffres et études réalisées en 2005/2006, datant de 5 ans ou plus avant la conclusion du contrat et se révélant très fravorables.


La société Multivision Franchise rétorque que l’appelante fait état de manière confuse de quelques rares omissions matérielles ainsi que d’allégations fausses ou tronquées.

Sur ce,


La société appelante se prévaut justement de l’application en matière de franchise, impliquant un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité, des articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce.


Ainsi que la société Multivision Franchise le reconnaît, celle-ci a omis de transmettre en annexe ses comptes annuels sur les deux derniers exercices et le chiffre d’affaires figurant dans le DIP (page 3) est celui de sa société soeur, Multivision.


Cependant, il ne peut se déduire de ce manquement, aucune réticence dolosive du franchiseur dès lors que les comptes de la société Multivision Franchise étaient disponibles au greffe du tribunal de commerce, ne faisant pas l’objet d’une déclaration de confidentialité pour les années concernées.


Par ailleurs, il ne peut être reproché au franchiseur de ne pas avoir produit les chiffres d’affaires des sociétés franchisées alors qu’aucune obligation à cet égard ne résulte des articles L 330-3 et R 330-1 du code de commerce.


S’agissant de la présentation de l’état général du marché dans le DIP, si les 3 études réalisées datent effectivement de 2005/2006, il ne saurait s’en déduire une volonté du franchiseur de tromper son cocontractant alors qu’il est justifié que des études plus récentes (études acuite.fr de 2009 et 2010 pièces 387 et 388) auraient été plus favorables compte tenu de l’évolution du marché de l’optique, faisant notamment état d’une progression du marché de l’optique de 3,80 % en 2009. A cet égard, la seule circonstance que la pièce 19 Annexe 'Comparatif Secteur' mentionne que le marché de l’optique est en baisse depuis 2008 avec un chiffre d’affaires moyen par point de vente semblant se stabiliser autour de 422K€/an et que le chiffre d’affaires annuel du secteur s’élève à 5,402 milliards d’euros, en progression seulement de 1,6% (2,1% d’inflation) ne peut suffire à établir que le marché tant national que local était déjà lors de la signature du contrat de franchise dans un état bien moins favorable qu’annoncé, avec des perspectives baissières évidentes.


S’agissant de l’état du marché local, la société appelante soutient justement que le DIP doit comporter une présentation à ce titre, qui fait défaut en l’espèce et le franchiseur ne rapporte pas la preuve de la remise effective de pièces au stade pré-contractuel satisfaisant à son obligation.


Cependant, il ne peut se déduire de cette omission une volonté de tromper son franchisé alors qu’il n’est pas contesté que le franchiseur a accompagné la demande de financement de la société D E d’un document précisant ces données (ses pièces 392 et 393).


Enfin, s’agissant des chiffres prévisionnels, la société franchisée observe que le DIP mentionnait en dernière page un chiffre d’affaires de 850.000 euros la première année, ce qui serait près de deux fois supérieur à la moyenne des chiffres d’affaires réalisés par un point de vente en général sur le secteur de l’optique, alors que son chiffre d’affaires n’a pas été celui escompté, un décalage du plus de 50% à la baisse par rapport au prévisionnel le plus pessimiste ayant été observé en 2014.


Mais la société intimée rétorque justement que la société D E était un commerçant indépendant, à qui il appartenait, au stade de son projet, d’étudier la situation, de réaliser une étude de marché, d’établir un prévisionnel raisonnable, autant de tâches que le franchiseur n’a pas à faire en lieu et place du candidat, qu’il lui appartenait d’étudier la faisabilité de son projet et d’en assumer les risques, le franchiseur n’ayant aucun devoir de réserve et de modération lorsqu’elle présente des chiffres et des éléments de comparaison et la circonstance que la société D E ait choisi le même cabinet d’expertise comptable qu’elle étant indifférente. Il sera ajouté que la circonstance que la pièce 19 de l’appelante (annexe 'Comparatif Secteur') qui prévoit une progression dudit chiffre d’affaires sur les trois premières années plus de quatre fois supérieure à celui constaté en moyenne sur le secteur n’est pas imputable au franchiseur.


En outre, ainsi que l’a relevé le tribunal, le chiffre d’affaires en 2012 a été de 386 261 euros avec un bénéfice de 23 067,74 euros et le chiffre d’affaires en 2013 a été de 300 298,95 euros.


Le franchiseur fait justement observer que la société franchisée n’a pas remis en cause son engagement au vu des résultats du premier exercice.


Egalement, il apparaît que des difficultés non imputables au franchiseur telles qu’un conflit entre les associés et l’ouverture par l’un d’eux d’un magasin Kodak hors franchise peuvent expliquer la tendance baissière du chiffre d’affaires à compter de 2013 .


Il résulte à suffisance de l’ensemble de ces éléments que le dol reproché à la société Multivision Franchise n’est pas établi. La société appelante échoue à établir que la société D E ne se serait pas engagée dans ce contrat si elle avait eu connaissance des éléments qui lui auraient été cachés.


De même, la société appelante ne démontre pas l’absence de cause à l’engagement en qualité de franchisée de la société D E.


Elle échoue ainsi à établir la nullité du contrat pour manquement à l’obligation d’information préconctractuelle.

- Sur l’absence de savoir-faire


La société appelante soutient que la société D E a été dupée sur la substance même de la franchise et du savoir-faire original transmissible allégué dans la mesure où :


- le franchiseur arguait d’une compétence particulière en choix de lieux d’implantation, dont il faisait même un élément constitutif de son savoir-faire, de sorte que l’emplacement très pénalisant aurait pu être évité si le franchiseur avait réalisé une étude sérieuse quant au marché local, ou avait mis en garde la société D E sur le lieu d’implantation prévu,


- des prestations de formations initiales et continues du franchisé étaient prévues, ce qui n’a été fait qu’une seule fois en 2012 avec plusieurs franchisés pour faire le point sur le fonctionnement du réseau,


- la détention d’un savoir-faire commercial original devait être transmis lors d’entretiens, remises de notes d’instructions ou de manuels de normes techniques, la société Multivision s’étant contentée d’envoyer des fiches de présentation d’un concept banal en termes d’optique ou de relation client,


- une communication nationale devait être mise en place, qui n’a pas eu lieu, et les quelques campagnes locales se sont révélées inadaptées,


- une assistance continue était prévue, sous forme de réunions semestrielles alors que seule une réunion a été organisée en 5 ans.


La société appelante soutient que le tribunal n’a pas démontré l’existence d’un savoir-faire défini par la jurisprudence comme « un ensemble d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience du franchiseur et testées par celui-ci, ensemble qui est secret, substantiel et identifié » Cass. com., 8 juin 2017, n°15-22.318. Elle ajoute que les courriels produits par l’intimée ne contenaient en fait que des éléments extrêmement basiques, dépourvus de la moindre originalité et insusceptibles de fournir au franchisé un avantage concurrentiel.


En outre, elle dit que le savoir-faire doit avoir été prouvé et expérimenté avec succès, l’évolution favorable du réseau constituant même un élément caractérisant la réalité du savoir-faire alors qu’il n’existe aujourd’hui que sept magasins sous l’enseigne Vision Store.


Selon elle, l’absence de transmission d’un savoir-faire formalisé et original doit être sanctionnée par la nullité du contrat de franchise pour dol ou absence de cause (Cass. com., 14 septembre 2010, n° 0917079 ; CA Paris, Pôle 5, 9 fév. 2011, JurisData n° 2011-001558).


La société Multivision Franchise rétorque que:


- le reproche relatif à l’absence de savoir-faire n’a jamais été formulé pendant toute la durée du contrat de franchise,


- ce savoir-faire était global et comprenait des services commerciaux innovants, un accueil du public qui reposait sur un protocole spécifique et une prospection systématique,


- Monsieur X connaissait parfaitement le concept pour l’avoir expérimenté en qualité de directeur de magasin à Issy-les-Moulineaux,
- sa société s’ur a dépensé des frais de presse et l’assistance du franchiseur à la société D E a été constante malgré les retards, puis les défauts de paiement,


- le tribunal a mis en avant que les difficultés rencontrées par la société D E et la tendance baissière de son chiffre d’affaires à compter de 2013 n’étaient pas liées aux manquements du franchiseur mais à des aléas et évènements extérieurs comme l’augmentation progressive du loyer, un conflit entre associés, l’ouverture d’une seconde boutique en violation du contrat de franchise et la réalisation de travaux de voirie pour l’installation d’un tramway.

Sur ce,


Le savoir-faire peut en effet se définir comme un ensemble d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience du franchiseur et testées par celui-ci, ensemble qui est secret, substantiel et identifié.


En l’espèce, ainsi que le fait justement valoir le franchiseur, la société appelante ne peut être suivie lorqu’elle invoque une absence du savoir-faire alors que sa pièce 2 intitulé ' Plaquette d’implantation d’un magasin Vision Store’ évoque la spécificité de Visionstore : 'un agencement 'mode’ associé à de nouveaux services tels que le montage en 15 minutes, des miroirs virtuels, des produits de marques très accessibles ou un bar intégré, le 1/3 payant informatisé, la cmu'.


Le franchiseur justifie ainsi d’un savoir-faire global avec des services commerciaux innovants, mais aussi un accueil du public dans une optique de prospection.


S’agissant du choix de l’emplacement, il n’est pas démontré que le franchsieur aurait manqué à ses obligations à cet égard, le franchiseur faisant état d’un emplacement choisi, à proximité du centre-ville, de la future ligne de tramway, d’une maison de retraite et d’une sortie (piétons) de parking, et d’une boutique permettant le passage de la rue vers l’intérieur de la galerie marchande, étant observé qu’en tout état de cause, il appartenait au franchisé de procéder lui-même à une analyse d’implantation précise.


Par ailleurs, il est établi que M. X connaissait parfaitement le concept pour l’avoir expérimenté en qualité de directeur de magasin à Issy-les-Moulineaux, ainsi qu’il résulte de son CV (pièce n°49 du franchiseur). Quant à l’autre associé, M. Y, il a été formé au concept dans une boutique Vision Store (pièce n°389). La formation ne s’est donc pas limitée à la remise de fiches (pièce 24 de l’appelante).


Si le franchiseur n’a pas satisfait à ses obligations en matière de communication au plan national, il y a satisfait au plan local (sa pièce n°390). Et il justifie à suffisance avoir satisfait à son obligation d’assistance (ses pièces n°84 à 114, n°116 à 121, n°123 à 129, n°131 à 147, n°149 à 152, n°154, n°156 à 171, n°174 à 211, n°213 à 224, n°355).


Il s’ensuit que l’appelante ne démontre ni l’existence d’un dol au titre du savoir-faire ni l’absence de cause à l’appui de sa demande de nullité du contrat de franchise.


La demande tendant au prononcé de la nullité du contrat de franchise est rejetée, de même que la demande subséquente de condamnation de la société Multivision Franchise à des dommages-intérêts.


Le jugement qui a rejeté les demandes présentées pour la société D E est confirmé.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile


L’appelante qui succombe est condamnée aux dépens d’appel et à verser à la société Multivision Franchise la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

REÇOIT la SELARL A-FLOREK, mission conduite par Maître Z A, en son intervention volontaire en sa qualité de mandataire désigné en application de l’article L. 643-9 du Code de commerce aux fins de poursuite des instances en cours et du recouvrement des sommes dues à la SARL D E venant aux droits de la SELARL A-FLOREK, en sa précédente qualité de liquidateur judiciaire de la SARL D E, mission conduite par Maître Z A ;

CONFIRME le jugement ;


Y ajoutant,

CONDAMNE la SELARL A-FLOREK, en sa qualité de mandataire désigné en application de l’article L. 643-9 du Code de commerce aux fins de poursuite des instances en cours et du recouvrement des sommes dues à la SARL D E, aux dépens d’appel et à payer à la société MULTIVISION FRANCHISE la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande.


LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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