Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 20 janvier 2022, n° 18/22111

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 5, 20 janv. 2022, n° 18/22111
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/22111
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 7 octobre 2018, N° 2016036322
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRET DU 20 JANVIER 2022

(n° , 9 pages)


Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/22111 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6QNH


Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Octobre 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2016036322

APPELANTE

SARL COULEURS DU MONDE prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social

[…]

[…]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 807 487 251


Représentée par Me Ariane SIC SIC, avocat au barreau de PARIS, toque : C1477


Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuelle LEFEVRE de la SELARL BLOB AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 381

INTIMEE

Société E PLUS DIDOT, anciennement dénommée D E, prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social

[…]

[…]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro B 508 349 917


Représentée par Me Elodie AZOULAY CADOCH, avocat au barreau de PARIS, toque : A0985


Ayant pour avocat plaidant Me François GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0898

COMPOSITION DE LA COUR :


L’affaire a été débattue le 07 Octobre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre Mme Nathalie RENARD, Présidente de chambre

Madame Christine SOUDRY, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Marie-Annick PRIGENT, Présidente, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Sihème MASKAR

ARRET :


- Contradictoire,


- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,


- signé par Mme Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre, et par, Mme Meggy RIBEIRO, Greffière placée, présente lors du prononcé.

***

FAITS ET PROCÉDURE


La société D E, créée en 2008, est spécialisée dans la vente en gros de peintures, quincaillerie et verres en petites surfaces.

M. Y A a été salarié de la société D E en tant que vendeur/magasinier du 1er août 2011 au 23 décembre 2014, date à laquelle il a quitté la société après avoir remis sa démission le 17 décembre 2014 et effectué un préavis d’une durée d’une semaine.


Peu avant sa démission, il a créé le 1er novembre 2014 avec M. B C, autre salarié de la société D E, la société Couleurs du Monde dont il est le co-gérant. Elle est dédiée à la vente en gros et au détail de peintures ainsi que de tous matériels et matériaux associés. La société Couleurs du Monde exerce son activité dans une boutique située avenue de la porte de Brancion à Paris et distante de 1.1 km de celle de la société D E.


En 2015, la société D E a constaté une perte de chiffre d’affaires qu’elle attribue à un détournement de clientèle opéré par la société Couleurs du Monde.


Par requête en date du 22 janvier 2016, la société D E a sollicité du Président du tribunal de commerce de Paris la désignation d’un huissier de justice avec pour mission de constater la présence de clients de la société D E dans le fichier clientèle de la société Couleurs du Monde et, d’accéder aux factures des clients communs aux deux sociétés en vue de quantifier le chiffre d’affaire réalisé par la société Couleurs du Monde avec des clients de la société D E.


Par ordonnance du 22 janvier 2016, le Président du tribunal de commerce de Paris a fait droit à cette demande. Le 19 février 2016, l’huissier a dressé un procès-verbal de constat.


Le 12 mai 2016, la société Couleurs du Monde a assigné la société D E en rétractation d’ordonnance mais le juge des référés a confirmé l’ordonnance en toutes ses dispositions.


Par acte d’ huissier de justice en date du 10 juin 2016, la société D E a assigné la société Couleurs du Monde devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir condamnée à lui verser la somme de 280.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 8 octobre 2018, le tribunal de commerce de Paris a :


- Dit que SARL Couleurs du Monde s’est rendue coupable d’un agissement en concurrence déloyale en ayant été créée avant que son gérant ne se soit rendu libre de tout engagement salarial à l’égard de D E.


- Débouté SARL D E de ses demandes de condamnation de SARL Couleurs du Monde pour les autres agissements allégués en concurrence déloyale et/ou parasitisme.


- Condamné SARL Couleurs du Monde à payer à SARL D E la somme de 35.000 euros, en réparation de sa faute et la somme de 4.600 euros au titre du PV de constat établi par Me X, huissier-audiencier.


- Condamné SARL Couleurs du Monde à payer à SARL D E la somme de 3.000 euros, en application de l’article 700 code de procédure civile.


- Ordonné l’exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans caution.


- Rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires.


- Condamne SARL. Couleurs du Monde aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 78,36 € dont 12,85 € de TVA.

Par déclaration du 11 octobre 2018, la société Couleurs du Monde a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a :


- Dit que la SARL Couleurs du Monde s’est rendue coupable d’un agissement en concurrence déloyale en ayant été créée avant que son gérant ne se soit rendu libre de tout engagement salarial à l’égard de D E


- Condamné la SARL Couleurs du Monde à régler à la SARL D E les sommes de :

35.000 € à titre de dommages et intérêt• 4.600 € à titre de remboursement des frais de PV de constat• 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile•


- Condamné la SARL Couleurs du Monde aux entiers dépens


- Rejeté les demandes formées par la SARL Couleurs du Monde à l’encontre de la SARL D E :

en dommages et intérêts pour concurrence déloyale à hauteur de 15.000 €,• en dommages et intérêts pour procédure abusive à hauteur de 5.000 €• au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 6.500 €• au titre des dépens .•

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 10 mai 2019, la société Couleurs du Monde demande à la cour de :


Vu les dispositions de l’article 1382 ancien et 1240 nouveau du code civil,


Vu les dispositions de l’article 32.1 du code civil,


- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a constaté l’inexistence d’acte de concurrence déloyale imputable à la société Couleurs du Monde après le 23 décembre 2014.


- Infirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Couleurs du Monde au paiement de sommes à titre de dommages et intérêts, de remboursement de frais de constat d’huissier ainsi qu’au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et des dépens.


- L’infirmer en ce qu’il a rejeté les demandes reconventionnelles de la société Couleurs du Monde, sans les examiner.


Statuant à nouveau


- Constater que la société Couleurs du Monde ne s’est livrée et ne se livre à aucun acte de concurrence déloyale et débouter en conséquence la SARL E Plus Didot, anciennement dénommée D E, de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,


- Constater que la SARL E Plus Didot, anciennement dénommée D E, par ses man’uvres d’intimidation cherche à fausser le jeu normal de la concurrence et commet ainsi des fautes au préjudice de la société Couleurs du Monde ;


En conséquence,


- Condamner la SARL E Plus Didot, anciennement dénommée D E, à verser à la société Couleurs du Monde la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,


- Condamner la SARL E Plus Didot, anciennement dénommée D E, à verser à la société Couleurs du Monde la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,


- Condamner la SARL E Plus Didot, anciennement dénommée D E, à verser à la société Couleurs du Monde la somme 7.500 € au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 19 février 2019, la société E Plus Didot, anciennement dénommée D E, demande à la cour de :


A titre principal,


- Confirmer le Jugement du 8 octobre 2018 en ce qu’il a constaté que la société Couleurs du Monde a commis des actes de concurrence déloyale


Et statuant à nouveau,


- Vu l’article 1382 du Code Civil ;


- Recevoir la société E Plus Didot, anciennement dénommée SARL D E, en toutes ses demandes, fins et conclusions ;


A titre subsidiaire,


- Confirmer le Jugement du 8 octobre 2018 en toutes ses dispositions


Et en toutes hypothèses,


- Débouter la SARL Couleurs du Monde de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Juger que la SARL Couleurs du Monde s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale et parasitaire par dénigrement et désorganisation de la société E Plus Didot, anciennement dénommée D E


En conséquence,


- Condamner la SARL Couleurs du Monde à payer à la Société E Plus Didot, anciennement dénommée D E, les sommes de :

280 000 euros à titre de dommages et intérêts• 4600,09 € au titre du Procès-verbal de constat établi par Me X huissier-audiencier• 5200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;•

- Condamner la même aux entiers dépens y compris les frais liés à la mesure d’instruction ordonnée par le Président du Tribunal de Commerce par Ordonnance du 22 janvier 2016, conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 9 septembre 2021.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION


La société Couleurs du Monde fait valoir que :


- M. A, vendeur magasinier auprès de la SARL E Plus Didot n’était astreint à aucune clause de non-concurrence,


- elle n’a eu aucune activité commerciale avant la mi janvier 2015 et n’a donc pas pu commettre un quelconque acte de concurrence déloyale,


- sa boutique est implantée à 1,5 km de la société E Plus Didot,


- il n’existe aucun risque de confusion entre la société E Plus Didot et la société Couleurs du Monde leurs dénominations sociales étant très différentes,


- elle ne s’est jamais présentée comme une émanation de la société E Plus Didot et n’a utilisé aucun élément appartenant à cette dernière lui permettant de s’inscrire dans son sillage et de la parasiter.


La société E Plus Didot répond que :


- M. Y A a usé d’un procédé déloyal, puisqu’il a profité de son délai de préavis et de sa présence au sein de la société qui l’employait pour prospecter systématiquement la clientèle de son employeur,


- la société Couleurs du Monde a démarché les clients connus nécessairement par ses fondateurs,


- il existe un risque de confusion entre les deux boutiques au vu de leur décoration, le magasin de la société Couleurs du Monde ayant les mêmes moulures que celui de la société E Plus Didot,


- M. Y A avait accès à tout le fichier clients puisqu’il établissait les fichiers d’enlèvement et les factures.


L’action en concurrence déloyale trouve son fondement dans les dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la cause, lesquels impliquent l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux.


La concurrence déloyale se définit comme la commission d’actes déloyaux, constitutifs de fautes dans l’exercice de l’activité commerciale, à l’origine pour le concurrent d’un préjudice.


La clientèle est libre de s’adresser à l’entreprise de son choix, et la liberté de la concurrence autorise le démarchage de la clientèle d’un concurrent, celui-ci pouvant néanmoins être condamné pour concurrence déloyale s’il détourne la clientèle de son concurrent en usant de procédés contraires aux usages du commerce, tels que l’utilisation de publicités interdites, des pressions sur la clientèle, le dénigrement du concurrent.

M. Y A a été salarié de la société D E – en tant que vendeur/magasinier du 1er août 2011 jusqu’au 23 décembre 2014, date à laquelle il a quitté la société après avoir remis sa démission le 17 décembre 2014 et effectué un préavis d’une durée d’une semaine.

M. Y A a créé avec M. B C, autre salarié de la société D E, la société Couleurs du Monde dont il est le co-gérant. Cette société, dont l’activité a débuté le 1er novembre 2014 selon l’extrait Kbis versé aux débats, est dédiée à la vente en gros et au détail de peintures, ainsi que de tous matériels et matériaux associés.


La société Couleurs du Monde produit une lettre du 17 décembre 2014 de l’Office Public d’HLM Paris Habitat l’ayant autorisé à effectuer les travaux d’enseigne et de façade nécessaires au commencement de son activité. Elle verse une photographie de la façade de la boutique justifiant qu’antérieurement, y était exploité un salon de coiffure.


Elle produit une attestation en date du 23 février 2016 du cabinet d’expertise comptable Ifex que la SARL Couleurs du Monde a réalisé sa première facture client en date du 12 janvier 2015. Le fait que des commandes de matériaux auprès des fournisseurs ont été effectuées antérieurement au 1er janvier 2016 afin de permettre un début d’activité au début du mois de janvier 2016 n’est pas constitutif en soi d’un acte de concurrence déloyale.

M. Daniel Portemer témoigne le 8 juin 2015 : « Avant son départ de D E, le vendeur Monsieur Y m’a demandé mes coordonnées, comme je l’ai entendu faire avec d’autres clients au prétexte de m’informer des promotions éventuelles.


Par la suite, il est parti s’installer dans sa propre boutique et qu’elle ne fut pas ma surprise qu’il me harcèle afin que je vienne me fournir chez lui : les couleurs du monde dont il me donnait les coordonnées. Il m’a rappelé à plusieurs reprises avec insistance ».


La société Couleurs du Monde verse aux débats un extrait de société.com et d’Infogreffe Annonces démontrant que la société gérée par M. Portemer, a fait l’objet d’une liquidation le 23 novembre 2010. La société D E ne justifie pas que M. Portemer est l’un de ses clients.

Monsieur F Z aux termes d’une attestation, affirme qu’il serait client de SARL E Plus Didot, anciennement dénommée D E, et qu’alors qu’il « se trouvait au dépôt de Colombes, il [M. Y H] m’a prévenu qu’il allait s’installer avec un collègue pour monter un magasin de peinture s’appelant les Couleurs du Monde et qu’il voulait que je vienne acheter du matériel chez lui. Il m’a rappelé à plusieurs reprises, car il avait gardé mon numéro de téléphone ». M. Mehmeti atteste le 23 février 2016 avoir été contacté dans la deuxième moitié du mois de février 2015 par M. H les Couleurs du Monde pour venir au nouveau magasin les Couleurs du Monde.

M. H, ancien vendeur de la société D E, oppose le fait qu’il ne connaît pas ces personnes en tant que clients de celle-ci. La société D E ne produit aucune facture en justifiant.


Il est versé un constat d’huissier de justice en date du 19 février 2016 sur autorisation du président du tribunal de commerce de Paris. L’huissier de justice a constaté sur l’ordinateur de la société Couleurs du Monde la présence de 11 clients communs avec la société D E qui prétend que cinq constitueraient ses meilleurs clients. Il n’est cependant pas produit le montant du chiffre d’affaires réalisé avec ces clients. Il n’est pas davantage précisé le nombre de clients de la société D E alors qu’elle a réalisé un chiffre d’affaires de 800 000 € en 2015 ce qui permet de conclure à un nombre important de clients s’agissant d’une boutique.


Dans le cadre de ce constat, l’huissier de justice a eu accès aux factures de la société Couleurs du Monde et il n’est démontré l’existence d’aucune facture antérieure au mois de janvier 2016, M. H ayant quitté son employeur le 23 décembre 2015.


La société Couleurs du Monde s’est installée dans un magasin situé à 1,1 km de la société D E comme le démontre un extrait du plan « Mappy », ce qui n’est pas constitutif d’un acte de concurrence déloyale.


La société Couleurs du Monde cite les boutiques exerçant la même activité à proximité de la société D E justifiant la présence de nombreux autres concurrents :


- La société Zolpan Nord France, […],


- La société Couleurs de Tollens située dans la même rue,


- La société Akzo Nobel Distribution située dans une rue voisine,


- Les sociétés La Palette SA, la société Ressources, les sociétés Colorine

et Peintures de Paris.


Il est versé des photographies de la devanture de chacun des magasins. Si les devantures présentent des moulures quasi similaires, ceci est commun à de nombreux magasins. Les moulures de la devanture de la société Couleurs du Monde sont peintes en jaune vif alors que celles du magasin la société D E sont peintes en gris rehaussé de blanc. Le bandeau de la devanture de la boutique de la société Couleurs du Monde porte son nom en lettres blanches sur fond noir alors que celui de la société D E porte la mention suivante en lettres blanches sur fond rouge encadré de bleu : 'peinture ' papier peint ' parquet ' moquette'. Il en résulte qu’il est impossible de confondre les deux magasins qui ont des dénominations très différentes. Aucun acte de parasitisme n’est caractérisé sur ce plan.


S’agissant de peinture pour le bâtiment, lequel constitue un matériau courant, il est sans incidence que les deux magasins vendent les mêmes marques ou s’approvisionnent auprès des mêmes fournisseurs.


Les pièces comptables versées aux débats établissent que les chiffres d’affaires et les bénéfices de la société D E ont été les suivants :


- En 2013, le chiffre d’affaires cumulé s’élève à 894 417 € et le bénéfice à 71 891 €
- En 2014, le chiffre d’affaires cumulé s’élève à 803 641 € et le bénéfice à 36 455 €


- En 2015, le chiffre d’affaires cumulé s’élève à 609 417 € et le bénéfice est de (-) 117 908 €


- En 2016, le chiffre d’affaires cumulé s’élève à 631 369 € et le bénéfice à 19 629 €.


Le chiffre d’affaires a diminué dès l’année 2015 sans que la création de la société Couleurs du Monde puisse être mise en cause puisque son activité n’a débuté qu’au début de l’année 2016 et les chiffres d’affaires de la société D E sont équivalents en 2015 et 2016.


La société Couleurs du Monde fait observer que les pièces comptables de la société D E révèlent les éléments suivants :

• La société D E a diminué de moitié ses achats de marchandise entre 2014 et 2015 soit l’année ou la perte de chiffre d’affaires a été la plus forte, les achats de marchandises sont passés de 634.000 € à 336.000 €, la perte de chiffre d’affaires de 197.000 € devant être attribuée au fait que la société D E ne disposait plus, faute de stocks, des produits dont ont immédiatement besoin les artisans.

• La société D E a également diminué de 40 % ses frais de personnel qui sont passés de 58.825 € à 34.877 € en un an.


Il sera fait observer que la diminution conséquente de ses achats et de son personnel ont nécessairement contribué à la chute du chiffre d’affaires de la société D E, ce qui a correspondu au départ de son vendeur présent depuis trois ans et demi dans la boutique lequel a ouvert son propre magasin.


Les deux attestations de M. Mehmeti et de M. Z sont insuffisantes pour rapporter la preuve de faits de concurrence déloyale en ce qu’elles ne sont corroborées par aucun autre élément probant.


Si M. H dès son départ de la société D E a débuté une nouvelle activité dans le cadre de la société Couleurs du Monde, et a informé les clients qu’il servait régulièrement chez son ancien employeur de l’ouverture de son magasin, ce qui a de ce fait entraîné un transfert de clientèle de la société D E vers la société Couleurs du Monde ; pour autant aucun fait de concurrence déloyale ou de parasitisme n’est caractérisé à l’encontre de celle-ci, qui a commencé son activité commerciale postérieurement au départ de M. H.


En conséquence, le jugement sera infirmé et la société E Plus Didot, anciennement dénommée société D E, sera déboutée de sa demande d’indemnisation à ce titre.

Sur les demandes de la société Couleurs du Monde

Sur la demande de la société Couleurs du Monde en dommages-intérêts


La société Couleurs du Monde fait valoir qu’ en cherchant à fausser le jeu normal de la concurrence par des pressions et des man’uvres d’intimidation, la société D E a commis une faute lui ayant causé un préjudice, la contraignant à se consacrer à des tâches stériles, au lieu de développer son activité.


La société Couleurs du Monde ne démontre pas que le fait qu’à la suite de la requête de la société D E, un huissier de justice ait été autorisé judiciairement à se rendre dans les locaux de sa société afin de faire constater l’existence de clients communs entre les deux sociétés soit constitutif de harcèlement ou d’acte d’intimidation à l’origine d’un préjudice non caractérisé en l’espèce.
La demande de dommages et intérêts de la société Couleurs du Monde formulée de ce chef sera rejetée.

Sur la demande de la société Couleurs du Monde pour procédure abusive


Il résulte de l’article 32-1 du code de procédure civile qu’une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s’être défendue que si l’exercice de son droit a dégénéré en abus. L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’étant pas, en soi, constitutive d’une faute, l’abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par la juridiction.


La société Couleurs du Monde ne précise pas ce qui caractérise la procédure abusive par rapport à sa demande précédente de dommages-intérêts. Il y a lieu de rappeler que la société Couleurs du Monde est à l’origine de l’appel et que la société E Plus Didot, anciennement dénommée société D E, était, non seulement fondée à se défendre dans cette procédure mais a eu partiellement raison en première instance. Dans ces conditions, la procédure qu’elle a intentée et dans laquelle elle se défend en appel ne peut être considérée comme abusive.


La demande de dommages et intérêts de la société Couleurs du Monde formulée à ce titre sera rejetée.

Sur les demandes accessoires


Le jugement sera infirmé du chef des frais irrépétibles et des dépens.


La société E Plus Didot, anciennement dénommée société D E, succombant sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et versera à la société Couleurs du Monde la somme de 7000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,


Statuant à nouveau et y ajoutant,

REJETTE la demande de la société E PLUS DIDOT, anciennement dénommée D E, de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme,

REJETTE les demandes de la société COULEURS DU MONDE en dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1382 du code civil et 32-1 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société E PLUS DIDOT, anciennement dénommée D E, à verser à la société COULEURS DU MONDE la somme de 7000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toute autre demande,

CONDAMNE la société E PLUS DIDOT, anciennement dénommée D E, aux dépens de première instance et d’appel.


LE GREFFIER LE PRESIDENT
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