Cour d'appel de Paris, Pôle 4 chambre 8, 17 mai 2023, n° 21/12056

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 ch. 8, 17 mai 2023, n° 21/12056
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/12056
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 9 juin 2021, N° 2018070014
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 26 mai 2023
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Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 8

ARRÊT DU 17 MAI 2023

(n° 2023/ 78 , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/12056 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6KU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Juin 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2018070014

APPELANTE

S.A.S. EULER HERMES CRÉDIT FRANCE ('EHCF'), ayant désormais pour nom commercial ALLIANZ TRADE, SAS, ayant son siège :

[Adresse 1]

[Localité 3]

Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro : 388 236 853

Représentée par Me Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440

ayant pour avocat plaidant, Me Charlotte MACHTOU, RIEUNNEAU AVOCAT AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque A0385

INTIMÉE

S.A. EASY FOOD, société anonyme de droit monégasque, prise en la personne de son président-directeur général,

Chez BELARDI FOOD TRADING BLOC B/S-8E

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Gueorgui AKOPOV de l’AARPI AK AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0010

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre

M. Julien SENEL, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme [O] [K], dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET

ARRÊT : Contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Laure POUPET, Greffière présente lors de la mise à disposition.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société de droit monégasque EASY FOOD SA (« EASY FOOD '') a pour objet le négoce international de produits alimentaires et agricoles. Elle a souscrit le 2 décembre 2009 un contrat d’assurance-crédit contre le risque de non-paiement de ses créances commerciales avec la société EULER HERMES CREDIT FRANCE (EHCF) . A la suite d’une réorganisation du groupe EULER HERMES qui a conduit à substituer le garant financier EHCF à l’assureur EULER HERMES FRANCE, EHCF a accepté de signer le nouveau contrat de caution « Grand Angle » se substituant au contrat d’assurance et prenant effet le 1er juillet 2014, sans changement des conditions générales et particulières.

Dans le cadre de son activité commerciale, la société EASY FOOD a signé le 3 janvier 2018 avec la société sud-africaine Starways Trading 21 (« STARWAYS ''), un contrat-cadre de livraison de sucre pour l’année 2018 prévoyant un délai de paiement de 90 jours et un prix de marché à déterminer à chaque livraison.

STARWAYS n’ayant pas exécuté son obligation de paiement , EASY FOOD a déclaré le 5 septembre 2018 cet impayé d’environ un million de dollards US, en communiquant une demande d’intervention contentieuse à EHCF qui a refusé le 17 septembre 2018 la prise en charge du sinistre au motif que la créance déclarée n’entrait pas dans le champ de sa garantie.

Le 17 octobre 2018, EASY FOOD a vainement mis en demeure EHCF de prendre en charge le sinistre.

PROCÉDURE

Par assignation du 17 décembre 2018, EHCF a fait citer EASY FOOD devant le tribunal de commerce de Paris.

Par décision du 10 juin 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

— Condamné la société EULER HERMES CREDIT FRANCE SAS à payer à la

société de droit monégasque EASY FOOD SA la somme de 840.016,80€ à titre

d’indemnité, avec intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2018 ;

— Débouté la société de droit monégasque EASY FOOD SA de sa demande de

50.000€ pour demande abusive ;

— Condamné la société EULER HERMES CREDIT FRANCE SAS aux dépens;

— Condamné la société EULER HERMES CREDIT FRANCE SAS à payer à la

société de droit monégasque EASY FOOD SA la somme de 5.000€ au titre de

l’article 700 du code de procédure civile ;

— Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

— Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration électronique du 28 juin 2021 , enregistrée au greffe le 1er juillet 2021, la SAS EULER HERMES CREDIT FRANCE a interjeté appel .

Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 mai 2022, la société HEULER HERMES CREDIT FRANCE ( la société EHCF) demande à la cour :

«'Vu les articles 3, 1103, 1104 et 110, 1353 du code civil,

Vu le contrat « Grand Angle », et en particulier ses conditions générales (en leur article 1,

2, 7) et conditions particulières (en ses articles 2, 5 et 17),

A titre principal :

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

— jugé qu’Euler Hermes Crédit France est tenue de garantir Easy Food au titre de son

contrat contre le risque de non-paiement au titre de sa facture du 27 avril n°1804FR007

du 27 avril 2018 ;

— condamné Euler Hermes Crédit France à payer à la société de droit monégasque Easy

Food la somme de 840.016,80 € au titre d’indemnités avec intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2018,

— condamné Euler Hermes Crédit France à payer à la société de droit monégasque Easy

Food la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les

dépens ;

— débouté Euler Hermes Crédit France de ses demandes plus amples ou contraires ,

— le tout avec exécution provisoire, Euler Hermes Crédit France étant déboutée de sa demande tendant à la voir subordonnée à la constitution d’une garantie déposée à la Caisse des dépôts et consignations ou entre les mains d’un tiers commis à cet effet.

Statuant à nouveau,

' juger que la société Easy Food a présenté le 5 septembre 2018 à la garantie d’Euler Hermes Crédit France, une facture n°1804FR007 en date du 27 avril 2018 d’un montant de 1.1134.000 USD mentionnant un délai de paiement de 120 jours,

' juger que la mécanique de substitution de factures opérée par Easy Food n’est pas conforme au droit monégasque

' juger en conséquence que la facture n°1804FR007 en date du 27 avril 2018 d’un montant de 1.1134.000 USD mentionnant un délai de paiement de 90 jours n’a pas

de valeur probante ;

' juger que la créance présentée par Easy Food n’entre pas dans les conditions de garantie d’Euler Hermes Crédit France;

' en conséquence, juger qu’Euler Hermes Crédit France a valablement opposé son

refus de garantie quant à la facture n° l 804FR007 en date du 27 avril 2018;

' juger qu’Easy Food ne démontre pas un manquement d’Euler Hermes Crédit France au

devoir de conseil,

' par suite, débouter Easy Food de toutes ses demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire :

' juger que toute garantie d’Euler Hermes Crédit France n’est pas due par application des

articles 12-F et 15-18 des conditions Générales du contrat applicable ;

' subsidiairement, juger qu’Easy Food ne peut prétendre à indemnisation au titre d’un

manquement au devoir de conseil qu’en application de la théorie de la perte de chance

ne pouvant correspondre au montant de la garantie invoqué ;

' en conséquence, débouter Easy Food de ses demandes à l’encontre d’Euler Hermes

Crédit France.

A titre infiniment subsidiaire :

' juger que le contrat prévoyait un plafond d’indemnisation, en application duquel Easy

Food n’est pas fondé à réclamer une indemnisation excédant 90% de la créance ;

' juger qu’ Euler Hermes Crédit France ne saurait être tenue à garantie au-delà d’une indemnisation excédant 90% de la créance

' juger que la demande d’Easy Food excédant ce montant, est irrecevable et mal

fondée et par conséquent, la rejeter ;

' débouter Easy Food de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause :

' Débouter Easy Food de son appel incident, et déclarer irrecevables et mal fondées

toutes autres demandes, plus amples ou contraires.

' condamner Easy Food à verser la somme de 20.000 Euros à la défenderesse au titre de l’article 700 du code de procédure civile .

' condamner Easy Food aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction faite au profit de Me Domain.'»

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 février 2022, la société EASY FOOD demande à la cour :

«Vu les articles 1103, 1104, 1194, 1112-1, 1214, 1353 du code civil ; les articles L113-2, L113-

11 et L112-4 du code des assurances, article 9 du code de procédure civile ;

Vu les pièces

— CONFIRMER le jugement du tribunal de commerce de Paris du 10 juin 2021, en ses

dispositions, par lesquelles il a :

— condamné Euler Hermes Crédit France SAS à payer à la société de droit monégasque

Easy Food la somme de 840.016,80 € au titre d’indemnités avec intérêts au taux légal

à compter du 17 octobre 2018,

— condamné Euler Hermes Crédit France SAS aux dépenses, dont ceux à recouvrer par

le greffe, liquidés à la somme de 74.50 € dont 12.20 € de TVA ;

— condamné Euler Hermes Crédit France à payer à la société de droit monégasque Easy

Food la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les

dépens ;

— débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

— ordonné l’exécution provisoire du présent jugement.

— INFIRMER le jugement du tribunal de commerce de Paris du 10 juin 2021, en sa

disposition, par laquelle il a :

— débouté la société de droit monégasque EASY FOOD SA de sa demande de 50.000 €

pour résistance abusive dans l’exécution de ses engagements contractuels.

Ce faisant,

— CONDAMNER la société EULER HERMES CREDIT FRANCE au paiement au profit

de la société EASY FOOD de la somme de 50.000 € pour résistance abusive dans l’exécution de ses engagements contractuels.

Si par extraordinaire, la cour d’appel de Paris estime que la créance présentée par Easy Food n’entre pas dans les conditions de garantie d’Euler Hermes Crédit France, et décide

d’infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 10 juin 2021:

— CONDAMNER la société EULER HERMES CREDIT FRANCE au paiement au profit

de la société EASY FOOD de la somme de 914.804,60 € sur le fondement de manquement par EULER HERMES CREDIT FRANCE à son devoir d’information et de conseil, avec intérêts de retard à compter de la mise en demeure du 17 octobre 2018 ;

— CONDAMNER la société EULER HERMES CREDIT FRANCE au paiement au profit

de la société EASY FOOD de la somme de 50.000 € pour résistance abusive dans l’exécution de ses engagements contractuels.

En tout état de cause :

— REJETER toutes les demandes, fins et conclusions de la société EULER HERMES

CREDIT FRANCE,

— CONDAMNER la société EULER HERMES CREDIT FRANCE au paiement au

profit de la société EASY FOOD de la somme de 20.000€ sur le fondement de l’article

700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

— CONDAMNER la société EULER HERMES CREDIT FRANCE aux entiers dépens

dont distraction au profit de Maître Guéorgui AKOPOV, avocat au barreau de Paris.'»

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 11 octobre 2022.

Il convient de se reporter aux dernières conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

I Sur les conditions de garantie

A l’appui de son appel, EASY FOOD fait valoir que les créances entrant dans le champ de la garantie sont celles établies conformément au contrat de garantie avec un délai de paiement maximal de 90 jours s’agissant du client Starways situé en zone de risque «'M3'» d’après le contrat de garantie. Elle rappelle qu’ à l’appui de la demande d’intervention contentieuse (dic), EHCF a annexé une facture n° 1804FR007 émise à l’ordre de Starways Trading 21CC, datée du 27 avril 2018 et mentionnant un délai de paiement de 120 jours. Elle expose qu’à la suite du refus de garantie, EHCF lui a adressé une nouvelle facture portant le même numéro et la même date mais mentionnant un délai de paiement de 90 jours. Elle estime que cette facture qui ne respecte pas les exigences d’authenticité et d’intégrité requises par le droit monégasque, n’est pas valable et qu’en conséquence, à défaut de transmission d’une dic conforme à la définition contractuelle, la créance n’entre pas dans le champ de la garantie et n’ouvre pas droit à indemnisation.

En réplique, EASY FOOD rappelle la chronologie de l’opération de revente réalisée avec Starways: elle a conclu le 3 janvier 2018 un contrat cadre sur la livraison de sucre pour l’année 2018 prévoyant des délais de paiement de 90 jours à compter de la facture; le 13 avril 2018, elle a émis une facture temporaire pro forma n° SOFR0621 à destination de sa cliente Starways qui l’a acceptée en y apposant sa signature ; après avoir acheté la marchandise, elle l’a revendue à Starways en émettant une facture n° 1804FR007 le 27 avril 2018 avec les mêmes conditions de délai de paiement de 90 jours que la facture pro forma, que Starways a acceptée en la signant et en apposant son cachet ; le 13 juillet 2018, à la suite de la demande de Starways, elle a accepté de proroger le délai de paiement initial de 30 jours et a modifié la facture n° 1804FR007 pour 'refléter’ le délai de paiement prorogé. Elle estime donc que la créance avec le terme initial de 90 jours était conforme aux créances garanties par EHCF. Elle rappelle que la garantie de crédit couvre une créance et non une facture.

Sur ce,

1) Sur le droit applicable aux contrats

S’agissant du droit applicable,

Au préalable, s’agissant du droit applicable au contrat de garantie des créances commerciales souscrit entre EASY FOOD et EHCF, il ressort des conditions générales dans leur version du 10 avril 2014, que ce contrat est régi par le droit français.

S’agissant du contrat de vente de marchandises conclu entre EASY FOOD, société de droit monégasque, et Starways, société de droit sud-africain, la cour constate que le contrat communiqué (pièce 3 ' EASY FOOD) ne fait pas mention du choix du droit applicable . Le seul indice dont dispose la cour pour déterminer le droit applicable sont les conclusions de EASY FOOD dans lesquelles, celle-ci fait application du droit monégasque à la facturation litigieuse.

2) Sur les conditions de mise en oeuvre de la garantie des créances commerciales

Il n’est pas contesté qu’une novation s’est opérée en 2014 entre le contrat initial d’assurance crédit et le nouveau contrat par changement du co-contractant qui était initialement un assureur soumis au code des assurances, remplacé par une société de financement, EHCF, soumise au code monétaire et financier et que cette novation a été acceptée par EASY FOOD.

Il en résulte que le nouveau contrat n’est pas régi par le droit des assurances.

S’agissant du droit commun, il est soumis aux dispositions du code civil dans sa version antérieure à l’ ordonnance du 10 février 2016.

Il n’est pas non plus contesté que le client Starways est situé dans la zone de risque M3.

En l’espèce, le contrat est composé de conditions particulières et de conditions générales.

L’article 1er des conditions générales énonce l’objet du contrat «' vous êtes garanti contre le risque de non-paiement à l’échéance des «'créances'»commerciales garanties dont vous êtes propriétaires, selon les conditions tant générales que particulières définies dans ce contrat.

A cette fin vous bénéficiez des prestations suivantes qui forment un tout indivisible :

4)l’indemnisation de vos «'créances garanties impayées par le garant'» dans la limite du plafond d’indemnisation prévue à l’article 7C5. '»

L’article 2 définit le champ d’application du contrat: « Dans le cadre de vos conditions tant générales que particulières, vous êtes garanti contre le risque de non paiement des ventes et prestations de services:

2) facturées dès la réalisation de la vente ou de la prestation de services, étant précisé que la prestation ne peut avoir lieu plus de trente jours après la date de «'livraison'» ;

3) facturées avec un délai de paiement n’excédant pas celui précisé à l’article 2 de vos conditions particulières ';

S’agissant des délais de paiement

L’article 2 des conditions particulières qui renvoie aux articles 2 et 5 des conditions générales, stipule que «' vous pouvez consentir à votre client en fonction de la zone de risque où il se situe le délai maximum de paiement suivant. Ces délais s’entendent:

[']

Sur la zone M3: Comptant et crédit jusqu’à 90 jours sous réserve de l’article 17.'»

En l’occurrence, l’article 17 rappelle les dispositions de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 et ne s’applique qu’aux créances commerciales soumises au droit français y compris à l’export. Cette disposition ne s’applique donc pas au contrat conclu entre EASY FOOD et Starways.

Les conditions générales prévoient en leur article 5 que «'vous pouvez consentir des délais de paiement conformément aux termes de l’article 2 de vos conditions particulières'» et «'vous pouvez accorder une seule «'prorogation d’échéance ['] cette prorogation ne devra pas excéder une durée de 45 jours. […]'»

Sur l’indemnisation des créances garanties

Les conditions générales prévoit que «' toute indemnisation suppose que vous ayez transmis au préalable au garant une demande d’intervention contentieuse dans les délais fixés à l’article 6 des conditions générales, les pouvoirs nécessaires ainsi que tous les justificatifs requis.'»

Il ressort de ces éléments que pour qu’une créance sur un client relève de la garantie de EASY FOOD, le délai de paiement accordé par EHCF à l’émission de la facture, ne doit pas excéder 90 jours, ce délai étant ensuite susceptible d’être prorogé d’une durée maximale de 45 jours à compter de la date initialement fixée.

Il n’est pas contesté que EASY FOOD a adressé une demande d’indemnisation en transmettant au garant une demande d’intervention contentieuse en date du 5 septembre 2018 mentionnant une facture n° 1804FR007 avec une date du 27 avril 2018 et une date d’échéance du 27 août 2018 (pièce 6 ' EHCF), les pouvoirs nécessaires ainsi qu’une facture n° 1804FR007 émise à l’ordre de Starways Trading 21CC, datée du 27 avril 2018 et mentionnant un délai de paiement de 120 jours alors que les conditions contractuelles rappelées précédemment prévoient que ce délai ne peut pas excéder 90 jours.

Sur ce point, EASY FOOD soutient qu’elle avait émis une facture initiale à la date du 27 avril 2018 portant le n° 1804FR007, mentionnant un délai de 90 jours et que c’est à la demande de Starways qui a souhaité un délai plus long, qu’elle a modifié la facture initiale, fixant l’échéance du règlement à 120 jours. Elle communique pour en justifier, une copie d’une facture datée du 27 avril 2018 portant le n° 1804FR007, mentionnant un délai de 90 jours, portant le cachet de Starways et signée par cette dernière. (pièce 8 ' EASY FOOD)

Elle allègue aussi qu’elle était juridiquement autorisée à émettre une facture portant le même numéro et la même date que la facture initiale avec comme seul changement le délai de paiement, dès lors que ce délai est sans effet sur la validité d’une facture.

Toutefois, en droit monégasque, les dates d’émission et la numérotation des factures doivent se suivre et être cohérentes, le numéro unique étant basé sur une séquence chronologique continue sans rupture. Il n’est donc pas autorisé, sauf à porter atteinte aux exigences d’intégrité et d’authenticité d’une facture, de modifier une facture déjà émise, en lui fixant le même numéro et la même date, peu importe l’objet du changement.

Elle fait aussi valoir que le contrat garantit une créance et non une facture. Toutefois cette distinction est sans objet, dès lors qu’il ressort des dispositions contractuelles rappelées précédemment que le champ d’application de la garantie garantit le non-paiement d’une vente facturée avec un délai de paiement n’excédant pas le délai fixé à l’article 2 des conditions particulières, soit 90 jours.

Ainsi, bien qu’en acceptant à la demande de la société Starways, de reporter l’échéance de règlement à 120 jours, EASY FOOD n’ait pas dépassé le délai de 90 jours et le délai de prorogation de 45 jours, il n’en reste pas moins que la facture émise et transmise à l’appui de la demande d’intervention contentieuse, pour le paiement de laquelle la garantie de EHCF est réclamée, ne répond pas aux conditions de cette garantie puisqu’elle fixe un délai de 120 jours, supérieur au délai maximum de 90 jours prévu par la clause du contrat de garantie, rappelée précédemment.

Il en résulte que la créance de 914 804,60 euros, objet de cette facture dont EASY FOOD demande la garantie, n’entre pas dans le champ de la garantie due par EHCF au titre du contrat de garantie.

La demande de garantie formée par EASY FOOD sera donc rejetée.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

II Sur la mise en cause de la responsabilité de EHCF au titre du manquement à l’obligation de conseil

A l’appui de sa demande incidente subsidiaire, EASY FOOD fait valoir que EHCF a violé son obligation d’information et de conseil car ses conditions générales et ses conditions particulières ne sont pas complètes, claires et compréhensibles sur la durée du délai de paiement maximum, prorogation comprise, des créances garanties, ni sur la manière de rédiger une facture dont le délai initial a été prorogé.

En réplique, EHCF fait valoir que les documents composant le contrat établissent clairement le périmètre de la garantie. Elle rappelle en outre, que EASY FOOD était assistée d’un courtier lors de la souscription et des modifications du contrat.

Sur ce,

Il ressort du contrat dont les conditions particulières et les conditions générales ont été rappelées précédemment et dont EASY FOOD reconnaît avoir eu connaissance lors de la souscription du premier contrat en 2004 et qui sont restées inchangées en 2014 concernant le délai d’échéance et la faculté de prorogation, que les dispositions y afférentes sont contenues dans des articles distincts, écrits dans des termes de la langue courante, qu’il est clairement précisé que la vente doit être facturée avec un délai de paiement de 90 jours. La prorogation d’échéance est prévue dans une disposition distincte du délai de paiement initial. Sans qu’il soit nécessaire de procéder à une interprétation, il en résulte que la facturation initiale et la prorogation sont deux opérations distinctes qui se matérialisent en conséquence par des documents différents.

Ainsi, il s’avère que EHCF a rempli son obligation d’information.

Par ailleurs, il n’est pas contesté que EASY FOOD a consulté un courtier pour la souscription et les modifications du contrats et qu’elle est restée en relation avec ce dernier à la suite de la présente demande de garantie litigieuse.

Lors de la souscription du contrat et en cours d’exécution de celui-ci, il appartenait au mandant de consulter son courtier pour obtenir les conseils sur les caractéristiques des produits d’assurance qu’il proposait et sur leur adéquation avec la situation personnelle et les attentes de son mandant.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il s’avère que EASY FOOD ne justifie pas du manquement de EHCF à son obligation de conseil et d’information concernant la durée du délai de paiement et les modalités d’établissement d’une facture.

La demande d’indemnisation formée sur ce fondement sera donc rejetée.

Le jugement déféré sera complété sur ce point.

III Sur la demande d’indemnisation au titre de la procédure abusive

L’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à indemnisation qu’en cas de faute susceptible d’engager la responsabilité civile de son auteur.

Ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure, ne permettent de caractériser à l’encontre de EHCF une faute de nature à faire dégénérer en abus, le droit de se défendre en justice. Il ne sera ainsi pas fait droit aux demandes de dommages-intérêts formées à ce titre.

IV Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de la présente décision, il convient d’infirmer la condamnation de EHCF aux dépens et au paiement d’une indemnité pour frais irrépétibles.

EASY FOOD sera donc condamnée aux dépens de première instance et à payer à EHCF, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 5 000 euros.

Partie perdante en appel, EASY FOOD sera condamnée aux dépens d’appel. Il sera fait application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de EHCF et EASY FOOD sera condamnée à lui payer une somme que l’équité commande de fixer à 5 000 euros.

Sa demande à ce titre sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort par mise à disposition de la décision au greffe,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau,

Rejette la demande de garantie formée le 6 septembre 2018 par la société EASY FOOD au titre de la facture n° 1804FR007 émise à l’ordre de Starways Trading 21CC, datée du 27 avril 2018 et mentionnant un délai de paiement de 120 jours ;

Condamne la société EASY FOOD aux dépens de première instance ;

Condamne la société EASY FOOD à payer à la société EULER HERMES CRÉDIT FRANCE (EHCF) une somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

Rejette la demande d’indemnisation formée au titre du manquement de la société EHCF à son obligation de conseil et d’information ;

Rejette la demande d’indemnisation pour procédure abusive ;

Condamne la société EASY FOOD aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Condamne la société EASY FOOD à payer à la société EHCF la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute la société EASY FOOD de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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