Cour d'appel de Pau, 24 décembre 2014, n° 14/04580

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, 24 déc. 2014, n° 14/04580
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 14/04580
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Dax, 8 octobre 2012

Texte intégral

SG/CD

Numéro 14/04580

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 24/12/2014

Dossier : 12/03752

Nature affaire :

Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

SAS SULPICE

C/

X Y,

CENTRE HOSPITALIER DE DAX – COTE D’ARGENT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 24 Décembre 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 29 Octobre 2014, devant :

Monsieur CHELLE, Président

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

Madame COQUERELLE, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

SAS SULPICE

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège

XXX

XXX

XXX

Représentée par Maître JENATTON loco Maître COCHET de la société d’avocats LANDWELL & Associés, avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

Mademoiselle X Y

XXX

XXX

Comparante et assistée de Monsieur FERNIER, délégué syndical, muni d’un pouvoir régulier

CENTRE HOSPITALIER DE DAX – COTE D’ARGENT

pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

XXX

Représenté par Maître HOUNIEU, avocat au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 09 OCTOBRE 2012

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DÉPARTAGE DE DAX

RG numéro : F 11/00136

LES FAITS, LA PROCÉDURE :

Madame X Y a été engagée par la SAS SULPICE à compter du 15 avril 2002 par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d’hôtesse commerciale.

Suivant convention du 4 avril 2005, le centre hospitalier de Dax a confié à la SAS SULPICE l’installation et l’exploitation d’un réseau de télédistribution de 300 téléviseurs répartis sur les sites du centre hospitalier, à savoir l’hôpital court séjour, le centre de gériatrie, l’hôpital thermal, la maison de retraite et la maison d’accueil spécialisé.

La convention, initialement conclue pour une durée de 5 ans à compter du 1er janvier 2005 a été prorogée, par avenant du 21 décembre 2009, pour une année supplémentaire, soit du 1er janvier au 31 décembre 2010.

Le 25 juin 2010, le centre hospitalier a informé la SAS SULPICE de son intention d’internaliser le service de location de télévisions à compter du 1er janvier 2011, et de sa décision de ne pas proroger la convention initiale.

Par courrier du 17 décembre 2010, la SAS SULPICE a informé Madame X Y de la perte du marché auquel elle était affectée et du transfert subséquent de son contrat de travail au profit du futur repreneur à effet du 1er janvier 2011.

Le 21 décembre 2010, le centre hospitalier a contesté le transfert du contrat de travail de la salariée.

Par courrier du 6 juillet 2011, Madame X Y a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur.

Par requête en date du 7 juin 2011, Madame X Y a saisi le conseil de prud’hommes de Dax pour, au terme de ses dernières demandes de première instance : qu’il soit dit que l’article L. 1224-1 du code du travail n’est pas applicable en l’espèce ; que la rupture de son contrat de travail soit fixée au 8 juillet 2011 ; que la SAS SULPICE soit condamnée à lui payer : 7.425 € au titre des salaires de février à juillet ; 742,50 € au titre des congés payés attenants ; 3.300 € au titre du préavis ; 2.650 € au titre de l’indemnité de licenciement ; 5.000 € au titre du préjudice subi ; 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

À défaut de conciliation le 6 octobre 2011, l’affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement qui, par décision du 5 juillet 2012, s’est déclaré en partage de voix

Par jugement du 9 octobre 2012, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le conseil de prud’hommes de Dax (section commerce), statuant en formation de départage :

— s’est déclaré compétent,

— a mis hors de cause le centre hospitalier de Dax,

— a fixé la rupture du contrat de travail au 8 juillet 2011,

— a condamné la SAS SULPICE à payer à Madame X Y les sommes suivantes :

* 7.425 € à titre de salaire de février à juillet,

* 742,50 € à titre de congés payés,

* 3.300 € au titre de l’indemnité de préavis,

* 2.650 € au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5.000 € au titre du préjudice subi,

— a condamné la SAS SULPICE à remettre à Madame X Y les fiches de salaire couvrant la période du 11 février au 8 juillet 2012 et son certificat de travail dans un délai d’un mois à compter de la présente décision, sous astreinte de 30 € par jour de retard passé ce délai,

— a condamné la SAS SULPICE à payer à Madame X Y la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— a condamné la SAS SULPICE à payer au centre hospitalier de Dax la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— a condamné la SAS SULPICE aux dépens.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 7 novembre 2012 la SAS SULPICE, représentée par son conseil, a interjeté appel du jugement.

La contribution pour l’aide juridique prévue par l’article 1635 bis Q du code général des impôts a été régulièrement acquittée par timbre fiscal de 35 €.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

La SAS SULPICE, par conclusions écrites, déposées le 18 septembre 2014, reprises oralement à l’audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la cour de :

— réformer le jugement rendu le 9 octobre 2012 par le conseil de prud’hommes de Dax, excepté sur la question de la compétence des juridictions judiciaires à l’égard du centre hospitalier de Dax,

— débouter Madame X Y de l’ensemble de ses demandes formulées à son encontre,

— la condamner au paiement de la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens de l’instance.

La SAS SULPICE conclut, in limine litis, au rejet de l’exception d’incompétence soulevée par le centre hospitalier de Dax, au motif qu’en application des dispositions de l’article L. 1224-3 du code du travail les litiges liés au transfert d’une entité économique autonome gérée initialement par une entité de droit privé, au profit d’une entité de droit public, relèvent de la compétence judiciaire jusqu’à ce que les salariés concernés par ledit transfert soient placés dans un régime de droit public.

La SAS SULPICE soutient qu’elle disposait d’un ensemble organisé de personnes, ainsi que d’éléments corporels et incorporels, lui permettant d’exercer une activité économique poursuivant un objectif propre, au centre hospitalier de Dax, de sorte que du fait du transfert de cette activité au centre hospitalier, toutes les obligations contractuelles ont été transférées au profit du repreneur, y compris par conséquent, le contrat de travail de la salariée spécifiquement affectée à cette activité.

Elle fait valoir, en substance, que :

a) l’activité économique poursuivant un objectif propre : est constituée par l’activité totalement distincte de celle dont relève le centre hospitalier qui lui a été confiée, après avoir obtenu le marché suite à l’appel d’offre de 2004, par la convention de délégation du service public conclue le 4 avril 2005, avec un effet rétroactif au 1er janvier 2005, qui avait pour objet l’installation, puis l’exploitation d’un réseau de télédistribution portant sur environ 300 téléviseurs au centre hospitalier ;

b) Madame X Y a été recrutée pour être affectée spécifiquement à cette activité économique au sein du centre hospitalier de Dax ;

c) un ensemble d’éléments corporels a été affecté à cette activité économique :

— une tête de station ; un téléviseur conforme aux normes en vigueur dans chacune des chambres des patients ; des télécommandes ; de nouvelles consoles ;

— la société a effectué des frais pour permettre cette activité ;

— la société a fait usage de locaux exclusivement dédiés à l’exercice de cette activité et mise à disposition par le centre hospitalier ;

d) L’activité de location de téléviseurs et de bouquets de chaînes de télévision au sein du centre hospitalier était servie par des éléments incorporels propres, notamment constitués par sa clientèle, patients et résidents du centre qui n’étaient pas dans l’obligation de souscrire un tel service ;

Le centre hospitalier a pris la décision de mettre un terme à cette délégation à compter du 31 décembre 2010 et d’internaliser le service de location de téléviseurs ; à compter du 1er janvier 2011 les patients du centre hospitalier et leurs familles ont pu continuer à bénéficier de téléviseurs par le biais du transfert de l’entité économique autonome ;

— il y a eu transfert de l’ensemble des éléments corporels permettant d’exercer cette activité : parc de téléviseurs, réseaux aériens, télécommandes, consoles, etc ;

— l’élément incorporel indispensable à l’exercice de l’activité de location de télévision, constitué uniquement par la patientèle du centre hospitalier, ainsi que de leurs familles, a fait l’objet d’un transfert, au bénéfice du centre hospitalier ;

— du fait de ce transfert il y a eu transfert automatique de toutes les obligations contractuelles au profit du repreneur, de sorte que le centre hospitalier est devenu depuis le 1er janvier 2011 l’employeur de Madame X Y, et donc le débiteur des créances de la salariée nées ultérieurement au transfert, ainsi que des créances indemnitaires en lien direct avec la rupture de son contrat de travail.

Le centre hospitalier de Dax-Côte d’Argent, par conclusions écrites, déposées le 8 septembre 2014, reprises oralement à l’audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la cour de :

In limine litis :

— déclarer incompétent le juge judiciaire pour prononcer des sanctions ou des injonctions à l’encontre du centre hospitalier de Dax, au profit du tribunal administratif de Pau seul compétent pour statuer sur de telles demandes formulées par Madame X Y et la SAS SULPICE à l’encontre d’un établissement public gérant un service public à caractère administratif ;

— réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Dax en ce qu’il s’est déclaré compétent pour connaître des demandes formulées par Madame X Y et la SAS SULPICE à l’encontre du centre hospitalier de Dax,

— se déclarer incompétente au profit des juridictions de l’ordre administratif,

— renvoyer l’entier dossier devant le tribunal administratif de Pau,

À titre principal :

— dire inapplicables en l’espèce les dispositions de l’article L. 1224-1 du code de travail en l’absence de toute modification de la situation juridique de la société SULPICE notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise,

— constater que la convention initiale conclue entre le centre hospitalier de Dax et la société SULPICE portait occupation du domaine public hospitalier afin de permettre à la société SULPICE d’exercer son activité commerciale à destination des patients,

— constater l’absence de transfert d’une entité économique au sens de l’article L. 1224-3 du code du travail eu égard à la convention initiale conclue entre le centre hospitalier de Dax et la société SULPICE,

— dire que l’activité transférée au centre hospitalier de Dax n’a pas conservé son identité à compter du 1er janvier 2011, les éléments indispensables au bon fonctionnement de l’activité de gestion du réseau de télédistribution ayant été repris par la société SULPICE aux termes de la convention initiale, soit le 31 décembre 2010,

— dire que les dispositions de l’article L. 1224-3 du code du travail sont inapplicables en l’absence de maintien de l’identité de l’entité transférée ;

En conséquence :

— dire que Madame X Y est demeurée salariée de la société SULPICE après le 1er janvier 2011,

— dire que le centre hospitalier de Dax n’avait pas à proposer à Madame X Y un contrat de droit public en application des dispositions de l’article L. 1224-3 du code du travail, inapplicables à la situation résultant de l’échéance de la convention initiale conclue avec la société SULPICE,

— dire que Madame X Y n’est pas fondée à solliciter la condamnation du centre hospitalier de Dax à lui verser une quelconque somme qui lui serait due en application de son contrat de travail de droit privé,

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Dax en ce qu’il a mis purement et simplement hors de cause le centre hospitalier de Dax,

A titre subsidiaire :

— surseoir à statuer dans l’attente d’une question préjudicielle posée au tribunal administratif de Pau, d’une part, sur la qualification de la convention initiale conclue entre le centre hospitalier de Dax et la société SULPICE et d’autre part, sur les effets de l’absence de renouvellement de cette convention quant à l’application des dispositions de l’article L. 1224-3 du code du travail,

En tout état de cause :

— condamner la société SULPICE à verser au centre hospitalier de Dax la somme de 4.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société SULPICE aux entiers dépens.

Le centre hospitalier de Dax soutient, in limine litis, l’incompétence de la juridiction judiciaire au motif que les demandes de condamnation présentées par la société SULPICE à son encontre sont dirigées à l’encontre d’un établissement public gérant un service public administratif relevant du contrôle des juridictions de l’ordre administratif en l’absence de bloc de compétence reconnu en la matière au juge judiciaire.

Sur le fond :

Le centre hospitalier de Dax soutient que les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail lui sont inapplicables au motif qu’il n’est survenu aucune modification dans la situation juridique de la société SULPICE, que ce soit par succession, vente, fusion, transformation du fonds ;

Il soutient également que les dispositions de l’article L. 1224-3 du même code ne sont pas applicables aux motifs que :

1) – la convention initiale est indûment dénommée « convention portant délégation de service public » et est en réalité une « convention d’occupation domaniale » ;

— le centre hospitalier a mis à disposition du concessionnaire l’ensemble des infrastructures lui appartenant pour lui permettre d’installer et d’exercer son activité commerciale à destination des patients hospitalisés moyennant une redevance d’occupation liée au chiffre d’affaires réalisé ;

— il n’y a pas eu transfert d’une entité économique ;

2) – l’entité n’a pas conservé son identité à compter du 1er janvier 2011 au sens des dispositions de l’article L. 1224-3 du code du travail ;

— il y a une absence de transfert des éléments indispensables au bon fonctionnement de l’activité de gestion du réseau de télédistribution tant sur le plan matériel que humain ;

— une partie infime des éléments indispensables au bon fonctionnement de l’activité de gestion est demeurée au sein du centre hospitalier, la société SULPICE ayant repris l’ensemble du matériel à l’exception de celui obsolète devenu inutilisable du fait du passage à la TNT ;

— il y a eu rupture de l’activité commerciale du fait de la nécessité d’engager de très importants travaux de rénovation de l’ensemble du dispositif de télédiffusion (pour un montant de 45.754,99 € TTC) ;

— le centre hospitalier s’est trouvé dans l’obligation d’une part, de passer un marché public de fourniture et service pour le centre thermal portant sur la mise en place d’une solution de réception-diffusion multimédia et gestion de contenu (dont la première tranche s’élève à la somme de 125.517,11 € TTC), et d’autre part, de racheter des téléviseurs pour les mettre à disposition des patients de l’hôpital thermal ;

— compte tenu de la mise à disposition gratuite des téléviseurs au patient aucune personne n’a été spécifiquement affectée à cette tâche, dès lors qu’aucune gestion informatisée n’était plus nécessaire, de sorte que la fonction d’hôtesse commerciale confiée à Madame X Y par la société SULPICE n’a été assumée par aucun personnel du centre hospitalier de Dax à compter du 1er janvier 2011.

Madame X Y, par conclusions écrites, déposées le 29 juillet 2014, reprises oralement à l’audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la cour de :

Condamner la société SULPICE à lui régler :

—  7.425 € au titre des salaires de février à juillet,

—  742,50 € au titre des congés payés attenants,

—  3.300 € au titre du préavis,

—  2.650 € au titre de l’indemnité de licenciement,

—  5.000 € au titre du préjudice subi,

—  1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Débouter la SAS SULPICE de toutes ses demandes et la condamner aux entiers dépens,

Madame X Y précise avoir perçu la somme de 8.874,11 € au titre des salaires, congés payés et préavis,

A titre subsidiaire :

— dans l’hypothèse où la cour infirmerait le conseil de prud’hommes et statuerait que l’article L. 1224-1 s’appliquait avec transfert du contrat de travail au centre hospitalier de Dax, condamner celui-ci en substitution de la société SULPICE SA.

Madame X Y fait valoir que la convention passée entre le centre hospitalier et la société SULPICE n’est pas une délégation de service public qui permettrait l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail, mais un contrat commercial avec mise à disposition de l’espace public, comme indiqué dans l’article 24 de la convention, avec versement d’une taxe ;

— l’activité n’a pas pu perdurer dans la mesure où, comme précisé dans la convention, la société SULPICE a récupéré une partie du matériel mettant ainsi l’exploitation hors service ;

— n’ayant pas été reprise par le centre hospitalier et n’ayant pas été licenciée par la société SULPICE elle s’est retrouvée dans l’impossibilité de contracter un nouvel emploi et a été privée de ses droits aux allocations chômage, n’étant pas en possession de documents lui permettant de constituer un dossier ;

— étant dans l’impossibilité de poursuivre son travail elle a donc pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L’appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, sera déclaré recevable en la forme.

Concernant la compétence du juge judiciaire :

Aux termes de l’article L. 1224-3 du code du travail, lorsque l’activité d’une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d’un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires.

Sauf disposition légale ou conditions générales de rémunération et d’emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu’elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération.

En cas de refus des salariés d’accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit. La personne publique applique les dispositions relatives aux agents licenciés prévues par le droit du travail et par leur contrat.

Il résulte de ces dispositions que si le juge judiciaire ne peut se prononcer sur la conformité du contrat de droit public proposé par la personne morale de droit public, ni lui faire injonction de proposer un tel contrat, pouvant seulement en cas de difficulté sérieuse surseoir à statuer en invitant les parties à saisir le juge administratif d’une question préjudicielle portant sur la conformité des offres faites par le nouvel employeur public aux dispositions législatives et réglementaires, en revanche le juge judiciaire est compétent pour statuer sur tout litige relatif à l’exécution et la rupture du contrat de travail tant que le nouvel employeur n’a pas placé les salariés dans un régime de droit public.

En l’espèce, le litige dont a été saisi le juge prud’homal porte sur la question de savoir s’il y a eu transfert d’une entité économique, employant des salariés de droit privé, à une personne publique dans le cadre d’un service public administratif, et, dans le cas d’une entité économique transférée, si les contrats de travail en cours au jour de la modification ont subsisté entre le personnel de l’entreprise et le nouvel employeur et par conséquent, si celui-ci était tenu dès la reprise de l’activité de continuer à rémunérer les salariés transférés dans les conditions prévues par leur contrat de droit privé jusqu’à ce que ceux-ci acceptent le contrat de droit public qui leur serait proposé, ou jusqu’à leur licenciement, s’il le refusait.

Par conséquent, il y a lieu de dire la juridiction judiciaire compétente.

Sur le fond :

Les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la Directive n° 2001/ 23/ CE du 12 mars 2001, s’appliquent en cas de transfert d’une entité économique autonome, constituée par un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre, lorsqu’elle conserve son identité et que l’activité est poursuivie ou reprise. Le transfert d’une telle entité se réalise si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l’exploitation de l’entité sont repris, directement ou indirectement, par un nouvel exploitant. En ce sens, la simple perte d’un marché ne suffit pas à révéler l’existence d’un transfert.

Le 4 avril 2005, le centre hospitalier de Dax et la société SULPICE ont conclu une convention, avec effet au 1er janvier 2005 pour une durée de 5 années entières, au terme de laquelle il était convenu que : le centre hospitalier mette à la disposition de la société les infrastructures lui appartenant afin que celle-ci effectue, à ses frais, l’installation et l’exploitation d’un réseau de télédistribution comportant environ 300 téléviseurs à l’intérieur du centre hospitalier répartis sur ses 4 sites (hôpital de court séjour, centre de gériatrie, hôpital thermal, maison de retraite et maison d’accueil) ; les équipements nécessaires à la réception pour les chambres des hospitalisés (article 4) restaient la propriété de la société qui devait assurer la charge de la maintenance (article 5) ; un prix de location acquitté par l’hospitalisé était fixé (article 7) et la société s’engageait à reverser au centre hospitalier au titre de redevance un pourcentage de son chiffre d’affaires hors taxes calculé, variable selon le chiffre d’affaires atteint (article 9) ; enfin, il était convenu que la société était représentée dans l’établissement par une hôtesse, rémunérée par la société, chargée de régler tous les problèmes liés à la location des téléviseurs (article 10).

Madame X Y a été engagée par la société SULPICE à compter du 15 avril 2002, par contrat de travail à durée indéterminée en date du 18 avril 2002, à temps complet, en qualité d’hôtesse commerciale, pour exercer au centre hospitalier de Dax et à l’hôpital thermal de Dax les fonctions ainsi définies (article 3 du contrat de travail) :

— louer les téléviseurs aux patients qui en font la demande,

— veiller que le parc de téléviseurs est en bon état de marche,

— encaisser, avant de brancher le téléviseur, le montant de la location à l’aide d’un reçu dont l’original est remis au malade ;

— régler tous les petits problèmes découlant de la gestion d’un parc de téléviseurs tels que :

— la vérification de la bonne fixation du cordon antivol entre la télécommande et son socle ;

— la mise à disposition des téléviseurs aux patients et en cas de panne d’un téléviseur, la mise à disposition d’un téléviseur sur roulettes ;

— le réglage des postes en cas de besoin ;

— le changement des piles de la télécommande éventuellement de la télécommande, laquelle devra être retournée à la société ;

— l’information aux malades sur l’utilisation des téléviseurs.

Le contrat prévoit également que la salariée pourra être amenée à vendre des casques et des rallonges, qu’elle est responsable des fonds détenus qu’elle doit déposer à la banque chaque jour, et doit tenir parfaitement sa caisse.

Par courrier du 25 juin 2010, le centre hospitalier a notifié à la société SULPICE que la décision avait été prise d’internaliser son service de télévision à partir du 1er janvier 2011, date d’expiration de la délégation de service public les liant, et demandait à la société de lui faire connaître sa position sur un éventuel rachat du matériel.

La société SULPICE a répondu par courrier du 2 août 2010 que : sur le centre hospitalier de Dax, elle laissait le parc de téléviseurs ainsi que les réseaux aériens à la disposition du centre hospitalier, sans contrepartie financière, qu’elle récupérait uniquement le système de gestion informatisée (PC informatique complet) ; sur le centre de gériatrie et maison de retraite, elle laissait le parc de téléviseurs ainsi que les réseaux aériens à sa disposition, sans contrepartie financière, qu’elle récupérait uniquement le système de gestion informatisée (PC informatique complet) ; et que sur l’hôpital thermal, elle récupérait l’ensemble du parc d’écrans plats avec les supports muraux et le système de gestion informatisée (PC informatique complet), cette récupération étant prévue fin décembre 2010.

Le 21 décembre 2010 a été publié un avis d’appel public à la concurrence pour le marché de « remplacement des réseaux de distribution de télévision du centre hospitalier de Dax ». Ce marché public de travaux a été attribué à la société VISION SAT LASPARGUERES pour un montant TTC de 45.754,99 € et parallèlement un marché public de fournitures et services portant sur la mise en place d’une solution de réception-diffusion multimédia et gestion de contenu pour les patients du centre thermal a été attribué à la société SPIE COMMUNICATIONS pour un montant TTC de 125.517,11 €.

Ainsi, à la date du 1er janvier 2011, les moyens corporels significatifs et nécessaires à l’exploitation du réseau de télévision n’ont pas été repris et ce sont de nouveaux moyens qui ont été mis en place.

À compter du 30 décembre 2010, les téléviseurs ont été mis à disposition des patients et de leur famille à titre gratuit, de sorte que les tâches de location qui étaient attribuées à Madame X Y par son contrat de travail ont disparu.

Il y a donc lieu de constater que ce n’est pas la même activité qui s’est poursuivie, et que du fait des changements importants dans les moyens corporels et de la mise à disposition gratuite des téléviseurs l’entité a changé de nature et d’objet faisant ainsi obstacle à l’application de l’article L. 1224-3 du code du travail.

Le contrat de travail de Madame X Y n’avait donc pas vocation à être transféré de plein droit au centre hospitalier de Dax, de sorte que la société SULPICE restait son employeur et à ce titre devait satisfaire à ses obligations à son égard, au premier rang desquelles lui fournir un travail et lui payer son salaire ou, à défaut, rompre le contrat de travail dans les conditions légales et réglementaires. En ne le faisant pas, l’employeur a manqué à ses obligations justifiant que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de la salariée soit prononcée à ses torts exclusifs.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

La SAS SULPICE, qui comptait plus de 11 salariés à la date de la rupture du contrat de travail, selon la requête introductive d’instance, sera en outre condamnée à rembourser aux organismes concernés (Pôle emploi) les allocations de chômage versées à Madame X Y, qui comptait plus de 2 ans d’ancienneté, du jour de la rupture du contrat de travail jusqu’à la date du jugement du conseil de prud’hommes, dans la limite de 6 mois d’indemnités en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.

Sur les articles 696 et 700 du code de procédure civile :

La société SULPICE, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens et à payer à Madame X Y la somme de 350 € et la somme de 1.000 € au centre hospitalier de Dax, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

REÇOIT l’appel formé le 7 novembre 2012 par la société SULPICE à l’encontre du jugement rendu le 9 octobre 2012 par le conseil de prud’hommes de Dax (section commerce) et les appels incidents formés par Madame X Y et le centre hospitalier de Dax-Côte d’Argent,

CONFIRME ledit jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS SULPICE à rembourser aux organismes concernés (Pôle Emploi) les allocations de chômage versées à Madame X Y du jour de la rupture du contrat de travail le 6 juillet 2011 jusqu’à la date du jugement du conseil de prud’hommes, dans la limite de 6 mois d’indemnités en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail,

CONDAMNE la SAS SULPICE à payer, au titre de l’article 700 du code de procédure civile :

—  350 € (trois cent cinquante euros) à Madame X Y,

—  1.000 € (mille euros) au CENTRE HOSPITALIER de Dax-Côte d’Argent,

CONDAMNE la SAS SULPICE aux entiers dépens.

Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame DEBON, faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Pau, 24 décembre 2014, n° 14/04580