Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 10 octobre 2017, n° 16/02980

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, 1re ch., 10 oct. 2017, n° 16/02980
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 16/02980
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Poitiers, 17 juillet 2016
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

ARRET N° 368

R.G : 16/02980

SA MAAF G

C/

X

E

SA F SERVICE CONSTRUCTION NG

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

1re Chambre Civile

ARRÊT DU 10 OCTOBRE 2017

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/02980

Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 18 juillet 2016 rendu par le Tribunal de Grande Instance de POITIERS.

APPELANTE :

SA MAAF G immatriculée au RCS de NIORT, représentée par son Président du Conseil d’Administration, ses directeurs et administrateurs en exercice domiciliés en cette qualité audit siège.

chaban

[…]

ayant pour avocat postulant Me Marie-odile FAUCONNEAU de la SCP MENEGAIRE LOUBEYRE FAUCONNEAU, avocat au barreau de POITIERS

substituée à l’audience par Me Mehdi FAVARD, avocat au barreau de POITIERS.

INTIMES :

Monsieur C X

né le […] à […]

[…]

[…]

Madame D E épouse X

née le […] à […]

[…]

[…]

ayant tous les deux pour avocat postulant Me Hervé A de la SCP A – KOLENC, avocat au barreau de POITIERS substitué à l’audience par Me Mathilde LE BRETON, avocate au barreau de POITIERS

SA F SERVICE CONSTRUCTION NG

[…]

[…]

ayant pour avocat postulant Me Christine BURGERES de la SCP D’AVOCATS COURET BURGERES, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 12 Octobre 2017, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

Madame Anne VERRIER, Président

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle CHASSARD, Président

Madame Anne LE MEUNIER, Conseiller

Madame Anne VERRIER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Mme Marie-Laure MAUCOLIN,

ARRÊT :

—  CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par Madame Isabelle CHASSARD, Président, et par Mme Marie-Laure MAUCOLIN,
Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Les époux X ont acquis le 12 décembre 2007 un terrain sis à Savigny-Levescault.

Ils ont conclu avec la société Bois Services un contrat de construction de maison individuelle au prix de 69 756,70 euros, contrat renouvelé le 14 mars 2008.

La réalisation des fondations de la maison a été confiée à la société HGatinais selon bon de commande du 18 décembre 2007.

Un acompte de 29 660,80 euros a été versé à Bois services, de 24 601,60 euros à HGatinais le 25 mars 2008.

Les fondations, le dallage ont été réalisés courant mai, juin 2008.

Le 2 décembre 2008, le maître d’ouvrage a demandé à un huissier de constater des malfaçons.

Par jugement du 28 janvier 2009, le tribunal de commerce de Niort a prononcé la liquidation judiciaire de la société HGatinais. Le maître de l’ouvrage a déclaré sa créance.

Par jugement du 18 mars 2009, le tribunal de commerce d’Angers a prononcé la liquidation judiciaire de la société Bois Services. Le maître de l’ouvrage a également déclaré sa créance.

Le 18 juin 2009, la MAAF G, assureur de la société HGatinais a contesté sa garantie au motif que les désordres ne relèveraient pas de la responsabilité décennale du constructeur en l’absence de réception.

Par ordonnance du 1 août 2012, le juge des référés a ordonné une expertise.

L’expert a déposé son rapport le 19 mars 2013, a relevé des non-conformités affectant le gros oeuvre, les pièces de bois devenues inutilisables.

Par actes des 5 et 7 novembre 2014, les époux X ont fait citer les sociétés Maaf G et F devant le TGI de Poitiers .

Par jugement en date du 18 juillet 2016 , le tribunal de grande Instance de Poitiers a statué comme suit :

« FIXE au 2 décembre 2008 la date de réception sans réserve des travaux confiés aux sociétés HGATINAIS et BOIS SERVICES ;

FIXE la créance de dommages et intérêts des époux C X et D E sur :

- la société HGATINAIS à 30.728,96 euros ;

- la société BOIS SERVICES à 29.660,80 euros ;

- la société HGATINAIS et la société BOIS SERVICES tenues in solidum à 34.024,03 euros ;

DIT la société MAAF G tenue de garantir le paiement de la créance détenue par les époux C X et D E sur la société HGATINAIS ;

DIT la société F tenue de garantir le paiement de la créance détenue par les époux C X et D E sur la société BOIS SERVICES ;

CONDAMNE la société MAAF G à payer aux époux C X et D E la somme de 30.728,96 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts de retard au taux légal à compter de la date du présent jugement ;

CONDAMNE la société F à payer aux époux C X et D E la somme de 29.660,80 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts de retard au taux légal à compter de la date du présent jugement ;

CONDAMNE in solidum la société MAAF G et la société F à payer aux époux C X et D E la somme de 34.024,03 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts de retard au taux légal à compter de la date du présent jugement ;

CONDAMNE in solidum la société MAAF G et la société F à payer aux époux C X et D E la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT que les dépens incluent ceux de la procédure de référé, et notamment le coût de l’expertise ordonnée par décision (RG N° 12/00137 ; N° 200/12) du 1er août 2012 du juge des référés de ce siège ;

REJETTE toute autre demande ».

Le premier juge a notamment retenu que :

Les ouvrages confiés à la société HGatinais et à la société Bois Services ont fait l’objet d’une réception tacite, sans réserve par le maître de l’ouvrage le 2 décembre 2008, date du procès-verbal de constat d’huissier dressé.

L’expert a relevé la non-conformité des infrastructures maçonnées, des ossatures bois, préconisait la destruction des infrastructures construites, estimait que les bois livrés étaient devenus inutilisables compte tenu des mauvaises conditions de stockage.

Le tribunal a fixé les créances et évalué les préjudices liés à l’augmentation du coût de la construction, au préjudice financier, au préjudice moral.

La société MAAF G, la société F ne contestent pas assurer les entreprises au titre de la garantie décennale.

LA COUR

Vu l’appel général en date du 2 août 2016 interjeté par la SA MAAF G

Vu l’article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 24 février 2017, la SA MAAF G a présenté les demandes suivantes :

Voir la Cour statuant par application des dispositions des articles 1147 et 1792 et suivants du code civil :

- Réformer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Poitiers le 18 juillet 2016 dans l’ensemble de ses dispositions ;

Statuant de nouveau :

- Dire et juger que les travaux réalisés par la société HGATINAIS n’ont fait l’objet d’aucune réception tacite de la part de Monsieur et Madame X, en l’absence d’une manifestation de la volonté non équivoque de les accepter de leur part ;

- En déduire qu’en l’absence de réception, la responsabilité civile décennale de la société HGATINAIS ne peut être engagée ;

- Dire et juger qu’en outre, à supposer l’existence contestée d’une réception tacite, celle-ci ne pourrait qu’être assortie de réserves, ce qui exclut également la responsabilité civile décennale de la société HGATINAIS ;

- Dire et juger qu’il n’y a pas lieu à réception judiciaire ;

- Par conséquent dire et juger que la garantie de la société MAAF G au titre du contrat « Assurance construction » n° 79078603 F 001 n’a pas vocation à s’appliquer ;

A titre subsidiaire :

- Constater que le contrat d’assurance multirisque « MULTIPRO » exclut,dans le cadre de la responsabilité civile professionnelle, la reprise de la prestation de l’assuré ;

- En conséquence dire et juger que la garantie de responsabilité civile souscrite par la société RENOV’ I auprès de la société MAAF n’a pas vocation à s’appliquer ;

A titre infiniment subsidiairement :

- Fixer le montant des préjudices accordés, notamment celui au titre du préjudice moral, à de plus justes proportions.

- Débouter Monsieur et Madame X de leur appel incident ;

- Débouter Monsieur et Madame X de leur demande de condamnation solidaire de la société MAAF ASSURANCE et de la société F au titre des paiements effectués et des travaux de démolition ;

En tout état de cause :

- Débouter Monsieur et Madame X de l’ensemble de leurs demandes ;

- Condamner Monsieur et Madame X à payer à la société MAAF G la somme de 5 000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile

- Condamner Monsieur et Madame X aux entiers dépens.

A l’appui de ses prétentions, la MAAF soutient notamment que :

— Le tribunal a déduit à tort une réception tacite d’un paiement partiel et d’une prise de possession qui ne manifestent pas la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage d’accepter les travaux.

— Les désordres relevés dans le constat devaient être considérées comme des réserves.

— L’acompte payé le 25 mars 2008 établit d’autant moins la volonté d’accepter les travaux que ces travaux n’avaient pas commencé .

— La simple poursuite du chantier ne caractérise pas la prise de possession.

— Le fait qu’une entreprise succède à une autre ne caractérise pas une réception tacite.

— Le fait de mandater un huissier pour constater des malfaçons est un indice supplémentaire en défaveur d’une volonté de réceptionner.

— Une réception doit être contradictoire.

— Si une réception tacite était admise, elle serait assortie de réserves, réserves qui correspondent aux constatations de l’huissier.

— Les désordres réservés relèvent de la garantie de parfait achèvement, puis de la responsabilité civile contractuelle de droit commun et non de la garantie décennale.

— Le contrat d’G prévoit que les garanties (décennale et de bon fonctionnement) ne s’appliquent pas aux travaux ayant fait l’objet de réserves émises à la réception et non levées.

— La réception judiciaire nécessite un immeuble en état d’être reçu, habitable (fût-il inachevé).

— Le montage de la structure de la maison n’a jamais été réalisé.

— A titre subsidiaire, le contrat de responsabilité civile professionnelle exclut la reprise des travaux exécutés par l’entreprise (article 13 des conventions spéciales n°5).

— Le montant des préjudices doit être réduit.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 22 janvier 2017 , la SA F K a présenté les demandes suivantes :

Vu les articles 1792 et suivants du Code Civil,

Il est demandé à la Cour d’Appel de POITIERS de :

- RECEVOIR la compagnie F dans ses écritures et la déclarer recevable en son appel incident ;

- REFORMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de POITIERS le 18 juillet 2016 dans l’ensemble de ses dispositions ;

Statuant de nouveau,

[…]

- CONSTATER l’absence d’ouvrage et de réception des travaux s’agissant du contrat de louage d’ouvrage confié à la société BOIS SERVICE ;

- CONSTATER la résiliation de la police d’assurance au 10 mai 2008 ;

En conséquence,

- DIRE ET JUGER l’absence de mobilisation de la garantie souscrite au titre de la responsabilité civile décennale et de la responsabilité civile générale s’agissant de la police d’assurance souscrite auprès de F ;

[…]

- REDUIRE à de plus justes proportions la somme à laquelle a été condamnée F au titre des dommages et intérêts ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- DEBOUTER Monsieur et Madame X de l’ensemble de leurs demandes ;

- DIRE ET JUGER que F interviendra dans les limites de sa police et notamment dire et juger les franchises opposables ;

-CONDAMNER Monsieur et Madame X ou tout autre succombant à verser à la compagnie d’assurance F K la somme de 3.000,00 €uros au titre de l’article 700 du CPC, outre les entiers dépens, dont recouvrement à la discrétion de Maître ALLEMAND, avocat associé au sein de la SCP SOULIE & L-M, au visa de l’article 699 du CPC.

A l’appui de ses prétentions, la SA F soutient notamment que :

— La police assurance construction comprenait un volet RC décennale et un volet responsabilité générale. Elle a pris effet le 4 mai 2007, a été résiliée le 10 mai 2008.

— La garantie décennale n’est pas due car la livraison de pièces de bois en nombre insuffisant et endommagées ne constitue pas un ouvrage immobilier, ne mobilise pas des techniques de travaux de bâtiment.

— Il y a simple manquement contractuel.

— La police d’assurance ne couvre pas la responsabilité contractuelle de l’entreprise vis à vis du maître de l’ouvrage.

— C’est une police en base réclamation. La réclamation est postérieure à la résiliation.

— Il n’y a pas eu réception, la réception ne consistant pas seulement dans la livraison mais également dans l’approbation de l’ouvrage exécuté par le maître de l’ouvrage.

— La réception tacite exige la volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage, le respect de la contradiction.

— A titre subsidiaire, il convient de réduire l’indemnisation et tenir compte d’une franchise qui est opposable au maître de l’ouvrage.

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 17 mars 2017, Mme et M. X ont présenté les demandes suivantes :

Vu les articles 1792 et suivants du code civil,

Vu l’article 1147 du code civil,

Vu l’article 124-3 du code des G,

-Dire que la réception tacite des travaux est intervenue le 2 décembre 2008.

Subsidiairement,

-Prononcer la réception judiciaire des travaux au 2 décembre 2008.

-Condamner solidairement les sociétés MAAF et F G à payer aux époux X les sommes suivantes :

- 54.262,60 € au titre du remboursement des sommes versées et encaissées par la SARL « Bois Services » et la société HGATINAIS ;

- 6.127,16 € au titre des travaux de démolition ;

- 9.024,03 € au titre des frais supplémentaires dus à l’augmentation du coût de la construction

- 13.110,64 € € au titre du remboursement du prêt souscrit pour l’achat du terrain et du remboursement des intérêts intercalaires au titre des prêts souscrits pour la construction de la maison ;

- 208 € au titre des frais divers de procédure ;

- 20.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral.

-Condamner solidairement MAAF et F G à payer à M. et Mme X la somme de 6.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance qui comprendront les frais d’expertise réalisée par M. Z, dont distraction au profit de la SCP A ' KOLENC en application de l’article 699 du code de procédure civile.

A l’appui de leurs prétentions, ils soutiennent notamment que :

— Le chantier a été abandonné courant novembre 2008.

— Les désordres qui affectent les fondations, infrastructures maçonnées, ossatures bois relèvent de la garantie décennale.

— L’ouvrage s’entend de tout élément concourant à la construction d’un édifice.

— Il y a nécessairement ouvrage en présence de fondations.

— L’entreposage de matériaux constitue un acte de construction

— Une réception partielle tacite est licite .

— Une réception tacite est possible en présence d’un PV de constat des désordres, d’une expertise judiciaire. Le PV de constat révèle la volonté du maître de l’ouvrage de prendre possession des ouvrages.

— A défaut de réception tacite, la cour prononcera la réception judiciaire au 2 décembre 2008, l’achèvement des travaux n’étant pas une condition.

— A titre subsidiaire, la garantie contractuelle s’applique.

— L’assureur, la MAAF n’établit pas l’acceptation par l’assuré de l’exclusion de garantie.

— Le tiers a une action directe, l’exclusion ne lui est pas opposable si l’acceptation de l’exclusion n’est pas démontrée.

— F K doit couvrir son assuré, Bois Services. Elle ne justifie pas de la résiliation alléguée de la police.

— La franchise n’est pas opposable.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l’ordonnance de clôture en date du 14 août 2017 .

SUR CE

-sur la réception des travaux

Les assureurs contestent l’un et l’autre que les conditions d’une réception tacite soient réunies.

De ce fait, ils excluent toute garantie décennale.

Les époux X font valoir que la réalisation des fondations établit l’existence d’un ouvrage, que l’entreposage de matériaux constitue un acte de construction, que l’existence du constat d’huissier, de la demande d’expertise n’exclue pas une réception tacite sans réserves, que le constat d’huissier établit la volonté du maître de l’ouvrage de prendre possession de l’immeuble.

Le maître de l’ouvrage rappelle que l’achèvement des travaux n’est pas une condition de la réception.

Ils demandent à la cour de prononcer la réception judiciaire des travaux à défaut de réception tacite.

Le tribunal a considéré que les éléments d’une réception tacite étaient réunis, l’a fixée au 2 décembre 2008.

S’agissant de l’ouvrage confié à la société HGatinais , le tribunal a relevé que les fondations et le dallage avaient été réalisées, que la mise en évidence des malfaçons est postérieure au paiement de l’acompte et à la prise de possession de la dalle et des fondations.

Il estime que la prise de possession est caractérisée par la dépose des éléments de bois qui devaient être montés.

Il en déduit une réception tacite sans réserves à la date du procès-verbal de constat du 2 décembre 2008.

S’agissant des travaux confiés à la société Bois Services, le tribunal relève que l’entreprise avait entreposé sur le fonds du maître de l’ouvrage les éléments nécessaires à l’édification, n’y avait pas procédé, a donc abandonné le chantier.

Il a estimé qu’en faisant constater l’abandon du chantier, dés lors considéré achevé par l’entrepreneur, le maître de l’ouvrage a manifesté son intention de réceptionner l’ouvrage.

Il est constant que la réception tacite peut résulter de la seule entrée dans les lieux ou du paiement du prix lorsque certaines conditions sont réunies.

Le paiement du prix est déterminant. Le paiement de l’essentiel du prix est suffisant.

La réception tacite est subordonnée à l’existence d’une volonté non équivoque du maître de recevoir l’ouvrage. La prise de possession de l’ouvrage doit être réelle.

Ne vaut pas en elle-même réception la livraison aux acquéreurs, faute de présence des constructeurs.

La cour relève que

— Le constat d’huissier comme la demande d 'expertise ne font aucune référence à la volonté du maître de l’ouvrage de recevoir les travaux.

— Si des acomptes de 29 660,80 euros et 24 601,60 euros ont effectivement été réglés avant le commencement des travaux, il est établi que le solde restant à régler s’élevait à près de 40 000 et 30 000 euros à chaque entreprise.

— Les photographies jointes au constat d’huissier et au rapport d’expertise démontrent que les travaux étaient loin d’être achevés, puisque seules les fondations avaient été posées.

— Il est impossible de parler de prise de possession ou d’entrée dans les lieux, la maison n’étant pas montée.

— Le fait de déposer les madriers ne saurait être qualifié de prise de possession. Le maître de l’ouvrage ne démontre pas au demeurant avoir donné instruction à Bois Services de déposer les madriers.

— La volonté du maître de l’ouvrage de recevoir l’ouvrage limité aux seules fondations est incertaine dans la mesure où le constat d’huissier décrit principalement l’abandon du chantier.

L’expertise ordonnée en référé constate des malfaçons , un abandon de chantier, le dépôt des poutres dans des conditions qui ont entraîné leur dégradation irréversible .

Le constat pas plus que l’expertise n’établissent en conséquence de manière certaine la volonté du maître de l’ouvrage de réceptionner les travaux.

Ces diligences peuvent tout autant constituer des réserves avant réception, rechercher des éléments de preuve aux fins de mise en cause de la responsabilité contractuelle des entreprises.

La réception tacite ne pouvant se concevoir que si la volonté du maître de l’ouvrage de recevoir l’ouvrage est sans équivoque, il y a lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a dit que les travaux avaient fait l’objet d’une réception tacite sans réserves, réception fixée au 2 décembre 2008.

-sur la demande subsidiaire de réception judiciaire

La réception judiciaire suppose un refus exprès mais abusif de la part du maître de l’ouvrage d’une réception demandée par les constructeurs.

La réception judiciaire d’un ouvrage doit être prononcée à la date à laquelle l’immeuble est effectivement habitable, où l’ouvrage est en état d’être reçu.

La demande subsidiaire de réception judiciaire formée par le maître de l’ouvrage sera rejetée au regard de l’inachèvement des travaux, du fait que la réception judiciaire suppose une demande des entreprises, un refus abusif du maître de l’ouvrage, conditions qui ne sont nullement réunies en l’espèce.

- sur l’incidence de l’absence de réception

Faute de réception, les garanties décennales, biennales ou de parfait achèvement ne peuvent commencer à courir.

Peut seule être mobilisée la responsabilité contractuelle de droit commun fondée sur l’article 1147 du code civil.

La cour relève que le constructeur de maisons individuelles est en principe obligé de s’assurer au titre de l’assurance de responsabilité, que l’assurance de dommages-ouvrage est obligatoire pour le maître de l’ouvrage, le contrat signé devant mentionner l’existence de ce contrat.

Il ressort du contrat produit, des conclusions des parties que cette assurance n’a pas été souscrite par le maître de l’ouvrage.

-sur la garantie due par la MAAF, assureur de la société HGatinais

Les époux X font valoir que la garantie de la Maaf est due au titre du contrat multirisque professionnel.

La Maaf ne conteste pas que la société HGatinais ait souscrit un contrat d’assurance multirisque Multipro au titre de sa responsabilité civile professionnelle.

Elle se prévaut en revanche d’une exclusion figurant dans les conventions spéciales .

Selon l’article 13 des conventions produites, la garantie exclut les frais exposés pour le remplacement, la remise en état ou le remboursement des biens que vous avez fournis et/ou pour la reprise des travaux exécutés par vos soins ainsi que les frais de dépose et repose et les dommages immatériels qui en découlent.

Les époux X se prévalent de l’attestation d’assurance valable du 13 février au 31 décembre 2008 , attestation selon laquelle la Maaf atteste que HGatinais est titulaire d’un contrat multirisque professionnelle garantissant entre autres les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile qu’il peut encourir en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers.

L’attestation vise les dommages survenus avant livraison de biens et / ou réception de travaux tous dommages confondus (corporels, matériels et immatériels consécutifs).

Si la garantie couvre les préjudices matériels et immatériels, cette garantie ne s’applique qu’aux tiers. Il est constant que le maître de l’ouvrage, client de l’assuré n’est pas un tiers au contrat .

Les époux X seront donc déboutés de leurs demandes dirigées contre la compagnie la Maaf faute de démontrer que la garantie couvre leurs préjudices .

-sur la garantie due par F K , assureur de la société Bois Services.

— sur la couverture du préjudice immatériel du client de l’assuré

La compagnie produit le contrat d’G qui a pris effet au 4 mai 2007, les conventions.

Selon ces conventions, l’assureur garantit (page 12) les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile de l’assuré lorsqu’elle est recherchée en raison des dommages matériels et/ou immatériels causés à autrui y compris ses clients du fait des activités de l’entreprise déclarée aux dispositions particulières sous réserve des exclusions prévues au contrat.

L’article 5 exclut les travaux que l’assuré a effectués: dépose et repose effectuées pour réparer ou remplacer les ouvrages, produits ou marchandises qu’il a fournis.

Il ressort donc des documents contractuels précité la couverture du préjudice immatériel à l’exclusion du préjudice matériel.

— sur la résiliation du contrat d’assurance

La compagnie soutient que l’assurance responsabilité civile est une police base réclamation, que la réclamation est postérieure à la résiliation.

Il est constant que l’assureur ne peut dans le cadre d’une action directe invoquer les exceptions découlant du comportement de l’assuré après la survenance du sinistre.

Il appartient donc à l’assureur de justifier que la résiliation est antérieure au sinistre, ce qu’il ne fait pas.

La compagnie F K sera en conséquence condamnée à indemniser le préjudice immatériel des époux X.

-sur les préjudices immatériels

Le tribunal a retenu trois chefs de préjudice ; le préjudice moral, le préjudice financier lié à la souscription d’emprunts, le préjudice financier lié à l’augmentation du coût de la construction.

L’assureur fait valoir que le montant paraît excessif, doit être ramené à de plus justes proportions. La cour relève que seul le quantum retenu par le tribunal est critiqué.

a) le préjudice moral

Les déconvenues réitérées subies par les époux B ; malfaçons, abandon de chantier, liquidation judiciaire des entreprises , absence d’assurance des désordres ont généré de l’anxiété, du stress.

En l’absence de tout élément de nature à établir ce préjudice (attestations, certificat médical), il convient de fixer ce préjudice qui avait été évalué par le tribunal à la somme de 20 000 euros à la somme de 13 000 euros.

— sur le préjudice financier relatif aux emprunts contractés pour financer l’acquisition du terrain et de la construction

Les époux X l’évaluent à la somme de 13 110,64 euros, somme qui correspond aux intérêts intercalaires payés depuis le 5 septembre 2008.

Le tribunal avait évalué ce préjudice à la somme de 5000 euros.

Les époux X justifient de leur préjudice en produisant un tableau des intérêts intercalaires validé par leur banque.

Il convient donc de fixer leur préjudice à la somme demandée de 13 110,64 euros.

— sur le préjudice relatif à l’ augmentation du coût de la construction

Le tribunal avait estimé que la somme demandée était compatible avec l’évolution du coût de la construction entre 2007 et 2015, avait chiffré ce préjudice à la somme demandée de 9024,03 euros .

Il convient de confirmer la décision du premier juge, l’assureur ne produisant pas d’élément établissant que le montant retenu serait injustifié.

— sur la franchise

La franchise est opposable au tiers en matière d’G de responsabilité facultative.

Cette franchise est mentionnée sur le contrat produit.

-sur les autres demandes

Il résulte de l’article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. '

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de F K .

Il sera fait application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP A-Kolenc.

Il est équitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles exposés.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Statuant de nouveau :

dit que les travaux réalisés par les sociétés HGatinais et Bois Services n’ont pas fait l’objet d’une réception tacite

déboute Mme et M. B de leur demande de réception judiciaire des travaux

déboute Mme et M. B de leurs demandes dirigées contre la SA Maaf G

déboute Mme et M. B de leur demande relative au préjudice matériel

fixe le préjudice moral de Mme et M. B à la somme de 13 000 euros

fixe le préjudice lié à l’augmentation du coût de la construction à la somme de 9024, 03 euros

fixe le préjudice financier lié aux emprunts souscrits à la somme de 13 110,64 euros

condamne la SA F K à garantir les préjudices immatériels des époux B

dit que la franchise contractuelle est opposable à M. et Mme B

Y ajoutant :

Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

Laisse à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles exposés par elle en première instance et en appel

Condamne la SA F K aux dépens de première instance et d’appel avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP A-Kolenc.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 10 octobre 2017, n° 16/02980