Cour d'appel de Reims, 28 mai 2013, n° 12/02025

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 28 mai 2013, n° 12/02025
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 12/02025
Décision précédente : Tribunal de commerce de Reims, 9 avril 2012

Texte intégral

ARRET N°

du 28 mai 2013

R.G : 12/02025

Société AZCOAGA

c/

COMPAGNIE LUXEMBOURGEOISE DE DISTRIBUTION

MW

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 28 MAI 2013

DEMANDERESSE AU CONTREDIT :

d’un jugement rendu le 10 avril 2012 par le tribunal de commerce de REIMS,

Société AZCOAGA

XXX

XXX

01240 ALEGRIA-DULANTZI (ESPAG)

Représentée par la SCP DELVINCOURT CAULIER-RICHARD, avocats au barreau de REIMS et ayant pour conseil la SELAS FIDAL, avocats au barreau de BAYONNE

DEFENDERESSE AU CONTREDIT :

COMPAGNIE LUXEMBOURGEOISE DE DISTRIBUTION

XXX

L – 7450 LINTGEN

XXX

Représentée par la SELARL BILLET MOREL BILLET-DEROI THIBAUT, avocats au barreau de REIMS.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame MAILLARD, présidente de chambre

Monsieur BRESCIANI, conseiller

Monsieur WACHTER, conseiller, entendu en son rapport

GREFFIER :

Madame THOMAS, greffier lors des débats et du prononcé.

DEBATS :

A l’audience publique du 02 avril 2013, où l’affaire a été mise en délibéré au 28 mai 2013,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 28 mai 2013 et signé par Madame MAILLARD, présidente de chambre, et madame THOMAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * *

RAPPEL DU LITIGE

Par acte du 23 juillet 2009, la société de droit luxembourgeois Compagnie Luxembourgeoise de Distribution (CLD), faisant valoir qu’elle était devenue l’agent commercial de la société de droit espagnol Azcoaga, fabricant de papiers peints, pour la représenter en France et en d’autres pays pour favoriser la diffusion de ses produits, particulièrement auprès des grandes surfaces de bricolage, a fait assigner la société de droit espagnol Azcoaga aux fins notamment de la voir condamner au paiement de commissions et d’une indemnité de rupture de mandat.

Par acte du 1er juillet 2010, la société CLD a une deuxième fois fait assigner la société Azcoaga devant la même juridiction aux mêmes fins, cette nouvelle assignation comportant une traduction en langue espagnole.

Par jugement du 21 septembre 2010, le tribunal de commerce de Reims a ordonné la jonction des deux procédures.

Par jugement du 10 avril 2012, le tribunal de commerce :

— a rejeté la demande de sursis à statuer présentée par la société Azcoaga ;

— s’est déclaré compétent pour statuer sur le litige ;

— a ordonné à la société Azcoaga de fournir à la société CLD et au tribunal la justification de l’intégralité des chiffres d’affaires développés avec les sociétés Brico Dépôt, Bricorama et Leroy Merlin :

* pour les années 2004 à 2008 concernant la société Brico Dépôt ;

* pour les années 2005 à 2008 pour la société Leroy Merlin ;

* pour l’année 2008 en ce qui concerne la société Bricorama ;

sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter du seizième jour de la signification du jugement ;

— s’est réservé le pouvoir de liquider l’astreinte ;

— a renvoyé la cause et les parties à l’audience du mardi 22 mai 2012 à 14h00 ;

— a dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— a condamné la société CLD aux dépens de l’instance.

Le 22 juin 2012, la société Azcoaga a formé un contredit à l’encontre de cette décision.

Elle fait valoir qu’il n’existe aucun contrat entre elle-même et la société CLD, que le droit applicable au litige désigne comme compétente la juridiction du siège social de la défenderesse, à savoir le tribunal espagnol de Vitoria, et subsidiairement que faire droit à la compétence des tribunaux français reviendrait à prêter la main à une entreprise d’évasion fiscale.

Elle demande à la cour :

Vu les articles 42, 80 et 96 du code de procédure civile,

Vu les articles 5 et 2 du règlement CE n°44/2001 du conseil du 22 décembre 2000,

Vu la convention de Rome du 19 juin 1980 et la convention de La Haye du 14 mars 1978,

Vu les articles 721-1 du code de commerce et 111-1 du code de l’organisation judiciaire,

— de réformer le jugement du 10 avril 2012 et de dire que le tribunal de commerce de Reims n’est pas compétent pour se prononcer sur la procédure formée à l’encontre de la société Azcoaga par la société CLD suivant assignation régularisée ;

— d’infirmer en conséquence le jugement déféré ;

— de déclarer la société Azcoaga recevable et bien fondée en son contredit de compétence et, y faisant droit :

* de dire que seule une juridiction de Vitoria en Espagne est compétente pour connaître de la demande formée par la société CLD ;

* de renvoyer en conséquence les parties à mieux se pourvoir ;

* de condamner la société CLD au remboursement au profit de la société Azcoaga des frais du contredit.

Par conclusions du 28 mars 2013, la SARL CLD demande à la cour :

— de dire et juger irrecevable le contredit de la société Azcoaga formé le 22 juin 2012 comme tardif ;

— de constater que le jugement attaqué a statué, après application régulière de l’article 76 du code de procédure civile, par dispositions distinctes sur la compétence et sur le fond ;

Vu l’article 78 du code de procédure civile,

— de dire et juger en conséquence irrecevable le contredit de compétence formé par la société Azcoaga ;

— de constater tant l’expiration du délai d’appel que le caractère définitif du jugement du 10 avril 2012 rendu par le tribunal de commerce de Reims ;

Très subsidiairement,

— de dire et juger que le tribunal de commerce de Reims est bien compétent pour connaître de la demande de la société CLD ;

— de renvoyer en conséquence les parties devant cette juridiction pour liquider le montant des commissions dues à la société CLD selon le dispositif du jugement statuant sur le fond ;

— de condamner la société Azcoaga conjointement avec son administrateur Coersa Auditores SL, ès qualités, à payer à la société CLD une indemnité de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— de les condamner également en tous les dépens du contredit.

SUR CE, LA COUR

Sur l’irrecevabilité du contredit

Sur le caractère tardif du contredit

L’article 82 du code de procédure civile dispose que le contredit doit, à peine de nullité, être motivé et remis au secrétariat de la juridiction qui a rendu la décision dans les quinze jours de celle-ci.

L’article 643 du même code, qui énonce que les délais de comparution, d’appel, d’opposition, de recours en révision et de pourvoi en cassation sont augmentés de deux mois pour les personnes qui demeurent à l’étranger, s’applique en cas de contredit.

Le jugement ayant en l’espèce été rendu le 10 avril 2012, et la société Azcoaga ayant son siège en Espagne, le délai pour former contredit expirait, par application combinée des articles 82 et 643 du code de procédure civile, le 25 juin 2012.

Dès lors que le contredit a été remis au secrétariat du tribunal de commerce de Reims le 22 juin 2012, il ne peut qu’être constaté qu’il a été formé dans le délai légal.

Sur le contredit formé en lieu et place de l’appel

L’article 78 du code de procédure civile dispose que si le juge se déclare compétent et statue sur le fond du litige dans un même jugement, celui-ci ne peut être attaqué que par la voie d’appel, soit dans l’ensemble de ses dispositions s’il est susceptible d’appel, soit du chef de la compétence dans le cas où la décision sur le fond est rendue en premier et dernier ressort.

En l’espèce, par son assignation du 23 juillet 2009 renouvelée le 1er juillet 2010, la société CLD a fait citer la société Azcoaga devant le tribunal de commerce de Reims, notamment aux fins de :

's’entendre condamner la société Azcoaga à fournir à la société CLD la justification de l’intégralité des chiffres d’affaires développés avec la société Brico Dépôt, Bricorama et Leroy Merlin :

— pour les années 2004 à 2008 concernant la société Brico Dépôt

— pour les années 2005 à 2008 pour la société Leroy Merlin

— pour l’année 2008 en ce qui concerne Bricorama,

Sous astreinte de 1.000 e par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir en cas de procédure contradictoire et du jour de la signification en cas de procédure réputée contradictoire ou par défaut.'

Aux termes de son jugement du 10 avril 2012, après s’être déclaré compétent, le tribunal de commerce de Reims a notamment ordonné à la société Azcoaga de fournir à la société CLD et au tribunal la justification de l’intégralité des chiffres d’affaires développés avec les sociétés Brico Dépôt, Bricorama et Leroy Merlin :

* pour les années 2004 à 2008 concernant la société Brico Dépôt ;

* pour les années 2005 à 2008 pour la société Leroy Merlin ;

* pour l’année 2008 en ce qui concerne la société Bricorama ;

sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter du seizième jour de la signification du jugement ;

Il s’est par ailleurs réservé le pouvoir de liquider l’astreinte.

Force est donc de constater que le tribunal de commerce de Reims ne s’est pas cantonné à statuer sur la compétence, mais qu’il a partiellement tranché le fond, en faisant droit à une des demandes de la société CLD.

Dès lors, par application de l’article 78 précité, sa décision ne pouvait être attaquée que par la voie de l’appel, ce qui ressort au demeurant expressément des termes du jugement, qui se qualifie comme étant rendu en premier ressort.

La société Azcoaga n’était donc pas fondée à former un contredit contre cette décision.

Toutefois, il ressort des dispositions de l’article 91 du code de procédure civile que lorsque la cour estime que la décision qui lui est déférée par la voie du contredit devait l’être par celle de l’appel, elle n’en demeure pas moins saisie, que l’affaire est alors instruite et jugée selon les règles applicables à l’appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé de contredit.

En application de ce texte, la cour est, nonobstant le recours à mauvais escient à la procédure du contredit, valablement saisie pour statuer sur la compétence.

Sur la compétence

Les parties s’accordent à considérer que la compétence est en l’espèce régie par le règlement CE n°44/2001 du conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

L’article 1 de ce règlement énonce en effet que celui-ci a vocation à s’appliquer en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction, que sont exclus de son application les matières fiscales, douanières ou administratives, ainsi que l’état et la capacité des personnes physiques, les régimes matrimoniaux, les testaments et les successions, les faillites, concordats et autres procédures analogues, la sécurité sociale et l’arbitrage.

Cet article précise encore in fine que le terme 'Etat membre’ s’entend de tous les Etats membres, à l’exception du Danemark.

L’article 2 de ce règlement, figurant dans la section relative aux dispositions générales, dispose que, sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un Etat membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat membre.

L’article 3 énonce quant à lui que les personnes domiciliées sur le territoire d’un Etat membre ne peuvent être attraites devant les tribunaux d’un autre Etat membre qu’en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du chapitre II relatif à la compétence.

L’article 5 1) a), figurant dans la section 2 du chapitre II, dispose qu’en matière contractuelle, une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée.

L’article 5 1) b) ajoute que, sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est, pour la fourniture de services, le lieu d’un Etat membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis.

En l’espèce, il est constant que la société CLD, ayant son siège au Luxembourg, a assigné la société Azcoaga, ayant son siège en Espagne, devant une juridiction française en se prévalant d’un contrat d’agent commercial devant s’exécuter en France.

Toutefois, la société Azcoaga conteste l’existence de ce contrat, dont la société CLD reconnaît en tout état de cause qu’il n’a fait l’objet d’aucun écrit.

Dès lors ainsi que la réalité même du contrat est sérieusement déniée, il doit être considéré en vertu de l’article 46 du code de procédure civile, lequel pose en droit interne français le principe d’une option de compétence en matière contractuelle similaire à celle prévue par l’article 5 du règlement n°44/2001du 22 décembre 2000, que le demandeur n’est pas fondé à se prévaloir de cette option de compétence.

Il y a en conséquence lieu de revenir au principe général posé par l’article 2 du règlement, qui attribue compétence aux juridictions de l’Etat membre où la personne est domiciliée, de telle sorte qu’en l’espèce, la compétence appartient aux tribunaux espagnols.

Le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions, et les parties seront renvoyées à mieux se pourvoir par application de l’article 96 du code de procédure civile.

La demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile par la société CLD, qui succombe, sera rejetée.

La société CLD sera par ailleurs condamnée aux dépens de la procédure.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 avril 2012 par le tribunal de commerce de Reims ;

Statuant à nouveau :

Déclare le tribunal de commerce de Reims incompétent pour connaître de la demande formée par la société de droit luxembourgeois Compagnie Luxembourgeoise de Distribution à l’encontre de la société de droit espagnol Azcoaga ;

Renvoie les parties à mieux se pourvoir ;

Rejette la demande formée par la société de droit luxembourgeois Compagnie Luxembourgeoise de Distribution sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société de droit luxembourgeois Compagnie Luxembourgeoise de Distribution aux dépens.

Le greffier La présidente

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