Cour d'appel de Reims, 3 décembre 2013, n° 12/02262

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 3 déc. 2013, n° 12/02262
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 12/02262
Décision précédente : Tribunal d'instance de Sedan, 20 août 2012, N° 11-09-000302

Texte intégral

R.G. : 12/02262

ARRÊT N°

du : 3 décembre 2013

L

Groupement Forestier des Margannes

C/

XXX

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

1re CHAMBRE CIVILE – SECTION INSTANCE

ARRÊT DU 3 DÉCEMBRE 2013

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 21 août 2012 par le tribunal d’instance de Sedan

(RG 11-09-000302)

Groupement Forestier des Margannes

pris en la personne de son représentant légal, domicilié de droit au siège social

XXX

XXX

Comparant, concluant par Maître Dominique Rance, avocat au barreau de Reims et plaidant par Maître Bernard Mandeville, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE :

XXX

prise en la personne de son maire, spécialement habilité à cet effet à la suite d’une délibération du conseil municipal en date du 20 mars 2009

XXX

XXX

Comparant, concluant et plaidant par Maître Thierry Bourbouze, avocat au barreau des Ardennes

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Lafay, présidente de chambre

Madame Robert, conseiller

Madame Magnard, conseiller

GREFFIER D’AUDIENCE :

Monsieur Jolly, greffier lors des débats et du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 8 octobre 2013, le rapport entendu, où l’affaire a été mise en délibéré au 3 décembre 2013,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Lafay, présidente de chambre, et par Monsieur Jolly, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Groupement Forestier des Margannes, créé en 1970, est propriétaire d’un massif forestier d’un seul tenant d’une contenance totale de 1.036 hectares, situé au Nord de la XXX qui se compose de deux parties

L’une située à l’Est, dite «forêt des Margannes », d’une surface totale de 650 ha,

L’autre située à l’Ouest, dite «forêt des Rossignols »d’une surface de 386 ha.

Au cours de l’année 2008, alors que le Groupement forestier avait installé une clôture entourant l’ensemble de son massif forestier, la XXX a manifesté sa volonté de réhabiliter un ancien chemin rural, dit de 'Gespunsart ', qui traversait tant la forêt des Margannes que la forêt des Rossignols.

Par acte extrajudiciaire du 4 septembre 2009, la XXX a assigné le groupement forestier devant le Tribunal d’instance de Sedan pour voir juger qu’elle est propriétaire de l’ancien chemin rural de Gespunsart, ainsi que de l’ancien chemin rural dit de Rumel à Sugny, et afin que le Groupement forestier soit condamné sous astreinte à libérer les accès à ces deux anciens chemins.

Par jugement du 29 janvier 2010, le tribunal a ordonné une expertise et a désigné Monsieur Y Z avec pour mission de :

— se rendre sur les lieux du massif forestier du Groupement Forestier des Margarines sur la XXX ;

— définir l’assiette de l’ancien chemin rural de Gespunsart et de l’ancien chemin de Rumel à Suvigny tels qu’ils figurent sur les cartes et les matérialiser à l’aide de jalons de géomètre ;

— décrire l’état des chemins et notamment si les assiettes des chemins litigieux sont toujours visibles ou non ;

— constater l’éventuelle présence de peuplements, cours d’eau ou tout autre élément sur les assiettes des anciens chemins ;

— dater les éventuels éléments présents sur les assiettes des anciens chemins tels que peuplements, cours d’eau.

L’expert a déposé son rapport le 10 novembre 2011.

Par jugement avant dire droit du 25 mai 2012, le tribunal d’instance de Sedan s’est déclaré compétent sur le fondement des articles L.161-4 et R.161-28 du code rural en vigueur lors de l’introduction de l’instance, a rouvert les débats et renvoyé l’affaire à l’audience du 25 juin 2012.

Après expertise, le Groupement forestier a revendiqué l’acquisition par voie de prescription acquisitive de la totalité de l’ancien chemin dit «de Rumel à Sugny » et de celle de l’ancien chemin de Gespunsart, sauf sur les quelques parties qui n’ont pas fait l’objet d’actes de possession de sa part.

Par jugement du 21 août 2012, le tribunal d’instance de Sedan a :

— constaté que la commune de Bosseval et Briancourt est propriétaire de la partie des chemins ruraux dits de 'Rumel à Sugny’ et de 'Sedan à Gespunsart’ qui traversent la propriété du groupement forestier des Margannes sur une distance respective de 2020 mètres et de 3790 mètres,

— condamné le groupement forestier des Margarines à rétablir le libre accès de la commune de Bosseval et Briancourt sur le chemin rural dit de 'Rumel à Sugny’ et sur le chemin rural dit 'de Sedan à Gespunsart', dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision, puis sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard pendant trente jours,

— condamné le groupement forestier des Margarines à payer à la commune de Bosseval et Briancourt la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le Groupement forestier a relevé appel de cette décision.

Par écritures du 17 décembre 2012, il demande à la cour de :

— infirmer le jugement du 21 août 2012 en toutes ses dispositions,

— statuant à nouveau,

— débouter la XXX de Bosseval et Briancourt de l’intégralité de ses demandes,

sur l’ancien chemin rural dit de Rumel à Sugny

— dire que le Groupement Forestier des Margannes a acquis par voie de prescription acquisitive la propriété de la portion de l’ancien chemin rural dit de 'Rumel à Sugny’ qui traverse son domaine,

et sur l’ancien chemin rural dit de Gespunsart,

à titre principal,

— dire que le Groupement Forestier des Margarines a acquis par voie de prescription acquisitive la propriété des tronçons suivants de l’ancien chemin rural dit de Gespunsart :

— la totalité du tronçon n° 1, tel qu’identifié par Monsieur l’Expert Z dans son rapport comme débutant à la frontière belge au Nord jusqu’à la parcelle cadastrée XXX » au sud,

— la totalité du tronçon n° 2, tel qu’identifié par Monsieur l’Expert Z dans son rapport comme débutant à l’extrémité Nord de la parcelle cadastrée XXX des Loges’ jusqu’au croisement entre les parcelles C 149 b, m, d, r au sud, sauf en ce qui concerne la sous partie (a), allant de l’extrémité Nord de la parcelle cadastrée XXX des Loges’ jusqu’au croisement entre les parcelles C 149 a, i, b, m au sud,

— la totalité du tronçon n° 3, tel qu’identifié par Monsieur l’Expert Z dans son rapport comme débutant au croisement entre les parcelles C 149 b, m, d, r au Nord, jusqu’à la sortie du massif forestier appartenant au Groupement forestier des Margarines au sud,

à titre infiniment subsidiaire,

— dire que les actes interruptifs de la prescription acquisitive acquise par le Groupement Forestier des Margarines ne portent que sur la sous partie (c) du tronçon n° 2, correspondant à l’extrémité sud de la parcelle adjacente XXX »,

à titre encore plus subsidiaire,

— dire que le Groupement forestier des Margannes devra ouvrir l’accès aux deux chemins dans un délai de 6 mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

— condamner la XXX à payer au Groupement Forestier des Margannes la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la XXX aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise.

Le 7 février 2013, la commune de Bosseval et Briancourt conclut à la confirmation de la décision et sollicite paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts et de celle de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2013.

Sur ce, la cour,

En application de l’article L.161-1 du code rural les chemins ruraux font partie du domaine privé de la commune de Bosseval et Briancourt.

Selon l’article L.3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques les biens des personnes publiques (…) qui relèvent du domaine public, sont inaliénables et imprescriptibles .

Il résulte de la combinaison de ces deux dispositions que les chemins ruraux, faisant partie du domaine privé de la commune de Bosseval et Briancourt, sont aliénables et peuvent être acquis par voie de prescription acquisitive.

L’article 2258 du code civil dispose que la prescription acquisitive est un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi.

Selon l’article 2261 du code civil, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.

Aux termes de l’article 2272 alinéa 1er du code civil, le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans.

Par conséquent, un chemin rural peut être acquis par voie de prescription acquisitive, à condition que la possession du chemin rural ait été continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire, pendant trente ans.

L’article 2271 du code civil prévoit que la prescription acquisitive est interrompue lorsque le possesseur d’un bien est privé pendant plus d’un an de ce bien soit par le propriétaire soit même par un tiers.

L’existence du titre de propriété de la commune de Bosseval et Briancourt sur les chemins litigieux n’est pas contestée. Selon l’article 712 du code civil, la propriété s’acquiert aussi par prescription et il est toujours possible de prescrire contre un titre.

Cependant la propriété légalement établie ne se perd pas par le non-usage de sorte que le groupement forestier ne peut se prévaloir utilement d’une absence d’entretien des chemins par la commune de Bosseval et Briancourt.

Sur le chemin dit de 'Rumel à Sugny'

Il n’est pas contesté que le Groupement forestier a acquis la forêt dite 'Les rossignols’ auprès des époux A-B, sur laquelle se trouve une partie de ce chemin, en 2008.

Cependant aux termes de l’article 2265 du code civil, pour compléter la prescription on peut joindre celle de son auteur de quelque manière qu’on lui ait succédé.

La possession légale utile pour prescrire ne peut s’établir à l’origine que par des actes d’occupation réelle tant que le cours n’en est pas interrompu ou suspendu.

C’est pertinemment que le premier juge relève que :

— sur la partie du chemin dont l’emprise est marquée par deux talus et donc parfaitement apparente, le groupement forestier ne démontre pas qu’il a réalisé des plantations coupes et éclaircies ou entretien, le sapiteur Monsieur X ayant confirmé l’absence de plantation. Il est ainsi établi que contrairement à ce qu’il soutient à hauteur d’appel le groupement forestier n’utilise pas l’ensemble du chemin revendiqué comme une partie de la forêt indistinctement des parcelles avoisinantes

— ensuite les traces d’emprise deviennent de moins en moins nettes et se perdent complètement dans un petit taillis difficilement pénétrable et la partie au Nord en excroissance dans la parcelle 119 n’est pas visible, mais le groupement forestier ne démontre pas plus qu’il a fait des actes de propriétaires.

Le seul fait que les précédents propriétaires aient construit un pont enjambant le lit du ruisseau se confondant avec l’assiette du chemin est insuffisant à établir l’usucapion de l’ensemble du chemin d’autant plus que rien ne démontre qu’ils avaient l’intention se faisant de se conduire en propriétaire.

La décision sera confirmée en ce qu’elle a débouté le groupement forestier de sa demande s’agissant de ce chemin.

XXX

C’est très pertinemment que le premier juge a estimé qu’il n’était pas possible de diviser artificiellement le chemin pour examiner sous partie par sous partie si elles ont été acquises par le groupement forestier par l’effet de la prescription acquisitive.

Il résulte du plan produit que le chemin traverse de part en part la propriété du groupement forestier et le propre d’un chemin est de pouvoir être utilisé sur la totalité de son assiette.

Raisonner autrement aboutirait à nier la fonction première d’un chemin qui se définit comme une voie de communication établie pour mener d’un point à un autre.

Aux termes du rapport d’expertise la première partie du chemin d’environ 700 mètres à partir de la frontière Belge est visible et bien entretenue, puis la traversée d’une plantation d’épicéas ne laisse aucune trace du chemin et ensuite il existe des traces du chemin assez encombré jusqu’à la parcelle 146 propriété de la commune de Bosseval et Briancourt.

La commune de Bosseval et Briancourt a par courrier en date du 15 novembre 1989 précisé au groupement forestier qu’elle envisageait la coupe de bois de la source des Vielles Loges à la frontière belge, en indiquant : 'Cette partie de chemin traverse la propriété que vous régissez ainsi que celle du Rossignol, c’est pourquoi, avant d’engager tout travail, je tenais à vous en avertir.'

L’expert ajoute que dans la partie Sud après la parcelle 146 on note des traces d’exploitation.

Il conclut que des actes de gestion ont été réalisés sur certaine partie de ce chemin par la commune de Bosseval et Briancourt.

Le premier juge a analysé très exactement les pièces produites et en a déduit que le groupement forestier ne produisait aucun document établissant qu’il a accompli des actes matériels manifestant sa possession à titre de propriétaire et particulièrement qu’il n’apportait pas la preuve de plantations des hêtres chênes et bouleaux âgés de 41 ans à 116 ans, le seul acte matériel de possession établi étant la plantation d’épicéas sur 173 des 3790 mètres que comprend la partie du chemin qui traverse sa propriété et cet acte étant insuffisant pour lui permettre de se prévaloir d’une possession trentenaire sur l’ensemble de la portion du chemin rural inclus dans sa propriété.

D’autre part les actes d’exploitation de la forêt par le groupement forestier l’ont été concurremment avec des interventions de la commune de Bosseval et Briancourt et la possession invoquée est en tout état de cause équivoque.

Sur la demande de dommages et intérêts

Le groupement forestier a privé la commune de Bosseval et Briancourt de la jouissance de ses chemins ruraux en fermant l’accès par des clôtures alors que le conseil municipal avait pris la décision de les remettre en état.

Il lui a fait perdre le montant d’une subvention allouée par la communauté de commune du pays Sedanais afin de procéder aux travaux de nettoyage.

L’allocation de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts est donc justifiée.

Sur la demande de rétablissement du libre accès des chemins

Il y a lieu, au regard de la nécessité pour le groupement forestier s’il veut continuer à bénéficier de l’agrément en qualité de parc de clôturer son domaine le long des chemins, de lui allouer un délai de quatre mois pour rétablir le libre accès aux chemins litigieux.

Par ces motifs,

Confirme en toutes ses dispositions la décision contestée sauf s’agissant du délai pour rétablir l’accès aux chemins litigieux,

Dit que le groupement forestier des Margannes devra rétablir l’accès de la commune de Bosseval et Briancourt sur les chemins ruraux dit de 'Rumel à Sugny’ et 'de Sedan à Gespunsart’ dans le délai de quatre mois à compter de la présente décision, puis sous astreinte provisoire de 150 euros de retard pendant trente jours,

Y ajoutant,

Condamne le groupement forestier des Margannes à payer à la commune de Bosseval et Briancourt la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d’appel,

Condamne le groupement forestier des Margannes aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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