Cour d'appel de Reims, 1ère chambre section jex, 13 décembre 2016, n° 16/00167

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 1re ch. sect. jex, 13 déc. 2016, n° 16/00167
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 16/00167
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Charleville-Mézières, JEX, 6 janvier 2016
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°151

du 13 décembre 2016

CL

R.G : 16/00167

REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS CHAMPAGNE ARDENNE

C/

Y

Formule exécutoire

le

à

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE

JUGE DE L’EXÉCUTION

ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2016

Appelant :

d’un jugement rendu par le juge de l’exécution de Charleville Mézières le 7 janvier 2016.

XXX, RSI, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit au siège social XXX, XXX

Comparant, concluant par la SCP Delgenes Vaucois Justine Delgenes, avocats au barreau des Ardennes.

Intimé :

Monsieur X Y, demeurant XXX, appartement XXX

Comparant, concluant par la SCP Delvincourt-Caulier Richard, avocats au barreau de Reims.

Débats :

A l’audience publique du 8 novembre 2016, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 décembre 2016, sans opposition de la part des conseils des parties et en application de l’article 786 du code de procédure civile, Madame B C, a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis ce magistrat en a rendu compte à la cour dans son délibéré.

Composition de la cour lors du délibéré :

Monsieur Francis Martin, président Madame Véronique Maussire, conseiller

Madame B C, conseiller

Greffier lors des débats et du prononcé

Madame Goulard, greffier

Arrêt :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour le 13 Décembre 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Francis Martin, président 1re chambre civile et Madame Goulard, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Procédure et prétentions des parties

Suivant procès-verbal du 3 décembre 2014, la Caisse du Régime Social des Indépendants de Champagne Ardenne (ci-après le RSI) a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes détenus par M. X Y auprès de la banque CIC Est et SNVB, pour une somme totale de 39.051,75 euros, en exécution d’une contrainte en date du 14 mai 2013. La saisie s’est avérée fructueuse pour la somme de 2.389,10 euros. Elle a été dénoncée à M. Y par acte d’huissier du 10 décembre 2014.

Par acte d’huissier en date du 12 janvier 2015, M. X Y a fait assigner le RSI devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Charleville-Mézières en contestation de la mesure d’exécution. L’huissier instrumentaire en a été avisé le même jour.

Par jugement en date du 7 janvier 2016, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Charleville-Mézières a :

— déclaré recevable la contestation formée par M. Y,

— ordonné la mainlevée de la saisie-attribution,

— débouté les parties de leur demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile,

— condamné le RSI aux dépens.

Le juge de l’exécution a estimé que le RSI ne justifiait pas de la délégation de pouvoir dont bénéficierait le signataire de la contrainte, ni par conséquent du fait que la contrainte constitue un titre exécutoire.

Par déclaration enregistrée le 19 janvier 2016, le RSI a interjeté appel du jugement, qui lui a été notifié par le greffe par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 janvier 2016.

Il demande à la cour d’appel de :

— constater qu’il justifie de la délégation de pouvoir et infirmer le jugement du juge de l’exécution,

— débouter M. Y de ses contestations relatives aux mises en demeure et à la saisie-attribution,

— constater la régularité de la saisie-attribution, le caractère exécutoire de la contrainte, et l’existence d’une créance fondée en son principe et son montant, – constater en conséquence que la saisie-attribution est régulière aussi bien sur la forme que sur le fond,

— débouter M. Y de l’ensemble de ses demandes,

— le condamner au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens, avec distraction.

Il fait valoir en premier lieu que le nom de l’huissier instrumentaire et son tampon figurent bien sur le procès-verbal de saisie-attribution, que le défaut de signature ne constitue une nullité de forme que si M. Y prouve, en application de l’article 114 du Code de procédure civile, le grief que lui cause cette irrégularité, ce qu’il ne fait pas. Il soutient en second lieu que la contrainte constitue, en vertu des articles R.111-3 du Code des procédures civiles d’exécution et L.244-9 du Code de la sécurité sociale, un titre exécutoire dès lors M. Y ne l’a pas contestée devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, de sorte que le juge de l’exécution ne peut l’annuler en application de l’article R.121-1 du Code des procédures civiles d’exécution. Il précise à ce titre que le signataire de la contrainte avait bien reçu délégation du directeur du RSI.

Il fait valoir en outre que les mises en demeure sont valables en l’espèce, même si elle ne comportent pas de signature, dès lors qu’elles portent mention du nom, prénom et qualité du signataire. Il ajoute que la signature de la contrainte respecte les dispositions de l’article R.133-4 du Code de la sécurité sociale, et que la procédure de recouvrement prévue aux articles L.133-6-4 II, L.244-2 et L.244-3 du même Code a été suivie puisque quatre mises en demeure ont été adressées au débiteur, que M. Y n’a pas contesté la créance devant la commission de recours amiable, de sorte que le RSI lui a signifié une contrainte le 19 juin 2013, que ce dernier n’ayant pas formé opposition devant le tribunal des affaires de sécurité sociale dans les 15 jours, la contrainte a acquis force exécutoire en application de l’article L.244-9. Enfin, il soutient que les cotisations réclamées n’étaient pas des cotisations employeur qui concerne la société mais des cotisations personnelles obligatoires de M. Y en qualité de gérant, de sorte que le RSI a saisi à bon droit le compte personnel de M. Y.

Par conclusions du 19 octobre 2016, M. Y demande à la cour d’appel de :

— débouter le RSI de son appel et confirmer le jugement entrepris,

En tout état de cause,

— déclarer nulles les mises en demeure des 10 septembre 2010, 12 janvier 2011 et 12 septembre 2012,

— déclarer nulle la contrainte,

— déclarer nulle la saisie-attribution,

— ordonner la mainlevée de la saisie-attribution,

— condamner le RSI au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

— débouter le RSI de toutes ses demandes.

Il fait valoir que si le juge de l’exécution ne peut remettre en cause le titre exécutoire, il doit vérifier l’existence d’un titre exécutoire fondant la mesure d’exécution forcée, qu’en l’espèce, le RSI ne produit pas la délégation de signature permettant de vérifier la régularité de la contrainte, de sorte que le jugement doit être confirmé. Il ajoute que les mises en demeure préalables ne sont pas signées de sorte qu’elles ne peuvent fonder des poursuites, et que la nullité des mises en demeure entraîne la nullité de toute la procédure. Il estime qu’en tout état de cause, la saisie-attribution est nulle puisque l’acte d’huissier ne comporte ni le cachet de l’étude ni la signature de l’huissier, alors que celui-ci doit pouvoir être identifié en application de l’article 116 alinéa 4 du décret du 31 décembre 1969, et qu’il n’est pas nécessaire de justifier d’un grief car il s’agit d’un acte inexistant et non d’une nullité de forme, qu’en tout état de cause, il subit un grief car il ne peut vérifier si l’acte a bien été délivré par un huissier et non par un clerc. Il souligne que le juge de l’exécution est parfaitement compétent pour statuer sur la validité et le caractère exécutoire de la contrainte, qu’en l’espèce, la contrainte porte sur des cotisations dues pour une période postérieure au jugement de liquidation judiciaire de la Sarl Batiroc du 3 juin 2010, de sorte que le gérant ne pouvait plus être redevable de cotisations, et qu’elle n’a pas été notifiée valablement au débiteur, puisque l’acte de signification n’est pas signé, de sorte qu’elle ne vaut pas titre exécutoire, que le délai de recours n’a pas commencé à courir et qu’aucune mesure d’exécution n’est donc possible, la prescription étant acquise.

Motifs de la décision

Sur l’étendue des pouvoirs du juge de l’exécution

Selon l’article L.213-6 du Code de l’organisation judiciaire, 'le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit.'

Aux termes de l’article R.121-1 alinéa 2 du Code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution.

Ainsi, le juge de l’exécution ne peut remettre en cause le titre exécutoire servant de base aux poursuites et la créance qu’il constate. Il doit seulement s’assurer du caractère exécutoire de ce titre.

Ce principe d’intangibilité du titre exécutoire s’applique également aux titres délivrés par les personnes morales de droit public en vertu de l’article L.111-3, 6° du même code, notamment les contraintes délivrées par le RSI en application de l’article L.244-9 du Code de la sécurité sociale.

En revanche, la jurisprudence invoquée par M. Y concernant les titres notariés n’est pas transposable aux autres titres exécutoires puisque les titres notariés ont la particularité de constituer en même temps des contrats et non des décisions susceptibles de recours devant une juridiction, et la nullité que le juge de l’exécution peut prononcer en la matière résulte de l’application du droit des contrats. Une contrainte délivrée par le RSI peut, quant à elle, être contestée tant sur le fond que sur la forme devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.

Il en résulte que M. Y ne peut valablement contester devant le juge de l’exécution la validité des mises en demeure préalables à la contrainte, le bien fondé de la créance ou la régularité formelle de la contrainte, ces questions relevant de la compétence du tribunal des affaires de sécurité sociale qui connaît de manière exclusive des recours contre les contraintes décernées par les organismes de sécurité sociale.

Outre la régularité des mesures d’exécution, seul le caractère exécutoire de la contrainte peut être discuté devant le juge de l’exécution, étant rappelé que la contrainte est exécutoire dès lors que le débiteur n’a pas formé opposition devant le tribunal des affaires de sécurité sociale dans les 15 jours de sa signification. C’est donc à tort que le premier juge a annulé la saisie-attribution au motif que le RSI ne démontrait pas que la contrainte constituait un titre exécutoire en ce qu’il ne permettait pas au juge de l’exécution de vérifier que la contrainte avait été signée par un délégataire du directeur du RSI. Seuls seront donc examinés en l’espèce la régularité de la signification de contrainte, condition de son caractère exécutoire, ainsi que la régularité de l’acte de saisie.

Sur la régularité de la signification de la contrainte

Aux termes de l’article L.211-1 du Code des procédures civiles d’exécution, 'tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent'.

Il résulte de l’article 503 du Code de procédure civile qu’une décision de justice ne peut être exécutée contre ceux auxquels elle est opposée qu’après leur avoir été notifiée. Ces dispositions s’appliquent aux titres délivrés par les personnes morales de droit public.

L’article 648 du Code de procédure civile, relatif à la forme des actes d’huissier de justice, prescrit de mentionner dans l’acte, à peine de nullité, les nom, prénoms, demeure et signature de l’huissier.

L’article 649 du même Code dispose que la nullité des actes d’huissier est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.

L’article 114 du Code de procédure civile dispose :

'Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.'

Contrairement à ce que soutient M. Y, l’omission de la signature de l’huissier de justice n’entraîne pas l’inexistence de l’acte mais constitue un vice de forme dont la sanction est subordonnée à la preuve d’un grief en application de l’article 114 précité.

En l’espèce, l’acte de signification de la contrainte comporte en première page l’identification de l’étude d’huissier, à savoir la SCP D E et F-G K, ses adresses mail et postale et ses coordonnées téléphoniques. A la fin, l’acte est revêtu du tampon de la SCP et porte la mention des noms et prénoms de D E et F-G H, mais ne comporte pas la signature de l’un d’entre eux.

Cependant, M. Y ne rapporte pas la preuve du grief que lui cause cette irrégularité de forme. Rien ne permet d’affirmer que l’acte aurait été délivré par un clerc non assermenté et en tout état de cause, le fait de ne pas savoir qui, au sein de la SCP, a délivré l’acte ne privait pas M. Y de l’exercice de ses droits, et notamment celui de faire opposition devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Charleville-Mézières dans le délai de 15 jours comme cela lui a été indiqué.

En conséquence, la signification de la contrainte est valable, si bien que celle-ci, faute d’avoir été contestée devant la juridiction compétente, est bien exécutoire. Le RSI, muni d’un titre exécutoire, était donc bien fondé à entreprendre une saisie sur les biens du débiteur.

Sur la régularité de la saisie-attribution

Ici encore l’irrégularité formelle de l’acte de saisie-attribution est subordonnée à la preuve d’un grief en application de l’article 114 du Code de procédure civile.

Le procès-verbal de saisie-attribution du 3 décembre 2014 comporte en première page l’identification de l’étude d’huissier, à savoir la SCP D E et F-G K, ses adresses mail et postale et ses coordonnées téléphoniques. A la fin, l’acte porte la mention des noms et prénoms de D E et F-G H, mais ne comporte pas la signature de l’un d’entre eux.

Cependant, M. Y ne rapporte pas la preuve du grief que lui cause cette irrégularité de forme. Rien ne permet d’affirmer que l’acte aurait été délivré par un clerc non assermenté et en tout état de cause, le fait de ne pas savoir qui, au sein de la SCP, a délivré l’acte n’a pas privé M. Y de l’exercice de ses droits, et notamment celui de saisir le juge de l’exécution pour contester la saisie. Cette omission ne l’a pas empêché non plus d’aviser l’huissier instrumentaire de l’assignation délivrée devant le juge de l’exécution en application de l’article R.211-11 du Code des procédures civiles d’exécution.

Il convient donc de débouter M. Y de sa demande de nullité de la saisie-attribution.

Enfin, c’est à juste titre que le RSI a saisi le compte personnel de M. Y puisqu’il s’agit d’une dette personnelle et non de celle de la société dont il était le gérant.

Par conséquent, il convient de rejeter la demande de mainlevée et d’infirmer le jugement déféré.

Sur les demandes accessoires

Succombant, M. Y sera condamné aux dépens, ainsi qu’au paiement d’une somme de 800 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs,

La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt rendu publiquement par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a déclaré la contestation de M. X Y recevable,

Statuant à nouveau,

Dit n’y avoir lieu à statuer sur la validité des mises en demeure préalables à la contrainte, le bien fondé de la créance et la régularité formelle de la contrainte,

Constate que la signification de la contrainte est valable et que la Caisse du Régime Social des Indépendants de Champagne Ardenne est munie d’un titre exécutoire contre M. X Y,

Déboute M. X Y de sa demande de nullité de la saisie-attribution,

Déboute M. X Y de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution,

Condamne M. X Y à payer à la Caisse du Régime Social des Indépendants de Champagne Ardenne la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne M. X Y aux dépens de première instance et d’appel,

Autorise Me Christophe Vaucois, avocat membre de la SCP Delgenes, Vaucois, Justine, Delgenes, à recouvrer directement les dépens conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Le greffier Le président

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