Cour d'appel de Rennes, 4ème chambre, 19 septembre 2019, n° 16/03025

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 4e ch., 19 sept. 2019, n° 16/03025
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 16/03025
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

4e Chambre

ARRÊT N° 288

N° RG 16/03025

N°Portalis DBVL-V-B7A-M46J

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Andrée GEORGEAULT, Conseillère,

Assesseur : Madame Florence BOURDON, Conseillère,

GREFFIER :

Madame A B, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 12 Mars 2019

devant Madame Andrée GEORGEAULT, magistrat rapporteur, tenant seule l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 19 Septembre 2019 par mise à disposition au greffe, date indiquée à l’issue des débats : 06 Juin 2019 prorogée au 04 Juillet 2019 puis au 19 Septembre 2019

****

APPELANTE :

SA GAN ASSURANCES

[…]

[…]

Représentée par Me Elisabeth PHILY de la SCP GLOAGUEN & PHILY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

INTIMÉS :

Monsieur F E

[…]

[…]

Représenté par Me Isabelle BOUCHET-BOSSARD de la SELARL BELWEST, Plaidant, avocat au barreau de BREST

Représenté par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Syndicat des copropriétaires RESIDENCE RIVA BELLA Représenté par son syndic,la société NEXITY, prise en son Agence de CONCARNEAU dont le siège social […]

[…]

[…]

Représentée par Me Valérie POSTIC de la SELARL ATHENA AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

SARL KERNAO CPR

Prise en la personne de sa liquidatrice, Madame C Y

[…]

[…]

Assignée à personne habilitée

FAITS ET PROCÉDURE

La société Kernao CPR a entrepris la réhabilitation d’un bâtiment ancien à usage initial de commerce à Nevez afin de le vendre par appartements.

Elle était assurée par la société Gan Assurances dans le cadre d’une police de responsabilité décennale constructeur non réalisateur.

Suivant contrat du 5 octobre 2004, la société Kernao a confié la maîtrise d’oeuvre de l’opération à M. E, moyennant une rémunération de 6% en raison de l’intervention d’un maître d’oeuvre délégué en la personne de Pierrick Z.

Le permis de construire a été obtenu le 13 décembre 2004 et un autre, modificatif, le 21 août 2006.

La réception est intervenue le 29 juin 2006 avec réserves et les appartements ont été livrés.

La déclaration d’achèvement des travaux a été déposée le 1er octobre 2006.

Se plaignant de désordres, de travaux non exécutés et de non-conformités, le syndicat des copropriétaires de la résidence Riva Bella a obtenu la désignation de M. X en tant qu’expert par ordonnance du 17 janvier 2009.

M. X a déposé son rapport le 30 juin 2010.

Par exploit en date des 29, 30 avril et 5 mai 2014, le syndicat a fait assigner la société Kernao, M. E et la société Gan, assureur de la société Kernao.

Par un jugement du 15 mars 2016, le tribunal de grande instance de Quimper a :

— Condamné la société Kernao, représentée par sa liquidatrice amiable, Mme Y, à verser au syndicat des copropriétaires de la résidence Riva Bella les sommes suivantes :

—  2700 euros en compensation des différences de surfaces des terrasses et cours privatives

des appartements vendus par rapport au contrat initial,

—  43 807,20 euros en indemnisation du non accomplissement de l’obligation de délivrance

contractuelle des appartements vendus,

—  70 722 euros en indemnisation des désordres de nature décennale affectant l’immeuble,

— Condamné la société Gan, in solidum avec la société Kernao, représentée par sa liquidatrice Mme Y, à payer au syndicat précité la dernière de ces sommes;

— Condamné M. E in solidum avec la société Kernao, représentée par sa liquidatrice Mme Y, et la société Gan à payer au syndicat précité la somme de 2700 euros au titre de sa responsabilité contractuelle et celle de 40 020 euros au titre de la responsabilité de l’architecte constructeur, soit en tout 42 720 euros ;

— Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal a compter du jour de la présente décision;

— Condamné la société Kernao, représentée par sa liquidatrice Mme Y, la société Gan et M. E à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence Riva Bella la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de la présente instance comprenant le coût de l’expertise judiciaire ;

— Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision ;

— Rejeté toutes autres demandes.

Par déclaration du 20 avril 2016, la société Gan Assurances a interjeté appel de ce jugement.

Les parties ont conclu sauf la société Kernao à laquelle la société Gan a fait signifier sa déclaration d’appel et ses conclusions par acte du 13 juillet 2016, remis à Mme C Y, sa liquidatrice amiable.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 février 2019

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions en date du 2 août 2018, la société Gan demande à la cour de:

— Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

— Constater que la société Gan ne doit pas sa garantie ;

— En conséquence, débouter le syndicat des copropriétaires de la résidence Riva Bella de ses prétentions ;

— Reconventionnellement, le condamner au règlement d’une somme de 6000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Le condamner aux entiers dépens.

***

Dans ses dernières conclusions en date du 26 juillet 2018, le syndicat des copropriétaires de la résidence Riva Bella demande à la cour de :

— Débouter le Gan et M. E de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

— Confirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions ;

— Condamner in solidum M. E, la société Kernao prise en la personne de sa liquidatrice ainsi que le Gan, assureur CNR, au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,

— Condamner in solidum Monsieur E, la société Kernao prise en la personne de sa liquidatrice ainsi que le Gan, assureur CNR, au paiement de la somme de 83 850,80 euros HT somme indexée sur le coût de la construction publié à la date de la décision à intervenir, somme décomposée comme suit :

— Création d’un muret de soutènement : 26 285,44 euros ;

— Construction d’un muret de 60 cm de haut : 6 439,28 euros ;

— Réformation des gouttes d’eau : 3 720,32 euros ;

— Mise en peinture des gardes corps : 9 779 euros ;

— Réfection des marches : 3 839 euros ;

— Cage d’escalier : 4 200 euros ;

— Muret séparation terrasse : 6 217,76 euros ;

— Garage : 600 euros ;

— Voirie : 13 187,50 euros ;

— Réseaux : 2 940 euros ;

— Travaux d’électricité : 3 417 euros ;

— Dire que le montant des travaux de reprise des désordres auxquels seront condamnées M. E, la société Kernao prise en la personne de sa liquidatrice ainsi que le Gan, assureur CNR sera majoré du taux de TVA applicable à la date de leur réalisation ;

A titre infiniment subsidiaire,

— Condamner in solidum M. E, la société Kernao prise en la personne de sa liquidatrice ainsi que le Gan, assureur CNR, au paiement des sommes de :

—  25 000 euros au titre de la réalisation du mur de soutènement Sud ;

—  8 000 euros au titre de la couverture des garages ;

—  1 200 euros au titre du skydôme ;

—  150 euros au titre des infiltrations d’eau par la toiture terrasse ;

—  1 700 euros au titre des marches des terrasses privatives ;

— Condamner solidairement la société Kernao représentée par sa liquidatrice et M. E au paiement des sommes de :

—  2 700 euros au titre des pertes de surfaces des terrasses privatives ;

—  4 100 euros au titre de l’éclairage des garages et des locaux communs ;

—  7 500 euros au titre des portes d’entrée métalliques ;

—  2 200 euros au titre des infiltrations d’eau en sous-face des balcons 4.104 euros HT au titre de la mise en peinture des garde-corps et rampes métalliques extérieures;

—  6.500 euros HT au titre de la non-conformité des murets séparatifs ;

—  5.802 euros HT au titre de la non-conformité des enduits ;

—  3.500 euros HT pour la réalisation d’un enrobé ;

—  16.385 euros HT au titre de la réalisation d’un enduit sur les garages ;

—  800 euros HT au titre des fissures des paillasses de l’escalier béton extérieur ;

—  3.500 euros HT au titre du décollement de la peinture dans la cage d’escalier ;

—  5.000 euros HT au titre de la non-conformité du mur côté rue ;

— Dire que le montant des travaux sera assorti du montant de la TVA applicable à la date du jugement ;

— Condamner solidairement au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

— Condamner les défendeurs au paiement du coût des honoraires de l’expert judiciaire ;

— Condamner les défendeurs aux entiers dépens de première instance et d’appel comprenant, le cas échéant, le coût des honoraires de l’expert judiciaire.

***

Dans ses dernières conclusions en date du 31 août 2018, M. F E demande à la cour de :

— Débouter le syndicat des copropriétaires de l’ensemble de ses prétentions à l’égard de M. E ;

— Confirmer partiellement le jugement en ce qu’il a décidé que ne peuvent être mis à la charge de M. E les sommes suivantes :

—  4 100 euros pour l’éclairage des garages ;

—  7 500 euros pour les portes d’entrée ;

—  4 104 euros pour la peinture des gardes corps et des rampes métalliques extérieures ;

—  6 500 euros pour les murets séparatifs ;

—  5 802 euros au titre de la non-conformité des enduits ;

—  3 500 euros pour la réalisation d’un enrobé ;

—  5 000 euros à celui du mur côté rue.

— Condamner le syndicat des copropriétaires à payer à M. E la somme de 6000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

— Subsidiairement, dire et juger que M. E ne peut être responsable que de la fissure des paillasses de l’escalier et qu’il ne saurait dont être condamné à plus de 800 euros HT.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions ci-dessus rappelées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Qualité pour agir du syndicat des copropriétaires

M. E soutient que le syndicat des copropriétaires n’a pas qualité pour agir en indemnisation du manque de surface des cours, ni des désordres affectant les marches et les murets séparatifs entre ces cours et les appartements.

Le syndicat des copropriétaires soutient que ces parties de l’immeuble demeurent communes, malgré leur affectation à la jouissance privative de certains copropriétaires.

Il ne peut être valablement soutenu à la lecture des articles 4 et 7 du règlement de copropriété, que les dispositions relatives aux 'terrasses’ sont applicables aux cours litigieuses, alors que dans l’état descriptif de division et les actes de vente, leur surface est comptabilisée, comme celle des balcons, au titre des parties privatives de chaque lot. Ces cours, ainsi que leurs marches d’accès aux appartements relèvent donc des parties privatives.

Le syndicat des copropriétaires qui admet que la société Kernao a indemnisé certains copropriétaires de l’erreur de surface de la cour comprise dans leur lot n’a donc pas qualité à agir pour le compte des autres copropriétaires de ce chef, non plus qu’en réparation des désordres affectant les marches de ces parties privatives.

En revanche, les murs séparant les cours privatives relèvent des parties communes.

Le jugement sera par conséquent réformé en ce qu’il a fait droit aux demandes du syndicat des copropriétaires du chef des erreurs de surface et des désordres des marches d’accès aux appartements.

Les responsabilités

Selon l’article 1646-1 du code civil, le vendeur d’immeuble à construire est tenu, à compter de la réception des travaux, des obligations dont les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître d’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage, sont eux-mêmes tenus en application des articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du code civil.

En application des dispositions de l’article 1792-1 du code civil, le maître d’oeuvre est tenu d’une responsabilité de plein droit pour les désordres qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination de façon certaine dans le délai d’épreuve décennal.

Sa responsabilité contractuelle peut également être recherchée à raison d’un manquement à ses obligations, pour faute prouvée.

Les désordres et non conformités,

Ils seront examinés selon la numérotation et la dénomination retenue par le syndicat des copropriétaires qui en sollicite l’indemnisation.

Mur séparatif Sud :

L’expert a constaté que la stabilité du sol sous les terrasses (ou cours) privatives n’est assurée que par le talus de la propriété voisine et des plantations. Il a relevé que le projet a supprimé la base portante du talus permettant le développement d’une haie dans des conditions normales et transféré une fonction supplémentaire de soutènement au talus du voisin, non prévu à cet usage.

Il a conclu à la nécessité de construire le mur de soutènement qui était prévu au CCTP, sans autre précision.

L’absence de ce mur constitue un manquement à l’obligation de délivrance de la société Kernao dès lors que sa construction était prévue au CCTP, intégré à l’acte de vente.

Elle caractérise également un dommage de nature décennale dès lors que son absence remet en cause la stabilité et la solidité de l’ouvrage.

La réalisation de ce mur de soutènement figurait au chapitre 1.6.1 'aménagement extérieur’ du descriptif des travaux établi par M. E en février 2005. Il a fait l’objet d’un devis de l’entreprise Dalmat, adressé à M. Z, assistant du maître d’ouvrage, le 28 juin 2005.

La société Kernao admet avoir choisi de ne pas réaliser ce mur (pièces n°2 et 4 du syndicat des copropriétaires).

La suppression de ce mur résultant d’un choix du maître d’ouvrage, elle constitue une cause étrangère exonératoire de la responsabilité de plein droit de M. E qui l’avait intégré dans le projet

d’origine. Le tribunal n’était pas fondé à la retenir.

La responsabilité de plein droit de la société Kernao sera donc seule retenue.

Infiltrations d’eau par la toiture terrasse :

L’expert a constaté deux percements du dispositif d’étanchéité mais n’a relevé aucun dommage consécutif et le syndicat des copropriétaires n’établit pas que des infiltrations se soient produites depuis.

C’est à tort qu’en l’absence de dommage, le tribunal a considéré que ce désordre relevait de la garantie décennale de la société Kernao et de l’architecte.

Il engage, en revanche, la responsabilité contractuelle de M. E, architecte, chargé d’une mission de suivi du chantier, aucun faute ne pouvant être retenue à l’encontre de la société Kernao.

Le jugement sera réformé de ce chef.

Dangerosité des marches entre les appartements et les cours privatives et différence de surface des terrasses (cours privatives) :

Il a été dit précédemment que le syndicat des copropriétaires n’avait pas qualité pour agir en indemnisation de désordres ou de défauts de conformité affectant les parties privatives de l’immeuble.

Les demandes formées à ce titre sont donc irrecevables.

Défaut d’éclairage des garages et des équipements communs :

Il s’agit de prestations non exécutées, constatées par l’expert et qui ont fait l’objet de réserves émises par le syndicat des copropriétaires par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à la société Kernao, le 27 novembre 2006.

L’éclairage de la cage d’escalier commune, des locaux communs ouest et de l’extérieur des garages était prévu dans le CCTP, entré dans le champ contractuel.

En réponse aux réserves émises par le conseil syndical, la société Kernao indiquait, le 24 octobre 2006 qu’elle n’accéderait pas à la demande des copropriétaires relative à l’éclairage de la cour des garages et aux locaux communs.

Cette absence de prestation relève donc d’un manquement de la société Kernao à son obligation de délivrance.

Aucune faute ne peut être mise à la charge du maître d’oeuvre au titre de cette absence de prestation consécutive à une modification du CCTP par le maître d’ouvrage.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Le skydôme de désenfumage :

Selon l’expertise, l’exutoire de fumée qui équipait les locaux commerciaux transformés a été conservé sans qu’aucune attestation de fonctionnement n’ait été fournie. L’expert a indiqué que cet équipement de sécurité ne pouvait être conservé qu’à cette condition et qu’à défaut, il devrait être remplacé.

C’est à juste titre que le tribunal a considéré que l’absence de vérification et d’attestation du bon fonctionnement de ce dispositif caractérisait un désordre de nature décennale, dès lors qu’il mettait en cause la sécurité des habitants de l’immeuble.

Ce désordre engage donc la responsabilité de plein droit de la société Kernao et de M. E, maître d’oeuvre.

Couverture des garages :

L’expert a constaté des infiltrations au point bas de la noue à la jonction des plaques et dans les raccordements des bacs pleins et des bacs transparents.

Il a relevé des défauts de conformité de la couverture concernant la pente (insuffisante), le façonnage de la noue, la fixation des plaques et l’absence de profil de fermeture qui justifient la reprise de l’ensemble.

Ces infiltrations ont, toutefois, fait l’objet de réserves en page 3 du procès-verbal de réception du 29 juin 2006 et le syndicat des copropriétaires n’établit pas qu’elles se seraient aggravées.

Ces désordres et non conformités ne relèvent donc pas de la garantie décennale des constructeurs mais de la seule responsabilité contractuelle de la société Kernao, pour défaut de réparation avant la livraison de l’immeuble.

Il n’est pas contesté en effet, que les garages n’entraient pas dans la mission de maîtrise d’oeuvre confiée à M. E.

Décollement des carreaux des nez de balcons :

Selon l’expert, la malfaçon des larmiers en sous-face des balcons était apparente à réception.

Afin de prévenir le risque de décollement des carreaux en rive aux points les plus humides, il

a préconisé le scellement d’une baguette en alu sous la rive des carreaux sur toute la longueur des balcons.

Faute de gravité, ce défaut d’exécution, par ailleurs limité aux rives des balcons ne peut caractériser un désordre décennal.

Il relève donc de la responsabilité contractuelle du maître d’oeuvre, auquel ce défaut de conformité, apparent pour un professionnel, n’aurait pas dû échapper.

Mise en peinture des garde corps :

L’expert a relevé que les travaux de peinture des garde-corps prévus à l’article 11-1-4 du CCTP n’ont pas été réalisés.

Cette absence de finition, à laquelle la société Kernao s’est engagée à remédier dans sa lettre du 24 octobre 2006, relève de sa responsabilité contractuelle.

Elle ne saurait en revanche engager la responsabilité du maître d’oeuvre à l’encontre duquel aucune faute ne peut être retenue du chef de ce désordre, apparent à la livraison.

Murets séparatifs entre les cours privatives :

Il résulte de l’expertise et de l’article 6-1-9 du CCTP que ces séparations devaient être réalisées par des palissades en bois fixées sur des murets réalisés en maçonnerie de 60 cm de hauteur, au lieu des claustras simples mis en place.

Cette modification est la conséquence d’un choix opéré par la société Kernao en cours de chantier.

C’est par conséquent à juste titre que le tribunal a considéré que cette absence de conformité contractuelle relevait de sa seule responsabilité.

Enduits de façades :

Les articles 11-1-8 et 11-1-9 du CCTP prévoyaient la peinture des enduits de façade de l’immeuble. La société Kernao a admis ne pas avoir exécuté cette prestation (pièce n°4 du syndicat des copropriétaires) .

Cette absence d’ouvrage engage sa seule responsabilité contractuelle et le jugement est confirmé de ce chef.

Enrobé dans la cour :

L’expert a constaté que le plan des garages joint aux actes de vente notariés indiquait la présence d’enrobé dans la cour devant les garages.

Cette absence d’ouvrage constitue un manquement du maître d’ouvrage à son obligation de délivrance.

Enduits des garages :

L’expert a relevé que les garages avaient été conçus 'a minima’ et constaté qu’en l’absence d’enduit extérieur, les maçonneries en parpaings s’imprégnaient localement d’eau, avec un risque d’infiltrations intérieures. L’expert n’a cependant constaté aucun désordre et le syndicat des copropriétaires ne prétend pas que le risque évoqué se soit réalisé.

En l’absence de stipulation contractuelle et de désordre, l’absence d’enduit des garages n’est pas susceptible de donner lieu à indemnisation du syndicat des copropriétaires.

Le jugement sera réformé en ce qu’il a fait droit à cette demande.

Fissures des paillasses :

L’expert a constaté des fissures sur l’escalier extérieur en béton qui ne portent pas atteinte à sa solidité. Il estime que l’absence de traitement préalable de ces fissures avant leur mise en peinture relève d’un défaut de prescription de l’architecte.

Contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, aucun caractère de gravité ne permet de qualifier ce désordre de décennal.

En l’absence de faute de la société Kernao, il relève de la responsabilité contractuelle de M. E.

Décollement de peinture de la cage d’escalier :

Selon l’expert, ce désordre est la conséquence d’une humidité permanente provenant du vide-ordure non ventilé. Il a préconisé la mise en oeuvre d’un dispositif de ventilation sans toutefois relever aucune atteinte à la solidité ou à la destination de l’ouvrage.

A juste titre, le premier juge a considéré que ce désordre caractérisait un dommage de nature décennale, dès lors que l’humidité observée dans la cage d’escalier constitue une impropriété à destination.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a retenu la responsabilité de plein droit de la société Kernao et de M. E au titre de ce désordre, résultant en définitive d’une erreur de conception imputable à l’architecte.

Non conformité du mur côté rue et des portes d’entrée :

La société Kernao a admis ne pas avoir réalisé le muret séparatif côté rue, d’une hauteur de 0,60m, prévu au CCTP.

Cette décision a été prise en cours de chantier, tout comme celle de remplacer les portes d’entrée métalliques prévues à l’article 5-1-6 du CCTP, par des portes en PVC.

Ces absences et modifications d’ouvrage relèvent de l’obligation de délivrance de la société Kernao, qui en sera seule tenue, ainsi que l’a justement décidé le premier juge.

Garantie de la société Gan assurances

Selon les conditions particulières de la police d’assurance de responsabilité décennale 'constructeur non réalisateur’ à effet au 1er juillet 2005, versée aux débats, sont garantis les dommages relevant de la garantie obligatoire de responsabilité décennale, les éléments d’équipements et les dommages immatériels après réception.

Le syndicat des copropriétaires n’est donc pas fondé à soutenir que la société Gan assurances serait tenue de garantir l’ensemble des désordres et non conformités relevant de la responsabilité contractuelle de la société Kernao.

Compte tenu des développements précédents, la garantie de la société Gan assurances n’est acquise en l’espèce qu’au titre du remplacement du skydôme de désenfumage.

Clause d’exclusion de solidarité du maître d’oeuvre

La clause d’exclusion de solidarité dont excipe l’architecte est inopposable au syndicat des copropriétaires pour les désordres relevant de la garantie légale de l’article 1792 du code civil.

Elle est en revanche applicable pour les désordres relevant de la responsabilité de droit commun du maître d’oeuvre.

Cependant, les développements précédents ayant établi l’entière responsabilité de M. E au titre des désordres de conception et d’exécution mis à sa charge, cette clause est en l’espèce inopérante.

Les demandes indemnitaires du syndicat des copropriétaires

Estimant que l’expert a sous-estimé le montant des travaux de reprise ou de finition nécessaires, le syndicat des copropriétaires réclame l’indemnisation sur la base de nouveaux devis, établis en 2018 à la demande de son syndic.

Le syndicat des copropriétaires n’apporte cependant aux débats aucun élément objectif susceptible de caractériser l’erreur d’appréciation qu’elle impute à l’expert, lequel a fondé ses estimations sur la base des devis des entreprises Poupon et SCREG établis à sa demande.

Les reprises des désordres et non conformités finalement retenus par la cour seront par conséquent indemnisés sur la base des estimations HT de l’expert, auxquelles il conviendra d’appliquer le taux de TVA de 20%, applicable au jour du jugement assorti de l’exécution provisoire.

Compte tenu de ces développements, Mme C Y, ès qualités de liquidatrice de la société Kernao, est condamnée, sur le fondement des dispositions de l’article 1792 du code civil, in solidum avec la société Gan, son assureur et M. E, au paiement des sommes suivantes :

-1 200 euros en indemnisation du remplacement du skydôme de désenfumage,

—  25 000 euros au titre de l’absence de mur de soutènement,

—  3 500 euros au titre de l’absence de ventilation du vide sanitaire,

soit compte tenu de la TVA de 20% applicable au jour du jugement, la somme de 35 640 euros TTC (29 700 euros HT)

Mme C Y, ès qualités de liquidatrice de la société Kernao est également condamnée au titre de sa responsabilité contractuelle, au paiement des sommes suivantes :

— défaut d’éclairage des garages et des locaux communs : 4 100 euros,

— étanchéité de la couverture des garages : 8 000 euros,

— peinture des garde-corps : 4 104 euros,

— muret séparatifs des cours privatives : 6 500 euros,

— peinture des enduits de façades : 5 802 euros,

— enrobé de la cour : 3 500 euros,

— muret côté rue : 5 000 euros,

— portes d’entrées : 7 500 euros,

soit, la somme globale de 53 407,20 euros (44 506 HT).

M. E est condamné, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, au paiement des sommes suivantes :

— désordres d’étanchéité de la terrasse : 150 euros HT

— larmiers inefficaces en sous-face des balcons : 2 200 euros HT

— fissures de l’escalier extérieur : 800 euros HT,

soit la somme de 3 780 euros (3 150 euros HT).

Ces sommes produiront des intérêts calculés au taux légal à compter du jugement.

Les dépens et les frais non répétibles

Les dépens des procédures de première instance et d’appel, comprenant les frais d’expertise judiciaire

sont mis à la charge, in solidum de Mme C Y ès qualités de liquidatrice de la société Kernao, de la société Gan assurances et de M. E.

Il serait en outre inéquitable de laisser les syndicat des copropriétaires supporter la charge des frais non répétibles qu’il a exposé dans le cadre de ces instances.

Mme Y, ès qualités, la société Gan son assureur et M. E sont condamnés in solidum à lui payer la somme globale de 8 000 euros au titre de ses frais non répétibles de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

INFIRME partiellement le jugement rendu le 15 mars 2016, par le tribunal de grande instance de Quimper,

Reprenant le dispositif sur le tout,

DÉCLARE le syndicat des copropriétaires de la résidence Riva Bella irrecevables en ses demandes relatives à l’erreur de surface et aux désordres des marches des parties privatives,

DÉBOUTE le syndicat des copropriétaires de la résidence Riva Bella de ses demandes d’indemnisation de l’enduit du mur des garages,

CONDAMNE Mme C Y, ès qualités de liquidatrice de la société Kernao CPR et la société Gan assurances à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence Riva Bella, la somme de 35 640 euros, in solidum avec M. F E à hauteur de 5 640 euros,

CONDAMNE Mme C Y, ès qualités de liquidatrice de la société Kernao CPR, à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence Riva Bella, la somme de 53 407,20 euros,

CONDAMNE M. F E à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence Riva Bella, la somme de 3 780 euros,

DIT que ces sommes produiront des intérêts calculés au taux légal à compter du jugement,

CONDAMNE in solidum Mme C Y, ès qualités de liquidatrice de la société Kernao CPR, la société Gan assurances et M. F E aux dépens de première instance et d’appel, comprenant les frais d’expertise judiciaire,

CONDAMNE Mme C Y, ès qualités de liquidatrice de la société Kernao CPR, la société Gan assurances et M. F E à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence Riva Bella, la somme de 8 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

Le Greffier, Le Président,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Rennes, 4ème chambre, 19 septembre 2019, n° 16/03025