Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 3 avril 2019, n° 15/06463

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 7e ch prud'homale, 3 avr. 2019, n° 15/06463
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 15/06463
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE COPIE EXECUTOIRE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES 7ème Ch Prud’homale

ARRÊT DU 03 AVRIL 2019

ARRÊT N° LO

N° RG 15/06463 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU N° Portalis DÉLIBÉRÉ: DBVL-V-B67-MIIF

Président Madame Régine I Conseiller Madame N O

Conseiller Madame J K

GREFFIER :

M. X

Y Madame H, lors des débats et lors du prononcé

C/ DÉBATS : Société BRICORAMA

FRANCE venant aux droits de A l’audience publique du 21 Janvier 2019 la société LE GRAND BRICO

ARRÊT:

Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Avril 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

Infirme partiellement, réforme APPELANT: ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Monsieur X Y

[…]

Représenté par Me Bénédicte FLEURY-MARIAGE de la SELARL INVICTAE, avocat au barreau de RENNES substituée par Me Adélaïde KESLER de la SELARL INVICTAE, avocat au barreau de RENNES Copie exécutoire délivrée

le:

INTIMEE:

SENN Société BRICORAMA FRANCE venant aux droits de la société LE GRAND BRICO

[…]

[…]

Représentée par Me Anne-Laure COCHERIL de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC substituée par Me Béatrice DEMANESSE, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

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EXPOSÉ DU LITIGE
M. X Y a été embauché par la SAS Le Grand Brico (aux droits de laquelle vient désormais la société Bricorama France) à compter du 1er décembre 2010, suivant contrat à durée indéterminée, en qualité de directeur de magasin à Lannion, position cadre 5 L, moyennant une rémunération forfaitaire de 3 800 euros bruts, portée à 3 900 € à compter du 1er mai 2012. Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises

à la convention collective nationale du C.

Lors de l’embauche de M. Y, la société Le Grand Brico, spécialiste dans la vente de matériel de C, exploitait deux magasins, sous l’enseigne Bricorama, l’un à Lannion et l’autre à Saint Quay Perros. Un troisième magasin de C, sous la même enseigne, situé à Minihy Treguier, était exploité par la société Le Grand Brico 2 appartenant au même groupe.

Par courrier daté du 21 novembre 2013, la société a informé M. Y que le contexte économique actuel la conduisait ainsi que le groupe auquel elle appartient, à une réorganisation passant par la fermeture du site de Saint-Quay Perros et, partant, par la suppression de six postes dont un poste de direction; l’application des critères d’ordre la conduisant à envisager son licenciement économique, elle l’informait qu’elle ne disposait d’aucun poste de reclassement et que le seul poste disponible au sein du groupe était un poste de vendeur à temps complet sur le site de Minihy Tréguier exploité par la société Le Grand Brico 2, poste qui sera également proposé aux autres salariés licenciés.

Le 2 décembre 2013, le salarié a informé son employeur qu’il refusait le poste de reclassement au motif essentiel qu’il s’agissait d’un poste de vendeur alors qu’il était directeur de magasin.

Par lettre recommandée du 7 décembre 2013, la société Le Grand Brico a convoqué M. Y à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé au 17 décembre 2013 au cours duquel il a été informé des raisons pour lesquelles son licenciement était envisagé et de la possibilité pour lui d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle.

Par courrier recommandé du 27 décembre 2013, la société a notifié au salarié son licenciement pour motif économique à titre conservatoire.

Le 3 janvier 2014, M. Y a accepté d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle; son contrat de travail a pris fin à l’issue du délai de réflexion de 21 jours, soit le 24 janvier 2014.

Contestant le bien fondé de son licenciement, M. Y a saisi le conseil de prud’hommes de Guingamp le 29 avril 2014 des demandes suivantes :

A titre principal,

- constater l’interdiction de licencier pour motif économique,

- dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Le Grand Brico à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

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A titre subsidiaire, condamner la société Le Grand Brico à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des critères d’ordre,

En toute occurrence,

- dire le statut de cadre « autonome » de M. Y nul,

- condamner la société Le Grand Brico à lui verser les sommes de :

* 8 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l’illégalité du statut de cadre appliqué,

* 29 811,07 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires,

* 2 981,10 euros au titre des congés payés afférents,

* 14714 euros nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi en raison de l’absence de prise de repos compensateur du fait de l’employeur,

* 14 307 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité de la clause de non concurrence, somme portée à 16 802 euros en cas de condamnation de la société Le Grand Brico I au titre du rappel de salaire sur heures supplémentaires,

- ordonner la rectification de l’ensemble des documents de fin de contrat conformes à la décision à venir et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du jour de rendu de la décision, le conseil de prud’hommes se réservant le droit de liquider l’astreinte,

- ordonner la transmission du jugement à intervenir aux services de Pôle Emploi,

- ordonner le remboursement à Pôle Emploi des indemnités perçues par M. Y après son licenciement, ce dans la limite de six mois,

- assortir les condamnations pécuniaires ordonnées des intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil de prud’hommes de Guingamp,

- assortir la décision à intervenir de l’exécution provisoire pour le tout,

- condamner la société Le Grand Brico I à lui verser en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 3 500 euros,

- condamner la même aux dépens.

La société Le Grand Brico a sollicité le rejet de l’ensemble de ces prétentions et la condamnation de M. Y à lui payer la somme de 3 500 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Par jugement du 29 juin 2015, le conseil de prud’hommes a:

- débouté M. Y de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour non-application des critères d’ordre du licenciement, pour illégalité du statut cadre, et pour absence de prise de repos compensateur, débouté M. Y de sa demande de rappel d’heures supplémentaires et de congés payés afférents,

- condamné la société Le Grand Brico au paiement d’une indemnité de 10 000 euros au titre de la nullité de la clause de non concurrence,

- débouté M. Y de sa demande de rectification des documents de fin d’emploi, du fait de l’absence de correction de salaire,

- débouté M. Y de sa demande concernant le remboursement de six mois d’indemnités à Pôle Emploi,

- ordonné la transmission du jugement à Pôle Emploi, ordonné l’exécution provisoire des sommes à caractère salarial, dans la limite des six mois de salaire, condamné la société Le Grand Brico à verser à M. Y la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

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- condamné la société aux dépens,

- débouté la société de l’intégralité de ses demandes.

M. Y a interjeté appel de cette décision.

Il demande à la cour de réformer le jugement entrepris, d’y ajouter, et, en conséquence : A titre principal, de constater l’interdiction de licencier pour motif économique,

- de déclarer que la société Bricorama France venant aux droits de la société

-

Le Grand Brico a manqué à son obligation de formation et d’adaptation,

- de déclarer que la société Bricorama France, venant aux droits de la société

Le Grand Brico, a violé son obligation préalable de reclassement de dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner en conséquence la société Bricorama, venant aux droits de

-

la société Le Grand Brico, à lui verser les sommes de :

* 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 11 931 euros bruts à titre de rappel sur indemnité compensatrice de préavis,

* 1 193,10 euros bruts au titre des congés payés afférents.

A titre subsidiaire,

- de condamner la société Le Grand Brico à verser à M. Y la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des critères d’ordre de licenciement.

En toute occurrence,

- de débouter la société Bricorama France, venant aux droits de la société Le

Grand Brico, de l’ensemble de ses prétentions, de condamner la société Bricorama France, venant aux droits de la société

Le Grand Brico, au versement de la somme de 7 954 euros à titre de

-

dommages et intérêts pour violation de la priorité de réembauche,

- de dire nul le statut de cadre tel que mentionné à son contrat de travail et appliqué à la relation contractuelle,

- condamner la société Bricorama France, venant aux droits de la société Le

Grand Brico, à lui verser les sommes de :

* 8 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l’illégalité du statut de cadre appliqué,

* 29 811,07 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires,

* 2 981,10 euros au titre des congés payés afférents,

* 14 714 euros nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi en raison de l’absence de prise de repos compensateur,

* 23 862 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

* 14 307 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité de la clause de non concurrence, somme portée à 16 802 euros en cas de condamnation de la société au titre du rappel de salaire sur heures supplémentaires,

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de formation,

- condamner la société Bricorama France venant aux droits de la société Le

Grand Brico à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. Y dans la limite de six mois,

- condamner la société Bricorama France, venant aux droits de la société Le Grand Brico, au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article

700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux dépens.

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La société Bricorama France, venant aux droits de la société Le Grand

Brico, demande à la cour de confirmer le jugement du conseil pour les dispositions qui lui sont favorables et de l’infirmer du chef de la clause de non concurrence. Par conséquent, la société demande à la cour de déclarer valable la clause de non-concurrence, de débouter M. Y de

l’ensemble de ses prétentions, y compris de ses demandes nouvelles au titre de la priorité d’embauche et de l’obligation de formation, et, à titre reconventionnel, de condamner ce dernier au paiement de la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le statut de M. Y et la durée de travail

La société Bricorama venant aux droits de la société Le Grand Brico, soutient que M. Y avait le statut de cadre dirigeant.

M. Y, qui, devant la cour, conclut à la nullité de son statut de cadre « dirigeant », fait valoir qu’il n’avait pas ce statut dès lors qu’il ne disposait d’aucune réelle autonomie ni d’aucun pouvoir décisionnel, et que son statut de cadre autonome aurait dû conduire l’employeur à privilégier le forfait heures ou le forfait jours mais non à s’affranchir de tout décompte horaire.

Aux termes de l’article L. 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre_des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise ou leur établissement; ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l’entreprise.

Cette qualification est ainsi réservée aux cadres qui participent aux décisions stratégiques de l’entreprise.

La fiche de poste de directeur de magasin, que M. Y a signée lors de son embauche, précise que le salarié occupant ce poste:

(6travaille en liaison étroite avec la Direction générale de la Société. Il rend compte de son travail au plan hiérarchique à la Direction ou à toute autre personne déléguée par lui. II-FONCTIONS

L’ensemble des fonctions ci-dessous énumérées présente un caractère non exhaustif et doit, conformément aux dispositions du contrat, être susceptible d’évolution. Au sein de la société, le DIRECTEUR DE MAGASIN a ssure et coordonne

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les différentes tâches administratives, commerciales, sociales, techniques.

Il doit à cet égard entretenir et conforter l’image de la société LE GRAND BRICO.

Il surveille les comptes d’exploitation, met en œuvre les documents de gestion prévisionnelle et de trésorerie relatif à son activité. Il suit et gère l’ensemble des budgets (Salariaux, achats, C.A., marges, publicitaires). Il manage, gère et motive l’ensemble du personnel du point de ventes de LANNION.

Il réfère à la Direction, ou à son représentant, de toute opération présentant un choix stratégique ou un risque quelconque. En concertation et après accord de la Direction ou de son représentant, il participe à l’ensemble des embauches et l’établissement des documents liés à sa fonction.

Il doit se tenir régulièrement informé des nouvelles mesures mises en place et relatives au domaine du droit social et de la réglementation économique tant française que communautaire. Il correspond avec les différents établissements et administrations extérieurs en vue de la mise en œuvre de mesures décidées et du règlement de difficultés rencontrées. Il se met en rapport avec la Direction générale de la société pour la mise en place de toutes nouvelles règles sociales et pour toutes actions pouvant entraîner la responsabilité juridique de l’entreprise".

Si la grande indépendance dans l’organisation de l’emploi du temps et le bénéfice d’une rémunération parmi les plus élevées de l’entreprise ne font pas véritablement débat au regard des éléments du dossier (bulletins de paie, grille des salaires de la convention collective applicable, absence de contraintes horaires), il n’est pas en revanche établi que M. Y M aux décisions stratégiques de la société, dirigée par Mme Z.

La cour observe, du reste, que le contrat de travail de M. Y n’a jamais qualifié ce dernier de cadre « dirigeant », mais de cadre « autonome », et que le niveau 5 L auquel était rattaché l’intéressé tout au long de la relation contractuelle ne correspond, somme toute, qu’au premier échelon des postes de directeur de magasin, juste au-dessus du cadre débutant ou stagiaire, et qu’il existe deux niveaux supérieurs : le directeur de magasin 2ème échelon (5 M) puis, encore au-dessus, le « directeur régional » et le « cadre de direction » (5 N). Il est encore à noter que les bulletins de salaire de l’intéressé mentionnent un horaire mensuel de 151,67 heures, mention qui n’a pas de sens pour un cadre dirigeant.

Il résulte de ce qui précède que M. Y ne remplissait pas les critères pour se voir appliquer le statut de cadre dirigeant. Pour autant, ses fonctions, ses responsabilités et son autonomie étaient conformes à celles d’un cadre « autonome » au sens de la convention collective applicable, c’est à-dire celui dont l’organisation du travail n’est pas liée à l’horaire collectif" expression du reste reprise dans son contrat de travail.

M. Y n’étant pas cadre dirigeant, l’employeur ne pouvait pas s’affranchir du décompte de son temps de travail.

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En sa qualité de cadre « dont l’organisation du travail n’est pas liée à l’horaire collectif » selon les termes de la convention collective, repris dans le contrat de travail, par opposition à celles de « cadre dirigeant » et de « cadre dont l’organisation du travail les amène à calquer leur horaire sur l’horaire collectif », M. Y, dont la rémunération était fixée de manière forfaitaire, indépendamment du nombre d’heures de travail effectuées, entrait dans la catégorie des cadres pouvant être soumis à une convention de forfait en heures ou en jours, que ce soit en application des dispositions conventionnelles ou de l’article L 3121-43 du Code du travail.

Or, il ne fait pas débat que M. Y, qui n’était pas soumis à l’horaire collectif (le contrat de travail l’exclut expressément et l’intéressé ne le revendique pas), n’a pas conclu de convention de forfait, que ce soit en heures ou en jours. Il en résulte que la durée du travail doit être décomptée sur la base de la durée légale du travail et que le salarié peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires.

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

La charge de la preuve n’incombant spécialement à aucune des parties, le salarié, pour étayer sa demande, n’a pas à apporter des éléments de preuve mais des éléments factuels pouvant être établis unilatéralement par ses soins mais revêtant un minimum de précision afin que l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail accomplies, puisse y répondre utilement.

Au soutien de sa demande en paiement d’heures supplémentaires, M. Y verse des décomptes hebdomadaires des heures accomplies de 2011 à 2013 laissant apparaître un nombre d’heures supplémentaires de:

- 410,96 pour 2011,

- 252,49 pour 2012,

- 254,04 pour 2013.

Ces décomptes sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments sur les heures de travail du salarié.

Or, force est de constater que l’intimée ne verse aucun élément de cette nature. L’attestation de Mme A, l’adjointe de M. Y, indiquant que ce dernier n’effectuait pas d’heures supplémentaires en dehors des périodes d’inventaire, n’est corroborée par aucun élément objectif; elle est de plus contredite par les attestations d’autres salariés indiquant que M. Y faisait quasiment toutes les ouvertures et fermetures; M. B, quant à lui, ne fait qu’évoquer ce que recouvrent selon lui les fonctions de directeur de magasin ainsi que son cas particulier comme directeur.

Dans ces conditions et par voie d’infirmation, la cour retient l’existence d’heures supplémentaires, rendues nécessaires par l’ampleur des tâches à accomplir, et auxquelles sont appliquées une majoration de 25% pour chacune des huit premières heures au-delà de la 35ème heure jusqu’à la 43 ème incluse, et de 50% pour les heures suivantes, conduisant à un rappel de salaire de 29 811,07 € brut pour la période en litige du 1er janvier 2011 au

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31 décembre 2013, auquel s’ajoute 2 981,10 € brut pour les congés payés afférents.

Les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent (de 130 heures en l’espèce) donnent droit à une contrepartie obligatoire en repos, fixée par la convention collective applicable à 100% pour les entreprises de plus de 10 salariés comme en l’espèce. M. Y, qui a été privé de la possibilité de prendre cette contrepartie en repos du fait de l’employeur, est par conséquent fondé à prétendre au paiement de la somme de 14 714 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

Aux termes de l’article L. 8223-1 du Code du travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en violation des dispositions de l’article L. 8221-5 a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le fait pour l’employeur, qui a conféré sciemment à M. Y le statut de cadre autonome rémunéré forfaitairement en s’affranchissant du décompte de son temps de travail, de mentionner sur ses bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli alors même qu’il n’ignorait pas que le salarié accomplissait des heures au-delà de la durée légale de travail, caractérise l’existence d’un travail dissimulé et justifie, partant, le versement au salarié d’une indemnité en application des dispositions légales précitées, d’un montant de 23 862 €.

M. Y ne justifiant d’aucun préjudice autre que ceux indemnisés par les sommes allouées ci-dessus, il y a lieu, confirmant le jugement entrepris, de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour « nullité du statut de cadre dirigeant ».

Sur le licenciement

Pour considérer que le licenciement de M. Y reposait sur une cause réelle et sérieuse, les premiers juges ont relevé que le salarié, qui en sa qualité de membre de l’équipe dirigeante, connaissait la situation économique du groupe et devait participer au redressement de l’entreprise, avait été recruté à une époque à laquelle la conjoncture permettait d’espérer ledit redressement, mais que la situation s’était dégradée par la suite; qu’aucune légèreté blâmable ne pouvait dans ces conditions être reprochée à l’employeur.

M. Y maintient que la société avait une parfaite connaissance de la situation économique et financière largement déficitaire au moment de son embauche, situation qui ne s’est pas améliorée entre 2010 et 2013, ce qui ne l’a pourtant pas empêchée de procéder à d’autres embauches tout au long de cette période, y compris seulement six mois avant la vague de licenciements économiques collectifs contestée; le salarié maintient par conséquent que l’employeur a fait preuve de légèreté blâmable, et que son licenciement est de ce fait injustifié.

Le salarié fait encore valoir, pour contester son licenciement, que la société Le Grand Brico faisant partie d’un groupe, les difficultés économiques doivent s’apprécier au niveau du secteur d’activité du groupe, or la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, n’évoque aucun moment la viabilité du secteur d’activité concerné, c’est-à-dire celui des grandes

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surfaces de C, lequel est en pleine expansion.

M. Y fait encore valoir, pour contester son licenciement, que l’employeur a manqué à son obligation: de formation et d’adaptation dès lors qu’il ne l’a jamais fait bénéficier d’une quelconque formation en trois ans de présence au sein de la société, ce qui justifie par ailleurs l’octroi de dommages-intérêts, de reclassement, au regard du manque de sérieux de la seule proposition

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qui lui a été faite sur un poste de vendeur, et de la possibilité de permutation du personnel entre la société Le Grand Brico et la société Bricorama France.

La société Bricorama réplique : que le motif économique s’apprécie au jour du licenciement et non de

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l’embauche, et qu’à la date à laquelle M. Y a été engagé, les difficultés économiques de la société étaient bien réelles,

- qu’aucune légèreté blâmable ne peut lui être reprochée, notamment en ce qui concerne les embauches, qui n’ont jamais dépassé les départs,

- que le secteur d’activité servant pour apprécier les difficultés économiques s’entend de celui du groupe auquel appartient la société, lorsque le groupe exploite plusieurs secteurs d’activité, de sorte qu’il n’y a pas lieu, comme le soutient le salarié, de s’interroger sur la santé financière de sociétés extérieures au groupe; les trois sociétés du groupe relevant en l’espèce du même secteur d’activité, celui de la vente en grande surface du C, les difficultés économiques doivent s’apprécier au niveau de ces seules sociétés; en toute hypothèse, les données communiquées par le salarié, issues du syndicat Unibal, ne sont pas représentatives de la situation des magasins de C dès lors que ledit syndicat ne représente que les industriels du C et du jardinage, alors que les données issues du syndicat des magasins du C pour 2012 et 2013 montrent une vraie baisse de l’activité dans ce secteur,

- qu’elle a respecté ses obligations de formation et de reclassement.

sur les difficultés économiques

La lettre de licenciement doit énoncer la cause économique du licenciement telle que prévue par l’article L 1233-3 du Code du travail et l’incidence matérielle de cette cause sur l’emploi ou le contrat de travail du salarié, l’appréciation de l’existence du motif invoqué relevant quant à lui de la discussion devant le juge en cas de litige.

Il en résulte que la lettre de licenciement qui énonce que le licenciement a pour motif économique la suppression de l’emploi du salarié consécutive à la réorganisation de l’entreprise justifiée par des difficultés économiques et/ou la nécessité de la sauvegarde de sa compétitivité répond aux exigences légales, sans qu’il soit nécessaire qu’elle précise le niveau d’appréciation de la cause économique quand l’entreprise appartient à un groupe, et que c’est seulement en cas de litige qu’il appartient à l’employeur de démontrer, dans le périmètre pertinent, la réalité et le sérieux du motif invoqué.

La lettre de licenciement adressée en l’espèce à M. Y, en ce qu’elle énonce que le licenciement a pour motif économique la suppression de l’emploi du salarié consécutive à la réorganisation de l’entreprise justifiée par des difficultés économiques, répond aux exigences légales.

Il est constant que lorsque l’entreprise fait partie d’un groupe, les difficultés

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économiques s’apprécient au niveau du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise.

En l’espèce, les sociétés du groupe relèvent d’un seul et même secteur d’activité, à savoir celui des grandes surfaces de C. C’est à tort par conséquent que M. Y soutient que les difficultés économiques doivent s’apprécier au regard du marché du C en dehors du groupe et s’appuie pour cela sur des statistiques nationales publiées par une organisation syndicale.

Aux termes de la lettre de licenciement du 27 décembre 2013, qui pour l’essentiel reprend les termes de celle du 21 novembre précédent, la société indique qu’elle doit faire face à une chute sans précédent de son chiffre d’affaires et de ses résultats financiers, que le chiffre d’affaires pour l’exercice clos au 30 septembre précédent est évalué à 3 506 345 € soit une baisse de 17% sur 12 mois et de 30% sur trois ans, que le résultat d’exploitation est lourdement négatif, que les pertes s’accumulent sans pouvoir être compensées par les autres sociétés du groupe, confrontées elles aussi à des pertes qu’elle énonce, que les démarches entreprises auprès des bailleurs et des banques pour négocier les loyers et les emprunts ont été insuffisantes, le tout conduisant à fer l’établissement de Saint-Quay Perros, qui est le plus affecté par les difficultés de positionnement sur le marché et dont les contre performances impactent le groupe; la société ajoute que la fermeture de ce site a entraîné la suppression de six postes dont un poste de directeur, et que l’application des critères d’ordre l’a conduite à envisager le licenciement économique de l’intéressé; la société rappelle enfin que celui-ci a refusé la proposition de reclassement comme vendeur au sein de la société Le Grand Brico 2, qu’elle a adressé son profil à la commission paritaire de branche et au réseau Bricorama, et qu’elle n’a pas d’autre poste de reclassement à proposer au niveau de l’entreprise ou du groupe.

Le projet de réorganisation et de licenciement collectif adressé aux délégués du personnel de la société en novembre 2013, passant par la fermeture du site de Saint-Quay Perros, prévoyait la suppression de six postes: 1 directeur de magasin, 1 réceptionnaire, 1 caissière et 3 vendeurs.

A la date d’embauche de M. Y, la société Le Grand Brico exploitait l’établissement de Lannion et un autre situé à Perros-Guirec. Les documents comptables communiqués aux débats laissent apparaître que le chiffre d’affaires pour l’exercice clos le 30 septembre 2010, soit deux mois avant l’embauche de M. Y, s’est élevé à 4 907 939 € et que ledit exercice s’est soldé par une perte de 121 740 €, imputable, aux dires non contestés de l’employeur, à des inondations survenues cette année-là ayant causé d’importants dégâts dans l’établissement de Perros-Guirrec; la situation s’est aggravée en 2011, époque du transfert du magasin de Perros Guirrec à Saint-Quay Perros, puisque le chiffre d’affaires de la société au 30 septembre de cette année-là s’élevait à 4 686 316 € et que la perte était de 200 749 €; le chiffre d’affaires a continué de diminuer en 2012, perdant

500000 €, pour atteindre 4 176 288 €, et les pertes ont elles aussi continué de s’aggraver pour s’établir à 234 460 €; l’exercice clos le 30 septembre 2013 voyait son chiffre d’affaires encore diminuer de 700 000 € et les pertes atteindre 441 108 €.

Ainsi, les pertes qu’accusait la société au 30 septembre 2010 n’avaient pas l’ampleur qu’elles atteindront en 2013 ; le choix de transférer l’établissement

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de Perros-Guirec à Saint-Quay Perros en 2011, concomitant aux inondations évoquées par l’employeur, avait été précédé d’une étude de marché effectuée en mars 2011 par la société Bricorama, quatre mois après l’embauche de M. Y, énonçant des prévisions de chiffre d’affaires annuel moyen pour ce nouveau magasin, de 2 648 335 €, chiffre dont il n’est pas contesté qu’il n’a pas été atteint.

La société Le Grand Brico 2, qui exploitait le magasin de Minihy-Tréguier, présentait elle aussi un chiffre d’affaires en baisse et des pertes cumulées:

*2011: chiffre d’affaires de 3 197 495 €, et perte de 240 454 €;

*2012: chiffre d’affaires de 2 206 234 €,et perte de 73 586 €;

Le chiffre d’affaires annoncé pour cette société fin 2013 et non remis en cause par M. Y, avait encore diminué pour atteindre 1 999 497€ avec une nouvelle perte de 85302 €. La société holding accusait elle aussi une perte de plus de 40 000 € fin 2012.

Le secteur d’activité dans le groupe -qui se confond en l’occurrence avec celle du groupe- à la date du licenciement de M. Y, était ainsi effectivement confronté à des difficultés économiques importantes.

Pour le reste, l’employeur justifie que les embauches effectuées entre 2010 et 2013 l’ont été pour l’essentiel en vue d’assurer, au fil du temps, les remplacements de sorties de personnel afin de maintenir l’activité des deux magasins qu’il exploitait.

Aucune légèreté blâmable ne peut ainsi être retenue à l’encontre de l’employeur.

La cour considère, au vu de ce qui précède, que le caractère réel et sérieux du motif économique invoqué par l’employeur est établi.

sur le respect de l’obligation de formation/d’adaptation et de reclassement

Il résulte de l’article L 6321-1 du Code du travail que l’employeur est tenu d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.

S’agissant plus précisément du licenciement pour motif économique, l’article L 1233-4 du Code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose que celui-ci « ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré (…). Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un poste équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ».

Il est par ailleurs constant que la recherche des possibilités de reclassement doit s’apprécier à l’intérieur du groupe auquel appartient l’employeur, parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel,

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indépendamment des relations capitalistiques, et c’est à la date du licenciement qu’il convient de se placer pour apprécier la configuration du groupe.

L’obligation de formation et d’adaptation visée à l’article L 1233-4 du Code du travail n’a de sens, néanmoins, qu’en cas de poste disponible, susceptible d’être proposé au salarié comme poste de reclassement justifiant une formation d’adaptation; il en est de même pour l’obligation de reclassement qui trouve également là ses limites, étant rappelé en toute hypothèse que l’employeur n’a pas l’obligation de procurer au salarié une formation qualifiante initiale.

Avant d’être engagé par la société Le Grand Brico en qualité de directeur du magasin de Lannion, M. Y avait gravi tous les échelons du secteur d’activité des grandes surfaces de C: vendeur rayon électricité au sein de l’enseigne Mr C de 1995 à 1998; chef de secteur électricité quincaillerie toujours chez Mr C de 1998 à 2004; adjoint de direction de 2004 à 2006; directeur de magasin à l’enseigne Les Briconautes depuis 2006. Il jouissait de ce fait d’une compétence étendue dans ce domaine, allant de la vente d’outils de C à la gestion d’un magasin; sa formation et son adaptation ne posaient pas difficulté.

La société justifie en outre qu’il a bénéficié, tout comme son collègue directeur du magasin de Saint Quay Perros et les deux responsables de magasin de Perros et du Minihy Tréguier, d’une action de formation de cinq jours en mai et juin 2011 sur les systèmes de management. M. D, formateur informatique, atteste par ailleurs, sans être contredit, avoir dispensé du 26 au 30 mars 2012 une formation informatique au personnel du magasin de Lannion, y compris au directeur M. Y, qui a bénéficié d’une séance spécifique d’une demi journée supplémentaire en sa qualité de directeur.

L’employeur justifie en toute hypothèse qu’il n’existait pas d’emploi disponible au sein de l’entreprise. Il a été identifié au sein de la société Le Grand Brico 2 exploitant le magasin de Minihy Tréguier un seul poste disponible, celui de vendeur, proposé à M. Y, qui l’a refusé au regard notamment du déclassement que ce changement opérerait.

Par ailleurs, la seule existence d’un contrat de franchise entre la société Le

Grand Brico et la société Bricorama ne suffit pas à caractériser la permutabilité de tout ou partie du personnel entre les sociétés composant le réseau de franchise. Or, il ne ressort pas, à la lecture des pièces produites aux débats, que cette permutation pouvait effectivement avoir lieu entre les sociétés faisant partie du réseau Bricorama à l’époque du licenciement du salarié; c’est en vain, sur ce point, que le salarié se prévaut des conditions dans lesquelles est intervenue la transmission universelle de patrimoine entre la société Le Grand Brico et la société Bricorama ayant conduit à la dissolution de la première, dès lors que cette opération est intervenue fin juin 2015, soit 18 mois après le licenciement.

Il n’en demeure pas moins que la société Le Grand Brico a écrit au franchiseur le 21 novembre 2013 et à un nombre important de sociétés membres du réseau de franchise Bricorama en novembre et décembre 2013, afin de leur demander si elles avaient des postes disponibles pour les salariés concernés par la mesure de licenciement collectif, dont elle donnait les identités, l’ancienneté et la qualification en y joignant leur CV. La

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société Bricorama lui a répondu qu’elle ne pouvait pas réserver une suite favorable à sa demande de reclassement. La société justifie également avoir entrepris des démarches auprès du franchiseur le 9 décembre 2013 après avoir appris que le directeur régional de la région Centre recherchait un directeur de magasin. L’employeur a encore écrit le 21 novembre 2013 à la commission paritaire emploi de la branche du C.

Force est donc de constater, en l’état de ce qui précède, que l’employeur a satisfait aux obligations qui lui incombaient.

Pour l’ensemble de ces raisons, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a considéré que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et a débouté M. Y de sa demande de dommages intérêts à ce titre; il n’y a donc pas lieu non plus d’ordonner le remboursement des allocations de chômage à Pole Emploi. M. Y sera également débouté de sa demande de dommages-intérêts présentée en cause d’appel pour non respect de son obligation de formation.

Sur le respect des critères d’ordre de licenciement

Le projet de réorganisation et de licenciement collectif adressé aux délégués du personnel de la société en novembre 2013, passant par la fermeture du site de Saint-Quay Perros, prévoyait la suppression d’un poste dans la catégorie professionnelle « direction », à laquelle avaient été rattachés deux salariés, M. Y et M. B.

M. Y soutient que l’employeur a appliqué les critères d’ordre de licenciement avec une « grande subjectivité » en faisant valoir que la dirigeante de la société Le Grand Brico, Mme Z, avait présenté M.

B, engagé dans l’année précédant le licenciement collectif, comme son successeur à terme. Il conteste par ailleurs la validité de la catégorie professionnelle des directeurs de magasin, alors que la réalité de ses fonctions aurait dû le conduire à être classé dans la catégorie professionnelle des responsables de magasin, elle-même incluse dans celle des vendeurs. Il fait valoir en outre qu’en présence d’un groupe de sociétés constitué de plusieurs établissements, la totalité d’entre eux doivent être pris en compte.

La société Bricorama, venant aux droits de la société Le Grand Brico, réplique que la catégorie des directeurs de magasin est pertinente au regard des fonctions et responsabilités exercées par les salariés concernés, dépassant celles de simples responsables de magasin. Elle ajoute que M. B n’a jamais été présenté comme le successeur de Mme Z, et n’était pas non plus le supérieur hiérarchique de M. Y. Elle considère dans ces conditions avoir correctement appliqué les critères d’ordre ayant conduit au licenciement de ce dernier.

Appartiennent à une même catégorie professionnelle l’ensemble des salariés qui exercent au sein de l’entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune.

Il ressort en l’espèce de la note d’information remise le 13 novembre 2013 aux délégués du personnel que la société Le Grand Brico a défini six catégories professionnelles, dont celle de « directeur de magasin ».

M. Y a été embauché en qualité de directeur de magasin, et

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affecté à la direction du magasin de Lannion; ses fiches de paie reprennent cette qualification.

La fiche de poste de directeur de magasin, que tant M. Y que
M. B ont signée lors de leur embauche, précise les fonctions attachées à ce poste, énoncées supra.

Le chef de magasin, comme en atteste le contrat de travail de M. F, engagé par la société Le Grand Brico le 10 juin 2013, n’exerce pas les mêmes fonctions ni les mêmes responsabilités; ainsi, il anime et coordonne une équipe de vendeurs, applique la politique de vente, et veille à l’application des consignes de la direction, mais il ne gère pas les budgets, ne surveille pas les comptes d’exploitation, et ne correspond pas avec les différents établissements et administrations extérieures en vue de la mise en oeuvre des mesures décidées et du règlement des difficultés rencontrées. L’emploi de chef de magasin ne requiert donc pas la même formation que celui de directeur de magasin.

M. Y s’est toujours présenté aux yeux des salariés et des tiers comme directeur de magasin, ainsi que l’établissent les documents versés aux débats, tels un procès-verbal de la Direction de la Concurrence établi le 7 mars 2013 (pièce 83), ou une attestation rédigée par l’intéressé lui-même après son licenciement, le 8 février 2014 (pièce 30). Il avait également un pouvoir disciplinaire comme en attestent les avertissements notifiés sous sa plume et sa signature.

Si M. Y soutient que la situation a changé avec l’arrivée de M. B, et qu’il en était réduit depuis lors à gérer exclusivement les stocks et ne recevait plus d’information de Mme Z sur la situation de l’entreprise, force est néanmoins de constater qu’il n’en rapporte pas la preuve.

C’est donc à tort qu’il remet en cause la pertinence de la catégorie professionnelle des directeurs de magasin et son classement au sein de cette catégorie.

Sauf accord collectif conclu au niveau de l’entreprise ou à un niveau plus élevé, les critères d’ordre des licenciements doivent être mis en œuvre à

l’égard du personnel de l’entreprise.

La société Le Grand Brico ne comptant que deux établissements, celui de Lannion et celui de Saint Quay Perros, les critères d’ordre n’avaient pas à être mis en œuvre au niveau de l’établissement de Minihy Tréguier, lequel est exploité par la société le Grand Brico 2, peu importe la présence d’un actionnaire majoritaire commun.

La convention collective du C retient les critères d’ordre des licenciements suivants: les charges de famille, l’ancienneté et les valeurs professionnelles.

S’agissant des valeurs professionnelles, la note d’information destinée aux délégués du personnel précise qu’il a été décidé d’attribuer trois points aux salariés ayant des fonctions de management d’équipe.

S’agissant des deux autres critères, le nombre de points étaient fonction :

- des charges de famille (1 enfant – 1 point; 2 enfants – 2 points; 3 enfants -

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3 points, 4 enfants et plus points; parent isolé – 1 point en plus),

- de l’ancienneté (1 point est attribué par tranche de deux ans d’ancienneté).

Il ressort de la liste établie par la direction le 19 novembre 2013, récapitulant les points attribués aux salariés de l’entreprise par catégories professionnelles, liste non remise en cause par M. Y, que, dans la catégorie professionnelle des directeurs de magasin, au nombre de deux:

- M. Y, qui n’avait qu’un enfant à charge (1 point), qui comptait une ancienneté donnant lieu à 2,97 points, et qui occupait des fonctions de management donnant lieu à 3 points, totalisait un nombre final de 5 points,

- M. B, qui comptait certes moins d’ancienneté (0,55 points), mais qui occupait également des fonctions de management donnant lieu à 3 points et qui avait trois enfants à charge donnant lieu à l’attribution de 3 points, totalisait un nombre final de 6 points.

M. B réunissant plus de points que son collègue, cette situation objective a, de fait, conduit au licenciement de ce dernier, lequel ne démontre pas en quoi l’employeur aurait ainsi fait une application subjective des critères d’ordre.

Le jugement entrepris sera par conséquent là encore confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre des critères d’ordre de licenciement.

Sur la priorité de réembauche

Par courrier du 9 janvier 2014, M. Y a informé la société Le Grand Brico de ce qu’il entendait bénéficier de la priorité de réembauche conformément aux dispositions de l’article L1233-45 du Code du travail.

M. Y bénéficiait ainsi d’une priorité de réembauche d’un an à compter de la rupture de son contrat de travail.

Le 20 mai 2014, la société Le Grand Brico a informé M. Y de recrutements à venir en CDD à temps complet sur des postes de vendeurs et de caissiers au sein du magasin de Lannion, dont elle donnait les dates, dont aucune ne dépassait 30 jours.

L’édition du registre des entrées et sorties du personnel établie le 18 février 2015 ne laisse apparaître que deux embauches au sein de la société dans le délai d’un an précité; il s’agit de deux entrées en CDI mentionnées à la date du 1er janvier 2015 concernant Mmes G et Le Coz, salariées venant de la société holding Galactée, sur des postes de comptable et d’aide comptable, sans lien avec les compétences et l’expérience professionnelles de l’intéressé, lequel ne saurait de ce fait utilement s’en prévaloir.

Il y a lieu dans ces conditions de débouter M. Y de sa demande de dommages-intérêts pour non respect de la priorité de réembauche.

Sur la clause de non concurrence

Le contrat de travail de M. Y comportait une clause de concurrence ainsi rédigée:

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« M. Y s’engage à ne pas entrer au service d’une entreprise concurrente ni à collaborer directement ou indirectement à l’activité pouvant concurrencer l’activité de la société et ce pour une période d’un an dans un périmètre de 50kms. La rémunération de M. Y intègre, dès à présent, la contrepartie financière pour le respect de cette clause à hauteur de 15% ».

Le montant de la contrepartie financière ne peut pas dépendre de la seule durée d’exécution du contrat de travail; il est par ailleurs constant que toute contrepartie financière versée pendant l’exécution du contrat de travail s’analyse en un complément de salaire, entraînant, à défaut d’autre versement, la nullité de la clause de non concurrence.

C’est à juste titre que les premiers juges, suivant en cela l’argumentation développée par le salarié, ont considéré que la clause susvisée était nulle en ce qu’elle ne prévoyait aucune contrepartie financière après la rupture du contrat de travail.

Il est établi par les pièces du dossier que M. Y et son épouse ont quitté Lannion assez rapidement après leur licenciement par la société Le Grand Brico, et ont vendu leur maison en juillet 2014, pour rejoindre la région de Tulle, où M. Y a entrepris une reconversion professionnelle comme paysagiste. S’il n’est pas discuté qu’il a respecté l’interdiction de concurrence dont l’employeur ne l’avait pas libéré, son préjudice reste dans ces conditions mesuré et sera, par voie de réformation au quantum, évalué à 5 000 €.

Sur la remise des documents de rupture

La société Bricorama, venant aux droits de la société Le Grand Brico, devra remettre à M. Y les documents de rupture rectifiés conformément au présent arrêt, à savoir : un bulletin de paie récapitulatif,

- un certificat de travail,

- une attestation Pôle Emploi.

L’astreinte n’est pas nécessaire.

Sur les dépens et sur l’indemnité de procédure

La société Bricorama, venant aux droits de la société Le Grand Brico, qui succombe pour l’essentiel dans la présente instance, doit supporter les dépens et il y a donc lieu de la condamner à payer à M. Y une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 1 700 €, en sus de celle qui lui a été allouée en première instance.

La société Bricorama, venant aux droits de la société Le Grand Brico, doit être déboutée de cette même demande.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

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Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au secrétariat-greffe,

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Guingamp du 29 juin 2015,

et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Condamne la société Bricorama France, venant aux droits de la société Le

Grand Brico, à payer à M. Y les sommes suivantes:

- 29 811,07 € brut, à titre de rappel de salaires sur heures supplémentaires, outre 2 981,10 € pour les congés payés afférents, 14 714 € de dommages-intérêts au titre de la contrepartie en repos

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obligatoire,

- 5 000 € de dommages-intérêts au titre de la nullité de la clause de non concurrence,

Dit que la société Bricorama France, venant aux droits de la société Le Grand Brico, devra remettre à M. Y les documents de rupture rectifiés conformément au présent arrêt, à savoir :

- un bulletin de paie récapitulatif,

- un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi.

Dit n’y avoir lieu à astreinte sur ce point;

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris;

Y ajoutant,

Condamne la société Bricorama France, venant aux droits de la société Le

Grand Brico, à payer à M. Y une indemnité de 23 862 € au titre du travail dissimulé;

Déboute M. Y de ses demandes de dommages-intérêts présentées au titre de la priorité de réembauche et de l’obligation de formation;

Condamne la société Bricorama France, venant aux droits de la société Le

Grand Brico, à payer à M. Y la somme de 1 700 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

Déboute la société Bricorama France, venant aux droits de la société Le

Grand Brico, de sa demande d’indemnité de procédure;

Condamne la société Bricorama France, venant aux droits de la société Le Grand Brico, aux dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, et signé par Madame I, président, et Madame H, greffier.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT
Mme H Mme I

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 3 avril 2019, n° 15/06463