Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 21 décembre 2016, n° 15/05519

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. civ. et com., 21 déc. 2016, n° 15/05519
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 15/05519
Décision précédente : Tribunal de commerce de Le Havre, 5 novembre 2015
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 15/05519

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 21 DECEMBRE 2016

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE COMMERCE DU HAVRE du 06 Novembre 2015

APPELANTE :

SARL COFRADIS INTERNATIONAL

XXX Lavoisier Bâtiment
B

XXX

représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL
LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN

assistée de Me KUCHUKIAN, avocat au barreau de
MARSEILLE

INTIMÉE :

SAS SLAUR SARDET

XXX

XXX

r e p r é s e n t é e e t a s s i s t é e d e
M e A g a t h e L O E V E N B R U C K d e l a S C P S A G O N
LOEVENBRUCK LESIEUR LEJEUNE, avocat au barreau du
HAVRE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 18 Octobre 2016 sans opposition des avocats devant Monsieur FARINA, Président, et Madame AUBLIN-MICHEL,
Conseiller,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur FARINA, Président

Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller

Madame BERTOUX, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Mme NOEL DAZY, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 18 Octobre 2016, où l’affaire a été mise en délibéré au 15
Décembre 2016, délibéré prorogé pour être rendu ce jour .

ARRÊT :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 21 Décembre 2016, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la
Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur FARINA, Président et par Mme JEHASSE, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

Créée en 1992 la société Slaur sise au
Havre est producteur de boissons alcoolisées distillées et en particulier des deux produits suivants :

— un apéritif anisé de la marque
Prince,

— un spiritueux de la marque Hamwick .

Créée en 2007 la société Cofradis, sise à Marseille, est une entreprise de commerce de gros spécialisée dans le négoce de boissons alcoolisées vers l’Algérie.

A compter de l’année 2007 la société Cofradis a acheté à la société Slaur des produits pour les revendre en Algérie à la société Agromam, laquelle était sa seule cliente.

Le 21 mai 2013 la société Cofradis et la société Slaur ont conclu un contrat d’exclusivité pour une durée de trois ans.

Le contrat prévoit que :

— la société Slaur donne à la société Cofradis l’exclusivité pour l’exportation vers l’Algérie. de tous ses produits alcoolisés en particulier des marques Prince et Hamwick

— en contrepartie la société Cofradis s’engage à :

— commander au moins 20 conteneurs 20' par an avec un minimum de 5 conteneurs par trimestre sauf trimestre incluant le ramadan,

— développer autant que possible l’ensemble des produits de la société Slaur sur le marché algérien,,

— si les volumes ne sont pas respectés et/ou si des retards de règlement devaient intervenir, la société Slaur pourrait, si elle le désire, rompre de plein droit le contrat ;

Par courriel du 14 mai 2014 la société Slaur a adressé à la société Cofradis un courriel par lequel elle indiquait rompre de plein droit le contrat au motif que : « depuis le 14 janvier 2014, donc depuis plus de trois mois, soit un trimestre », la société Cofradis n’avait plus passé de commandes ; il était précisé dans ce courriel que la rupture contractuelle ne portait que sur l’exclusivité, la société Slaur n’entendant pas cesser la collaboration avec la société
Cofradis et restant prête à lui fournir des produits sans cependant « rester liée de manière exclusive ».

Par courriel du 15 mai 2014 la société Cofradis a contesté cette rupture en faisant valoir que :

— le trimestre au sens du contrat d’exclusivité s’entendait du trimestre civil, puisque l’obligation était annuelle,

— elle avait respecté son engagement puisque 18 conteneurs dont 8 le 14 mai 2014 avaient été comcmandés depuis le 1er janvier 2014.

Le 22 juillet 2014 la société Cofradis a assigné la société Slaur devant le tribunal de commerce du Havre en paiement notamment des indemnités suivantes :

—  412'000 pour pertes directes du bénéfice escompté sur le temps du contrat rompu,

—  412'000 pour préjudice commercial de remplacement,

—  300'000 pour préjudice d’image.

Par jugement du 6 novembre 2015 le tribunal de commerce du
Havre a principalement :

— déclaré fautive la rupture par la société Slaur du contrat d’exclusivité,

— condamné la société Slaur à payer à la société Cofradis une indemnité de 30'000 euros,

— débouté les parties de leurs autres demandes,

— condamné la société Slaur aux dépens et au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Cofradis a fait appel de cette décision.

Par conclusions du 12 avril 2016 elle demande à la cour de :

— au visa notamment de l’article 1134 du Code civil,

— confirmer le jugement déféré sauf en ce qui concerne l’indemnisation de la rupture abusive,

— statuant à nouveau,

— condamner la société Slaur à payer avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir les sommes de :

—  415'000 au titre de la perte directe du bénéfice escomptable sur le temps du contrat rompu soit 3 années,

—  415'000 au titre du préjudice commercial de remplacement de la convention,

—  300'000 au titre du préjudice d’image.

— condamner la société Slaur aux dépens et au paiement de la somme de 10'000 pour frais hors dépens d’appel.

Par conclusions du 22 mai 2016 la société Slaur demande à la cour de :

— infirmer le jugement déféré, en ce qu’il a déclaré fautive la rupture du contrat d’exclusivité,

— débouter la société Cofradis de ses demandes,

— à titre subsidiaire,

— dire n’y avoir lieu à paiement de dommages-intérêts au bénéfice de la société Cofradis,

— débouter celle-ci de ses demandes,

— dire n’y avoir lieu à octroi d’une indemnité pour frais non répétibles tels qu’accordés en première instance,

— à titre reconventionnel,

— condamner la société Cofradis à payer la somme de 200'000 pour préjudice commercial et, outre les dépens, la somme de 5000 sur le fondement de l’articles 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé plus ample des faits , de la procédure , des prétentions et des moyens des parties , la cour se réfère à la décision déférée et aux conclusions susvisées.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 septembre 2016.

CELA ÉTANT EXPOSÉ

SUR LE CARACTÈRE FAUTIF OU NON DE LA RUPTURE DU
CONTRAT
D’EXCLUSIVITÉ

Attendu qu’au soutien de sa demande d’indemnisation de préjudice la société Cofradis fait valoir principalement que :

— par courriel du 14 mai 2014 la société Slaur a rompu la convention d’exclusivité au motif que la société Cofradis n’avait pas commandé au moins 5 conteneurs au cours des 3 mois ayant précédé l’envoi de ce courriel,

— or telle n’est pas la définition du « trimestre », au sens des dispositions de la convention d’exclusivité,

— le trimestre s’entend exclusivement du trimestre d’une année civile,

— même si l’on prenait en considération des périodes trimestrielles commençant à courir le 21 mai 2013, date du contrat d’exclusivité, il faudrait alors retenir qu’ à chacune de ces périodes, la société Cofradis a respecté son engagement contractuel,

— en tout état de cause, elle avait passé le 12 mai 2013, pour un nouveau client, une commande téléphonique pour 8 conteneurs, commande confirmée le 15 mai suivant en ses

détails d’exécution matérielle,

— l’engagement de commander au moins cinq conteneurs par trimestre a ainsi été respecté ;

— en outre le deuxième trimestre civil, comme la période trimestrielle du 21 février au 2 mai 2013, n’était pas achevés à la date de la rupture,

— en application de l’article 1184 du Code civil la clause résolutoire de plein droit doit être exprimée de manière non équivoque, faute de quoi les juges retrouvent leur pouvoir d’appréciation,

— en tout état de cause il appartient aux juges du fond de déterminer si le manquement contractuel est d’une gravité suffisante pour justifier la résiliation.

— surabondamment, la société Slaur ne peut se prévaloir de la clause résolutoire de plein droit dès lors qu’elle a agi de mauvaise foi et qu’elle est à l’origine du ralentissement des commandes,

— celui-ci s’explique en effet par une brusque augmentation des tarifs de la société Slaur pour l’année 2013 ,

— or sur place en Algérie la société Cofradis n’a qu’un seul client, la société Agromam avec qui l’activité réalisée a été largement supérieure aux chiffres convenus avec la société
Slaur :

— dans ce contexte il a fallu à la société
Cofradis du temps pour amortir le choc de cette augmentation ;

— le ralentissement des commandes résulte aussi d’une connivence entre la société Slaur et le principal client de la société Cofradis à savoir la société Agromam qui a retenu ses commandes pour les organiser artificiellement, ailleurs peut-être,

— la société Slaur prétend désormais avoir décidé de rompre la convention à cause du non-respect par la société Cofradis de l’engagement de développer en Algérie la vente d’autres produits que le pastis Prince,

— or cet engagement n’a été pris « qu’autant que possible » et le contrat ne prévoyait aucun quota spécifique pour les autres produits que le pastis
Prince, tandis que les volumes contractuels qui s’appliquaient en général à tous les spiritueux, spécialement le pastis Prince, ont été respectés par la société Cofradis ,

— en réalité la société Slaur continue de travailler directement avec la société
Agromam,

— les pièces du dossier établissent en effet que les contre étiquettes refaites par la société
Slaur pour les adapter à la nouvelle réglementation algérienne depuis la fin de l’année 2014 portent le nom de la société Agromam,

— il en résulte que la société Slaur en accord avec la société Agromam a manoeuvré pour écarter la société Cofradis,

— cet accord est révélé également par la production, par la société Slaur d’une lettre adressée par l’avocat de la société Agromam à la société Cofradis , dès lors que la société
Slaur n’explique pas pourquoi cette lettre lui serait parvenue,

— depuis la rupture du contrat d’exclusivité, la société Slaur a donc une activité commerciale

avec l’Algérie, activité révélée par le fait qu’il a fallu changer les contre étiquettes livrées à la société Agromam qui portent toujours le code d’emballeur de la société Slaur ;

Attendu qu’en réponse la société Slaur fait valoir essentiellement que :

— la rupture était justifiée,

— constatant l’absence de commande depuis le 14 janvier 2014 elle a mis en demeure, le 31 mars 2014, la société Cofradis de respecter ses engagements,

— par courrier du 1er avril 2014, la société
Cofradis lui a expliqué qu’elle bloquait les commandes dont elle subordonnait la reprise à la renégociation du prix de vente de la société
Slaur,

— or cette hausse de prix était très faible ;

— elle ne représentait que quelques centimes,

— en réalité depuis janvier 2014 la société Cofradis ne recevait plus elle-même de commande de son unique client la société Agromam avec laquelle elle était en conflit en raison de la marge excessive sur le prix de vente qu’elle lui imposait,

— c’est ce que la société Cofradis a reconnu dans un courriel du 13 mai 2014 adressé à la société Agromam,

— par courrier de son avocat, la société Agromam a reproché à la société Cofradis d’avoir approché un autre importateur algérien, la société Généfo, concurrent de la société Agromam , laquelle ne voulait plus passer de commande à la société Cofradis ;

— par courriels des 7, 15 et 18 avril 2014 la société Slaur a proposé à la société
Cofradis une réduction de prix en lui demandant de limiter à 15 % sa marge à la revente, ce qu’elle a refusé,

— aussi par courriel du 14 mai 2014 la société
Slaur a t-elle décidé de mettre fin à l’exclusivité, en relevant l’absence « de commande depuis le 14 janvier 2014, donc plus de trois mois » ;

— la stipulation contractuelle qui impose la commande d’au moins 5 conteneurs par trimestre signifie que, si pendant 3 mois consécutifs, aucune commande n’est passée, l’engagement n’est pas respecté,

— cette stipulation ne se réfère pas au trimestre civil, ni à des périodes de trois mois à compter du 21 mai 2013, date de conclusion du contrat d’exclusivité,

— la société Cofradis invoque sans la prouver une commande de produits qu’elle aurait passée le 12 mai 2014,

— ne pas passer de commande pendant 4 mois au motif que le prix des produits n’était pas baissé, est un manquement à l’obligation d’exécuter de bonne foi la convention,

— la société Cofradis a invoqué le 15 mai 2014 avoir un nouveau client,

— elle n’ a passé en réalité qu’une hypothétique commande de produits,

— celle-ci s’est avérée fictive puisqu’au 24 juin 2014 la société Cofradis ne lui avait réglé ni le prix des habillages des bouteilles de l’importateur précédent ( la société Agromam ) devenus obsolètes et ni les frais à engager pour le nouveau client (création et impression),

— la dénonciation de l’exclusivité s’explique également par le non-respect de l’obligation contractuelle, (prise en contrepartie de l’exclusivité accordée) de développer l’ensemble des produits de la société Slaur sur le marché algérien,

— en outre la dénonciation de l’exclusivité ne mettait pas fin à la relation contractuelle et la société Slaur continuait à proposer ses produits à la vente à la société Cofradis ,

— contrairement à ce que soutient celle-ci, la société Slaur n’a jamais travaillé avec la société
Agromam , ce dont elle justifie par attestation comptable,

— la société Cofradis affirme que l’indication des références de la société Agromam sur les étiquettes des bouteilles démontre que la société Slaur entretient depuis la fin de l’année 2014 des relations commerciales avec la société
Agromam,

— or la société Slaur n’a jamais eu pour mission de traduire ou de vérifier les informations fournies par le client pour l’établissement des étiquettes et contre étiquettes en langue arabe, imposées par la réglementation algérienne,

Attendu cela exposé, que selon les dispositions de l’article 1134 du Code civil 'Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites . Elles doivent être exécutées de bonne foi ;

Attendu qu’en cas d’inexécution ou de retard dans l’exécution, le débiteur de l’obligation est tenu, en application de l’article 1147 du Code civil au paiement de dommages-intérêts toutes les fois qu’il ne prouve pas que l’inexécution ou le retard sont dus à une cause étrangère ;

Attendu en l’espèce que la société Slaur s’est engagée à assurer à la société
Cofradis l’approvisionnement exclusif en produits de la gamme Slau r ;

Que selon des stipulations de la convention d’exclusivité :

— en contrepartie de l’exclusivité la société
Cofradis s’est engagée à :

— commander au moins 20 conteneurs 20' par an avec un minimum de 5 conteneurs par trimestre sauf trimestre incluant le ramadan,

— développer autant que possible l’ensemble des produits de la société Slaur sur le marché algérien et principalement le Scotch whisky, le Glen Scanlan,
Vodka Alexis , absinthe, ,

— si les volumes ne sont pas respectés et/ou si des retards de règlement devaient intervenir, la société Slaur pourrait, si elle le désire, rompre de plein droit le contrat ;

Attendu que par courrier du 14 mai 2014 la société
Slaur a dénoncé en ces termes la convention d’exclusivité :

— ' la date anniversaire de notre contrat arrive à échéance et au vu de la situation actuelle, plus de commandes depuis le 14 janvier 2013, donc plus de trois mois soit un trimestre, associé au changement d’importateur même si cela ne nous incombe pas directement, ainsi que l’arrêt pur et simple des références Kermanoff,
Guard House et Peppermint, nous vous informons que nous rompons de plein droit notre contrat .

Cette rupture n’a pas pour but de cesser notre relation et nous sommes tout à fait prêts à vous fournir des produits, nous ne pouvons cependant rester liés de manière exclusive, surtout pour une période de trois ans, dans ces conditions’ ;

Attendu que dans ce courriel la société Slaur, en faisant état d’une part de l’absence de commande depuis le 14 janvier 2014 et d’autre part de l’arrêt pur et simple de certaines références de produits, invoque le non respect des deux engagements pris par la société
Cofradis en contrepartie de l’exclusivité accordée ;

Attendu s’agissant de la première condition ( relative aux quantités à commander ) que le contrat d’exclusivité impose à la société
Cofradis de commander au moins 20 conteneurs par an avec au moins 5 conteneurs par trimestre, sauf trimestre incluant le ramadan ; qu’il ne précise ce qu’il faut entendre par ' an’ et par ' trimestre’ ;

Que les parties sont opposées sur la notion de trimestre visée par le contrat ;

Qu’il y donc lieu de rechercher leur commune intention sur ce point au moment de la conclusion du contrat ;

Attendu que compte tenu des termes employés, à savoir ' 20 conteneurs par an, avec un minimum de 5 conteneurs par trimestre’ la notion de ' trimestre’ de commande ne peut être détachée de celle ' d’année’ de commandes, les deux notions devant concorder entre elles ;

Que le contrat énonce : ' cet agrément est conclu le 21 mai 2013 pour une durée de trois ans';

Attendu qu’il s’en déduit, à défaut de stipulation contraire, que la durée du contrat était composée à compter du 21 mai 2013 de trois périodes annuelles et que les commandes devaient être effectuées à raison de 20 conteneurs au moins pour chacune de ces périodes, et de 5 conteneurs au moins par période de 3 mois commençant à courir à compter du 21 mai 2013 ; qu’à la date du courrier de résiliation, la période trimestrielle échue avant la date anniversaire du 21 mai était celle du 21 novembre 2013 au 21 février 2014 ;

Qu’il est constant qu’au cours de cette dernière période, la société Cofradis avait effectué une commande de 14 conteneurs, quantité dépassant celle qu’elle s’était engagée à commander chaque trimestre ;

Que la condition de quantité de commande par trimestre aurait également été remplie si l’on considérait qu’au sens du contrat le ' trimestre de commande’ était le trimestre civil ;

Attendu en outre que même en retenant la définition du ' trimestre de commande’ donnée par la société Slaur celle-ci ne démontre pas le manquement contractuel allégué ;

Attendu en effet que la société Cofradis soutient avoir commandé 8 conteneurs le 12 mai 2014 ; qu’à l’appui de ses affirmations elle produit aux débats :

— le courriel du 12 mai 2014 adressé à la société Slaur portant comme objet : ' suite à commande de nouveau client’ ainsi rédigé : ' suite à notre commande, voici en pièces jointes, le marquage du nouveau client concernant le pastis Prince et le
Hamwick .

Dans l’attente des BAT pour contrôle et accord’ ;

— le mail du 15 mai 2014 portant comme objet : ' confirmation de notre commande passée au téléphone’ et ainsi rédigé : ' veuillez pour rappel trouver les commandes de 8 conteneurs déjà

passées par téléphone ( et dont je n’ai à ce jour toujours pas reçu vos pro-forma ) à expédier le 2 août’ .

Que ce dernier mail contient une liste détaillée et précise des produits commandés ;

Attendu que si dans son courriel du 16 mai 2014 en réponse la société Slaur met en doute l’aboutissement de la commande elle ne conteste pas la réalité des coordonnées du client destinataire des produits ;

Attendu qu’en raison du conflit existant entre les parties à la suite de la rupture de la convention d’exclusivité, le fait que la société
Cofradis n’ait pas réglé le prix des habillages des bouteilles de la société Agromam et les frais à engager pour le nouveau client (création et impression), n’établit pas le caractère fictif allégué de la commande passée le 12 mai 2014 ;

Que par courriel postérieur à la rupture la société Cofradis a demandé à la société Slaur de ne pas donner suite à cette commande , et ce ( a t’elle indiqué, ) par crainte qu’une concurrence déloyale ne soit reprochée à l’auteur de cette commande qui avait contracté en bénéficiant de l’exclusivité ;

Attendu qu’il résulte des courriels susvisés qu’avant son courriel du 14 mai 2014 notifiant la rupture de l’exclusivité, la société Cofradis avait commandé 8 conteneurs de produits ;

Attendu que la société Slaur ne pouvait en conséquence utilement reprocher à la société
Cofradis une absence de commande, que ce soit :

— pendant la période du 21 novembre 2013 au 21 février 2014, trimestre échu à la date de la rupture,

— au cours des trois mois consécutifs qui ont précédé son courriel de rupture,

— ou au cours du premier trimestre civil, échu à la date de la rupture,

Attendu en outre que le 2e trimestre civil 2014 ou même la période du 21 février au 21 mai 2014 n’étaient pas écoulés à la date de la dénonciation de l’exclusivité ;

Attendu sur le second reproche visé dans le courriel du 14 mai 2014, qu’aux termes de la convention d’exclusivité la société Cofradis s’est engagée à :

— ' développer autant que possible, l’ensemble des produits de la société Slaur sur le marché
Algérien et principalement le Scotch Whisky, … Vodka Alexis .. En cas d’échec de vente de la société Cofradis, la société Slaur, si elle le désire les vendra à d’autres sociétés sur le territoire Algérien exception faite de la société
Agromam Algérie’ ;

Attendu que cette convention énonce :

— si les volumes ne sont pas respectés et/ou si des retards de règlement devaient intervenir, la société Slaur pourrait, si elle le désire, rompre de plein droit le contrat ;

Attendu que des termes ainsi employés il résulte que la rupture vient sanctionner, le cas échéant, un non respect des volumes convenus entre les parties et / ou des retards de réglement ; que les parties ayant pris le soin de définir les quantités à respecter, la rupture visée par le contrat porte sur un non respect des volumes annuels et trimestriels mentionnés par la convention ; que la condition relative au développement ' des produits sur le marché algérien’ n’est donc pas concernée par la possibilité de rupture ouverte à la société
Slaur ;

Attendu sur le défaut de développement des produits reproché par la société Saur, que dans les faits, les relations contractuelles entre les parties à la convention d’exclusivité ont porté sur les produits Prince et Hamwick, aucun élément du dossier ne permettant d’affirmer que la société Cofradis ait développé les autres produits visés dans la convention sur le territoire algérien ;

Attendu cependant que par l’emploi des termes ' autant que possible’ les parties ont exprimé la difficulté que représentait pour la société
Cofradis de développer sur le marché algérien, la commercialisation des produits autres que les articles
Prince et Hamwick ;

Attendu en outre que, les tableaux d’activité produits par la société Cofradis et non contestés par eux mêmes montrent la progression des commandes de chacune des marques Prince et
Hamwick depuis le début de l’application de la convention d’exclusivité et donc le développement la commercialisation de ces produits Slaur ;

Attendu que compte tenu de ces éléments :

— d’une part la société Slaur ne pouvait utilement invoquer la clause contractuelle de rupture à raison de l’absence de développement des produits autres que les marques Prince et
Hamwick,

— d’autre part le manquement contractuel concernant le développement autant que possible, de l’ensemble des produits ne revêt pas un caractère suffisant de gravité pour justifier sur le fondement de l’article 1184 du code civil, la résiliation anticipée des relations contractuelles par la société Slaur ;

Attendu qu’au vu de l’ensemble des développements qui précédent, les faits allégués par la société Slaur ne justifiaient pas la rupture de l’exclusivité ;

Attendu qu’en mettant fin dans ces conditions à la convention d’exclusivité la société Slaur a commis une faute qui engage sa responsabilité pour rupture abusive ;

SUR LE PRÉJUDICE

Attendu que la société Cofradis demande le paiement des indemnités suivantes :

—  415'000 euros au titre de la perte directe de bénéfices escomptés – pendant la période contractuelle d’exécution restant à courir – sur la commercialisation prévisible produits Slaur ,

—  415'000 euros au titre de la perte de chance :

— a ) de réaliser un bénéfice commercial avec les autres produits concédés dont la société
Cofradis n’avait pas encore pu assurer l’extension,

— b ) de développer encore l’activité des produits de base Prince et Hamwick ,

—  300'000 euros au titre du préjudice moral pour la rupture abusive et même frauduleuse de la convention d’exclusivité ;

Attendu, sur chacun de ces deux premiers chefs de demande susvisés, qu’elle fait valoir que :

— concernant la perte directe de bénéfices sur la durée contractuelle restant à courir :
la

société Cofradis réalisait avec son principal client algérien, la société Agromam avec lequelle elle a travaillé régulièrement pendant sept ans, un chiffre d’affaires important provenant de la revente sur le marché algérien des produits achetés à la société Slaur ;

— la rupture du contrat d’exclusivité a fait disparaître ce chiffre d’affaires ;

— la rupture de la convention d’exclusivité lui a ainsi fait perdre, pour la durée contractuelle restant à courir, le bénéfice escompté des reventes de produits ;

— en réalité la société Slaur a résilié la convention d’exclusivité pour vendre à la société
Agromam sans l’intermédiaire de la société Cofradis, ses produits sur le marché algérien,

— les pièces du dossier, et en particulier les indications figurant sur les étiquettes et contre étiquettes apposées sur les produits vendus à la société Agromam, établissent que par l’intermédiaire de la société Delica Sea B V, société néerlandaise importateur vers l’Algérie, la société Slaur vend à la société Agromam ses produits Prince;

— il résulte de l’ attestation de son expert comptable en date du 16 mars 2015 que le chiffre d’affaires de la société Cofradis a fortement baissé depuis la fin du contrat d’exclusivité ;

— ainsi, alors que le bénéfice réalisé par la société Cofradis avec le négoce des produits de la société Slaur était de 207'518 euros (soit 18,25 % de marge bénéficiaire), en 2013 et de 41'877 euros (soit 21,99 % de marge bénéficiaire), du 1er janvier à fin février 2014),

les résultats du restant de l’année se sont dégradés,

— pour 2015 la rupture du contrat a entraîné une dégradation des résultats, le chiffre d’affaires tombant de 3'187'985 euros à 439'536 euros,

— la perte correspond en conséquence au bénéfice de deux années d’activité soit 415'000 euros ;

— contrairement à ce que semble avoir considéré le premier juge en estimant à 30'000 euros le préjudice, celui-ci ne se limite pas à la perte de la marge bénéficiaire qu’aurait rapportée la commande de 8 conteneurs passée le 12 mai 2014 pour 138'082 euros ;

— sur la perte, alléguée, du marché, non remplacé des produits de la société Saur : par ses actions commerciales pendant sept ans elle s’était fait du négoce en Algérie une spécialité,

— elle a créé et développé la notoriété des marques Prince et Hamwick inconnues jusqu’alors en Algérie,

— par la rupture fautive du contrat d’exclusivité elle a perdu la représentation en Algérie du fournisseur prestigieux qu’est la société
Slaur,

— elle a tout spécialement perdu le produit
Prince, si porteur en Algérie,

— durant sept ans elle a supporté seule le risque d’annulation de commandes par le client final algérien,

— la rupture de l’exclusivité l’a également empêchée de développer d’une part la marque '
Prince’ et d’autre part la marque Hamwick en vue, – pour celle-ci – d’atteindre au moins le niveau de la marque Prince,

— il en est de même de l’activité concernant les autres produits de la société Slaur ,

— le préjudice résultant de cette perte de marché correspond à la marge bénéficiaire de deux années soit : = 415'000 euros ;

Attendu concernant le préjudice moral allégué que la société Cofradis fait valoir que :

— elle subit une perte d’image sur le marché en général, et sur le marché algérien en particulier, car elle avait travaillé avec la société Slaur pendant sept ans,

— il y a eu une mise en scène fautive avec la complicité de la société Agromam qui travaille désormais pour la société néerlandaise Delica
Sea ; la complicité a notamment consisté à faire menacer la société Cofradis par un courrier (émanant d’un avocat, déclarant agir pour le compte de la société Agromam ) du 25 mai 2014, soit 11 jours après la rupture contractuelle ;

— il y a eu de la part de la société Slaur une machination pour évincer la société Cofradis au point que tous ses efforts ont été anéantis par la rupture fautive du contrat ;

— par des procédés déloyaux, la société Slaur a ainsi récupéré la société Agromam importateur en Algérie qui était pour la société Cofradis un client sérieux et de qualité,

— la perte de cette clientèle spécifique du marché algérien crée un préjudice qui doit être réparé,

— elle oblige la société Cofradis à reconstituer localement le marché par la découverte éventuelle d’autres correspondants,

— ce préjudice spécifique justifie l’allocation d’une indemnité de 300'000 euros ;

Attendu qu’en réponse la société Slaur fait valoir principalement que :

— la rupture n’a porté que sur l’exclusivité et non sur les relations contractuelles elles-mêmes,

— il appartenait à la société Cofradis de poursuivre ces relations,

— c’est l’existence d’un conflit entre la société
Cofradis et son unique client, la société
Agromam, et non la perte de l’exclusivité qui est à l’origine du préjudice allégué ;

— par courrier du 25 mai 2014, qui lui a été transmis à titre d’information, la société
Agromam, par son avocat, a reproché à la société Cofradis d’avoir approché la société
Généfo , concurrent de la société Agromam, laquelle ne voulait plus passer de commande à la société Cofradis,

— la société Cofradis a essayé de remplacer la société Agromam par la société Généfo , sans doute pour obtenir une marge bénéficiaire plus importante,

— en réalité c’est parce que les prix pratiqués par la société Cofradis étaient trop élevés que la société Agromam ne passait plus de commande à la société Cofradis qui, plutôt que de baisser sa marge, a préféré remettre en cause les quelques centaines d’euros appliqués par la société Slaur et rompre son exclusivité avec la société Agromam au profit d’un autre importateur,

— telle est la cause de l’absence de commande par la société Cofradis à la société Slaur, pendant plus d’un trimestre,

— n’ayant pas, depuis l’engagement de mai 2013, tenté de développer la commercialisation des produits de la société Slaur sur le marché algérien, la société Cofradis n’a plus d’autre client ;

— pourtant, la société Cofradis pouvait continuer à travailler avec la société Slaur seule l’exclusivité ayant été dénoncée ;

— par courriel du 21 mai 2014 la société Slaur a proposé à la société Cofradis de lui concéder : « les marques pastis Prince et Hamwick, pour une durée de deux ans », ce qu’elle a refusé ;

— la société Slaur n’a jamais travaillé avec la société Agromam ce que montre l’ attestation comptable qu’elle produit,

— les comptes produits ne sont étayés par aucune pièce comptable,

— les tableaux établis unilatéralement sont invérifiables,

— les attestations comptables de la société
Cofradis montrent l’importance de la marge pratiquée par celle-ci soit plus de 15 % (ainsi par exemple :
plus de 0,07 euro sur un flasque de 20 c l de pastis soit une marge bien supérieure à celle de la société Slaur )

— le calcul du préjudice financier ne peut être retenu dès lors qu’il prend exclusivement en compte l’année 2013, meilleure année, dont les résultats servent de référence, alors qu’il y a eu des achats en 2011 et 2012,

— la société Cofradis aurait pu après le 14 mai 2014 continuer à passer des commandes à la société Slaur en sorte que la diminution du chiffre d’affaires est de son seul fait,

— du fait également du litige opposant la société Cofradis à la société Agromam il n’y a plus eu aucune commande par celle-ci, en sorte que le chiffre d’affaires aurait de toute façon diminué,

— une fois perdu ce client, la société Cofradis qui avait un monopole avec celui-ci, n’avait plus d’ouverture sur le marché algérien ; elle a donc été contrainte de cesser toute commande auprès de la société Slaur ;

Attendu cela exposé, qu’aux termes de l’article 1149 du code civil ' les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après’ ;

Attend en l’espèce que, par le courriel du 14 mai 2014 portant rupture de l’exclusivité, la société Slaur a précisé que la rupture ne concernait que l’exclusivité d’approvisionnement consentie à la société Cofradis ;

Que celle-ci ne peut en conséquence invoquer les conséquences d’une rupture totale de l’ensemble des relations commerciales elles-mêmes, entre les deux sociétés ;

Mais attendu que la rupture de la convention d’exclusivité prive la société Cofradis du monopole d’approvisionnement en produits de la société
Slaur ;

Qu’elle ouvre à celle-ci la possibilité de vendre ses produits à des concurrents de la société
Cofradis sur le marché algérien ;

Qu’elle s’ analyse en conséquence en une rupture partielle des relations contractuelles entre les deux sociétés ;

Attendu que la société Cofradis doit être indemnisée du préjudice en résultant ;

Qu’elle invoque les éléments de préjudice suivants :

— perte directe de bénéfices sur la durée contractuelle restant à courir : sur la commercialisation prévisible des produits
Saur,

— perte de chance commerciale de développer la vente des produits Slaur : à savoir d’une part les produits ' Prince et Hamwick’ pour en améliorer les résultats, et d’autre part les autres produits de la gamme Slaur dont l’extension n’avait pu jusqu’alors être assurée, ;

Que la société Cofradis soutient que la société Slaur s’est livrée à des manoeuvres frauduleuses qui ont abouti à la rupture des relations contractuelles et altéré la notoriété de la société Cofradis sur le marché algérien ;
Qu’elle invoque à ce titre un préjudice moral ;

Attendu sur les deux premiers des éléments de préjudice allégués, que la rupture anticipée d’une convention d’exclusivité de vente fait perdre au titulaire de l’ exclusivité une chance de réaliser dans le cadre des opérations d’achat et de revente de produits, les bénéfices qu’il aurait pu obtenir si le contrat s’était poursuivi jusqu’à son terme contractuel ; qu’il s’agit d’une perte de chance car il n’est pas certain que, si la relation commerciale s’était prolongée, le niveau antérieur de profit eût été maintenu ;

Attendu en l’espèce que le contrat d’exclusivité a été conclu pour une durée de trois ans à compter du 21 mai 2013 ; qu’il a été rompu à la fin de la première année ;

Que la société Cofradis est en droit de solliciter l’indemnisation de la perte de chance d’obtenir les résultats, qu’en l’état de sa situation sur le marché algérien à la date de la rupture , elle pouvait escompter obtenir sur la période restant à courir jusqu’à la fin de son engagement ;

Attendu que l’appréciation du dommage doit se faire en fonction en particulier de la capacité d’obtenir des commandes de produits de la société Slaur dont la société Cofradis disposait à la date de la rupture ;

Attendu que des attestations comptables produites par la société Cofradis il résulte que :

— le bénéfice qu’elle avait réalisés avec le négoce des produits de la société Slaur était :

— de 207'518 euros (soit 18,25 % de marge bénéficiaire), en 2013,

— et de 41'877 euros (soit 21,99 % de marge bénéficiaire), du 1er janvier à fin février 2014,

— pour l’année 2015 le chiffre d’affaires de la société Cofradis est passé de 3'157'985 euros à 882 231 euros ;

Que les tableaux produits par la société Cofradis et non contestés par eux mêmes montrent la progression des commandes des produits des marques Prince et
Hamwick depuis le début de l’application de la convention d’exclusivité, et ce par comparaison avec la période précédente au cours de laquelle la société Cofradis ne bénéficiait pas de cette exclusivité ;

Mais attendu qu’il est constant et non contesté que, jusqu’en avril 2014, la société Agromam était le seul client de la société Cofradis sur le marché algérien, pour l’achat de produits de la société Slaur ;

Que les pièces produites, ci-après analysées montrent que les relations contractuelles entre la société Cofradis et la société Agromam avaient cessé avant la rupture de la convention d’exclusivité ;

Qu’il résulte ainsi d’un courriel en date du 13 mai 2014 que la société Cofradis a adressé à la société Agromam que (sous réserve d’une commande de la société Agromam à la société
Cofradis portant sur 2 conteneurs, et considérée comme trop tardive par la société Cofradis pour pouvoir être mise en oeuvre) les dernières commandes de celle-ci remontaient au mois de janvier 2014 ;

Que tant ce courriel qui contient un ensemble de reproches adressés à la société Agromam, que le courriel en réponse rédigé par celle-ci, montrent l’existence d’un important conflit entre ces deux sociétés ;

Attendu que l’existence de ce conflit est confirmée par le courriel du 21 juin 2016 que le responsable de la société Agromam a adressé à la société Slaur et dans lequel il énonce que :

« en 2013 j’ai eu à commander des produits Diego par l’intermédiaire d’autres fournisseurs à cause des marges excessives pratiquées par la société Cofradis à mon égard. J’ai constaté aussi des baisses de volumes en 2014 sur les produits de la société Slaur essentiellement pour les mêmes raisons. J’ai constaté aussi que la société Cofradis avait l’intention de livrer à un de mes concurrents le même produit sous les mêmes marques principalement ceux en provenance de la société Slaur (produits que j’ai commercialisé, développé et fait connaître en Algérie à coups d’investissements) .

J’ai donc demandé à la société Delico
Sea de me faire des offres sur ces produits, sachant que cette société en plus d’être un de mes fournisseurs privilégiés, a aussi la possibilité d’assurer des stickers reprenant les mentions légales nécessaires pour l’importation en
Algérie. J’ai donc décidé pour la pérennité de mes affaires et la sauvegarde de la société de travailler avec la société Delico Sea »;

Attendu que les faits visés dans ce courrier, relativement au contact pris avec une société concurrente pour livrer à un concurrent de la société Agromam, des produits de la société
Slaur, sont également mentionnés dans le courrier du 25 mai 2014 (pièce n° 16 de la société
Slaur ) adressé par l’avocat de la société Agromam à la société Cofradis, pour reprocher à celle-ci, d’avoir, malgré des relations commerciales etablies depuis plusieurs années, « approché un autre importateur algérien Genefo , pour lui vendre des produits achetés par vous à la société Saur , ce qui signifie une rupture brutale avec ma cliente qui vous a ouvert le marché algérien » ;

Attendu que des développements qui précèdent il résulte qu’en raison de litiges entre elles, portant sur la marge pratiquée par la société
Cofradis et sur l’approche d’un concurrent, la société Agromam a décidé de ne plus poursuivre ses relations contractuelles avec la société
Cofradis ;

Que la cessation de ces relations contractuelles est antérieure la rupture de la convention d’exclusivité ;

Qu’il s’en déduit que la perte du client Agromam n’est pas la conséquence de la rupture de l’exclusivité et qu’elle n’est pas imputable à la société Slaur ;

Attendu que le fait que le 31 août 2015 il ait été constaté par procès verbal d’huissier de justice que les étiquettes des bouteilles vendues par la société Slaur portent les références de la société Agromam n’établit pas les manoeuvres déloyales alléguées, alors en particulier

qu’il résulte des courriels et du courrier susvisés que la société Agromam avait décidé, avant la date de la rupture de la convention d’exclusivité par la société Slaur , de ne plus travailler avec la société Cofradis ;

Attendu que du fait de la disparition de cet unique client, la société Cofradis ne peut utilement se référer pour l’évaluation de son préjudice aux gains qu’elle indique avoir escompté des relations commerciales avec la société
Agromam pendant les deux années d’exécution du contrat d’exclusivité qui restaient à courir ;

Attendu néanmoins que la société Cofradis qui disposait de l’avantage concurrentiel que lui conférait l’exclusivité des produits Slaur a perdu du fait de la rupture anticipée du contrat, la chance de reconstituer une clientèle pour la revente de ces produits ;

Qu’il convient à cet égard, de prendre en considération, dans l’appréciation de cette perte de chance :

— d’une part la capacité de la société
Cofradis a retrouver de nouveaux clients ce dont témoigne la commande de 8 conteneurs passée à la société Slaur en mai 2014, pour un nouveau client ;

— mais d’autre part également le temps nécessaire à la reconstitution d’une nouvelle clientèle, alors en particulier que les relations contractuelles entre la société Cofradis et la société Slaur avaient débuté en 2007 ;

Attendu par ailleurs la société Cofradis n’explique pas pourquoi elle a cessé à la suite du courrier du 14 mai 2014 de commercialiser les produits Slaur , alors que seul l’accord sur l’exclusivité avait été rompu, ce qui, pour la société Cofradis, laissait ouverte la possibilité de continuer à vendre ces produits ;

Attendu sur la perte du marché, non remplacé des produits de la société Slaur qu’il a été retenu ci-dessus que jusqu’en avril 2014 la société
Cofradis revendait exclusivement à la société Agromam les produits de la société
Slaur et que la perte de ce client n’est pas liée à la rupture de la convention d’exclusivité ; que la demande d’indemnité formée au titre de cette perte par la société Cofradis n’est donc pas fondée ;

Attendu que la clientèle existant au jour de la rupture était constituée exclusivement du nouveau client auteur de la commande passée le 12 mai 2014 par la société Cofradis à la société Slaur ;

Mais attendu que les produits Slaur spécialement les marques Prince et Hamwick étaient commercialisées par la société Slaur sur le marché algérien depuis l’année 2007 ;

Qu’à compter du mois de mai 2013 l’exclusivité a conféré à la société Cofradis, sur le marché algérien, un avantage par rapport à ses concurrents, dans la conduite de ses relations commerciales, ce dont témoigne l’augmentation des volumes de ventes depuis la conclusion de la convention d’exclusivité ;

Attendu que dans ce contexte la perte de l’exclusivité a privé la société Cofradis d’une perte de chance d’étendre, pendant la durée de la convention d’exclusivité restant à courir, la vente des produits Prince et Hamwick qu’elle commercialisait, depuis l’année 2007, sur le marché algérien ;

Qu’il en est de même, mais dans une moindre mesure, au regard de l’absence de preuve du développement de la vente de ces produits avant la rupture de l’exclusivité, des autres

produits de la gamme Slaur ;

Attendu que compte tenu de l’ensemble des développements qui précédent, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer :

— à la somme de 100 000 euros l’indemnité destinée à compenser le préjudice résultant de la perte de chance de réaliser une marge bénéficiaire sur les ventes de produits Slaur jusqu’à la fin de la période contractuelle,

— à la somme de 50 000 euros l’indemnité destinée à compenser le préjudice résultant de la perte de chance de réaliser une marge bénéficiaire supplémentaire en développant pendant les deux années du contrat restant à courir les ventes de produits Slaur,

soit au total la somme de 150 000 euros pour les deux éléments de préjudice ci-dessus retenus ; qu’en application de l’article 1153 – 1 du code civil la condamnation à paiement de ces indemnités emporte intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision et ce sans qu’il soit besoin de disposition spéciale de celle-ci ;

Attendu sur le préjudice moral allégué, que les documents ci-dessus analysés montrent que la rupture des relations commerciales entre la société
Cofradis et la société Agromam, n’est pas imputable à la société Slaur ; que la société Cofradis ne démontre pas l’existence des manoeuvres qu’elle allègue ; qu’elle ne produit aucun élément de preuve à l’appui de sa demande d’indemnisation de préjudice moral ; que la demande d’indemnisation de préjudice moral n’est donc pas justifiée ; qu’elle ne peut aboutir ;

S U R L A D E M X M
YE
DOMMAGESY

Attendu que la société Slaur reproche à la société Cofradis d’avoir cessé de vendre les produits Slaur à la société Agromam et d’avoir mis fin au développement potentiel de la société Slaur sur les autres produits ;

Mais attendu qu’il a été retenu ci-dessus que la société Slaur est responsable d’une rupture de l’exclusivité et donc d’une rupture partielle de relations commerciales établies ;

Attendu au surplus qu’aucun élément du dossier n’est produit concernant le préjudice qui serait résulté de l’absence de développement de ventes

alléguée ;

Que la demande reconventionnelle n’est donc pas fondée ;
qu’elle ne peut aboutir ;

SUR LES AUTRES DEMANDES

Attendu que l’équité commande :

— d’allouer à la société Cofradis une indemnité de 5 000 euros pour frais non répétibles d’appel ;

— de confirmer les dispositions du jugement déféré relatives aux frais hors dépens,

— et de rejeter la demande d’indemnité de procédure formée par la société Slaur ;

Attendu qu’en application de l’article 696 du code de procédure civile les dépens seront mis à

la charge de la société Slaur qui, au sens de ce texte succombe en plusieurs de ses prétentions ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne l’indemnisation du préjudice subi par la société Cofradis International

Statuant à nouveau du chef infirmé

Condamne la société Slaur Sardet à payer à la société Cofradis International les sommes de :

—  150 000 euros à titre de dommages-intérêts en indemnisation du préjudice résultant de la rupture de la convention d’exclusivité,

—  5 000 euros pour frais hors dépens d’appel

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires au présent dispositif

Condamne la société Slaur Sardet aux dépens d’appel dont distraction au profit de l’avocat de la société Cofradis International dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 21 décembre 2016, n° 15/05519