Cour d'appel de Rouen, 21 avril 2016, n° 15/02003

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, 21 avr. 2016, n° 15/02003
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 15/02003
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Dieppe, 3 mars 2015

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 15/02003

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ

ARRÊT DU 21 AVRIL 2016

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIEPPE du 04 Mars 2015

APPELANT :

Monsieur D C

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représenté et assisté de Me Sandrine DORANGE, avocat au barreau de DIEPPE

INTIMÉE :

SA CREDIT AGRICOLE – LEASING & X venant aux droits de la Société EUROFACTOR

XXX

XXX

Représentée par Me Jean-D BRESSOT de la SELARL BRESSOT & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN

assistée de Me Ashari VOISSET, avocat au barreau de PARIS [Cabinet CHATEL]

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré :

Madame BRYLINSKI, Président

Madame LABAYE, Conseiller

Madame DELAHAYE, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Mme NOEL-DAZY, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 22 Février 2016, où l’affaire a été mise en délibéré au 21 Avril 2016

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement le 21 Avril 2016, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

Signé par Madame BRYLINSKI, Président et par Mme NOEL-DAZY, Greffier présent à cette audience.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. D C s’est porté caution personnelle, solidaire, indivisible et illimitée des engagements souscrits par la société Acte’s résultant de deux contrats d’affacturage conclus entre la société et la SA Eurofactor, anciennement dénommée société SFF, par actes sous seings privés des 26 novembre 1998 et 17 mai 2000.

Ces contrats d’affacturage avaient pour objet de garantir la société Acte’s du risque d’insolvabilité de ses clients, d’assurer la gestion de ses créances et le financement de ses factures par leur paiement avant échéance, en contrepartie de quoi la société Acte’s s’obligeait à céder à la SA Eurofactor l’ensemble de ses factures, de la subroger dans tous les droits y afférents et d’inscrire sur chacune de ses factures une mention avisant ses clients de l’existence du contrat d’affacturage et de l’obligation d’adresser leurs paiements à la SA Eurofactor. La Société Acte’s s’était en outre engagée à restituer immédiatement à la Société Eurofactor les règlements directs reçus de ses clients.

Par courrier du 10 décembre 2001, la société Acte’s a résilié le contrat d’affacturage.

A la suite de cette résiliation, la SA Eurofactor a tenté de procéder au recouvrement des factures précédemment remises par subrogation par la Société Acte’s, elle s’est cependant heurtée à de nombreux refus de paiement, les comptes d’affacturage seraient devenus débiteurs au 24 août 2005 d’une somme de 49.374, 43 €.

Dans le cadre d’une action judiciaire engagée par la société Acte’s le 15 octobre 2002 à l’encontre de la SA Eurofactor et la SA Z, le tribunal de commerce de Nanterre, par jugement avant dire droit du 1er décembre 2004 a ordonné une expertise judiciaire pour faire le compte entre les parties. Au terme de son rapport, l’expert a conclu que la SA Eurofactor était créancière de la société Acte’s pour une somme de 49.374,43 €.

Par jugement du 21 décembre 2006, le tribunal de commerce de Nanterre a entériné le rapport d’expertise judiciaire et la société Acte’s a été condamnée à paiement au profit de la SA Eurofactor.

La SA Eurofactor a interjeté appel de ce jugement.

La société Acte’s a été déclarée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Dieppe du 21 juillet 2009.

A la suite du prononcé du redressement judiciaire de la société Acte’s, Me A B est intervenu en qualité de mandataire judiciaire par conclusions d’intervention volontaire et en reprise d’instance signifiées le 06 août 2009. La société Eurofactor a régularisé une déclaration de sa créance en date du 16 août 2009 au passif du redressement judiciaire de la société Acte’s, entre les mains de Me Yves Bourgoin.

Selon arrêt avant dire droit en date du 14 janvier 2010, la cour d’appel de Versailles a ordonné une seconde expertise et désigné un expert-comptable, avec notamment pour mission de faire les comptes entre les parties. L’expert a conclu, dans son rapport déposé le 30 septembre 2010, que le compte entre les parties faisait apparaître un solde en faveur de la SA Eurofactor d’un montant de 43.094, 94 €.

Une déclaration de créance rectificative a été adressée par la société Eurofactor à Me B le 22 novembre 2010, pour le montant correspondant au solde établi par l’expert judiciaire soit 43.094,94 €.

Par conclusions du 1er février 2011, le mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Acte’s s’est désisté de son appel et la créance de la SA Eurofactor, qui a accepté ce désistement et renoncé à ses demandes incidentes, a été définitivement admise au passif de la société Acte’s pour la somme de 49.094,94 €.

Par lettres des 24 août 2011 et 14 novembre 2011, la SA Eurofactor a mis en demeure M. D C de régler cette somme en exécution de son engagement de caution.

Les mises en demeure étant demeurées vaines, par acte d’huissier en date du 27 juillet 2012, la SA Eurofactor a fait assigner M. D C devant le tribunal de grande instance de Dieppe au visa des articles 1134 et 2288 et suivants du code civil, aux fins de voir :

— condamner M. C à lui payer la somme de 49.094,94 € avec intérêt légal à compter de la mise en demeure en date du 24 août 2011

— ordonner la capitalisation des intérêts

— condamner M. C à lui payer la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

— condamner M. C à lui payer la somme de 5 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

— condamner M. C en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP Dambry Morival Velly conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

— voir ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

En cours de procédure, par conclusions déposées le 26 février 2014, la société Crédit Agricole Leasing & X, venant aux droits de la SA Eurofactor à la suite de la fusion par absorption qui lui a transmis l’intégralité des droits de la SA Eurofactor, a repris à son compte les écritures développées par cette dernière.

**µ**

Par jugement du 04 mars 2015, le tribunal de grande instance de Dieppe a :

— déclaré recevable l’intervention volontaire de la société Crédit Agricole Leasing & X

— condamné M. D C à payer à la société Crédit Agricole Leasing & X venant aux droits de la SA Eurofactor la somme de 49.094,94 € avec intérêts au taux légal à compter du 24 août 2011

— ordonné la capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière

— débouté la société Crédit Agricole Leasing & X de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

— débouté M. D C de sa demande de dommages et intérêts

— dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire du jugement

— condamné M. D C aux dépens dont distraction au profit de la SCP Dambry Morival Velly pour ceux dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision.

**µ**

M. D C a interjeté appel du jugement par déclaration du greffe en date du 21 avril 2015.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 22 juillet 2015, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, il demande à la cour de :

— déclarer son appel recevable et bien fondé

— constater que l’engagement de caution n’est ni clair ni précis quant à la détermination de l’étendue de son engagement de caution

Vu l’article 2292 du code civil

— le déclarer en conséquence nul et de nul effet

En tout état de cause

Vu la dénonciation de son engagement de caution à effet du 25 juin 2003

— constater que la demande présentée à son encontre par la SA Eurofactor résulte d’un compte devenu débiteur au 24 août 2005 et concerne donc des opérations traitées après l’expiration de délai de préavis expirant au 25 juin 2003

— en conséquence déclarer mal fondée la demande de la SA Eurofactor et la débouter de sa demande

A titre subsidiaire :

— dire et juger que les engagements qu’il a souscrits étaient et sont manifestement disproportionnés par rapport à ses biens et que la société Eurofactor doit être déboutée de demande

A titre infiniment subsidiaire, en cas de fixation de la date des opérations traitées avant le 25 juin 2003

— déduire de la demande de la SA Eurofactor une somme de 12.478, 60 € inscrite en compte après cette date et une somme de 2.490, 92 € à titre de frais inscrite également après cette date

— en conséquence, ramener à la somme de 34.125,42 € la somme que pourrait éventuellement réclamer la SA Eurofactor

Vu l’article L. 313-22 du code monétaire et financier et le manquement de la SA Eurofactor à ses obligations y découlant

Vu par son manque d’information fautif à l’égard de la caution concernant sa créance éventuelle connue d’elle au moment de la résiliation par le débiteur principal de son engagement et le préjudice en résultant

— déclarer recevable et bien fondée sa demande reconventionnelle

— condamner la SA Eurofactor à lui payer, à titre de réparation de son préjudice, des dommages et intérêts équivalents au montant de la somme de 34.125, 42 € qui serait due

— condamner la SA Eurofactor à lui payer une somme de 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens.

**µ**

La société Crédit Agricole Leasing & X, venant aux droits de la SA Eurofactor, par écritures signifiées le 22 septembre 2015, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour de :

Vu les articles 1134 et 2288 et suivants du code civil

Vu les articles 9 et suivants du code de procédure civile

Vu les pièces versées au débat

— confirmer dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Dieppe du 04 mars 2015

— rejeter l’intégralité des demandes, moyens et conclusions de M. D C, dans toutes les fins qu’ils comportent

— condamner M. D C à lui payer la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

— condamner M. D C à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— condamner M. D C aux entiers dépens, qui comprendront les dépens de première instance et d’appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’intervention volontaire de la société Crédit Agricole Leasing & X, venant aux droits de la SA Eurofactor, n’est plus contestée, les dispositions du jugement déclarant recevable cette intervention seront confirmées.

**µ**

M. C soutient que le tribunal n’a pas, à tort, retenu le fait que le contrat d’affacturage du 17 mai 2000 avait remplacé celui du 25 novembre 1998. Dès lors, sa dénonciation par lettre du 25 mars 2003 de l’engagement de caution du 25 novembre 1998 valait aussi dénonciation de l’engagement de caution du 17 mars 2000.

La société Crédit Agricole Leasing & X ne produit pas la lettre de dénonciation, elle ne peut, selon l’appelant, invoquer son propre courrier de réponse accusant réception de la dénonciation de 'l’engagement de caution signé le 25 novembre 1998". La société Eurofactor n’a nullement précisé dans sa lettre du 08 avril 2003 que l’engagement de caution du 17 mai 2000 restait valable, il affirme qu’en tout état de cause, il a voulu dénoncer les deux cautionnements, y compris celui signé le 17 mai 2000 pour un contrat d’affacturage du même jour toujours en cours. Le tribunal aurait du admettre que le 25 mars 2003, il avait résilié l’ensemble de son engagement de caution pour le contrat d’affacturage du 26 novembre 1998 et celui du 17 mai 2000 qui l’avait remplacé.

La société Crédit Agricole Leasing & X soutient que, par courrier du 25 mars 2003, M. D C a révoqué uniquement son engagement de caution en date du 25 novembre 1998. Elle a accusé réception de la dénonciation de son engagement, précisant à M. C que cet engagement de caution demeurait jusqu’au dénouement des opérations dont l’origine était antérieure au 25 juin 2003. Elle indique fonder ses demandes sur le second engagement qui, selon elle, n’a pas été dénoncé ainsi que l’a constaté le tribunal, la dénonciation d’un des deux engagements de caution ne pouvant avoir pour conséquence la dénonciation du second engagement.

**

La société Acte’s a signé deux contrats d’affacturage avec la société SA Eurofactor, anciennement dénommée société SFF, par actes sous seings privés du 26 novembre 1998, intitulé 'Factor Avenir’ et du 17 mai 2000, intitulé 'Factor Expansion'. M. C a signé deux engagements de caution, les 25 novembre 1998 et 17 mai 2000.

La société Crédit Agricole Leasing & X produit le courrier de dénonciation de M. C en date du 25 mars 2003, dans lequel M. C indique 'je révoque le cautionnement signé en date du 25 novembre 1998". Il n’est nullement fait état du cautionnement de mai 2000. M. C dénonce l’engagement de novembre 1998, afférant à un contrat qu’il dit avoir été remplacé par celui de mai 2000, si l’on suit son raisonnement, il aurait du résilier le contrat de mai 2000 puisque celui de 1998 n’existait plus selon lui.

La société Eurofactor a accusé réception de ce courrier en précisant à M. C en prenant acte de la révocation de son engagement de caution du 25 novembre 1998, en l’informant que conformément au contrat, prévoyant un préavis de 90 jours, il restait tenu jusqu’au 25 juin 2003 et que son engagement de caution demeurait 'jusqu’au dénouement des opérations dont l’origine est antérieure’ à la date du 25 juin 2003.

Le second contrat d’affacturage du 17 mai 2000 n’indique pas précisément qu’il viendrait remplacer le premier, toutefois, l’article 2 stipule que l’adhérent reconnaît ne pas être lié par un autre contrat d’affacturage. En tout état de cause et à supposer que le contrat de mai 2000 ait remplacé le contrat de novembre 1998 comme l’estime le second expert judiciaire (p.18), et que M. C ait résilié son seul engagement encore en cours, la prétention est sans portée puisque M. C aux termes de l’engagement de caution est tenu du paiement des sommes dues au titre des opérations d’affacturage intervenues antérieurement à la fin du préavis après dénonciation de son engagement de caution soit avant le 25 juin 2003.

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M. C soutient ensuite que les termes de son engagement de caution sont peu clairs, la 'notion d’opérations traitées antérieurement’ n’est pas précise, il ne pouvait pas avoir connaissance de façon non équivoque de l’étendue et de la nature de son engagement et notamment de ce qui restait ou non due après dénonciation. Il sollicite de la cour qu’elle prononce la nullité de son engagement de caution.

La société Crédit Agricole Leasing & X considère que l’étendue de l’engagement de caution souscrit par M. D C est parfaitement déterminée et est formulée en des termes particulièrement clairs et dénués de toute ambiguïté : il est tenu au paiement des sommes dues au titre des opérations d’affacturage intervenues antérieurement à la dénonciation de son engagement de caution et c’est ce qui lui est réclamé. Il n’y a pas lieu à annulation de l’engagement de caution.

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M. D C s’est porté caution personnelle, solidaire, indivisible et illimitée, pour garantie en principal, commissions, frais et accessoires du remboursement des sommes qui sont dues ou qui pourront être dues par la société Acte’s qui résulteront du contrat d’affacturage, dont il indiquait avoir pris parfaitement connaissance. Il était prévu qu’il pouvait révoquer son engagement de caution en respectant un préavis de trois mois.

Il était également stipulé que : 'A l’expiration du délai de préavis mon engagement de caution cessera de produire effet pour l’avenir mais la caution continuera à garantir les sommes qui deviendront dues, si elles sont relatives à des opérations traitées antérieurement à l’arrivée du terme de ce préavis'.

Il en résulte que M. C n’est pas tenu à paiement pour les opérations futures mais il est tenu du paiement des sommes dues au titre des opérations d’affacturage intervenues antérieurement à la fin du préavis après dénonciation de son engagement de caution soit avant le 25 juin 2003 et ce, même si, comme en l’espèce, les comptes sont établis après cette date. Il n’y a pas lieu à annulation de l’engagement de caution dont les termes sont clairs, contrairement à ce que soutient l’appelant.

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M. C soutient par ailleurs que la société Crédit Agricole Leasing & X ne peut demander paiement du solde débiteur au 24 août 2005. Il remarque qu’à la date d’expiration du préavis après résiliation par la société Acte’s du contrat d’affacturage, en mars 2002, le solde des comptes était en faveur de la société Acte’s, de même, lorsqu’il a dénoncé son engagement de caution le 25 mars 2003, le solde des comptes était encore en faveur de la société Acte’s, le solde n’est devenu débiteur qu’après la dénonciation du 25 mars 2003. La somme réclamée ne peut être garantie par un engagement de caution dénoncé le 25 mars 2003, à effet du 25 juin 2003.

Plus subsidiairement, M. C fait valoir qu’il n’a pas été appelé à la procédure devant le tribunal de commerce de Nanterre ni devant la cour d’appel de Versailles, ni avisé des déclarations de créances, il n’a pas pu faire valoir ses droits, dès lors, le solde en faveur de la société Eurofactor résultant du décompte du rapport de l’expert judiciaire déposé le 30 novembre 2010 et sur la base duquel la société Eurofactor a déclaré sa créance, ne lui est pas opposable.

A supposer que le rapport d’expertise lui soit opposable, il conviendrait, selon lui, de déduire, de la demande de 49.094,94 € réclamée, la somme de 12.478, 60 € (solde du compte de garantie), les frais comptés postérieurement au 25 juin 2003, soit 2.490,92 € ce qui ramènerait la créance de la société Crédit Agricole Leasing & X à la somme de 34.125,42 €.

La société Crédit Agricole Leasing & X affirme que la dénonciation de son engagement par la caution met fin à son obligation de couverture des opérations futures, mais elle ne met pas un terme à son obligation de règlement au titre des opérations intervenues antérieurement à sa dénonciation. En l’espèce, sa créance à l’égard de la société Acte’s résulte uniquement des violations de ses obligations contractuelles en 2001, soit bien avant le 25 juin 2003, or, ces infractions contractuelles ont eu pour effet de rendre la société Acte’s débitrice de la société Eurofactor antérieurement à la dénonciation, par M. C, de son engagement de caution. La société intimée souligne que les graves violations par la société Acte’s de ses obligations contractuelles ont été reconnues par cette dernière, dans un courrier, en date du 14 février 2002 et signé de la main de M. D C, soit plus d’une année avant la résiliation de son engagement de caution.

La société Crédit Agricole Leasing & X note que le solde créditeur du compte de garantie a été pris en compte par l’expert judiciaire et crédité sur le compte de la société Acte’s.

Compte-tenu du désistement de la société Acte’s de son appel formé à l’encontre du jugement rendu le 21 décembre 2006, ce jugement est définitif et constitue un titre exécutoire à l’encontre du débiteur principal, qui est opposable à la caution, selon la société Crédit Agricole Leasing & X qui ajoute que M. C, qui n’a pas cru devoir intervenir à la procédure, n’a pas non plus formé opposition à l’ordonnance constatant le désistement.

**

La société Acte’s a résilié le contrat d’affacturage le 10 décembre 2001, le contrat prévoyait un préavis de trois mois. Le compte entre les parties devait être fait, un désaccord les opposait sur les sommes dues.

Selon le contrat résilié (celui de mai 2000), le compte courant devait être clôturé à la date de la résiliation du contrat et le solde alors établi sous réserve des opérations en cours (article 4). En cas de solde de factures non payées après le délai de préavis, la société d’affacturage était en droit de percevoir des frais de gestion pour les opérations de liquidation de ce solde et des frais de tenue de compte. Le contrat stipulait aussi que pour les créances ayant fait l’objet d’une action judiciaire, les frais et honoraires aux fins d’obtention d’un jugement en faveur de SFF (Eurofactor) seront à la charge de l’adhérent, les frais d’exécution restant à la charge du factor (article 5).

Dès lors, M. C ne peut soutenir qu’il y a lieu de retenir le solde du compte au 10 mars 2002 date d’expiration du contrat d’affacturage dénoncé le 10 décembre 2001 puisqu’il devait être tenu compte des opérations en cours.

Le rapport d’expertise est opposable à M. C puisqu’il lui a été communiqué et qu’il a pu le critiquer. La procédure avait été initiée par la société Acte’s et la société Eurofactor n’avait dès lors pas à en informer M. C.

Il résulte des conclusions du rapport d’expertise non sérieusement contestée par M. C que la créance de la société Crédit Agricole Leasing & X résulte uniquement du non-respect de ses obligations contractuelles par la société Acte’s, avant le 25 juin 2003 : la société Acte’s n’a pas restitué à Eurofactor des paiements directs qu’elle avait reçus alors que les clients auraient du verser les fonds au factor, la société Acte’s a émis durant l’année 2001, des factures sans y porter la mention avisant ses clients de l’existence du contrat d’affacturage et précisant leur obligation d’effectuer leurs paiements entre les mains de la société Eurofactor. M. C reconnaît ces manquements dans le courrier du 14 février 2002 à la société Eurofactor. L’expert a repris les comptes pour chaque société concernée (SARL des Patis, SCI Gold, Compagnie européenne de la Chaussure, société Install 24) pour vérifier que les factures avaient bien été portées sur le compte courant antérieurement à mars 2002.

Le compte de dépôt de garantie (constitué selon l’article 4 du contrat en garantie du remboursement ses sommes dont l’adhérent serait débiteur envers la société factor) a été retenu par l’expert pour un solde créditeur en faveur de la société Acte’s à mars 2002 de 58.226 €, le compte courant était également créditeur de 13.148,92 €, mais à la suite du décompte des opérations en cours au jour de la prise d’effet de la résiliation, le compte courant était ensuite débiteur de 107.601,10 €, l’expert a déduit la somme de 58.226 € de cette somme, et donc, contrairement à ce que soutient M. C, le solde du dépôt de garantie a été déduit, une somme de 280,16 € a également était déduite par l’expert pour frais non justifiés et facturés à tort. Le compte entre les parties s’établit ainsi : 107.601,10 € – (58.226 € + 280,16 €) = 49.094,94€.

M. C soutient qu’il ne peut être déclaré redevable de frais comptés postérieurement au 25 juin 2003, soit : frais de procédure pour la société Gold pour 1 939, 78 €, frais de gestion pour la société Install 24 pour 551,14€.

Comme rappelé ci-dessus, la société d’affacturage était en droit de percevoir des frais de gestion pour les opérations de liquidation du solde et des opérations en cours et des frais de tenue de compte, de même que les frais de procédure, par contre, l’expert a déduit les frais d’exécution devant rester à la charge de la société factor selon le contrat.

La créance de la société Crédit Agricole Leasing & X est en conséquence fondée, elle a été définitivement admise au passif de la société Acte’s à hauteur de la somme de 49.094,94€.

Selon l’article 1154 du code civil, les intérêts échus des capitaux peuvent produire intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière.

Le juge n’a pas de pouvoir d’appréciation quant à l’application de l’article rappelé ci-dessus, la capitalisation des intérêts devant être ordonnée dès lors que les conditions de l’article 1154 sont, comme en l’espèce, réunies. Le jugement sera confirmé de ce chef.

**µ**

M. C assure qu’il n’a, avant la résiliation du contrat par la débitrice principale, la société Actes’s, et avant sa dénonciation de caution, par lettre du 25 mars 2003 à effet du 25 juin 2003, jamais été informé conformément aux dispositions de l’article L. 313-22 du code monétaire et financier, des sommes restant à courir au titre de l’obligation cautionnée. Il n’a pas été averti de la procédure collective et de la déclaration de créance. Or, s’il avait eu connaissance de ce que le compte était débiteur, il aurait dénoncé son engagement de caution plus tôt, il aurait également pu faire une déclaration de créance au passif de la procédure collective de la société Acte’s. Il conclut à un manquement de la société Crédit Agricole Leasing & X à ses obligations contractuelles et sollicite, à titre reconventionnel sa condamnation au paiement, à titre de dommages et intérêts d’une somme de 34.125,42 €.

M. C, plus subsidiairement, argue du caractère manifestement disproportionné de son engagement. La société Eurofactor aurait, selon lui, accepté deux engagements de caution, au profit de la société Acte’s, pour deux contrats successifs d’affacturage, sans avoir vérifié sa solvabilité et sa capacité de répondre à ses engagements alors que le contrat d’affacturage du 17 mai 2000 fait état de ce que le chiffre d’affaires annuel facturé par Acte’s était de 15.000.000 francs, soit 2.286.735,30 €. Il précise qu’il n’était que directeur financier, salarié de l’entreprise, ni associé, ni gérant, son salaire était de 20.000 francs, soit 3 048 €, il n’avait pas un patrimoine immobilier conséquent, la cour ne pourra que constater qu’il doit être déchargé de ses engagements, eu égard à la disproportion manifeste entre son patrimoine et lesdits engagements. Il soutient qu’actuellement retraité, il n’a pas de gros revenus.

La société Crédit Agricole Leasing & X réplique qu’il est de jurisprudence constante que l’application du principe de disproportion est exclue lorsque la caution garantit des engagements dans un contrat d’affacturage, comme l’a décidée le tribunal. En matière d’affacturage, à la différence d’un crédit classique, la proportion de l’engagement souscrit par la caution avec son patrimoine et ses revenus ne peut être appréciée à la date de la souscription de son engagement. Sous réserve du respect de ses obligations contractuelles, l’adhérent ne contracte aucune dette et la caution n’a pas à être actionnée par le factor créancier. En tout état de cause, M. C ne fait pas la preuve, qui lui incombe, de la disproportion invoquée, ni lors de la souscription de l’engagement, ni à la date de l’introduction de la procédure, soit le 27 juillet 2012.

Selon la société intimée, dans la fiche de renseignements signée par M. D C le 25 novembre 1998, il a indiqué avoir un patrimoine immobilier de 600.000 F soit 91.469,41 €, outre une épargne placée à hauteur de 160.000 F, soit 24.39,84 €. Il avait alors des salaires de 223.449,70 F ou 34.064,69 € en 1998, 275.000,00 F ou 41.923,48 € en 1999, 283.875,74 F ou 43.276,58 € en 2000 et 42 419,67 € en 2001. M. C verse aux débats ses avis d’imposition pour les exercices 2011 et 2012 dont il ressort qu’il a eu, en 2011, un revenu annuel de 24.604€ et en 2012, un revenu annuel de 18.637 €, les revenus de 2013 et 2014 ne sont pas connus, M. C ne donne pas de renseignements sur son patrimoine immobilier et son épargne actuels. Il aurait fait faire des travaux importants dans sa résidence principale.

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Comme rappelé par la société Crédit Agricole Leasing & X, lors de la signature du contrat d’affacturage, le factor ne procède à aucun décaissement de fonds. Il s’agit d’un financement de créances à court terme consistant en l’avance de fonds, par anticipation sur l’échéance des factures cédées. Ces créances subrogées doivent être payées, à leur échéance, par les débiteurs des factures cédées entre les mains du factor. Les avances consenties par le factor, doivent lui être remboursées à leur échéance par les paiements reçus des débiteurs. La société qui contracte avec le factor, a pour obligations de pas encaisser directement les paiements de ses clients et de les avertir d’avoir à payer le factor. Dès lors, sous réserve du respect de ses obligations contractuelles, l’adhérent ne contracte aucune dette et la caution n’a pas à être actionnée par le factor créancier.

Selon l’article L.313-22 du code monétaire et financier : 'les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.'

Le mécanisme de l’affacturage est assimilable à un concours financier et contrairement à ce qu’a décidé le tribunal, la société d’affacturage qui bénéficie d’un cautionnement d’une personne physique garantissant le solde débiteur du compte courant de l’adhérent est soumise à l’obligation de l’article L. 313-22 du code monétaire et financier.

En l’espèce, des sommes n’ont été dues et leur montant connu qu’après résiliation du contrat d’affacturage et établissement de la créance laquelle n’a été définitive qu’après le désistement devant la cour d’appel de Versailles. Des courriers ont été échangés entre M. C et la société d’affacturage sur le montant des sommes dues par la société Acte’s avant que soit engagée la procédure devant le tribunal de Nanterre, M. C ne peut soutenir qu’il ignorait l’existence de la créance. La société a l’obligation de porter à la connaissance de la caution, les éléments prévus par le texte de l’article L.313-22 mais pas de l’informer sur l’évolution de la solvabilité de la débitrice principale, de la procédure collective dont elle ferait l’objet, ni son sur éventuelle déclaration de créance. Néanmoins, la société Crédit Agricole Leasing & X ne justifie pas que des lettres d’information auraient été envoyées à M. C.

En tout état de cause, l’article L. 313-22 du code monétaire et financier prévoit une sanction spécifique, la déchéance du droit aux intérêts et non, sauf dol ou faute lourde du dispensateur de crédit non démontrés en l’espèce, l’allocation de dommages et intérêts ; en outre, en l’espèce, la société Crédit Agricole Leasing & X réclame paiement d’un principal avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels serait sans objet, M. C doit être débouté de sa demande.

M C invoque l’article L.341-4 du code de la consommation, selon lequel un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Or, l’article L.341-4 du code de la consommation, issu de la loi du 1er août 2003, n’est pas applicable aux contrats antérieurs à la date d’entrée en vigueur de la loi.

Selon l’article 2295 du code civil, également invoqué par M. C : le débiteur obligé à fournir une caution doit en présenter une qui a la capacité de contracter, qui ait un bien suffisant pour répondre de l’objet de l’obligation.

S’agissant d’un contrat de cautionnement antérieur à 2003, M. C doit démonter la faute de la société d’affacturage.

M. C était le directeur financier de la société Acte’s, il a négocié les contrats et a même signé le contrat de mai 2000 au nom de la société, il est l’auteur de la lettre de février 2002 à la société Eurofactor pour contester le montant des sommes réclamées après résiliation du contrat. M. C était donc une caution avertie que la société d’affacturage n’avait pas mettre en garde sur les conséquences de son engagement de caution et les risques financiers encourus. Il n’est pas démontré que la société d’affacturage aurait eu sur l’opération cautionnée des informations que M. C aurait ignorées, le montant de la créance a été déterminé définitivement en 2011 et la société Acte’s a fait l’objet d’une procédure collective plus de huit ans après la dénonciation du contrat. Dès lors, la faute de la société Eurfactor n’est pas démontrée.

A supposer prouvée la faute de la société d’affacturage, il y aurait lieu à allocation de dommages et intérêts, non au rejet de la demande en paiement comme sollicité. Le jugement sera confirmé.

**µ**

Une action en justice de même que la défense en justice ne peut caractériser un abus du droit fondamental d’ester en justice ou de résister à une demande en justice, engageant la responsabilité civile de son auteur, sauf existence démontrée d’une volonté de nuire, d’une intention malicieuse ou d’une méconnaissance grossière de normes évidentes. Rien, dans les circonstances de l’affaire, n’établit un de ces éléments. Le rejet de la demande de la société Crédit Agricole Leasing & X pour procédure abusive sera confirmé.

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux indemnités de procédure et dépens de première instance ; en cause d’appel M. D C supportera les dépens mais il ne sera pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu le 04 mars 2015 par le tribunal de grande instance de Dieppe en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Déboute les parties de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts et indemnités de procédure en cause d’appel ;

Condamne M. D C aux dépens de la procédure d’appel avec droit de recouvrement direct au profit des avocats de la cause conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

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Cour d'appel de Rouen, 21 avril 2016, n° 15/02003