Cour d'appel de Rouen, 30 mars 2016, n° 15/03060

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Chronologie de l’affaire

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Lettre de l'Immobilier · 7 février 2022

Cass. civ. 3ème, 29 juin 2017, n°15-27.542 Dans la vente en état futur d'achèvement, les jours d'intempéries antérieurs à la date d'acquisition peuvent ne pas être considérés comme causes légitimes de suspension du délai de livraison. Ce qu'il faut retenir : Dans la vente en état futur d'achèvement, les jours d'intempéries antérieurs à la date d'acquisition peuvent ne pas être considérés comme causes légitimes de suspension du délai de livraison. Il en est de même des défaillances des entreprises, faute par le vendeur de pouvoir justifier du lien de causalité entre ces défaillances et le …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, 30 mars 2016, n° 15/03060
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 15/03060
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Rouen, 18 mai 2015, N° 14/04365

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 15/03060

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 30 MARS 2016

DÉCISION DÉFÉRÉE :

14/04365

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 19 Mai 2015

APPELANTE :

XXX

XXX

76230 BOIS-GUILLAUME

représentée et assistée par Me Anna LANCIEN, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

SCI A D

XXX

XXX

XXX

représentée et assistée par Me Catherine LETRAY de la SCP LENGLET, MALBESIN & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 24 Février 2016 sans opposition des avocats devant Madame FEYDEAU-THIEFFRY, Conseiller, rapporteur, en présence de Monsieur SAMUEL, Conseiller,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur LOTTIN, Président de Chambre

Monsieur SAMUEL, Conseiller

Madame FEYDEAU-THIEFFRY, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme VERBEKE, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 24 Février 2016, où l’affaire a été mise en délibéré au 30 Mars 2016

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 30 Mars 2016, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur LOTTIN, Président et par Mme VERBEKE, Greffier présent à cette audience.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Selon contrat préliminaire à une vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) en date du 31 août 2012, M. A B a réservé auprès de la société civile de construction LA BASCULE un local commercial (lot n°D2) d’une surface de 298 m2 ainsi que trois places de parking dans un immeuble situé sur la commune de Sainte Marie des Champs, lotissement « La Bascule », pour un montant total de 185.000,00 euros HT, soit 221.260 euros TTC, sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt de 193.500 euros, avec une date de signature de l’acte notarié au plus tard le 1er septembre 2012 et une date prévisionnelle de livraison au 4e trimestre 2012.

Parallèlement, la XXX a pris l’engagement de rechercher un locataire à ses réservataires en ayant recours à son partenaire, la société AIC IMMOBILIER, et la SARL GROUPE MGI, gérant de la XXX, s’est engagée à prendre en charge, pour pallier une éventuelle carence locative, le versement du revenu locatif mensuel brut hors charges pendant les six premiers mois avant la mise en place du premier locataire, ce à compter du premier jour du mois suivant la livraison du bien.

L’acte notarié a été signé le 21 décembre 2012 devant Maître Y Z, notaire associé à X par la XXX et la SCI A D, que M. A B s’est fait substituer, la somme de 111.000 euros étant réglée le jour de la signature, la somme de 64.750 euros devant être payée au moment où l’immeuble serait hors d’eau, celle de 9.250 euros au moment de la remise des clés et le vendeur s’engageant à exécuter son obligation d’achever l’ouvrage au plus tard le 31 décembre 2012, sauf cas de force majeure ou de suspension du délai de livraison.

Le procès-verbal de livraison a finalement été régularisé entre les parties le 10 février 2014, avec quelques réserves.

* * *

Par acte d’huissier en date du 8 août 2014, la SCI D a fait assigner la XXX devant le tribunal de grande instance de ROUEN pour obtenir l’indemnisation de son préjudice lié au retard de livraison.

Par jugement réputé contradictoire en date du 19 mai 2015, le tribunal de grande instance de ROUEN a condamné, avec exécution provisoire, la SCCV la BASCULE au paiement des sommes suivantes :

9.177,75 euros au titre des intérêts intercalaires du 1er janvier 2013 jusqu’au 10 février 2014,

10.656 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance d’avoir pu donner à bail les locaux,

4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

* * *

La XXX a interjeté appel de cette décision en date du 23 juin 2015.

Par dernières conclusions du 10 février 2016, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, elle demande à la cour :

de réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

de débouter la SCI A D de ses demandes,

de condamner la SCI A D à lui payer la somme de 1.295 euros correspondant aux intérêts de retard correspondant au règlement du 3e appel de fonds,

de condamner la SCI A D au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel devant être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699.

Par dernières conclusions du 17 novembre 2015, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, la SCI A D, qui forme appel incident, demande à la cour :

de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la demande de dommages et intérêts,

de débouter la XXX de sa demande reconventionnelle comme étant irrecevable et infondée,

de condamner la XXX au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

de la condamner au paiement de la somme complémentaire de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel que la SCP LENGLET MALBESIN & ASSOCIES sera autorisée à recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 février 2016.

MOTIFS

Sur les demandes de la SCI A D liées au retard de livraison

En vertu de l’article 1147 du code civil, « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. »

La SCI A D fait valoir que la XXX n’a pas respecté ses engagements contractuels, la livraison n’étant intervenue que le 10 février 2014 alors qu’elle devait avoir lieu au plus tard le 31 décembre 2012.

Après avoir fait observer que l’acte de vente ne prévoyait aucune pénalité de retard, la XXX soutient que l’immeuble était en état d’être réceptionné au mois de septembre 2013 et que le report de la signature au mois de février 2014 n’est imputable qu’à la SCI A D, de sorte que le retard de livraison doit être fixé à 9 mois.

Il est constant que l’acte notarié, signé le 21 décembre 2012 devant Maître Y Z, notaire associé à X, stipulait que le vendeur s’engageait à exécuter son obligation d’achever l’ouvrage au plus tard le 31 décembre 2012, sauf cas de force majeure ou de suspension du délai de livraison.

Pour l’application de cette disposition, étaient considérées comme des causes légitimes de suspension du délai de livraison, notamment : les intempéries, les inondations, les fouilles archéologiques, la grève, la faillite, le redressement judiciaire ou la déconfiture de l’une des entreprises effectuant les travaux, les injonctions administratives ou judiciaires de suspendre ou arrêter les travaux, les troubles résultant d’hostilités, révolutions, cataclysmes et actes de terrorisme ou accidents de chantier.

La XXX admet un retard de 9 mois, estimant que l’immeuble était achevé à la fin du mois de septembre 2013 et ne cherche pas à établir l’existence d’une cause légitime de suspension du délai de livraison.

La SCI A D soutient qu’il restait des travaux à réaliser en septembre 2013 empêchant la réception.

Or, l’achèvement au sens de l’article R261-1 du code de la construction et de l’habitation, dont les dispositions sont rappelées en page 14 de l’acte authentique, s’entend de l’exécution des ouvrages dans lesquels sont installés les éléments d’équipement indispensables à l’utilisation de l’immeuble conformément à sa destination, le dit article précisant que « pour l’appréciation de cet achèvement, les défauts de conformité avec les prévisions du contrat ne sont pas pris en considération lorsqu’ils n’ont pas un caractère substantiel, ni les malfaçons qui ne rendent pas les ouvrages ou éléments ci-dessus visés, impropres à leur utilisation ».

La SCI A D, sur qui repose la charge de la preuve de l’inachèvement des travaux à la fin du mois de septembre 2013, ne produit aux débats ni constat d’huissier, ni clichés photographiques.

Elle se contente de se référer à son propre courrier du 30 octobre 2013, dans lequel elle se plaint de ce que le local commercial vendu n’est pas carrelé et n’a pas de peinture d’apprêt.

En tout état de cause, même à supposer ces défauts caractérisés, ils n’étaient pas de nature à présenter un caractère substantiel, empêchant la réception.

D’ailleurs, la XXX justifie de ce que les quatre autres acquéreurs ont ratifié les procès-verbaux de réception à la fin du mois d’octobre 2013.

Au vu de ces éléments, il convient de considérer que la SCI A D aurait pu réceptionner ses lots au cours du mois d’octobre 2013.

La SCI A D sollicite indemnisation d’un préjudice matériel lié d’une part au paiement d’intérêts intercalaires, d’autre part à la perte de loyers.

La XXX conteste la réalité des préjudices dont se prévaut la SCI A D.

S’agissant de la demande d’indemnisation des intérêts intercalaires, force est de constater que la SCI A D ne justifie nullement du règlement de tels intérêts, puisqu’elle se limite à produire aux débats un plan de remboursement prévisionnel établi le 3 octobre 2013.

La demande formée à ce titre, insuffisamment justifiée, doit donc être rejetée et le jugement infirmé de ce chef.

En ce qui concerne le préjudice lié à la perte des loyers, il est incontestable que si l’immeuble avait été achevé comme convenu le 31 décembre 2012, la livraison aurait pu avoir lieu au cours du mois de janvier 2013 de sorte que la SCI A D aurait pu mettre en location son local commercial dès le 1er février 2013.

La dite société est en mesure de revendiquer neuf mois de retard puisqu’elle aurait dû réceptionner son bien au cours du mois d’octobre 2013 et le proposer à la location à compter du 1er novembre 2013.

Le préjudice s’analyse en une perte de chance puisqu’il n’est pas certain que la SCI A D aurait trouvé, dès le 1er janvier 2013, un locataire.

Pour solliciter le rejet de la demande formée au titre de la perte de loyers, la XXX tente de tirer argument du fait que la SCI A D aurait refusé un locataire qu’elle lui avait proposé.

Cette allégation est inopérante puisque la proposition a été faite en novembre 2013, soit postérieurement à la période durant laquelle la perte de chance doit être examinée.

Pour mesurer la perte de chance, il est intéressant de relever que la SCI A D n’a trouvé un locataire que le 1er janvier 2015, soit presqu’un an après la réception de son bien.

Au vu de ces éléments, il convient de fixer le taux de perte de chance à 30%.

Le mandat d’administration de biens consenti à la SAS AIC Agence des Plateaux faisait état d’un loyer annuel de 17.600 euros HT, soit 1.466,66 euros HT par mois.

Pour la période du 1er février au 31 octobre 2013, le montant total des loyers aurait été de 13.199,94 euros.

Après application du taux de perte de chance, il revient à la SCI A D la somme de 3.959,98 euros.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a fait droit à la demande formée à hauteur de 10.656 euros.

Sur la demande de dommages-intérêts de la SCI A D pour résistance abusive

Le simple fait d’échouer en ses prétentions ne caractérise pas une résistance abusive au paiement, la XXX n’ayant pas excédé les limites de son droit à défendre ses intérêts.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la SCI A D de cette prétention.

Sur la demande formée par la XXX

En vertu de l’article 1134 du code civil, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».

En application des dispositions de l’article 567 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles sont recevables en appel, à la condition, posée par l’article 70, de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant.

La XXX demande le paiement de la majoration due en raison du retard de règlement par la SCI A D du troisième appel de fonds.

La SCI A D estime qu’il s’agit d’une demande nouvelle irrecevable en appel et soutient, en tout état de cause, qu’elle n’est pas fondée, compte tenu du propre retard de livraison imputable à la XXX.

La demande en paiement formée à titre reconventionnel par la XXX se rapporte à l’exécution du contrat la liant à la SCI A D, objet même du litige soumis par cette dernière au tribunal puis à la cour, de sorte que la demande se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant et est par conséquent recevable.

Le 11 mars 2013, le troisième appel de fonds d’un montant de 64.750 euros a été transmis à la SCI A D par la XXX, avec en copie l’attestation du maître d''uvre confirmant la mise hors d’eau de l’immeuble.

L’acte authentique prévoyait effectivement que la somme de 64.750 euros serait due au moment où l’immeuble serait « hors d’eau ».

Il est établi que la SCI A D n’a réglé la somme que le 21 juin 2013, après un rappel.

L’acte authentique de vente prévoyait en son article 6 que « toute somme formant partie du prix qui ne serait pas payée à son exacte échéance serait, de plein droit et sans qu’il soit besoin d’une mise en demeure, passible d’un intérêt de un pour cent par mois de retard, tout mois commencé étant compté en entier. »

Néanmoins, la SCI A D revendique à juste titre l’exception d’inexécution puisque le 24 mai 2013, date à laquelle la XXX sollicite paiement des majorations prévues à l’article 6 du contrat, elle est elle-même en retard de cinq mois dans l’exécution de ses propres engagements.

Au vu de ces éléments, il convient de débouter la XXX de sa demande.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de la solution du litige, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la XXX à supporter les dépens de première instance.

La somme allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile apparaît excessive et sera réduite à la somme de 2.500 euros pour les frais irrépétibles engagés tant en première instance qu’en appel.

La demande formée à ce titre par la XXX sera, quant à elle, rejetée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement en ce qu’il a débouté la SCI A D de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et condamné la XXX aux dépens de première instance,

L’INFIRME pour le surplus,

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT,

CONDAMNE la XXX à payer à la SCI A D la somme de 3.959,98 euros au titre de la perte de chance de percevoir des loyers,

DEBOUTE la SCI A D de sa demande formée au titre des intérêts intercalaires,

DIT la XXX recevable en sa demande reconventionnelle,

DEBOUTE la XXX de sa demande formée au titre des majorations de retard,

DEBOUTE la XXX de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la XXX à payer à la SCI A D la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la XXX aux dépens d’appel avec droit de recouvrement direct au profit des avocats en ayant fait la demande, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

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