Cour d'appel de Rouen, Chambre de la proximité, 25 janvier 2018, n° 17/00499

  • Déchéance du terme·
  • Prêt·
  • Banque·
  • Paiement·
  • Finances·
  • Sociétés·
  • Intérêt·
  • Endettement·
  • Mise en demeure·
  • Mise en garde

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. de la proximité, 25 janv. 2018, n° 17/00499
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 17/00499
Décision précédente : Tribunal d'instance de Rouen, 12 décembre 2016
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 17/00499

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ

ARRÊT DU 25 JANVIER 2018

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du TRIBUNAL D’INSTANCE DE ROUEN du 13 Décembre 2016

APPELANTS :

Monsieur Z Y

né le […] à […]

[…]

[…]

Représenté et assisté de Me Anne THIRION – CASONI, avocat au barreau de ROUEN, substitué par Me GRECH, avocat au barreau de ROUEN

Madame B Y née X

née le […] à […]

[…]

[…]

Représentée et assistée de Me Anne THIRION – CASONI, avocat au barreau de ROUEN, substitué par Me GRECH, avocat au barreau de ROUEN

INTIMÉE :

SA CA CONSUMER FINANCE

[…]

[…]

Représenté par Me Vincent BEUX-PRERE, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 27 Novembre 2017 sans opposition des avocats devant Mme LEPELTIER-DUREL, Présidente rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEPELTIER-DUREL, Présidente

Madame LABAYE, Conseiller

Madame DELAHAYE, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Mme DUPONT, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 27 Novembre 2017, où l’affaire a été mise en délibéré au 25 Janvier 2018

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement le 25 Janvier 2018, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

Signé par Mme LEPELTIER-DUREL, Présidente et par Mme DUPONT, Greffier.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Suivant offre de rachat de crédit du 7 octobre 2011, la société CA CONSUMER FINANCE (CACF) a consenti à M. Z Y et Mme B C épouse Y un prêt personnel d’un montant de 34.650 euros remboursable en 144 mensualités de 373,32 euros hors assurance (459,93 euros assurance comprise) moyennant un taux d’intérêt annuel fixe de 7,620 % (TAEG de 9,250 %).

Sur la demande des emprunteurs, par ordonnance du 27 juin 2013, le juge d’instance de Dieppe a suspendu l’exécution des obligations des époux Y à l’égard de la société CACF et de la société d’assurance APRIL pour une durée de 18 mois, soit jusqu’au 27 décembre 2014 et dit que, pendant cette période, les sommes dues ne produiront pas d’intérêts.

Par courriers recommandés du 22 janvier 2015, le service contentieux RAC COURTAGE CACF a prononcé la déchéance du terme et a mis en demeure chacun des époux Y de régler la somme de 39.120,28 euros.

Sur assignation du 15 mai 2015 de la société CACF par M. et Mme Y, par jugement du 13 décembre 2016, le tribunal d’instance de Rouen a :

— prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société CACF à compter de la conclusion du contrat,

— condamné solidairement M. et Mme Y à payer à la société CACF la somme de 30.716,80 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2015,

— rejeté les autres demandes,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

— condamné in solidum M. et Mme Y aux dépens.

M. et Mme Y ont interjeté appel de cette décision par déclaration reçue au greffe le 31 janvier 2017.

Dans leurs dernières écritures notifiées le 20 octobre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, ils ont conclu à la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la déchéance des intérêts et à son infirmation pour le reste. Ils demandent à la cour de :

— juger irrégulière la déchéance du terme du 22 janvier 2015 et débouter la société CACF de sa demande en paiement,

— lui enjoindre de produire un échéancier rectifié après déchéance du taux contractuel,

— la condamner à procéder à la mainlevée de l’inscription au FICP sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

— la condamner au paiement de la somme de 5.000 euros à chacun d’entre eux pour manquement au devoir de mise en garde,

— la condamner au paiement de celle de 2. 000 euros à chacun d’entre eux pour faute commise dans la gestion du suivi du prêt,

— subsidiairement, si la déchéance du prêt était maintenue, leur accorder des délais de paiement de 23 mensualités de 380 euros, le solde étant payé le 24 ème mois,

— condamner la société CACF au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens dont distraction au profit de Maître Thirion Casoni, avocat.

A l’appui de leurs demandes, ils font valoir que la déchéance du droit aux intérêts faute pour la société CACF de n’avoir pas consulté le fichier des incidents de paiement avant l’octroi du prêt doit être confirmée, que la déchéance du terme est irrégulière aux motifs qu’elle émane d’une personne qui, n’étant pas le créancier, n’a pas qualité pour agir, qu’elle n’a pas été précédée d’une mise en demeure et qu’il n’est pas justifié d’un défaut de paiement en janvier 2015, soit à l’issue de la suspension du paiement des échéances. Enfin, ils se prévalent d’un défaut de mise en garde de la banque sur le risque d’endettement au vu de leurs revenus, de leur patrimoine et de leur engagement pour un prêt immobilier dont les échéances étaient de 896 euros par mois et d’une faute de la banque qui n’a pas repris l’échéancier de remboursement de leur prêt par prélèvement en janvier 2015.

Les conclusions de la société CACF n’ayant pas été notifiées dans le délai légal de l’article 909 du code de procédure civile ont été déclarées irrecevables par ordonnance du 5 juillet 2017.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 16 novembre 2017.

MOTIFS de la DÉCISION

Sur la déchéance du terme

Le premier juge a justement considéré que le service contentieux qui a prononcé la déchéance du terme, dénommé RAC Courtage CACF, est un service rattaché au prêteur et que les courriers prononçant la déchéance du terme visaient le numéro du prêt accordé aux époux Y. Il en a déduit à bon droit que celle-ci était valablement prononcée par le créancier.

Le rejet de ce moyen par le premier juge sera confirmé.

En revanche, il résulte des pièces du dossier que le prononcé de la déchéance du terme n’a pas été précédé d’une mise en demeure de régulariser une échéance impayée octroyant un délai aux emprunteurs pour y procéder. Les lettres adressées à chacun des époux Y le 22 janvier 2015, bien que dénommées 'mises en demeure’ visent en réalité à prononcer la déchéance du terme et à réclamer le paiement immédiat de la somme de 39 120,28 euros.

Or, si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

En l’espèce, l’examen du contrat de crédit ne révèle aucune clause dispensant expressément le prêteur de l’envoi d’une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme.

Dès lors, faute pour la société CACF d’avoir adressé à M. et Mme Y, avant l’envoi des lettres du 22 janvier 2015 prononçant la déchéance du terme une mise en demeure préalable restée sans effet, et précisant le délai dont disposaient ceux-ci pour y faire obstacle, elle ne peut se prévaloir de la déchéance du terme de ce contrat et réclamer aux époux Y le solde du prêt.

En revanche, le contrat de crédit continuant à s’exécuter, elle peut réclamer les éventuelles échéances impayées. Mais faute de présentation de décompte dans la mesure où la société CACF, étant irrecevable à conclure, ses pièces doivent être écartées des débats, la cour n’est pas en mesure de déterminer la somme éventuellement due à ce titre.

La banque sera donc déboutée de sa demande en paiement au titre du prêt consenti le 7 octobre 2011.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point du litige.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Le premier juge a rappelé les dispositions des articles L.312-16, L.333-4 et L.333-5 devenus L.751-1 et L.751-6 du code de la consommation imposant au prêteur de vérifier la solvabilité des emprunteurs notamment en consultant le fichier des incidents de paiement et celles de l’article L.341-2 du même code prévoyant la sanction de la déchéance du droit aux intérêts dans le cas où ces obligations ne sont pas respectées.

Ayant constaté que la société CACF ne justifiait pas avoir consulté ledit fichier et ne s’était pas assurée de la solvabilité des emprunteurs en leur demandant de produire des pièces établissant leurs revenus et charges, par des motifs que la cour adopte, le premier juge en a déduit qu’elle était déchue du droit aux intérêts conventionnels du prêt.

Cette disposition du jugement entrepris sera confirmée et la banque devra produire aux emprunteurs un échéancier rectifié du remboursement du prêt.

Sur les demandes de dommages et intérêts des époux Y

M. et Mme Y demandent la condamnation de la banque à leur payer les sommes de 5 000 euros chacun et 2 000 euros chacun à titre de dommages et intérêts pour le préjudice constitué par la perte d’une chance de ne pas contracter et causé par un manquement au devoir de mise en garde et pour celui causé par la non-reprise des prélèvements des échéances du prêt à l’issue de la période de suspension de leur paiement qui a entraîné le prononcé injustifié de la déchéance du terme, des poursuites par huissier et leur inscription au fichier des incidents de paiement (FICP).

Le premier juge a exactement rappelé les dispositions de l’article 1147 du code civil applicable lors

de la conclusion du contrat (actuels articles 1217 et 1231-1 du même code) prévoyant le paiement de dommages et intérêts en cas d’inexécution de ses obligations par un contractant, l’obligation de la banque de mettre en garde l’emprunteur profane contre le risque d’endettement excessif et la nature du préjudice subi en cas de non-respect de cette obligation, à savoir la perte de chance de ne pas contracter. Il a également rappelé qu’il appartenait à celui qui invoquait le devoir de mise en garde de justifier de l’existence du risque lors de la soucription du prêt.

En l’espèce, selon avis d’imposition 2012, les époux Y ont perçu en 2011 un revenu imposable de 37 595 euros soit 3 132 euros par mois. Ils avaient alors 1 enfant à charge et justifient devant la cour qu’ils avaient à leur charge des échéances de divers prêts immobiliers contractés pour l’acquisition de leur maison s’élevant à la somme totale de 885,05 euros. En ajoutant l’échéance du prêt litigieux, soit la somme de 373,32 euros, leur endettement était de 40 %. Cependant, outre qu’il n’est pas établi que la banque ait été informée de l’existence des prêts immobiliers, il ne peut être considéré que le risque d’endettement était excessif d’autant plus qu’y étaient déjà inclus les frais de logement.

Sur ce point du litige, le rejet du moyen soulevé par les époux Y sera confirmé.

S’agissant de la faute de gestion de la banque, les époux Y établissent par la production de leur relevé de compte de janvier 2012 que l’échéance du prêt litigieux, soit la somme de 373,32 euros était prélevée le 10 du mois par le service RAC Courtage CACF.

Or, par ordonnance du 27 juin 2013, ils ont obtenu la suspension du paiement des échéances jusqu’au 27 décembre 2014.

Et c’est sans même tenter un prélèvement de l’échéance de janvier 2015 et sans réclamer son paiement aux époux Y que la banque leur a adressé dès le 22 janvier 2015 un courrier prononçant la déchéance du terme et ce, de façon injustifiée.

La gestion de ce dossier par la banque est ainsi constitutive d’une faute qui a occasionné un préjudice moral dû au stress ainsi engendré, au souci de devoir entreprendre des démarches auprès de la banque ainsi qu’en attestent les courriers de leur conseil proposant dès février 2015 la reprise du versement des échéances et à leur inscription au FICP.

Ce préjudice sera réparé par l’allocation de dommages et intérêts qu’il convient de mettre à la charge de la banque à hauteur de 1 500 euros pour les deux époux pris ensemble.

La décision de première instance sera infirmée sur ce point du litige.

Sur les autres demandes

La déchéance du terme étant irrégulière, les époux Y ne sont pas dans la situation d’un incident de paiement. Il convient donc d’ordonner à la banque de procéder à la mainlevée de leur inscription au FICP dans le délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 30 euros par jour de retard, passé ce délai.

Le prêt reprenant son cours, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de délais.

La banque succombe en ses demandes et aura donc la charge des dépens de première instance et d’appel. La disposition du jugement entrepris relative aux dépens sera donc infirmée. Il serait en outre inéquitable de laisser à la seule charge des époux Y les frais irrépétibles qu’ils ont dû exposer dans la procédure. La banque devra leur payer une indemnité de 1 500 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société CA Consumer Finance au titre du prêt n° 81370211644 souscrit par M. Z Y et Mme B C épouse Y,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la déchéance du terme a été irrégulièrement prononcée,

Déboute en conséquence la société CA Consumer Finance de ses demandes de paiement et lui enjoint de présenter à M. Z Y et Mme B C épouse Y un échéancier de remboursement du prêt rectifié,

Condamne la société CA Consumer Finance à payer à M. Z Y et Mme B C épouse Y pris ensemble la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts,

Enjoint à la société CA Consumer Finance de faire procéder à la mainlevée de l’inscription de M. Z Y et Mme B C épouse Y au FICP dans le délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 30 euros par jour de retard, passé ce délai,

Condamne la société CA Consumer Finance à payer à M. Z Y et Mme B C épouse Y la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens de première instance et d’appel et accorde droit de recouvrement direct à Maître Thirion-Casoni, avocat, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.

Le Greffier La Présidente

*

* *

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Rouen, Chambre de la proximité, 25 janvier 2018, n° 17/00499