Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 10 novembre 2021, n° 20/01018

  • Expropriation·
  • Parcelle·
  • Réseau·
  • Commune·
  • Terrain à bâtir·
  • Plan·
  • Aménagement d'ensemble·
  • Documents d’urbanisme·
  • Commissaire du gouvernement·
  • Gouvernement

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Rouen, 1re ch. civ., 10 nov. 2021, n° 20/01018
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 20/01018
Décision précédente : Tribunal judiciaire d'Évreux, EXPRO, 16 février 2020, N° 19/00002
Dispositif : Réouverture des débats

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 20/01018 – N° Portalis DBV2-V-B7E-INZN

COUR D’APPEL DE ROUEN

1re CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2021

EXPROPRIATION

DÉCISION DÉFÉRÉE :

[…]

Juge de l’expropriation d’Evreux du 17 février 2020

APPELANTS – PARTIE EXPROPRIÉE :

Monsieur Z X

né le […] à ELBEUF

[…]

[…]

représenté et assisté par Me Michel BARON de la Scp BARON COSSE ANDRE, avocat au barreau de l’Eure

Madame A B épouse X

née le […] à GENNEVILLIERS

[…]

[…]

représentée par Me Michel BARON de la Scp BARON COSSE ANDRE, avocat au barreau de l’Eure

INTIMES – PARTIE EXPROPRIANTE :

COMMUNE DE MARTOT

[…]

[…]

représentée et assistée par Me Jean-Christophe LE COUSTUMER de la Selarl AUGER VIELPEAU LE COUSTUMER, avocat au barreau du Havre

EN PRESENCE DE :

MONSIEUR LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

Direction Régionale des Finances Publiques – France Domaine

— […]

[…]

représenté par M. Jérôme GUINEL, inspecteur des finances publiques

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU PRONONCÉ :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 30 août 2021 sans opposition des avocats devant Mme Edwige WITTRANT, présidente, en présence de Mme Jocelyne LABAYE, rapporteur

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Jocelyne LABAYE, conseillère

M. Jean-François MELLET, conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme C D,

DEBATS :

A l’audience publique du 30 août 2021, où l’affaire a été mise en délibéré au 10 novembre 2021

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 10 novembre 2021, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme D, greffier.

* * * * **

La commune de Martot, 579 habitants, a initié depuis 2007 une opération visant à la création d’un lotissement communal au niveau d’un secteur situé entre la rue de la Garenne et la voie départementale n°321 dite route d’Elbeuf, sur une superficie totale d’environ 3,8 ha.

L’objectif est de créer un quartier d’habitat mixte avec un parc de logements sociaux et des lots à bâtir en accession libre afin d’accueillir une nouvelle population et permettre, en favorisant l’accueil de jeunes ménages, le renouvellement de la population.

La commune de Martot est déjà propriétaire de certaines des parcelles qui accueilleront le futur lotissement mais le projet impacte également les parcelles […], propriété

des époux X.

Après l’enquête publique du 22 juin 2017 au 06 juillet 2017, un arrêté de déclaration d’utilité publique a été pris le 02 octobre 2017, un arrêté du même jour a déclaré cessibles les parcelles des époux X.

L’ordonnance d’expropriation a été rendue le 29 janvier 2019.

La commune de Martot a notifié aux époux X une offre indemnitaire à hauteur de 243 379 euros, offre qui a été refusée le 13 septembre 2019.

Les négociations amiables n’ayant pu aboutir pour ces deux parcelles, la commune de Martot a sollicité en application de l’article R 311-9 du code de l’expropriation la fixation judiciaire des indemnités concernant la propriété des époux X.

La commune a maintenu son offre à hauteur de 243 379 euros, les époux X sollicitant une somme de 1 820 000 euros au titre de l’indemnité principale et celle de 184 000 euros au titre de l’indemnité de remploi.

Après transport sur les lieux, le juge de l’expropriation de l’Eure, par jugement du 17 février 2010, a :

— fixé à 243 379 euros le montant total de l’indemnité d’expropriation revenant à M. Z X et à Mme A X, propriétaires des parcelles expropriées, cadastrées […] d’une superficie de 6830 m² et cadastrées section […] d’une surface de 6170 m², en nature d’herbage, sur la commune de Martot,

— débouté les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la commune de Martot à supporter les dépens,

— rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

M. Z X et Mme A B épouse X ont interjeté appel du jugement par déclaration au greffe en date du 24 février 2020.

*****

Par conclusions du 23 avril 2020 notifiées par le greffe par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 22 mai 2020 et conclusions du 22 septembre 2020 notifiées le jour même aux autres parties, les appelants demandent à la cour de :

— les déclarer recevables et bien fondés en leur appel du jugement entrepris qui a fixé à la somme totale de 243 379 euros le montant de l’indemnité d’expropriation leur revenant au titre de l’expropriation des parcelles situées sur le territoire de cette commune, cadastrées […] d’une superficie de 6 830 m², et […] d’une superficie de 6 162 m², et a débouté les parties à l’instance de leur demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

en conséquence,

— fixer le montant de l’indemnité d’expropriation à la somme totale de 2 004 000 euros, remploi compris,

— condamner la commune de Martot au paiement d’une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles engagés par eux en première instance, outre la somme complémentaire de 3 000 euros au titre des frais engagés en cause d’appel,

— condamner la commune de Martot en tous les dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions du 20 août 2020 notifiées par le greffe par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du jour même et conclusions du 22 avril 2021, notifiées le 23 avril suivant aux autres parties, au visa des articles 542 et 954 du code de procédure civile, la commune de Martot demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et de débouter les époux X de toutes leurs demandes.

Par conclusions du 04 août 2020 notifiées par le greffe par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 05 août 2020, le commissaire du Gouvernement demande à la cour de rejeter les conclusions présentées par les époux X et de fixer l’indemnisation totale qui leur est due à la somme de 243 379 euros.

MOTIFS

Sur la procédure en cause d’appel

La commune soutient que, contrairement à ce qu’exigent les articles 542 et 954 du code de procédure civile, ni la déclaration d’appel, ni les conclusions des appelants ne contiennent de prétentions tendant à l’infirmation ou la réformation du jugement contesté, or, la cour ne peut statuer que sur le dispositif des conclusions d’appel. En ne sollicitant pas la réformation ou l’infirmation du jugement dans leur dispositif, les appelants n’ont donc pas formulé de prétentions relevant de l’office du juge d’appel et le jugement ne peut qu’être confirmé.

Les appelants répliquent que l’article 954 du code de procédure civile n’est pas applicable du fait que, selon les dispositions du code de l’expropriation, seules applicables, il n’y a pas de représentation obligatoire par avocat ni devant le juge de l’expropriation ni devant la cour d’appel. Ils ajoutent demander la réformation du jugement dans le corps des conclusions même si ce n’est pas repris dans le dispositif de celles-ci.

Selon l’article R 311-9 alinéa 2 du code de l’expropriation, issu du décret du 11 décembre 2019, entré en vigueur le 01 janvier 2020, les parties sont tenues de constituer avocat. L’Etat, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.

La constitution d’avocat est donc obligatoire tant devant le premier juge que devant la cour d’appel en matière d’expropriation, les dispositions des articles du code de procédure civile en matière de représentation obligatoire sont applicables, sous réserve des textes spécifiques du code de l’expropriation.

Le dispositif des écritures des appelants ne vise pas expressément l’infirmation du jugement attaqué, mais liste les dispositions du jugement dont les époux X font appel dont la fixation à la somme totale de 243 379 euros le montant de l’indemnité d’expropriation et demande de fixer le montant de l’indemnité d’expropriation à la somme totale de 2 004 000 ', ce qui peut s’analyser comme une critique du jugement ayant rejeté les demandes présentées devant le premier juge du même montant.

En tout état de cause, s’il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que, lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation ni

l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement, il doit être observé que la Cour de cassation dans son arrêt du 17 septembre 2020 a expressément réservé cette interprétation nouvelle des dispositions issues du décret n°2007-891 du 6 mai 2017 aux déclarations d’appel postérieures à la date de sa décision. Or, en l’espèce, la déclaration d’appel a été formée le 24 février 2020 ; les dispositions précitées ne sont donc pas applicables. La cour est donc saisie de prétentions sur lesquelles elle doit statuer sans uniquement confirmer le jugement.

Sur l’indemnité discutée

Pour les époux X, la qualification de terrain à bâtir emporte reconnaissance de la suffisance des réseaux : le premier juge ne pouvait donc pas, sans méconnaître la définition même du terrain à bâtir, retenir qu’il pouvait y avoir une incertitude sur la suffisance des réseaux et leur capacité. Le plan local d’urbanisme ne prévoit pas que la zone en question soit réservée à la réalisation d’un quartier de quarante logements ni que sa constructibilité soit subordonnée à la réalisation d’une opération d’aménagement d’ensemble.

Les possibilités effectives de construction et les restrictions éventuelles au droit de construire, se déterminent uniquement par référence au règlement de la zone du plan local d’urbanisme et aux OAP, orientations d’aménagement et de programmation, quand elles existent. Ce type de document à caractère opérationnel est en effet opposable à tout demandeur à une opération d’aménagement, mais en espèce, le plan local d’urbanisme de la commune de Martot ne comporte pas d’OAP ni de restriction au droit de construire. Ils considèrent que le projet de lotissement communal décrit dans la note de présentation du dossier de modification n°2 du plan local d’urbanisme et dans le dossier d’enquête publique, n’est pas un document d’urbanisme opposable, pouvant créer des limitations ou restrictions administratives au droit de construire. Pour les époux X, le commissaire du Gouvernement invoque à tort le Projet d’Aménagement et de Développement Durable de la Commune de Martot (PADD) et le Schéma de Cohérence et d’Orientation du Territoire (SCOT).

Les appelants font valoir qu’à la date de référence, les deux parcelles expropriées, sont immédiatement divisibles et constructibles, sans qu’il soit nécessaire de prévoir de quelconques équipements complémentaires, notamment des équipements internes à la zone, qui ne sont nullement obligatoires.

Ils critiquent les termes de comparaison proposés tant par la commune que par le commissaire du Gouvernement qui ne portent pas, selon eux, sur des biens comparables aux parcelles expropriées. Ils fournissent leurs propres termes de comparaison, ce qui leur permet de déterminer une valeur moyenne de 119,52 euros/m² pour des parcelles dont les caractéristiques sont exactement identiques à celles qui sont expropriées, terrains à bâtir et à lotir à vocation d’habitat individuel. Toutefois, cette moyenne ne traduirait pas la valeur réelle de leurs parcelles et ils estiment que l’absence totale d’offre de terrains à bâtir sur la commune de Martot, la proximité des réseaux, la possibilité de raccordement direct au tout à l’égout, sont des facteurs de plus-value supplémentaire, les autorisant à revendiquer une valeur au m² de 140 '.

Pour la Commune, dans son jugement du 17 février 2019, le juge de l’expropriation a justement retenu que les terrains expropriés sont situés dans une zone classée 1AUc au plan local d’urbanisme et que ledit plan réserve la zone en question à la réalisation d’une opération d’ensemble.

Elle souligne que le plan local d’urbanisme vise bien le schéma d’aménagement qui est intégré à la notice et au dossier de plan local d’urbanisme devant servir de base au projet

opérationnel de la commune. Ce schéma d’aménagement de mars 2016 est donc parfaitement opposable à toute demande d’autorisation de construire sur la zone 1AUc en question, et ce, à l’égal du règlement de la zone en question. Il n’est donc juridiquement pas envisageable, sous l’empire du plan local d’urbanisme applicable au 22 juin 2016, de procéder à une division en vue de construire sur les terrains concernés, compte tenu de l’obligation juridique de réaliser une opération d’ensemble.

Il en résulte, selon la commune, que les termes de comparaison invoqués par les époux X ne peuvent être retenus s’agissant de transactions sur des terrains tous inférieurs à 1 000 m² et des terrains individuels aménagés prêts à recevoir une construction individuelle. La valeur de 140 euros/m² serait celle d’un terrain de 250 m² situé dans une zone classée en zone UB au document d’urbanisme applicable, soit une zone urbanisée.

Le montant de l’indemnisation principale, pour cette surface de 13 000 m², doit donc être déterminé au regard de l’usage juridiquement possible du terrain, soit au regard de l’opération d’aménagement d’ensemble qui peut seule y être réalisée et pour une emprise foncière non aménagée, car non aménageable, pour la vente de lots de quelques centaines de mètres carrés permettant qu’y soient réalisés des constructions individuelles. Les parcelles des époux X ne pourront être viabilisées qu’à la suite de l’engagement de coûts importants, estimés à 876 000 euros dans le cadre de la procédure de déclaration d’utilité publique. Ainsi, la valeur de 17 euros/m² qu’elle a proposée, retenue par le juge de I’expropriation, ne peut qu’être confirmée par la cour selon l’intimée.

Le commissaire du Gouvernement rappelle les dispositions de l’ancien article R 123-6 du Code de l’Urbanisme. Il relève que les terrains à bâtir des zones AU du plan local d’urbanisme de Martot sont constructibles juridiquement, sous réserve que leur aménagement soit compris dans une opération d’ensemble et que celle ci respecte entre autres les orientations définies dans le Projet d’Aménagement et de Développement Durable de la Commune de Martot (PADD), le Schéma de Cohérence et d’Orientation du Territoire (SCOT), et le règlement de la zone au PLU.

Il remarque que le plan local d’urbanisme de la commune de Martot, modifié le 24 mars 2016, précise en annexe que ces terrains sont destinés à la réalisation d’un quartier de quarante logements environ dont six sociaux, en cohérence avec le PADD et les objectifs de mixité sociale du SCOT. Il y est également précisé que la commune de Martot se chargera de la réalisation du lotissement, un schéma d’aménagement de celui ci est même intégré à la notice et au dossier de plan local d’urbanisme.

Le raisonnement des époux X se basant sur une possible vente à la découpe de particulier à particulier, sans aménagement ni travaux, est donc erroné et les termes de comparaison qu’ils citent, inappropriés. En effet, en imposant une opération d’ensemble, la réglementation applicable à la zone AU induit pour les grands terrains des coûts d’aménagement élevés qui ne concernent pas ou peu les petits terrains déjà lotis, par exemple pour la création des voies de circulations, des trottoirs, des espaces verts. En conséquence, seuls des terrains de grande contenance peuvent être retenus comme comparables car eux seuls sont susceptibles de supporter des coûts d’aménagement similaires. Le commissaire du Gouvernement propose en conséquence à la cour de maintenir l’indemnité principale allouée par le juge soit 221 000 euros et de fixer l’indemnité de remploi à 22 600 euros.

**

Selon l’article L 321-1 du code de l’expropriation, les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation ; selon l’article L 321-3 du même code, le jugement distingue, notamment, dans la somme allouée à chaque

intéressé, l’indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées. L’article L 322-1 du même code indique que le juge fixe le montant des indemnités d’après la consistance des biens à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété, mais l’article L322-2 précise que les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, et que, sous réserve de l’application des dispositions des articles L. 322-3 à L. 322-6, est seul pris en considération l’usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l’ouverture de l’enquête prévue à l’article L. 1 ou, dans le cas prévu à l’article L. 122-4, un an avant la déclaration d’utilité publique.

Selon les articles L322-3 et L 322-4, la qualification de terrains à bâtir, est réservée aux terrains qui, un an avant l’ouverture de l’enquête prévue à l’article L. 1 ou, dans le cas prévu à l’article L. 122-4, un an avant la déclaration d’utilité publique, sont, quelle que soit leur utilisation, à la fois :

1° situés dans un secteur désigné comme constructible par un plan d’occupation des sols, un plan local d’urbanisme, un document d’urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale,

2° effectivement desservis par une voie d’accès, un réseau électrique, un réseau d’eau potable et, dans la mesure où les règles relatives à l’urbanisme et à la santé publique l’exigent pour construire sur ces terrains, un réseau d’assainissement, à condition que ces divers réseaux soient situés à proximité immédiate des terrains en cause et soient de dimensions adaptées à la capacité de construction de ces terrains.

Lorsqu’il s’agit de terrains situés dans une zone désignée par un plan d’occupation des sols, un plan local d’urbanisme, un document d’urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, comme devant faire l’objet d’une opération d’aménagement d’ensemble, la dimension de ces réseaux est appréciée au regard de l’ensemble de la zone.

L’évaluation des terrains à bâtir tient compte des possibilités légales et effectives de construction qui existaient à la date de référence prévue à l’article L. 322-3, de la capacité des équipements mentionnés à cet article, des servitudes affectant l’utilisation des sols.

Enfin, il résulte de l’article L322-6 que, lorsqu’il s’agit de l’expropriation d’un terrain compris dans un emplacement réservé par un plan local d’urbanisme, par un document d’urbanisme en tenant lieu, ou par un plan d’occupation des sols, le terrain est considéré, pour son évaluation, comme ayant cessé d’être compris dans un emplacement réservé. La date de référence prévue à l’article L. 322-3 est celle de l’acte le plus récent rendant opposable le plan local d’urbanisme, le document d’urbanisme en tenant lieu ou le plan d’occupation des sols et délimitant la zone dans laquelle est situé l’emplacement réservé.

Les parties ne contestent pas la date de référence retenue par le juge de l’expropriation soit le 22 juin 2016, un an avant l’ouverture de l’enquête publique, le jugement sera confirmé sur ce point.

Le bien exproprié est un terrain en nature de friche ou d’herbage, formant un 'L’ aux branches d’environ 185 mètres et 110 mètres, bordé par la rue de la Garenne sur toute la longueur et par la départementale n° 321 sur un petit côté (sur 20 mètres environ). Il est constitué de deux parcelles, une parcelle ZA 197 d’une contenance de 6 830 m² et la parcelle mitoyenne B 525 d’une contenance de 6 170 m², soit une contenance totale de 13 000 m². Les parcelles appartiennent aux époux X qui les ont acquises en décembre 2010, pour 60 090 ' soit 4,62 euros/m². Elles sont classées en zone AUc, le secteur AUc étant destiné à accueillir le développement immédiat de la commune, en centre bourg, il est destiné à recevoir des constructions à usage d’habitation, ainsi que les activités et services nécessaires à la vie sociale, et à prolonger la densité du centre-bourg.

Les parties estiment, ce qu’a aussi retenu le premier juge, que les parcelles doivent recevoir la qualification de terrain à bâtir des parcelles expropriées, du fait de leur situation dans une zone désignée comme juridiquement constructible au plan local d’urbanisme : selon la dernière modification du plan local d’urbanisme, approuvée par délibération en date du 24 mars 2016, la commune a classé ces parcelles expropriées en zone 1 AUc, en outre, les parcelles sont immédiatement desservies par une voie publique (rue de la Garenne), un réseau électrique, un réseau d’eau potable, un réseau d’assainissement collectif.

Toutefois, les prétentions des parties divergent quant à l’appréciation des possibilités légales de construction des terrains expropriés et, en conséquence, sur l’évaluation de l’indemnisation de l’expropriation de ceux-ci.

Le premier juge a estimé que les parcelles expropriées bénéficient des réseaux d’eau et d’électricité à proximité de la voirie existante tout en ajoutant qu’il n’était pas justifié pour autant de la capacité des réseaux existant les desservant et de leur adaptation à l’ensemble de la zone qui a vocation à créer une quarantaine de logements et que, s’agissant de deux parcelles incluses dans une zone d’aménagement d’ensemble, l’appréciation de la qualité des réseaux doit se faire pour l’ensemble de la zone.

La qualification de terrain à bâtir suppose, selon l’article L 322-3 du code de l’expropriation, que les divers réseaux soient situés à proximité immédiate des terrains en cause et soient de dimensions adaptées à la capacité de construction de ces terrains, étant précisé que, s’il s’agit de terrains situés dans une zone comme devant faire l’objet d’une opération d’aménagement d’ensemble, la dimension de ces réseaux est appréciée au regard de l’ensemble de la zone.

Le premier juge a noté que les expropriés, qui retiennent la qualification de terrain à bâtir et non à lotir, déterminent néanmoins la valeur de leur parcelle en recherchant son potentiel de construction effectif, en estimant le nombre de lots constructibles et en se basant sur une possible vente à la découpe de particulier à particulier, sans aménagement ni travaux.

Or, le coût des travaux d’aménagement du lotissement, les coûts de viabilisation nécessaire pour rendre constructibles les lots de terrain issus de la division parcellaire, les travaux de raccordement des différents réseaux, espaces, éclairage public et autres sont évalués à 876 000 euros par la commune dans le cadre de la déclaration d’utilité publique.

Les conditions exigées par l’article L 322-3 ne seraient pas réunies si, à la date de référence les terrains expropriés, qui sont classés en zone AU, étaient, comme le soutient la Commune, inclus dans le périmètre d’une opération d’aménagement d’ensemble, la capacité des réseaux existants à la date de référence devant être appréciée par rapport à l’ensemble de la zone. La qualification de terrain à bâtir pourrait ne pas être retenue en cas de réseaux insuffisamment dimensionnés étant précisé que si la qualification de terrain à bâtir n’est pas retenue, il est possible dans certains cas si les conditions sont réunies, que la parcelle se voit reconnaître une situation privilégiée.

Il convient en conséquence d’ordonner une réouverture des débats pour inviter les parties à s’expliquer sur la qualification des parcelles expropriées au regard des explications retenues ci-dessus et notamment des dispositions de l’article L 322-3 du code de l’expropriation.

PAR CES MOTIFS,

statuant publiquement, par arrêt mixte contradictoire mis à disposition au greffe,

Déclare la cour régulièrement saisie d’une demande de réformation du jugement entrepris au visa des articles 542 et 954 du code de procédure civile,

Sur le fond, avant dire droit,

Ordonne la réouverture des débats afin que les parties s’expliquent sur la qualification à donner aux parcelles expropriées et sur les conséquences de cette qualification,

Dit que l’affaire sera rappelée à l’audience du 23 mars 2022 à 14 heures,

Dit que les parties devront avoir déposé leurs écritures au greffe, qui aura la charge de les notifier, avant le 21 février 2022,

Réserve les demandes pour le surplus et les dépens d’appel.

Le greffier La présidente

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 10 novembre 2021, n° 20/01018