Cour d'appel de Rouen, Chambre civile et commerciale, 22 septembre 2022, n° 21/01827

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. civ. et com., 22 sept. 2022, n° 21/01827
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 21/01827
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Rouen, 21 mars 2021, N° 2019003420
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 30 septembre 2022
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Texte intégral

N° RG 21/01827 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IYJK

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2019003420

TRIBUNAL DE COMMERCE DE ROUEN du 22 Mars 2021

APPELANTS :

Maître [J] [I] Es qualité de Administrateur judiciaire de la société [I]

[Adresse 7]

[Localité 9]

Maître [Y] [A] Es qualité de Mandataire judiciaire

[Adresse 2]

[Localité 9]

Maître [E] [B] Es qualité d’Administrateur judiciaire de la SELARL FHB, prise en les personnes de Maître [E] [B] et Maître [H] [N], es qualité de coadministrateur judiciaire de la société DUCASTEL

[Adresse 3]

[Localité 5]

Société DUCASTEL

[Adresse 11]

[Localité 10]

S.C.P. [P] [G] Es qualité de Mandataire judiciaire

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentés et assistés par Me Olivier BODINEAU de la SCP SILIE VERILHAC ET ASSOCIES SOCIETE D’AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Sophia ABDOU, avocat au barreau de ROUEN

INTIME :

Monsieur [U] [R]

[Adresse 6]

[Localité 8]

représenté par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN et assisté par Me Pierre CHIPEAULT, avocat au barreau de PARIS, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 25 Mai 2022 sans opposition des avocats devant M. URBANO, Conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme FOUCHER-GROS, Présidente

M. URBANO, Conseiller

M. MANHES, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DEVELET, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 25 Mai 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 22 Septembre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 22 Septembre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Mme FOUCHER-GROS, Présidente et par Mme DEVELET, Greffière.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

La S.A.S. Ducastel, exerce une activité d’achat et de revente de matériel agricole.

M. [R], exerce sous l’enseigne JPH Consulting & Partners Dist. une activité de recrutement de collaborateurs pour les entreprises faisant commerce de matériels agricoles.

Par contrat du 14 février 2018, la société Ducastel a chargé M. [R] de la recherche et du recrutement d’un chef des ventes.

Le contrat prévoit sous la rubrique « Honoraires » : « Les honoraires de JPH CONSULTING & PARTNERS Dist. pour l’exécution de ce mandat de recherche d’un Chef des Ventes Matériel Agricole basé à [Localité 12] (76), sont fixés à 20% de la rémunération brute annuelle fixe, avec un minimum forfaitaire de 4750 euros.

La facturation s’effectuera le 2ème jour de la prise de fonction du candidat recruté.

Acompte à la commande : aucun acompte n’est demandé par JPH CONSULTING PARTNERS Dist. ».

Le contrat prévoit également la clause suivante : « En cas de départ du collaborateur recruté, avant la fin de la première période d’essais, JPH CONSULTING & PARTNERS Dist. relancera les recherches pour le remplacer gratuitement.

En cas de départ du collaborateur après la fin de la première période d’essais et pendant les 3 mois qui suivent, JPH CONSULTING & PARTNERS Dist. remplacera le collaborateur une fois pour un montant de 50% du montant initial ».

Le 10 septembre 2018, M. [R] a présenté à la société Ducastel la candidature de M. [D].

Ce dernier a été embauché le 10 octobre 2018 avec une période d’essai de trois mois et il a pris ses nouvelles fonctions le 7 janvier 2019.

Le 9 janvier 2019, M. [R] a présenté sa facture de 21 024 euros.

Le 20 février 2019, M. [D] a cessé ses fonctions au sein de la société Ducastel qui n’a jamais réglé la facture présentée par M. [R].

Par ordonnance du 5 avril 2019 signifiée le 23 avril suivant, le président du tribunal de commerce de Rouen a enjoint la société Ducastel de payer à M. [R] la somme de 21 024 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2019.

La société Ducastel a formé opposition à cette ordonnance le 6 mai 2019.

Par jugement du 3 décembre 2019, le tribunal de commerce de Rouen a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Ducastel et a désigné Me [I] et la SELARL FHB, prise en la personne de Me [B] et en celle de Me [N], en qualité d’administrateurs judiciaires, par ailleurs, Me [A] et la SCP [P]-[G], prise en la personne de Me [P], ont été désignés mandataires judiciaires.

M. [R] a déclaré sa créance le 31 décembre 2019 et a fait mettre en cause les administrateurs et mandataires.

Par jugement du 22 mars 2021, le tribunal de commerce de Rouen :

— s’est déclaré compétent,

— a fixé la créance de M. [R] au passif de la procédure collective de la société Ducastel à la somme de 21,024 euros en principal, correspondant à la facture impayée n°2019-01-168 en date du 9 janvier 2019, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 27 février 2019, date de la mise en demeure de la société Ducastel,

— a débouté M. [R] de sa demande de dommages et intérêts formulée à hauteur de 3.500 euros,

— a débouté la société Ducastel de l’ensemble de ses prétentions, fins et conclusions,

— a condamné la société Ducastel à verser à M. [R] la somme de 2.500 euros au titre du 700 du code de procédure civile,

— a ordonné l’exécution provisoire,

— a condamné la société Ducastel aux dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 177,91 euros.

La société Ducastel, Me [I], Me [A], Me [B] et la SCP Diesbecq-Zolotarenko ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 29 avril 2021.

EXPOSE DES PRETENTIONS :

Vu les conclusions du 22 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments de la SARL Ducastel, M. [I] ès-qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société Ducastel, la SELARL Fhb prise en la personne de Me [B] et Me [N], Me [A] ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Ducastel, et la SCP [P]-[G] prise en la personne de Me [P] ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Ducastel qui demandent à la cour de :

— infirmer la décision de première instance rendue par le tribunal de commerce de Rouen le 22 mars 2021 en ce qu’elle a :

— s’est déclaré compétent,

— fixé la créance de M. [R] au passif de la procédure collective de la société Ducastel à la somme de 21,024 euros en principal au titre de la facture impayée du 9 janvier 2019, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 27 février 2019, date de la mise en demeure de la société Ducastel,

— débouté M. [R] de l’ensemble de ses demandes,

— condamné la société Ducastel à verser à M. [R] la somme de 2.500 euros au titre du 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire,

— condamné la société Ducastel aux dépens,

— constater que la société Ducastel a fait l’objet d’une ouverture de procédure de redressement judiciaire par jugement du 03 décembre 2019,

— constater que la créance dont se prévaut M. [R] est antérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective,

— dire que ladite procédure fait interdiction à la société Ducastel de procéder au règlement de la créance sollicitée,

— constater que la société Ducastel a régulièrement régularisé opposition à créance dont se prévaut M. [R],

— constater que M. [R] ne justifie pas de sa prétendue déclaration de créance et que par conséquent il ne justifie pas de pouvoir solliciter la reprise de l’instance,

— dire que le juge du fond n’est pas compétent pour connaître du litige,

— dire que seul le juge commissaire est compétent pour se prononcer sur la contestation de créance formée par la société Ducastel et pour décider de l’admission ou du rejet de cette créance,

— dire que la déclaration de créance réalisée par M. [R] pour le compte de la société JPH Consulting n’est pas recevable car incomplète,

— constater que, dès lors, l’instance ne saurait reprendre de plein droit,

— en conséquence, débouter M. [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions telles que contenues dans ses conclusions d’intimé portant appel incident du 22 octobre 2021,

Sur le fond,

— prononcer la résolution judiciaire du contrat litigieux souscrit le 14 février 2018 pour inexécution du contrat et pour absence de cause au titre de la clause de rémunération forfaitaire dont se prévaut M. [R],

— débouter M. [R] de sa demande en paiement,

— condamner M. [R], exerçant sous l’enseigne JPH Consulting & Partners Dist, en qualité de Président, au paiement de la somme de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi par la société Ducastel,

A titre infiniment subsidiaire,

— si la cour de céans devait entrer en voie de condamnation à l’encontre de la société Ducastel dire et juger que la clause de rémunération forfaitaire constitue une clause pénale qu’il conviendra de réduire en allouant à M. [R] la somme de 1 euros symbolique,

A titre infiniment plus subsidiaire,

— allouer à M. [R] la somme de 4.750,00 euros conformément à la base de l’honoraire minimum forfaitaire établi contractuellement entre les parties,

— ordonner la compensation des sommes dues,

En tout état de cause,

— condamner M. [R] exerçant sous l’enseigne JPH Consulting & Partners Dist, au paiement de la somme de 3.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner M. [R] exerçant sous l’enseigne JPH Consulting & Partners Dist, aux entiers dépens.

La société Ducastel soutient que :

— seul le juge commissaire est compétent pour en connaître puisque M. [R] ne justifie pas avoir déclaré sa prétendue créance en bonne et due forme alors que sa déclaration est incomplète et est dès lors irrecevable ;

— M. [R] n’a pas respecté ses obligations contractuelles en ne recherchant pas un nouveau candidat après que la société Ducastel s’est séparée de M. [D] de sorte qu’il ne peut exiger qu’elle remplisse son obligation au paiement ;

— la clause intitulée « Honoraires » constitue une clause pénale ;

— dès lors que la satisfaction de la société Ducastel quant au candidat présenté par M. [R] ne constituerait pas un critère déterminant, le contrat liant les parties est sans cause puisque M. [R] ne serait tenu d’aucune contrepartie ;

— les honoraires de M. [R] ne pouvaient être calculés que sur une rémunération due au candidat année civile complète de sorte que M. [R] ne peut prétendre à rien dès lors que M. [D] n’est resté en poste que quelques jours ;

— le seul honoraire auquel pourrait prétendre M. [R] est celui prévu de 4750 euros au minimum lequel doit être ramené à 1 euro.

Vu les conclusions du 22 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments de M. [R] qui demande à la cour de :

— confirmer le jugement du tribunal de commerce de Rouen du 22 mars 2021, en ses chefs de jugement suivants :

« -s’est déclaré compétent,

— fixé la créance de M. [R] au passif de la procédure collective de la société Ducastel à la somme de 21,024 euros en principal, correspondant à la facture impayée n°2019-01-168 en date du 9 janvier 2019, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 27 février 2019, date de la mise en demeure de la société Ducastel,

— débouté la société Ducastel de l’ensemble de ses prétentions, fins et conclusions,

— ordonné l’exécution provisoire,

— condamné la société Ducastel aux dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 177,91 euros. »,

— recevoir M. [R] en son appel incident et le dire bien fondé,

— réformer le jugement du tribunal de commerce de Rouen du 22 mars 2021, en ce qu’il a :

« -débouté M. [R] de sa demande de dommages et intérêts formulée à hauteur de de 3.500 euros,

— condamné la société Ducastel à verser à M. [R] la somme de 2.500 euros au titre du 700 du code de procédure civile, »,

Et, statuant à nouveau :

— condamner la société Ducastel à verser à M. [R] la somme de 3.500 euros pour avoir engagée sa responsabilité contractuelle envers lui, en manquant à l’obligation de paiement qui lui incombe au titre du contrat conclu entre les parties,

— condamner la société Ducastel à verser à M. [R] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause :

— débouter la société Ducastel de l’ensemble de ses prétentions, fins et conclusions,

— condamner la société Ducastel en tous les dépens de première instance et d’appel que la SELARL Gray Scolan, Avocats associés, sera autorisée à recouvrer, pour ceux la concernant conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

M. [R] soutient que :

— M. [D] a présenté sa démission et n’a pas été congédié par la société Ducastel ;

— seule la cour est compétente en la matière dès lors que l’instance était en cours au jour du redressement judiciaire de la société Ducastel et que M. [R] a bien déclaré sa créance ;

— ce point a été reconnu par la SCP [P]- [G] dans un courrier du 20 juillet 2020 ;

— la cour n’est pas juge de la prétendue irrégularité qui affecterait la déclaration de créance et que M. [R] conteste ;

— les mandataires judiciaires ont indiqué qu’ils allaient solliciter du juge commissaire qu’il constate l’existence d’une instance en cours ;

— l’ordonnance du juge commissaire du 9 mai 2021 ne comporte aucune mention d’une irrégularité qui affecterait la déclaration de créance de M. [R] ;

— la société Ducastel est bien tenue au paiement correspondant aux diligences effectuées par M. [R] et elle a, par ailleurs, reconnu sa dette en acceptant l’offre de M. [R] lui accordant des délais de paiement ;

— M. [R] a bien cherché à identifier de nouveaux candidats mais il a cessé ses recherches eu égard à la défaillance de la société Ducastel ;

— les obligations prévues par les deux clauses du contrat sont indépendantes ;

— le moyen selon lequel la clause relative aux honoraires serait une clause pénale n’a été soulevé que dernièrement et n’est pas repris sous forme de demande dans les conclusions de la société Ducastel ;

— la cause n’étant plus une notion figurant dans le code civil, l’argumentation de la société Ducastel sur ce point est inopérante alors, en outre, que le contrat liant les parties prévoyait des obligations réciproques ;

— ayant été privé de sa juste rémunération, M. [R] doit recevoir une indemnisation du préjudice moral que lui a causé la société Ducastel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 mai 2022.

MOTIVATION DE LA DECISION :

Sur l’exception d’incompétence soulevée par la société Ducastel :

L’article L622-21 du code de commerce dans sa version en vigueur du 15 février 2009 au 1er octobre 2021 disposait que : « I.-Le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17 et tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ;

2° A la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.

II.-Il arrête ou interdit également toute procédure d’exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture.

III.-Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus. »

L’article L622-22 su même code dans sa version applicable aux faits de l’espèce disposait que : « Sous réserve des dispositions de l’article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l’administrateur ou le commissaire à l’exécution du plan nommé en application de l’article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. »

L’article L624-2 du code de commerce dans sa version en vigueur du 1er juillet 2014 au 1er octobre 2021 disposait que : « Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission. ».

Il résulte des pièces de la procédure que :

— par ordonnance du 5 avril 2019, le président du tribunal de commerce de Rouen a enjoint à la société Ducastel de payer à M. [R] la somme de 21 024 euros au titre d’une facture impayée ;

— la société Ducastel a formé opposition à cette ordonnance le 6 mai 2019 ;

— l’affaire a été appelée à l’audience du tribunal de commerce de Rouen du 24 juin 2019 ;

— par jugement du 3 décembre 2019, le tribunal de commerce de Rouen a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Ducastel.

La demande en paiement formée par M. [R] contre la société Ducastel était en cours au sens de l’article L622-22 du code de commerce lorsque la société Ducastel a été placée en redressement judiciaire.

Par ordonnance du 9 mai 2021 (pièce n° 14 de M. [R]), le juge commissaire désigné dans la procédure de redressement judiciaire de la société Ducastel a indiqué:

— que M. [R] avait déclaré une créance à l’encontre de la société Ducastel de 21 024 euros à titre chirographaire sur la plateforme informatique « Créditors Services » (le 31 décembre 2019, pièce n° 8 de M. [R]) ;

— que le mandataire judiciaire avait informé M. [R] de ce qu’il solliciterait du juge commissaire que cette créance soit portée sur l’état des créances contestées avec la mention qu’une instance était en cours ;

— qu’un jugement fixant la créance de M. [R] à l’égard de la société Ducastel avait été rendu le 22 mars 2021 par le tribunal de commerce de Rouen (le jugement entrepris) ;

— que ce jugement n’étant pas définitif, il a dit que la décision, une fois passée en force de chose jugée, serait portée sur l’état des créances.

La cour constate, d’une part, qu’aucune exception de procédure ni fin de non-recevoir n’ont été soulevées par la société Ducastel et ses représentants devant le juge commissaire quant à la régularité de la déclaration de créance effectuée par M. [R] le 31 décembre 2019 et, d’autre part, que le juge commissaire a :

— considéré qu’une déclaration de créance avait été effectuée par M. [R] ;

— considéré qu’eu égard l’existence du jugement du 22 mars 2021 du tribunal de commerce de Rouen non-définitif, il ne pouvait constater l’existence de la créance de M. [R] ;

— ordonné que la décision de fond passée en force de chose jugée ayant statué sur cette créance soit portée sur l’état de créances.

Les contestations soulevées par la société Ducastel quant à la régularité de la déclaration de créance effectuée par M. [R] sont inopérantes et se heurtent aux effets de la décision du juge commissaire devant lequel elles auraient dû être soutenues et ne l’ont pas été.

Il s’ensuit que la procédure devant le tribunal de commerce, seule juridiction compétente pour connaître de l’action en paiement initialement diligentée par M. [R], a été reprise au sens de l’article L622-22 du code de commerce après que la déclaration de créance a été effectuée et alors que tous les mandataires judiciaires ont été appelés en la cause.

La décision entreprise sera confirmée en ce que le tribunal s’est déclaré compétent.

Sur la demande de résolution du contrat formée par la société Ducastel :

Le premier juge a omis de statuer sur cette demande qui lui avait été présentée.

En premier lieu, le contrat du 14 février 2018 n’est pas soumis aux dispositions antérieures à l’ordonnance du 10 février 2016 qui prévoyaient que l’obligation sans cause ne peut avoir aucun effet.

En second lieu et surtout, contrairement à ce que soutient la société Ducastel, la contrepartie des honoraires de la société JPH Consulting & Partners Dist est constituée par la recherche d’un candidat correspondant au profil du poste.

Par voie de conséquence, le jugement entrepris sera complété en ce que la demande de résolution formée par la société Ducastel doit être rejetée.

Sur la demande en fixation de créance formée par M. [R]:

Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L’article 1219 du même code prévoit que : « Une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave. »

L’article 1231-5 du même code dispose que « Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre. »

Les parties ne contestent pas que M. [R] a proposé à la société Ducastel la candidature de M. [D] en qualité de chefs des ventes et que ce dernier est entré en fonctions en cette qualité au sein de la société Ducastel le 7 janvier 2019.

Le contrat du 14 février 2018 liant la société Ducastel à M. [R] prévoit sous la rubrique « Honoraires » : « Les honoraires de JPH CONSULTING & PARTNERS Dist. pour l’exécution de ce mandat de recherche d’un Chef des Ventes Matériel Agricole basé à [Localité 12] (76), sont fixés à 20% de la rémunération brute annuelle fixe, avec un minimum forfaitaire de 4750 euros.

La facturation s’effectuera le 2ème jour de la prise de fonction du candidat recruté.

Acompte à la commande : aucun acompte n’est demandé par JPH CONSULTING PARTNERS Dist. ».

Le contrat prévoit également la clause de garantie suivante : « En cas de départ du collaborateur recruté, avant la fin de la première période d’essais, JPH CONSULTING & PARTNERS Dist. relancera les recherches pour le remplacer gratuitement.

En cas de départ du collaborateur après la fin de la première période d’essais et pendant les 3 mois qui suivent, JPH CONSULTING & PARTNERS Dist. remplacera le collaborateur une fois pour un montant de 50% du montant initial».

C’est inexactement que la société Ducastel soutient que la première de ces stipulations constituerait une clause pénale alors que ne sont nullement prévus des dommages et intérêts mais des honoraires pour l’exécution par M. [R] du contrat liant les parties.

La facture émise par M. [R] fait état d’une rémunération contractuelle de son candidat s’élevant à 7300 euros bruts par mois sur douze mois (pièce n° 4 de M. [R]) et la cour constate que la société Ducastel n’a jamais contesté cette allégation.

La même facture mentionne que le paiement devra intervenir au plus tard le mercredi 16 janvier 2019 et la cour constate en outre que la société Ducastel n’explique pas la raison pour laquelle elle a été défaillante à l’égard de M. [R] avant même que le candidat présenté par M. [R] ne quitte l’entreprise.

Les deux stipulations considérées ne sont pas dépendantes l’une de l’autre ne serait-ce que chronologiquement dès lors que M. [R] a été en droit d’émettre une facture d’honoraires dès le 9 janvier 2019 et que la société Ducastel a été débitrice de ces honoraires à compter de cette date tandis que M. [R] n’a été débiteur de son obligation de recherche qu’à compter du départ de son candidat qui n’est survenu que le 20 février 2019, date de sa démission (pièce n° 6 de M. [R]).

Ainsi, dès le 9 janvier 2019, la société Ducastel a été débitrice à l’égard de M. [R] de 20% de 7300 x 12, soit 17 520 euros (hors taxes), soit 21 024 euros TTC.

Par ailleurs, M. [R] verse aux débats un courrier électronique qu’il a adressé à la société Ducastel le 6 février 2019 acceptant un différé de paiement et la mettant en demeure de payer « sans faute » pour le 28 février 2019, ce document constituant la seule mise en demeure produite par M. [R].

L’obligation principale pesant sur M. [R], à savoir la recherche et la présentation d’un candidat au poste de chef des ventes, ayant été satisfaite dès le 7 janvier 2019, M. [R] est en droit de réclamer à la société Ducastel ses honoraires à hauteur de 21 024 euros.

Le fait que M. [R] n’ait pas procédé à la recherche d’un autre candidat, postérieurement au 20 février 2019, date de démission du candidat initialement engagé, ne saurait lui être imputé à faute et ne saurait permettre à la société Ducastel de lui opposer légitimement l’exception d’inexécution dès lors que c’est elle-même qui, à l’origine, a été défaillante et n’a pas exécuté son obligation au paiement.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a fixé la créance de M. [R] à la somme de 21 024 euros. Il sera infirmé en ce qu’il a dit que les intérêts au taux légal sont dus à compter du 27 février 2019. Les intérêts courront à compter du 28 février 2019 correspondant à l’échéance de la mise en demeure.

Sur les demandes de dommages et intérêts réciproques :

Aucune faute ni aucune inexécution ne peuvent être imputées à M. [R].

Le jugement entrepris qui a rejeté cette demande formée par la société Ducastel sera confirmé.

Si M. [R] s’est heurté à l’inexécution de ses obligations par la société Ducastel, il ne justifie d’aucun préjudice distinct du retard dans le paiement d’ores et déjà indemnisé par les intérêts au taux légal dont sa créance est assortie.

Le jugement entrepris qui a rejeté cette demande formée par M. [R] sera confirmé.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement par arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement du 22 mars 2021 du tribunal de commerce de Rouen en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a dit que les intérêts au taux légal seraient dus à compter du 27 février 2019 ;

Statuant à nouveau,

Dit que les intérêts au taux légal seront calculés sur la somme de 21 024 euros à compter du 28 février 2019 ;

Le complétant ;

Rejette la demande de résolution du contrat formée par la société Ducastel ;

Y ajoutant ;

Condamne la société Ducastel aux dépens de la procédure d’appel et accorde un droit de recouvrement direct à la SELARL Gray Scolan ;

Condamne la société Ducastel à payer à M. [R] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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Cour d'appel de Rouen, Chambre civile et commerciale, 22 septembre 2022, n° 21/01827