Cour d'appel de Rouen, 1re chambre civile, 18 janvier 2023, n° 22/01012

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, 1re ch. civ., 18 janv. 2023, n° 22/01012
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 22/01012
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Rouen, 23 février 2022, N° 20/01355
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 24 janvier 2023
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Texte intégral

N° RG 22/01012 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JBEE

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 18 JANVIER 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

20/01355

Président du tribunal judiciaire de Rouen du 24 février 2022

APPELANTS :

Monsieur [V] [T]

né le 6 janvier 1969 à Iflissen (Algérie)

[Adresse 5]

[Localité 2]

représenté et assisté par Me Pascale BADINA de la SELARL CABINET BADINA et ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen

Monsieur [D] [K]

né le 2 décembre 1968 à Iflissen (Algérie)

[Adresse 6]

[Localité 3]

représenté et assisté par Me Pascale BADINA de la SELARL CABINET BADINA et ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen

INTIMES :

Monsieur [G] [J]

né le 1er novembre 1982 à Tigzirt (Algérie)

[Adresse 1]

[Localité 7]

représenté par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de Rouen et assisté de Me DUBREIL de la SELARL DPR Associés, avocat au barreau de Rouen

Monsieur [Y] [J]

né le 30 septembre 1985 à Tigzirt (Algérie)

[Adresse 1]

[Localité 7]

représenté par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de Rouen et assisté de Me DUBREIL de la SELAR DPR Associés, avocat au barreau de Rouen

SCI F.K.

RCS de Rouen 827 469 040

[Adresse 9]

[Localité 7]

représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de Rouen et assistée par Me DUBREIL de la SELARL DPR Associés, avocat au barreau de Rouen

SARL ROQUIGNY INVESTISSEMENT

RCS de Rouen 512 799 859

[Adresse 4]

[Localité 8]

représentée et assistée par Me Jérôme VERMONT de la SELARL VERMONT TRESTARD GOMOND & ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me PESCHIUTTA

SARL QUICK GRILL

RCS de Rouen 807 955 208

[Adresse 9]

[Localité 7]

non constituée bien que régulièrement assignée par acte remis à personne habilitée le 6 mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 12 octobre 2022 sans opposition des avocats devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme [M] [E],

DEBATS :

A l’audience publique du 12 octobre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 18 janvier 2023.

ARRET :

REPUTE CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 18 janvier 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La Sarl Quick Grill, dont le siège social est situé [Adresse 9], a été constituée le 10 novembre 2014, entre M. [V] [T], M. [D] [K], M. [G] [J] et M. [Y] [J], chacun ayant 25 % des parts. Elle a pour objet social la restauration, la vente sur place ou à emporter de produites alimentaires et boissons.

M. [G] [J] a été désigné en qualité de gérant.

Par acte du 5 décembre 2014, la Sarl Quick Grill a acquis auprès de la Sasu SG, pour l’exercice de son activité, un fonds de commerce de restauration pour un montant de 27 000 euros. Au terme du même acte, elle s’est vue transférer le bail commercial dans lequel était exploité le fonds de commerce.

Selon procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du 2 janvier 2015, M. [Y] [J] a été désigné en qualité de cogérant de la société.

Par contrat de travail à durée indéterminée, établi le 1er octobre 2015, MM. [J] ont été embauchés par la société en qualité d’employés polyvalents, pour une rémunération mensuelle brute de 665,78 euros, pour un horaire mensuel de travail à temps partiel de 75,84 heures. Par avenant à leur contrat, le 1er janvier 2017, la société leur a accordé une rémunération mensuelle brute de 2 000 euros pour un horaire de travail à temps partiel de 151,67 heures.

Par acte notarié du 17 juin 2017, la Sci FK, constituée auparavant par MM. [J], a acquis les murs du fonds de commerce loué par la société Quick Grill, auprès de la Sarl Roquigny Investissements.

En raison de la mésententes entre les associés, le fonctionnement de la société a subi de nombreuses difficultés : MM. [T] et [K] ont notamment dénoncé le défaut de convocation et leur absence à une quelconque assemblée générale de la société Quick Grill, et leur méconnaissance et l’absence d’autorisation de leur part, s’agissant de l’augmentation de la rémunération de MM. [J] et de leur acquisition personnelle, par le biais de la Sci F.K., des murs loués par la société Quick Grill.

Le 13 juillet 2017, MM. [T] et [K] ont déposé plainte pour faux et usage de faux au commissariat de Rouen et de [Localité 10]. Par courrier du 17 octobre 2018, MM. [T] et [K] ont été informés du classement sans suite de leur plainte.

Par acte délivré suivant la procédure de référé d’heure à heure du 8 mars 2018, MM. [T] et [K] ont fait assigner devant le président du tribunal de commerce de Rouen, tant MM. [J] que la société Quick Grill, aux fins d’obtenir essentiellement la révocation de M. [G] [J] de ses fonctions de gérant de la société Quick Grill et la désignation provisoire de M. [V] [T] en qualité de gérant et subsidiairement, la désignation d’un mandataire ad hoc pour l’administration et la gestion de la société Quick Grill.

Par ordonnance de référé du 9 avril 2018, le président du tribunal de commerce de Rouen a partiellement fait droit à leurs prétentions, en désignant notamment Me [B] [R] aux fonctions d’administrateur provisoire afin de convoquer une assemblée générale extraordinaire, de nommer un nouveau gérant et de fixer sa rémunération.

Par déclaration reçue le 2 août 2018, MM. [J] ont formé appel de l’ordonnance du 9 avril 2018. Par arrêt du 20 juin 2019, la cour d’appel de Rouen a réformé l’ordonnance entreprise, disant n’y avoir lieu à référé et déboutant MM. [T] et [K] de l’ensemble de leur demande.

Par requête du 12 mars 2020, MM. [T] et [K] ont de nouveau saisi le président du tribunal de commerce de Rouen aux fins de voir désigner un mandataire ad hoc de la Sarl Quick Grill, pour les besoins de la procédure qu’ils entendaient engager afin d’obtenir l’annulation de la vente des murs de l’établissement par acte notarié du 17 juin 2017 et une indemnisation de leurs préjudices.

Par ordonnance du 7 avril 2020, le président du tribunal de commerce de Rouen a fait droit à cette demande, en désignant notamment Me Hervé [C], administrateur judiciaire.

Par acte d’huissier du 23 avril 2020, MM. [T] et [K] ont fait assigner MM. [J], la Sci Roquigny ainsi que la Sarl Quick Grill représentée par Me [C] en qualité de mandataire ad hoc devant le tribunal judiciaire de Rouen aux fins notamment de voir révoquer M. [G] [J] de sa fonction de gérant et d’obtenir une condamnation solidaire de MM. [J] à payer une indemnistation tant à la société qu’à ses associés.

Par acte d’huissier du 26 mai 2020, MM. [J] ont fait assigner MM. [T] et [K] et Me [C] devant le président du tribunal judiciaire de Rouen aux fins de rétractation de l’ordonnance du 7 avril 2020 ayant désigné Me [C] en qualité de mandataire ad hoc de la société.

Par ordonnance de référé du 23 septembre 2020, le président du tribunal de commerce de Rouen a rétracté l’ordonnance du 7 avril 2020, aux motifs que la requête n’invoquait pas un péril imminent ou un caractère d’urgence pouvant justifier que la décision soit prise sans respect du contradictoire, tout en soulignant qu’il existait incontestablement un conflit d’intérêts entre la société et ses dirigeants de droit.

Dans le cadre de la procédure au fond engagées par MM [T] et [K] le 23 avril 2020, par conclusions d’incident du 14 avril puis du 15 novembre 2021, MM. [J] ont saisi le juge de la mise en état en invoquant la nullité de l’acte intrductif d’instance et des fins de non-recevoir.

Par dernières conclusions du 26 janvier 2022, MM. [T] et [K] sollicitaient en réponse la désignation d’un mandataire ad hoc et le sursis à statuer sur le surplus de l’incident.

Par dernières conclusions du 25 janvier 2022, la Sarl Roquigny investissement s’associaient aux demandeurs à l’incident quant aux demandes.

Par ordonnance du 24 février 2022, le juge de la mise en état a :

— déclaré nulle l’assignation délivrée le 23 avril 2020 par MM. [T] et [K] à l’égard de la seule Sarl Quick Grill qui ne pouvait être valablement représentée par Me [C],

— constaté que MM. [T] et [K] n’avait pas qualité à agir,

— déclaré la demande irrecevable,

— condamné MM. [T] et [K] in solidum aux dépens,

— condamné MM. [T] et [K] in solidum à verser à MM. [J], à la Sci F.K. et à la Sark Roquigny investissement la somme de 1 000 euros chacun au titre des frais irrépétibles,

— rejeté toutes demandes plus amples et contraires des parties.

Par déclaration reçue au greffe le 22 mars 2022, MM. [T] et [K] ont formé appel de l’ordonnance.

Sur décision du président de chambre, le 2 mai 2022, le calendrier de procédure à bref délai prévu par les articles 905, 905-1 et 905-2 du code de procédure civile a été notifié aux appelants.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 10 octobre 2022, MM. [T] et [K] demandent à la cour, de :

— infirmer l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état, en toutes ses dispositions,

avant-dire droit,

— désigner Me [X] [C], ès qualités de mandataire ad hoc, ou tout autre qu’il plaira à la cour de désigner, pour représenter la Sarl Quick Grill dans la procédure initiée par ses associés MM. [T] et [K],

en conséquence,

— surseoir à statuer, sur les incidents formés par MM. [J] et la société FK, dans l’attente de la désignation du mandataire ad hoc et de sa constitution pour la défense des intérêts,

en tout état de cause,

— déclarer l’appel incident, caduc, irrecevable, et mal fondé,

— débouter MM. [J] et la société F.K. de leurs demandes incidentes,

— condamner solidairement MM. [J] et la société F.K. à régler à MM. [T] et [K] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au visa des dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile,

— condamner les mêmes aux dépens de la procédure de première instance ainsi qu’à régler, à M. [K] la somme de 2 000 euros et à M. [T] la somme de

2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— les condamner aux dépens de la procédure d’appel ainsi qu’à régler à M. [K] la somme de 3 000 euros et à M. [T] la somme de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

À titre préliminaire, sur l’exception d’irrecevabilité de leurs conclusions n°2, ils font valoir que les conclusions de MM. [J] et de la société FK du 27 juin portaient l’intitulé : « Conclusions d’intimés » sans mentionner l’existence d’un appel incident. Ils exposent que les motifs ou le dispositif de ces conclusions n’ont jamais mentionné la volonté des intimés de former appel incident ; que ces conclusions ne mentionnent pas expressément les chefs de l’ordonnance critiqués par l’appel incident et ne saisissent la cour d’aucune prétention se rattachant à un appel incident de l’ordonnance.

Se fondant sur l’article R. 223-32 du code de commerce, ils soutiennent que c’est à tort que le juge de la mise a rejeté la demande de désignation d’un mandataire ad hoc et statué sur la demande de nullité de l’assignation délivrée à la Sarl Quick Grill, formée par MM. [J], alors que, l’existence, avérée, et non contestée, du conflit d’intérêts entre la société et ses représentants légaux, imposait la désignation d’un mandataire ad hoc pour représenter les intérêts de la société.

Ils estiment que les représentants légaux qui n’ont pas constitué avocat pour la défense des intérêts de la Sarl Quick Grill, ne justifient d’aucun intérêt à agir en nullité de l’assignation délivrée à la société ; que leur demande est irrecevable puisque seule la société a intérêt à agir en nullité de l’acte qui lui a été délivré, conformément à l’article L. 145-46-1 du code de commerce ; que la nullité n’st pas contrairement à ce qu’a jugé le juge de la mise en état, une irrégularité de fond, mais un simple vice de forme à charge pour celui qui l’invoque de rapporter la preuve d’un grief.

Ainsi, le juge de la mise en état ne pouvait statuer sur la fin de non-recevoir relative au défaut de qualité d’intérêt à agir de MM. [T] et [K] en nullité de la vente, sans que la société Quick Grill, ne soit représentée par un mandataire ad hoc.

Nul ne peut se contredire au détriment d’autrui : ils exposent que les moyens soulevés par les demandeurs à l’incident sont irrecevables en ce que le ou les représentants légaux de la société Quick Grill se contredisent au détriment de leurs adversaires, en soutenant devant le juge de la mise en état que la demande de désignation d’un mandataire ad hoc serait irrecevable alors qu’ils ont soutenu, au nom de la Sarl Quick Grill, devant le tribunal de commerce que seul le tribunal judiciaire saisi par assignation du 23 avril 2020 était compétent pour désigner un mandataire ad hoc pour la durée de l’instance ainsi engagée.

Se prévalant des dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile, ils demandent la condamnation de MM. [J] et de la société F.K. à leur régler la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, eu égard à la particulière mauvaise foi de MM. [J].

Par dernières conclusions notifiées le 6 octobre 2022, la Sci F.K. et MM. [J] demandent à la cour, au visa des articles 31, 122, et suivants du code de procédure civile, L. 145-1 et suivants, et L. 223-22 du code de commerce, de confirmer l’ordonnance entreprise, et de :

en tout état de cause, et, au besoin, en l’infirmant en ce qu’elle a rejeté les demandes plus amples ou contraires de M. [G] [J], de M. [Y] [J] et de la Sci FK,

— dire et juger M. [D] [K] et M. [V] [T] irrecevables en leur demande tendant à l’annulation de la vente survenue le 27 juin 2017 entre la Sarl Roquigny investissement et la Sci F.K.,

— dire et juger M. [D] [K] et M. [V] [T] irrecevables en leurs demandes indemnitaires formées pour le compte de la Sarl Quick Grill non représentée à l’instance, à leur encontre, tant en leur nom personnel qu’ès qualités de gérants de droit ou de fait de la société Quick Grill ;

— dire et juger M. [D] [K] et M. [V] [T] irrecevables en leurs demandes indemnitaires formées pour leur compte propre à leur encontre, tant en leur nom personnel qu’ès qualités de gérants de droit ou de fait de la société Quick Grill ;

— dire et juger la demande indemnitaire de MM. [D] [K] et [V] [T] au titre d’un prétendu abus de droit d’agir en défense irrecevables en cause d’appel, comme nouvelle pour ne pas avoir été présentée en première instance,

— débouter MM. [T] et [K] de leurs demandes au titre de l’abus de droit d’agir en défense,

— débouter MM. [T] et [K] de leurs demandes de désignation d’un mandataire ad hoc et de sursis à statuer,

— condamner MM. [T] et [K] à payer à la Sci F.K. ainsi qu’à MM. [J] la somme de 2 000 euros chacun au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

— condamner les mêmes aux entiers dépens de l’instance d’appel.

Ils indiquent que l’instance ayant été introduite postérieurement au 1er janvier 2020, l’article 789 du code de procédure civile, dans sa nouvelle version, était applicable, de sorte que le juge de la mise en état avait à connaître tant des causes de nullité que des fins de non-recevoir.

Arguant des dispositions de l’article 117 du code de procédure civile, ils précisent que n’ayant pas été attraite à la procédure par l’intermédiaire de ses représentants légaux, mais par celle d’un mandataire ad hoc, désigné par ordonnance du président du tribunal de commerce de Rouen le 7 avril 2020, laquelle a fait l’objet d’une rétractation par une nouvelle ordonnance du 23 septembre 2020, Me [C] n’avait aucunement le pouvoir de représenter la société Quick Grill.

Sur les fins de non-recevoir, ils expliquent que la cour devra d’office rejeter les écritures et pièces de MM. [T] et [K] notamment en pages 20 et 23, ainsi que leur pièce n°25, en raison de la violation des délais impartis par l’article 905-2 du code de procédure civile pour répondre à l’appel incident.

Ils font valoir qu’en application des articles 28 4° et 30 alinéa 5 du décret n°55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, le défaut de publication de la situation des immeubles constitue une fin de non-recevoir que les parties peuvent invoquer sans qu’il ne soit nécessaire d’établir la preuve d’un grief.

Ils soutiennent encore que contrairement à ce que rapporte les appelants, l’article L. 145-46-1 du code de commerce n’a pour objet que la protection du droit personnel du locataire commercial, de sorte que seul ce locataire, en l’espèce, la Sarl Quick Grill, est susceptible de s’en prévaloir ; qu’en conséquence MM. [T] et [K] sont irrecevables en leurs prétentions.

Se prévalant des dispositions de l’article L. 145-46-1 du code de commerce, ils affirment que MM. [T] et [K] ne démontrent aucun intérêt à agir en annulation de la vente de l’immeuble, dans la mesure où celle-ci ne conduirait aucunement à son acquisition par la Sarl Quick Grill.

Ils entendent bénéficier de la prescription de l’action en nullité de la vente, compte tenu de l’article L. 145-60 du code de commerce, lequel précise que toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre se prescrivent par deux ans ; en l’espèce, l’assignation en nullité n’a été délivrée qu’en date du 23 avril 2020, soit près de trois ans après la vente litigieuse.

En réplique aux dernières conclusions des appelants, ils réfutent la mise en 'uvre du principe, selon lequel la fraude corrompt tout, en considérant que MM. [T] et [K] avaient eu connaissance de la cession dès le mois de juin 2017.

N’ayant pas été assignés à titre personnel, mais ès qualités, ils soutiennent qu’ils ne peuvent être condamnés à titre personnel ; que l’assignation de M. [Y] [J] a été assigné en sa fausse qualité de gérant de fait de la société Quick Grill, de sorte que l’ensemble des demandes formées à son encontre en cette qualité sont irrecevables ; à titre subsidiaire, s’il devait être considéré comme un simple gérant de fait, M. [Y] [J] serait recevable à opposer une fin de non-recevoir liée à l’inapplicabilité des dispositions de l’article L. 223-22 à son encontre.

Ils s’attachent à dire qu’en l’état de leur unique demande indemnitaire propre, fondée sur la perte de chance d’obtenir un meilleur dividende, MM. [T] et [K] sont irrecevables, faute d’intérêt à agir.

Il n’existe aucun motif d’ordonner le sursis à statuer.

Enfin, pour contester la demande de condamnation à des dommages et intérêts en raison d’un abus du droit d’agir en défense, ils invoquent le fait qu’une action en justice ou un moyen de défense ne peut constituer un abus de droit, lorsque sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré, même dans l’hypothèse où cette décision serait réformée.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 12 octobre 2022.

MOTIFS

Sur l’appel incident

L’article 905-2 du code de procédure civile dispose qu’à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l’appelant dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis de fixation de l’affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.

L’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant appel incident ou appel provoqué.

L’intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification de l’appel incident ou de l’appel provoqué à laquelle est jointe une copie de l’avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe.

Le dispositif des conclusions des intimés notifiées le 6 octobre 2022 ne comprend aucune demande tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions n°2 de l’appelant en ce qu’elles constitueraient une réponse tardive à leur appel incident.

En réalité, le même dispositif ne contient pas davantage d’appel incident puisque les intimés demandent la confirmation de l’ordonnance entreprise et énoncent en la forme de dire et juger les différentes fins de non-recevoir discutées, le débouté des prétentions des appelants et une indemnité procédurale.

La cour n’est dès lors pas saisie d’une fin de non-recevoir relative aux conclusions de l’appelant et n’est pas appelée à statuer d’office en l’absence d’appel incident de l’ordonnance rendue en première instance.

La nullité de l’assignation délivrée à la Sarl Quick Grill n’est pas discutée en appel.

Sont contestées les fins de non-recevoir opposées aux appelants au regard de l’action conduite.

Sur la désignation d’un mandataire ad hoc

L’action principale entreprise par MM. [T] et [K], associés de la Sarl Quick Grill, tend à l’annulation de la vente immobilière consentie par le propriétaire de l’immeuble dans lequel est exploité le fonds à la Sci F.K. dans laquelle sont associés MM. [J], l’obtention de dommages et intérêts pour le préjudice causé à la société.

Les demandeurs ont visé dans l’acte introductif d’instance l’article L. 145-46-1 du code de commerce qui dispose que :

Lorsque le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer. En cas d’acceptation, le locataire dispose, à compter de la date d’envoi de sa réponse au bailleur, d’un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l’acceptation par le locataire de l’offre de vente est subordonnée à l’obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois.

Ils se prévalent de l’article R. 223-32 du code de commerce qui précise que :

Lorsque l’action sociale est intentée par un ou plusieurs associés, agissant soit individuellement, soit dans les conditions prévues à l’article R. 223-31, le tribunal ne peut statuer que si la société a été régulièrement mise en cause par l’intermédiaire de ses représentants légaux. Le tribunal peut désigner un mandataire ad hoc pour représenter la société dans l’instance, lorsqu’il existe un conflit d’intérêts entre celle-ci et ses représentants légaux.

Sur la qualité de partie à l’instance de la Sarl Quick Grill

L’acte introductif de l’instance au fond du 23 avril 2020 a été délivré expressément à MM. [J] en leur qualité respective de gérant de la société ([G]) et de gérant de fait ([Y]).

La délivrance d’une assignation à une personne physique prise en qualité de représentant légal d’une personne morale permet d’assigner valablement cette dernière. Dès lors, la Sarl Quick Grill est régulièrement représentée dans l’instance en la personne des co-gérants de droit, MM. [G] et [Y] [J]. La référence à une gestion de fait concernant M [Y] [J] ne relève que du refus des associés appelants d’admettre sa qualité.

Sur la qualité à agir des associés

Selon l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription.

MM. [T] et [K] font valoir que la vente consentie de l’immeuble dans lequel est exercée l’activité commerciale a fait perdre à la Sarl Quick Grill une chance d’acquérir les murs du fonds de commerce. Ils prétendent ainsi défendre les intérêts de la société

En qualité d’associés, ils n’ont manifestement pas qualité à représenter ses intérêts et ne peuvent poursuivre une action dont ils ne sont pas titulaires.

Il convient de rappeller que le mandataire ad hoc désigné par ordonnance sur requête du 7 avril 2020, rétractée par ordonnance du 23 septembre 2020, a été assigné à la procédure au fond en défense des intérêts de la Sarl Quick Grill et non au soutien de l’instance souhaitée par MM. [T] et [K]. Cette intervention d’un tiers, même sur un temps court, n’a pas été de nature à favoriser la constitution d’un dossier démontrant une mise en péril de la Sarl, un dysfonctionnement grave obérant le sort de la Sarl justifiant la pérennisation du mandat le temps de la procédure.

Ainsi, à défaut d’avoir qualité à agir au fond, MM. [T] et [K] ne peuvent soutenir utilement l’incident visant à obtenir la désignation d’un mandataire ad hoc.

Dans les limites de l’appel formé, l’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle a déclaré irrecevables MM. [T] et [K] en leur demande

Il n’y a pas en lieu, en conséquence, de statuer sur les dommages et intérêts réclamés par MM. [T] et [K] pour procédure abusive.

Sur les dépens et frais irrépétibles

MM. [T] et [K] succombent à l’instance et devront en supporter les dépens, in solidum.

L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe,

Dans les limites de l’appel formé,

Confirme l’ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

Déboute les parties de leur demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum MM. [V] [T] et [D] [K] aux dépens.

Le greffier, La présidente de chambre,

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Cour d'appel de Rouen, 1re chambre civile, 18 janvier 2023, n° 22/01012