Cour d'appel de Toulouse, 4 mars 2016, n° 13/05707

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 4 mars 2016, n° 13/05707
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 13/05707
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 8 octobre 2013, N° F11/02499

Texte intégral

04/03/2016

ARRÊT N°

N° RG : 13/05707

XXX

Décision déférée du 09 Octobre 2013 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE F11/02499

P. SORIANO

SAS I CORPORATIONS

C/

K Y

XXX

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4e Chambre Section 2 – Chambre sociale

***

ARRÊT DU QUATRE MARS DEUX MILLE SEIZE

***

APPELANTE

SAS PHONE REGIE venant aux droits de la SAS I CORPORATIONS

XXX

XXX

représentée par Me VISCONTINI de la SCP VISCONTINI TAILLANDIER & FLECHELLES, avocat au barreau de VERSAILLES substituée par Me Clarisse TAILLANDIER-LASNIER, avocat au barreau de VERSAILLES

INTIMEE

Madame K Y

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Arnault CHARRIERE de la SELARL LEGAL & RESOURCES, avocat au barreau de TOULOUSE substituée par Me Davina BONNAFOUS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945.1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Décembre 2015, en audience publique, devant C. KHAZNADAR, conseiller faisant fonction de président et C. PAGE, conseiller, chargés d’instruire l’affaire, les parties ne s’y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

C. KHAZNADAR conseiller faisant fonction de président

C. PAGE, conseiller

S. HYLAIRE, conseiller

Greffier, lors des débats : C. NEULAT

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par C. KHAZNADAR, conseiller faisant fonction de président, et par C. NEULAT, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE :

Mme C Y a été embauchée par la SAS I J, exploitant sous l’enseigne PHONE REGIE, aux droits de laquelle vient désormais la SAS PHONE REGIE, dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée du 25 juillet 2005 au 30 septembre 2005 en qualité d’hôtesse d’accueil. Un deuxième CDD a été signé entre les parties à effet du 14 octobre 2005 pour un poste de standardiste. À l’issue de ce CDD un contrat de travail à durée indéterminée a été régularisé à effet du 16 novembre 2005 dans le cadre d’un temps partiel pour un poste d’hôtesse d’accueil-standardiste.

Mme Y a connu une évolution de carrière au sein de l’entreprise : chargée d’affaires à compter du 18 décembre 2006, chargée d’exploitation à titre provisoire à compter du 1er juillet 2009. Elle sera confirmée dans le poste de chargée d’exploitation le 1er septembre 2010.

Dans le dernier état de la relation de travail, Mme Y occupait le poste de chargée d’exploitation, statut agent de maîtrise, niveau 4, coefficient 200. Le salaire forfaitaire brut mensuel étant de 1.819,94€ et la convention collective applicable est celle du personnel des prestataires de services du secteur tertiaire.

Alors qu’elle était arrêtée par son médecin traitant depuis le 31 mars 2011, Mme Y a adressé un courrier à son employeur le 30 juin 2011 faisant le lien entre la dégradation de son état de santé et ses conditions de travail, mettant plus particulièrement en cause sa chef d’agence de TOULOUSE. Aux termes de ce courrier, la salarié a sollicité une rupture conventionnelle.

L’employeur a informé Mme Y le 11 juillet 2011 qu’une enquête était diligentée au sein de l’agence de TOULOUSE et a adressé un nouveau courrier à la salariée le 20 juillet 2011 aux termes duquel il a :

— informé Mme Y des démarches effectuées auprès de la chef d’agence de TOULOUSE, Mme B;

— indiqué à Mme Y que Mme B se tenait prête à avoir avec elle un entretien pour aborder les difficultés dénoncées;

— précisé ne pas être hostile au principe de la rupture conventionnelle mais qu’il souhaitait pour l’envisager attendre la fin de son arrêt de travail.

Par un courrier du 25 juillet 2011, Mme Y a fait savoir à l’employeur qu’elle considérait que ses remarques n’avaient pas été prises en compte, qu’elle avait perdu toute confiance en Mme B et qu’elle n’envisageait pas de reprendre son activité dans ces conditions.

Mme Y a saisi le conseil des prud’hommes de TOULOUSE le 30 septembre 2011 aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail en raison de manquements de l’employeur à ses obligations en matière d’hygiène et de sécurité.

À la suite de deux visites médicales effectuées par le médecin du travail, les 5 octobre 2011 et 21 octobre 2011, Mme Y a été déclarée inapte définitivement au poste occupé, préconisant un reclassement hors de l’agence.

Par un courrier du 25 novembre 2011 la société I J a adressé deux propositions de reclassement à Mme Y pour deux postes situés à PARIS. Mme Y n’a pas répondu à ces propositions.

L’employeur a prononcé le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre RAR du 28 décembre 2011.

Par jugement du 8 octobre 2013, le conseil de prud’hommes de TOULOUSE a :

— prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur à la date du 28 décembre 2011,

— dit que la SAS I J n’a pas respecté ses obligations en matière d’hygiène et de sécurité,

— condamné la SAS I J à verser à Mme K Y les sommes suivantes :

o 20.000€ au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

o 3.000€ au titre de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de sécurité de résultat,

o 3.639,88€ au titre du préavis, outre les congés payés afférents,

o 1.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté Mme Y du surplus de ses demandes,

— fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 1.819,94€,

— débouté la SAS I J de sa demande reconventionnelle,

— condamné la SAS I J aux entiers dépens.

Par lettre RAR adressée le 4 novembre 2013 au greffe de la cour, la SAS I J a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 14 janvier 2015, reprises oralement lors de l’audience, la SAS PHONE REGIE, venant aux droits de I J, fait valoir que le harcèlement dénoncé par Mme Y résulterait uniquement de propos tenus par sa supérieure hiérarchique, jugés désobligeants et vexants et non de l’organisation défaillante de l’agence de TOULOUSE.

L’employeur considère que Mme Y ne rapporte pas la preuve d’agissements répétés commis à son encontre, ni de l’existence d’un lien de causalité entre la dégradation de son état de santé et les prétendus agissements.

Les propres écrits de Mme Y n’ont aucune valeur probatoire.

Les autres écrits produits par la salariée ne font pas état de fait précis et se rapportent à d’autres situations individuelles qui ne peuvent être assimilées à celle de Mme Y.

Les attestations produites par Mme Y sont critiquées tant dans leur recevabilité que dans leur valeur probante, faute d’établir des faits précis.

La demande de résiliation judiciaire sera donc rejetée.

S’agissant de la contestation du licenciement, celui-ci porte sur deux éléments : le harcèlement moral déjà développé et l’absence de recherche de reclassement.

Sur l’obligation de reclassement, l’employeur expose que Mme Y a retourné un questionnaire indiquant qu’elle n’était pas du tout mobile et qu’elle n’était pas prête à accepter tout régime de travail, sous réserve d’une validation par le médecin du travail.

Malgré cette position de la salariée, l’employeur a adressé deux propositions de reclassement parfaitement conformes aux préconisations médicales puisque situés hors de l’agence de TOULOUSE.

Aucun reproche ne peut donc être fait à l’employeur au titre du reclassement et ce, d’autant que, la salariée n’a pas répondu au questionnaire adressé dans le but de connaître les conditions dans lesquelles le reclassement pouvait être recherché.

Subsidiairement, les demandes indemnitaires ne sont pas justifiées, Mme Y ayant retrouvé un emploi à compter de novembre 2012.

Aucune faute ne peut être reprochée à l’employeur au titre du non-respect des obligations d’hygiène et de sécurité. Il n’y a donc pas lieu à indemnisation. L’employeur informé des difficultés seulement à l’été 2011 a mis en 'uvre immédiatement les mesures d’enquête nécessaires.

S’agissant de la prime d’ancienneté, une partie des demandes est prescrite. La prime d’ancienneté inscrite au contrat de travail est attachée au statut de personnel sur site, or elle n’a occupé un tel poste que du 14 octobre 2005 au 18 décembre 2006, puis est devenue personnel permanent jusqu’à la date de la rupture.

Les avenants signés à compter du 18 décembre 2006 annulant et remplaçant les anciennes dispositions, n’ont prévu aucune prime d’ancienneté.

S’agissant de la demande formée au titre d’heures supplémentaires, l’employeur considère que la convention de forfait en heures est parfaitement valable et opposable à Mme Y, aucune nullité n’est encourue. Le salaire de base servi à Mme Y a toujours été supérieur à celui auquel elle était en droit de prétendre aux ternes de la convention collective compte tenu de sa classification et du nombre d’heures effectuées, majorations pour heures supplémentaires comprises.

Par conclusions du 15 avril 2015, reprises oralement lors de l’audience, Mme C Y demande à la cour de :

À titre principal,

— constater qu’elle rapporte des éléments démontrant, ou à tout le moins laissant présumer, l’existence de faits constitutifs de harcèlement moral à son encontre,

— constater que la SAS I J ne rapporte aucun élément permettant de combattre cette présomption,

— dire que le mode de management et le comportement de la SAS I J vis à vis d’elle sont constitutifs de harcèlement moral,

— constater que son inaptitude trouve sa cause dans le harcèlement dont elle a été victime,

— dire que la SAS I J a gravement contrevenu à l’obligation de sécurité de résultat à laquelle elle était tenue à son égard,

Par conséquent,

' confirmer le jugement en ce qu’il a :

' prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur au 28 décembre 2011,

— jugé que la SAS I J n’a pas respecté ses obligations en matière d’hygiène et de sécurité,

' dire que la résiliation judiciaire doit produire tous les effets d’un licenciement nul,

À titre subsidiaire,

' dire que le licenciement pour inaptitude est entaché de nullité,

À titre infiniment subsidiaire,

' constater que la SAS I J n’a pas satisfait à son obligation de reclassement,

Par conséquent,

' dire que la licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

À titre principal, comme à titre subsidiaire et infiniment subsidiaire,

' condamner la SAS I J à lui payer les sommes suivantes:

' 47.400€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

—  9.095€ à titre de dommages et intérêts pour non-respect par l’employeur de ses obligations en matière d’hygiène et de sécurité,

—  3.639,88€ au titre du préavis, outre les congés payés afférents,

À titre d’appel incident,

' réformer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes de rappels de salaire portant sur les heures supplémentaires, la prime d’ancienneté et les commissions,

Statuant à nouveau,

— dire que le refus de la SAS I J de lui communiquer le détail des calculs des commissions versées depuis son embauche le 14 octobre 2005, outre l’intégralité des données comptables nécessaires à l’appréciation de ses droits sur la période de l’exécution du contrat de travail est un manquement ouvrant droit au paiement intégral des dites commissions,

— condamner la SAS I J à lui payer à titre de rappel de rémunération variable :

o 28.948,23€ au titre de rappel d’intéressement mensuel, outre les congés payés afférents,

o 305€ au titre de prime brute trimestrielle, outre les congés payés afférents,

o 267€ au titre de prime brute trimestrielle, outre les congés payés afférents,

' condamner la SAS I J à lui payer :

o 1.600,72€ au titre de rappel de prime d’ancienneté, outre les congés payés afférents,

o 1.367,77€ au titre de rappel d’heures supplémentaires, outre les congés payés afférents,

— ordonner d’office le remboursement par l’employeur à pôle emploi des indemnités chômage versées à hauteur de 6 mois,

— condamner la SAS I J au paiement de la somme de 4.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Fixer la moyenne des trois derniers mois de salaires à la somme de 1.819,94€,

— condamner la SAS I J aux entiers dépens.

Madame C Y invoque à l’appui de sa demande principale l’interdiction absolue du harcèlement moral, l’obligation de sécurité de résultat et le devoir de prévention qui en découle.

Elle rappelle le régime de preuve aménagé en matière de harcèlement moral et expose que la présomption de harcèlement moral est parfaitement établie et qu’au surplus elle démontre les comportements harceleurs.

La salariée expose les termes précis évoqués dans sa dénonciation des faits, certains étant attestés par d’autres salariés. Les faits de harcèlement moral sont confirmés par d’autres salariés qui dénoncent les propos déplacés et non constructifs de la chef d’agence, Mme B. Certains propos tenus par la chef d’agence n’avaient d’autre but que de railler les conséquences physique du cancer du sein dont Mme Y avait été victime.

Le comportement de la chef d’agence a dégradé son état de santé physique et mentale.

L’employeur était informé d’agissements de harcèlement moral depuis au moins 2010 comme l’établissent les attestations de salariés produites.

Mme Y considère qu’elle démontre avoir souffert directement et à plusieurs reprises du comportement harceleur de Mme B et que d’autre part, ses propres difficultés s’inscrivent dans un contexte plus général de management poussif et irrespectueux mis en 'uvre par Mme B à l’égard de ses subordonnés.

La société appelante n’apporte aucun élément en retour qui permettrait de contredire sérieusement les accusations de harcèlement moral.

De plus, l’entreprise a gravement manqué à son obligation de sécurité de résultat. Aucun document de prévention des risques en matière d’hygiène et de sécurité n’a été mis en place. Aucun suivi médical adapté aux conditions de travail de Mme Y n’a été mis en 'uvre par l’employeur.

L’employeur a maintenu toute sa confiance à Mme B, l’enquête alléguée n’est pas justifiée; La seule proposition faite à Mme Y a été de rencontrer Mme B au retour de son arrêt de travail ce qui était parfaitement incongru dans la mesure où le comportement de la chef d’agence était à l’origine de l’arrêt de travail.

La résiliation judiciaire du contrat de travail est donc encourue et doit produire les effets d’un licenciement nul, compte tenu du harcèlement moral.

Subsidiairement, Mme Y fait valoir que le licenciement prononcé est nul en raison du harcèlement moral.

Les avis du médecin du travail mentionnent très clairement qu’elle est inapte au poste occupé à Phone Régie Toulouse en raison de souffrance au travail.

À titre infiniment subsidiaire, Mme Y expose que le licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse en raison du non-respect par l’employeur de son obligation de reclassement.

Les recherches ne sont pas sérieuses, seuls deux postes se situant sciemment à PARIS ont été proposés sachant que la salariée ne pouvait les accepter. Les offres de reclassement ne mentionnent ni la rémunération, ni les horaires du poste, elles sont imprécises et ne peuvent justifier de l’accomplissement de l’obligation.

L’employeur a volontairement limité ses recherches au seul poste d’assistante d’exploitation, réduisant ainsi le champ de l’obligation de recherche qui lui incombait.

L’employeur ne justifie pas de mesures appropriées destinées à éradiquer tout harcèlement moral au sein de l’agence de TOULOUSE et susceptibles de permettre à Mme Y de reprendre son poste dans des conditions normales.

S’agissant du préjudice subi relatif à la rupture, Mme Y invoque la perte de l’emploi, mais également les manquements particulièrement graves et la mauvaise foi de son employeur exacerbant le préjudice.

Au titre du préjudice distinct, elle invoque la violation de ses obligations par l’employeur en matière d’hygiène et de sécurité.

Au soutien de la demande au titre de la prime d’ancienneté, Mme Y invoque les stipulations contractuelles de l’article IV du contrat de travail du 16 novembre 2005.

Ces demandes ne sont pas prescrites.

Sur la demande de rappel d’heures supplémentaires, la salariée précise que la rémunération forfaitaire contractuelle, heures supplémentaires comprises ne lui a jamais permis d’apprécier la portée réelle de son engagement.

Mme Y effectue donc un calcul sur la base d’un taux horaire auquel elle applique les majorations d’heures supplémentaires.

Les contrats de travail et avenants étaient assortis de droits à commissions/intéressement et primes sur résultats. Il a été demandé à l’employeur de produire le détail des calculs versés depuis l’embauche, outre l’intégralité des données comptables nécessaires à l’appréciation et la vérification de ses droits sur cette période. La SAS I J n’a pas déféré à cette demande. Compte tenu de cette carence, Mme Y sollicite le paiement intégral des commissions et primes.

SUR CE':

Sur le harcèlement moral':

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Lorsque survient un litige relatif au harcèlement moral, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Les attestations et courriers produits par Mme Y à l’appui de ses prétentions, ne respectent pas la forme prévue par les dispositions de l’article 202 du code de procédure civile. Ils émanent en outre de salariés ou anciens salariés. Toutefois, ce non-respect de la forme et le lien des témoins avec les parties ne permet pas d’écarter ces justificatifs sans aucun examen au fond.

En l’espèce Mme Y établit les faits suivants':

— G B (chef d’agence) a dit à K Y en mars 2011 «'je vais me faire opérer les seins, tu en veux un peu'''», puis plus tard toujours en mars 2011 «'tiens tu as grossi'' ça se voit, tu as grossi d’un sein plus que l’autre'» (attestation dactylographiée de Mme E F, accompagnée de justificatif d’identité)';

— Ces propos tels que rapportés par Mme E F concordent partiellement avec ceux dénoncés par Mme Y à son employeur dans le courrier du 30 juin 2011'laquelle fait état des propos suivants': «'tu vas faire du cheval» (si je mets des bottes)'; «'tu es habillée avec un sac à patate» (quand elle est jalouse de ma tenue)'; «'tu es revenue de vacances, tu as grossi des seins’mais d’un seul'» (parce que j’ai une atrophie d’un sein suite à une radiothérapie)';'«'je vais me faire opérer des seins, si tu veux je t’en garde un peu'» et bien d’autres encore.'»

— Plusieurs attestations ou courriers adressés à l’employeur d’autres salariées de l’entreprise (Mme X, Mme Z, Mme A, les attestations dactylographiées étant accompagnées de justificatifs d’identité) font état de remarques déplacées, réitérées par la chef d’agence, en lien avec leur apparence physique';

— D’autres salariés ayant exercé dans l’entreprise vont alerter l’employeur de manière collective par un courrier du 11 juillet 2011 précisant qu’il ne s’agit pas d’incidents isolés, l’acharnement ayant débuté fin d’année 2010, plusieurs salariées étant parties et d’autres contraintes de se mettre en arrêt de travail suite à la pression exercée par la chef d’agence, Mme B.

Mme Y produit en outre de nombreux justificatifs médicaux émanant de ses médecins traitants (généraliste, psychiatre) mais également du médecin du travail, établissant très précisément le lien entre la dégradation de son état de santé et les conditions de travail et plus précisément les agissements de sa chef d’agence.

Ces éléments laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral en ce qu’il existe des faits réitérés portant atteinte à la dignité et à la santé de la salariée.

L’employeur n’apporte en retour aucun élément permettant de contredire sérieusement les accusations de harcèlement moral et encore moins de justifier les propos particulièrement dégradants, réitérés, tenus par la chef d’agence.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a retenu le harcèlement moral.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité de résultat':

L’employeur est tenu d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs et doit prendre toutes les mesures appropriées.

En l’espèce, à la suite du courrier de Mme Y dénonçant des faits de harcèlement moral imputés à la chef d 'agence, l’employeur lui a répondu dans un premier temps qu’il effectuait une enquête. Puis, dans un second temps, l’employeur a répondu qu’il maintenait toute sa confiance à la chef d’agence, qu’un plan d’action allait être mis en place et précisait que la chef d’agence se tenait à sa disposition pour recevoir Mme Y.

Or, l’employeur ne produit strictement aucun justificatif de l’enquête alléguée, ni du prétendu plan d’action annoncé.

Au contraire, la seule mesure concrète prévue par l’employeur est celle de prévoir de confronter à nouveau Mme Y, qu’il sait particulièrement fragile, à l’auteur du harcèlement moral, personne exerçant l’autorité hiérarchique et bénéficiant de l’entier soutien de l’employeur.

Puis, ultérieurement, par un courrier du 25 juillet 2011, l’employeur va reprocher à Mme Y de concentrer tous ses griefs sur son manager, mettant, dans le même temps, en avant la croissance du chiffre d’affaires de l’agence depuis que Mme B en assure la direction.

Enfin, l’employeur ne justifie pas de la mise en 'uvre d’un document de prévention des risques en matière d’hygiène et de sécurité.

L’employeur ne peut soutenir sérieusement avoir respecté d’une quelconque façon son obligation de sécurité de résultat à l’égard de Mme Y. Au contraire, les réponses particulièrement inadaptées de l’employeur n’ont fait qu’aggraver le désarroi de la salariée et les courriers échangés démontrent que la rentabilité de l’agence était primordial.

Le manquement de l’employeur est donc parfaitement établi.

Mme Y est donc fondée à obtenir réparation du préjudice résultant du non-respect par l’employeur de son obligation de sécurité de résultat.

Compte tenu des éléments de la cause, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer la réparation de ce préjudice à la somme de 5.000€. Le jugement sera donc réformé sur le quantum.

Sur la rupture du contrat de travail':

En application de l’article L1153-3 du code du travail, toute rupture intervenue en méconnaissance des dispositions de l’article L1152-1 et L1152-2 (interdisant notamment les faits constitutifs de harcèlement moral sur le lieu de travail) toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Au cas particulier de l’action en résiliation judiciaire, lorsque le salarié est fondé à solliciter la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur, en raison du harcèlement moral dont il a été victime sur le lieu de travail, la rupture produit les effets d’un licenciement nul, conformément à l’article L1152-3 du code du travail.

En l’espèce, le harcèlement moral et le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat sont établis. Il s’agit de manquements particulièrement graves qui justifient la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur.

La résiliation judiciaire du contrat de travail doit produire les effets d’un licenciement nul et prendra effet à la date de la lettre de licenciement, soit le 28 décembre 2011.

Mme Y est donc fondée à obtenir paiement du préavis, outre les congés payés afférents, dont le montant alloué par les premiers juges n’est pas discuté.

La salariée intimée est également fondée à obtenir réparation du préjudice résultant du licenciement nul. Le préjudice résultant du harcèlement moral et du manquement à l’obligation de sécurité a été indemnisé séparément. Compte tenu de son ancienneté, de son salaire mensuel moyen brut s’élevant à 1.899,94€ et de ce que Mme Y justifie qu’elle est demeurée sans emploi jusqu’au 29 novembre 2012, le montant des dommages et intérêts alloués a été justement fixé par les premiers juges à la somme de 20.000€.

Sur la demande formée au titre des rappels au titre de l’intéressement et des primes de résultat':

Les différents contrats de travail et avenants signés par Mme Y avec I J étaient assortis de droits à intéressement et primes sur résultats':

— Intéressement mensuel,

— Et/ou prime brute trimestrielle,

— Et/ou prime brute annuelle.

Malgré les demandes de Mme Y, l’employeur n’a pas produit les éléments comptables permettant de chiffrer le détail des commissions et primes sur résultat versées depuis son embauche jusqu’à la date de la rupture du contrat de travail.

Il y a lieu de retenir que cette production incombe pourtant à l’employeur dès lors que le calcul de la rémunération variable de Mme Y dépendait d’éléments détenus par le seul employeur.

Ainsi, à défaut de production par l’employeur, la salariée est fondé à prétendre au paiement intégral de l’intéressement et des primes de résultat contractuelles, dans la période non prescrite.

En application du CDI du 18 décembre 2006 et de ses avenants des 7 septembre 2007, 21 février 2008, 19 février 2009, 22 juin 2009, ainsi que de la notification d’objectifs du 12 avril 2011 par l’employeur les éléments variables de rémunération ont été ainsi contractuellement prévus':

16/12/2006 au 31/07/2007

Intéressement mensuel brut de 0,2% du CA HT de l’agence de Toulouse du mois précédent, avec un plafond de 750€ au prorata du temps de présence

1er/08/2007 au 31/12/2007

Intéressement mensuel brut de 0,20% du CA HT de l’agence de Toulouse du mois précédent + intéressement mensuel fixé à à,20% du CA HT des contrats évènements de l’agence, avec un plafond de 750€ au prorata du temps de présence.

1er/01/2008 au 31/12/08

Intéressement mensuel brut de 0,20% du CA HT de l’agence de Toulouse du mois précédent + intéressement mensuel fixé à à,30% du CA HT des contrats évènements de l’agence + intéressement mensuel brut de 5% des contrats de placement prospectés par la salariée, avec un plafond de 750€ au prorata du temps de présence.

1er janvier 2009 au 30 juin 2009

Intéressement mensuel brut de 0,30% du CA HT de l’agence de Toulouse du mois précédent + intéressement mensuel fixé à à,30% du CA HT des contrats évènements de l’agence + intéressement mensuel brut de 5% des contrats de placement prospectés par la salariée, avec un plafond de 750€ au prorata du temps de présence.

1er juillet 2009 au 28 juillet 2011

(date de la résiliation)

Intéressement mensuel brut de 0,05% du CA HT de l’agence de Toulouse du mois précédent avec un plafond de 600€, au prorata du temps de présence.

1er/01/2011 au 28/12/2011

Prime brute trimestrielle de 305€ si le CA (offre globale) de l’agence de Toulouse supérieur ou égal à 1.043.867€, proratisée au temps de présence sur l’année.

1er/01/2011 au 28/12/2011

Prime brute annuelle de 460€ et 610€ si 1) le CA (offre globale) de l’agence de Toulouse est supérieur à 1.043.867€ 2) et si le résultat net (avant impôt, participation et répartition des frais de la direction régionale et des frais de siège) est supérieur à 7,27% du CA, proratisée au temps de présence.

Mme Y présente un décompte détaillé des sommes réclamées constitué par la pièce n°48.

Le décompte au titre de l’intéressement correspond effectivement à ses droits, étant observé que la salariée a justement déduit les sommes déjà versées et la période d’arrêt maladie à compter du 30 mars 2011. Le montant dû au titre de l’intéressement est donc de 28.948,23€, outre les congés payés afférents.

Le décompte relatif aux primes trimestrielle et annuelle sera également retenu, étant observé que Mme Y a proratisé en fonction de son temps de présence sur l’année 2011. Le montant dû au titre des primes trimestrielle et annuelle est donc respectivement de 305€ et de 267€. Il sera précisé ici que la demande d’un montant de 267€ portée en pièce 48 formée par Mme Y correspond bien à la prime annuelle et non à la prime trimestrielle mentionnée par erreur dans son dispositif.

Le jugement sera réformé de ce chef.

Sur la demande formée au titre de la prime d’ancienneté':

La prescription relative à cette action est de 5 ans, conformément aux dispositions issues de l’article L3245-1 du code du travail, dans sa version antérieure au 17 juin 2013, qui s’applique dans la présente instance.

Le CDI du 16 novembre 2005 signé entre les parties, relatif aux fonctions d’hôtesse d’accueil standard, a prévu le versement d’une prime d’ancienneté de 152,45€ bruts versée à la date anniversaire de ses 12 mois de présence effective, 228,67€ bruts versée à la date anniversaire des 18 mois de présence, 304,90€ bruts à la date anniversaire des 24 mois de présence et 304,90€ bruts supplémentaires versés par année suivante supplémentaire de présence effective.

L’employeur ne justifie pas avoir versé la prime d’ancienneté de 152,45€ bruts au 16 novembre 2006. Compte tenu de la date de la saisine du conseil de prud’hommes le 30 septembre 2011, le paiement de cette somme n’est pas atteint par la prescription. Il sera donc fait droit à cette demande de la salariée.

S’agissant des autres primes d’ancienneté réclamées, il y a lieu de retenir que le CDI du 18 décembre 2006 signé entre les parties, relatif aux fonctions de chargée d’affaires, qui a annulé et remplacé le précédent CDI, n’a pas prévu de prime d’ancienneté. Mme Y sera donc déboutée du surplus de ses demandes formées au titre de la prime d’ancienneté.

Le jugement sera donc réformé partiellement de ce chef.

Sur la demande formée au titre des heures supplémentaires':

La rémunération du salarié ayant conclu une convention de forfait en heures est au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l’entreprise pour le nombre d’heures correspondant à son forfait, augmentée des majorations pour heures supplémentaires.

En l’espèce, depuis le 1er janvier 2008, et suivant avenant ratifié le 21 février 2008, Mme Y travaillait 38,25 heures par semaine, soit 165,75 heures par mois dans le cadre d’une convention de forfait mensuel définie en heures rédigée de la manière suivante':

«'Rémunération brute': salaire mensuel forfaitaire brut fixé à 1.785,81€ incluant le règlement de vos 3,25 heures supplémentaires par semaine (majoration incluse).'»

Au regard de la convention collective applicable salariés permanents des entreprises de travail temporaire puis des personnels des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire et des bulletins de salaire délivrés à compter du 1er janvier 2008, il n’apparaît pas que la rémunération payée à Mme Y aurait été inférieure à la rémunération applicable dans l’entreprise pour le nombre d’heures correspondant à son forfait, augmentée des majorations pour heures supplémentaires.

Les premiers juges ont justement rejeté cette demande.

Sur les autres demandes':

Les dispositions de l’article L1235-4 du code du travail ne sont pas applicables lorsque la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul par suite du harcèlement moral. Il n’y a donc pas lieu à ordonner le remboursement des indemnités versées à Mme Y par pôle emploi.

La partie qui succombe doit supporter les entiers dépens et indemniser Mme Y de ses frais non compris dans les dépens, lesquels seront fixés à la somme de 4.000€.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 9 octobre 2013 en ce qu’il a':

— Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur à la date du 28 décembre 2011,

— Dit que l’employeur n’a pas respecté ses obligations en matière d’hygiène et de sécurité,

— Condamné l’employeur au paiement de 20.000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 3.639,98€ au titre du préavis, 369,98€ au titre des congés payés afférents, 1.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Débouté Mme Y de sa demande de rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires,

— Condamné l’employeur aux entiers dépens.

Réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SAS PHONE REGIE venant aux droits de la SAS I J à payer à Mme C Y les sommes suivantes':

-5.000€ à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité de résultat,

-152,45€ bruts au titre de la prime d’ancienneté, outre 15,25€ au titre des congés payés afférents,

-28.948,23€ bruts au titre de rappel d’intéressement mensuel, outre 2.894,82€ au titre des congés payés afférents,

-305,00€ bruts au titre de la prime trimestrielle, outre 30,50€ au titre des congés payés afférents,

-267€ bruts au titre de la prime annuelle, outre 26,70€ au titre des congés payés afférents,

-4.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu à ordonner le remboursement par l’employeur des indemnités versées à Mme Y par pôle emploi,

Condamne la SAS PHONE REGIE venant aux droits de la SAS I J aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par C. KHAZNADAR conseiller faisant fonction de président, et par C. NEULAT, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

C. NEULAT C. KHAZNADAR

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Cour d'appel de Toulouse, 4 mars 2016, n° 13/05707