Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 14 mars 2019, n° 18/03715

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 3e ch., 14 mars 2019, n° 18/03715
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 18/03715
Décision précédente : Tribunal de commerce de Toulouse, 14 mars 2018, N° 2017R00759
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

14/03/2019

ARRÊT N°247/2019

N° RG 18/3715 et 18/03716 – N° Portalis DBVI-V-B7C-MPIE

CBB/MR

Décision déférée du 15 Mars 2018 – Tribunal de Commerce de TOULOUSE ( 2017R00759)

M. X

SAS AIRBUS

SAS AIRBUS HELICOPTERS

Société J F CORPORATION

Société J F G N ATLANTIC

Société J F M LIMITED

SAS J F H

C/

B Z

Société A LIMITED

[…]

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

3e chambre

***

ARRÊT DU QUATORZE MARS DEUX MILLE DIX NEUF

***

APPELANTES

SAS AIRBUS venant aux droits de la SAS AIRBUS GROUP

2 rond-point Emile Dewoitine

[…]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

SAS AIRBUS HELICOPTERS

[…]

Provence

[…]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Société J F CORPORATION

[…]

[…]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Société J F G N ATLANTIC 800 F Boulevard Hangar 8

[…],

[…]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Société J F M LIMITED

[…]

[…]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

SAS J F H

[…]

[…]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur B Z

[…]

[…]

Représenté par Me Pierre MARBOT de la SELARL LEXAVOUE PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de TOULOUSE

Société A LIMITED

[…]

[…]

D E CHINE

Représentée par Me Pierre MARBOT de la SELARL LEXAVOUE PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Février 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. BENEIX-BACHER, Présidente, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BENEIX-BACHER, président

A. BEAUCLAIR, conseiller

V. BLANQUE-JEAN, conseiller

Greffier, lors des débats : M. Y

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre

FAITS

Le 19 août 2010 la société J F Corporation, société de maintenance aéronautique canadienne sise à Toronto, a conclu avec M. Z un contrat de représentation commerciale relatif au marché asiatique pour la période du 1er août 2010 au 31 décembre 2015 portée au 31 décembre 2014 suivant avenant du 15 janvier 2013.

Le 8 mars 2014 M. Z a créé la société G 2go Limited avec le même objet.

En 2015, le groupe Airbus a entrepris un audit général des relations commerciales entretenues avec ses partenaires commerciaux.

A compter de février 2015 les commissions de M. Z ont cessé d’être payées.

A la suite de nombreux échanges sur le retard dans le paiement et la conclusion d’un nouveau contrat de représentation commerciale, le 24 avril 2017 M. Z a mis en demeure la SAS J F sise à Marignane, de lui payer la somme de 276 995 € au titre des commissions dues et non encore payées durant la période 2015-2017.

Le 18 mai 2017 la Société J F Corporation sise à Toronto notifiait à M. Z par courrier électronique sa décision d’interrompre les relations commerciales, en invoquant les longues relations commerciales avec le Groupe Airbus et l’audit interne.

PROCEDURE

Par acte du 2 novembre 2017, Monsieur B Z (domicilié en Indonésie) et la Société G 2Go Ltd (domiciliée à D E) ont assigné les Sociétés J F Corporation (domiciliée au Canada), J F G N Atlantic (domiciliée au Canada), J F O P Limited (domiciliée en Australie), la SAS J F H (domiciliée à Gonesse), la SAS Airbus Group devenue SAS Airbus (domiciliée à Toulouse) et la SAS Airbus Helicopters (domiciliée à Marignane) devant le juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse en condamnation in solidum au paiement par provision des commissions impayées, de l’indemnité de rupture du contrat d’agence commerciale et des dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par ordonnance du 15 mars 2018 le juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse a :

— donné acte à la SAS Airbus de son intervention volontaire ;

— s’est déclaré compétent ;

— a condamné les sociétés J F Corporation, J F G N – Atlantic, J F O P Limited, J F H, Airbus Helicopters et Airbus à payer, in solidum à Monsieur B Z et la Société A Limited les sommes provisionnelles de :

—  256 173,11 € au titre des commissions dues et non encore payées, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 avril 2017 et jusqu’à complet paiement ;

—  1 687,69 € au titre des commissions dues et non encore payées selon facture du 18 avril 2017, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 avril 2017 et jusqu’à complet paiement ;

— dit n’avoir les pouvoirs de se prononcer sur la demande formée au titre de l’indemnité de rupture du contrat d’agence commerciale ;

— rejeté la demande formée à titre de résistance abusive ;

— condamné les sociétés J F Corporation, J F G N – Atlantic, J F O P Limited, J F H, Airbus Helicopters et Airbus à payer, in solidum à Monsieur B Z et la Société A Limited la somme globale de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné les mêmes sociétés in solidum aux dépens.

Par déclaration en date du 21 août 2018 à 14h54, les SAS Airbus et Airbus Helicopters, les sociétés J F Corporation, J F G N Atlantic, J F O P Limited, J F H ont relevé appel partiel de l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse le 15 mars 2018 en ce qu’il s’est déclaré compétent, et les a condamnées in solidum au paiement de sommes.

Par requête du 22 août 2018 les seules SAS Airbus et Airbus Helicopters ont sollicité l’autorisation d’assigner à jour fixe M. Z et la Société G 2Go Ltd.

Par ordonnance présidentielle du 23 août 2018, cette autorisation leur a été refusée considérant que la décision ne portait pas exclusivement sur la compétence de la juridiction saisie.

L’affaire a été enregistrée au greffe de la cour sous le n° RG 18-3715.

Par déclaration en date du 21 août 2018 à 15h10, les SAS Airbus et Airbus Helicopters, les sociétés J F Corporation, J F G N Atlantic, J F O P Limited, J F H, ont relevé appel partiel de l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse le 15 mars 2018 en ce qu’il s’est déclaré compétent, et les a condamnées in solidum au paiement de sommes.

L’affaire a été inscrite sous le n° 18-3716.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Les sociétés J F Corporation, J F G N – Atlantic, J F O P Limited, J F H, Airbus Helicopters SAS et, Airbus SAS dans leurs dernières écritures en date du 24 janvier 2019 demandent à la cour au visa des articles 872 et 873 du code de procédure civile de :

in limine litis et à titre principal :

— infirmer l’ordonnance du Président du Tribunal de commerce de Toulouse du 15 mars 2018 en ce qu’il s’est déclaré compétent pour connaître du présent litige ;

— se déclarer incompétent.

A titre subsidiaire, si l’exception d’incompétence était rejetée :

— infirmer l’ordonnance du Président du Tribunal de commerce de Toulouse du 15 mars 2018 ;

— débouter Monsieur B Z et A de l’intégralité de leurs demandes,

En tout état de cause :

— condamner Monsieur B Z et A à verser aux appelantes la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— condamner Monsieur B Z et A aux entiers dépens.

Elles exposent que':

— J F Corporation société canadienne spécialisée en maintenance aéronautique a été rachetée en 2011 par la société Eurocopter devenue Airbus Hélicopters filiale du Groupe Airbus ;

— le contrat du 19 août 2010 suivi de son avenant du 15 janvier 2013 a été signé entre J F Corporation et M. Z et concernait des produits et N particuliers sur un territoire international prédéfini ;

— en 2015 le Groupe Airbus a découvert certaines irrégularités et a entrepris un audit général de ses partenaires commerciaux : le service des fraudes britanniques a ouvert une enquête pénale contre le groupe Airbus le 7 août 2016 de même que le parquet national financier en mars 2017 d’où il ressort que M. Z et sa société G 2go Limited ont agi hors du périmètre contractuel de sorte que de nombreuses factures n’étaient pas justifiées ;

— J F Corporation a donc résilié le contrat par courrier du 18 mai 2017, la société Airbus n’est pas intervenue dans cette décision.

Sur la compétence, elles soutiennent que:

— l’ordonnance déférée a tranché une contestation sérieuse en admettant la compétence du tribunal de commerce en ce que :

*elle a considéré la SAS Airbus débitrice des paiements en exécution du contrat litigieux, sans pourtant constater une immixtion de la société mère dans l’exécution du contrat de sa filiale et, l’audit interne ne peut s’interpréter comme une immixtion ;

*l’article 42 alinéa 2 du code de procédure civile ne permet pas de retenir le tribunal du siège d’Airbus contre laquelle les demandeurs ne disposent aucune action en paiement’ ;

*le litige présente un lien évident avec les juridictions canadiennes (Ontario) confirmé par la clause attributive de compétence librement consentie (article 22)'; les juridictions canadiennes apparaissent plus appropriées que les juridictions françaises pour statuer en l’espèce en ce qu’aucune des obligations contractuelles n’ont été exécutées en H, J a son siège au Canada, M. Z n’est pas domicilié en H, les factures ont été émises à l’attention de J au Canada.

Subsidiairement au fond, elles soutiennent que :

— la condition de l’urgence de l’article 873 du code de procédure civile fait défaut, la simple défaillance étant insuffisante ;

— l’obligation in solidum des sociétés appelantes est sérieusement contestable en l’absence de lien contractuel avec les demandeurs et en l’absence de faute délictuelle démontrée ayant concouru à la réalisation du dommage, la réalisation de l’audit ne pouvant être assimilée à une faute ;

— l’obligation de payer les factures est également sérieusement contestable en l’absence de tout justificatif lisible vérifiable de la réalité des prestations servies : les factures produites sont illisibles (abréviations, écrits en langue anglaise) et donc invérifiables, certaines sont émises par la société G 2go Limited qui n’est pas partie au contrat, les « rapports d’activité » apparaissent totalement insuffisants et les factures postérieures à l’expiration du contrat du 31 décembre 2014 non renouvelé, sont nécessairement contestables ;

— l’application du droit français est également contestable au vu de l’article 22 du contrat de représentation qui vise les lois de la province d’Ontario.

Monsieur B Z et la société G 2go Limited dans leurs dernières écritures en date du 25 janvier 2019 demandent à la cour au visa des articles 42, 872 et 873 du code de procédure civile, 1231 et suivants du code civil (1147 ancien), L.134-1 et suivants du code de commerce, 1994 du code civil de :

— confirmer l’ordonnance de Monsieur le Président du tribunal de commerce de Toulouse en toutes ses dispositions ;

— débouter les sociétés appelantes du surplus de leurs demandes ;

— condamner in solidum les sociétés appelantes à payer à la société G 2Go Limited et à Monsieur B Z chacun la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner les sociétés aux entiers dépens dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Ils exposent que':

— les sociétés J F étaient filiales du groupe Airbus depuis 2011 ; au titre de son contrat du 19 août 2010, M. Z I donc pour la société canadienne mais aussi pour les différentes entités filiales d’Airbus (voir factures de commission) ;

— dans le cadre de la lutte anticorruption la société J F Corporation a demandé à M. Z de créer la société G 2go Limited en 2014 ;

— il ne lui a été notifié aucune irrégularité et pourtant la société J F Corporation a cessé le paiement des commissions à compter de février 2015, en cours d’exécution de ses prestations, au motif pris des difficultés du groupe Airbus (courriel des 15 octobre 2015 et, 2 mars 2017) ; ce qui a justifié la mise en demeure du 24 avril 2017 pour les indus de 2015 à 2017 après réclamations du 29 janvier 2016 ; la résiliation du 18 mai 2017 est intervenue sans préavis et sans explication, après pourtant confirmation de la créance et des liens entre J et Airbus suivant courriel du 2 mars 2016 ;

— le Groupe Airbus fait l’objet d’enquêtes en Allemagne et en Autriche, au Royaume-Uni et en H pour des soupçons de corruption liée à la vente à l’export d’avions civils et militaires ; c’est dans ce contexte qu’il a procédé brutalement à la résiliation de nombreux contrats avec ses intermédiaires commerciaux ; or l’activité de M. Z était moins propice à la corruption d’agents publics étrangers s’agissant de la maintenance aéronautique et la commande de pièces détachées.

Sur la compétence ils soutiennent que :

— le juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse est compétent en application de l’article 42 du code de procédure civile en ce que la clause attributive de compétence n’est pas exclusive et ne s’applique pas en matière de référés, que la SAS Airbus Group apparaît comme le donneur d’ordre, que son implication tout au long de l’exécution du contrat jusqu’à la résiliation est évidente et qu’il existe une indivisibilité des demandes en paiement des factures sollicitées auprès des filiales du groupe Airbus'; c’est donc une défenderesse tout à fait réelle et sérieuse ;

— en vertu de l’article 1994 alinéa 2 du Code civil le sous mandataire (M. Z et la société G 2go Limited ) a la faculté d’agir en paiement contre le mandant principal (action directe du sous mandataire contre le mandant).

Sur le fond, il soutiennent que :

— l’urgence n’est pas requise pour l’octroi d’une provision mais elle est justifiée en l’espèce au vu de l’impayé depuis trois ans, d’un montant de 257'860,80 euros représentant la seule source de revenus de M. Z et sa famille';

— le contrat lui interdisait la promotion et la vente de produits concurrents (article 11) : dans un arrêt récent du 23 novembre 2017 (n°17-1931) la cour d’appel de Toulouse, contrairement à la décision du juge des référés, a condamné la société Airbus au paiement des sommes dues à son agent sur le fondement de l’urgence ;

— M. Z et sa société G 2go Limited étaient chargés de la promotion et la vente des produits et N du groupe Airbus sur le marché asiatique de l’aviation civile et militaire ;

— les commissions payées correspondent à des prestations effectives de juin 2015 à avril 2017 : le libellé des factures (nom du client, précision du paiement et son montant) est explicite, de même que les rapports d’activité correspondant à chacune des factures, également les courriels échangés, les fiches de calcul sur lesquels les paiements ont toujours été réalisés ; et les commissions n’avaient jusque là jamais fait l’objet de contestation antérieure (pièces 14) ;

— la faute des sociétés non liées contractuellement réside dans l’absence de paiement ; les sociétés Airbus ont déclenché l’audit et, elles ont donné l’ordre fautif de ne pas payer se comportant comme un véritable donneur d’ordre et mandante principale : l’immixtion dans la gestion du contrat est un fait générateur de responsabilité ayant concouru à l’entier dommage ; il n’existe aucune contestation sérieuse relative à l’obligation in solidum au vu des courriels échangés ;

— J n’a jamais contesté les factures émises au nom de la Société G 2Go Ltd créée à la demande d’Airbus, et les fiches de calcul établies par J comme les rapports d’activité démontrent la bonne exécution des prestations fournies ;

— le contrat n’a pas pris fin au 31 décembre 2014 (voir le courriel du 15 octobre 2015 où il lui est proposé de lui régler au moins ses frais) ainsi que le démontre le courrier de résiliation pour l’avenir.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 janvier 2019.

MOTIVATION

1- Sur la jonction.

Les deux déclarations d’appel successives de la même ordonnance ayant été enregistrées au greffe sous un numéro différent leur jonction s’impose conformément à l’article 367 du code de procédure civile.

2- Sur la compétence.

Le contrat d’agent commercial à effet au 1er août 2010 a été consenti entre M. Z et la Société J F Corporation domiciliée à Toronto.

La clause attributive de compétence au profit des juridictions d’Ontario prévue en son article 22 étant une clause non exclusive, les dispositions de l’article 42 du code de procédure civile demeurent donc applicables particulièrement devant le juge des référés qui doit statuer sur une mesure provisoire ou conservatoire telle que, comme en l’espèce, une demande en paiement provisionnel.

Aux termes de ce texte «'La juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur.

S’il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l’un d’eux.

Si le défendeur n’a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure ou celle de son choix s’il demeure à l’étranger'».

La prorogation de compétence prévue par ce texte suppose donc que les diverses demandes dirigées contre des défendeurs différents soient connexes ou indivisibles et présentent un caractère sérieux.

M. Z et la Société G 2Go Ltd ont donc choisi la juridiction commerciale toulousaine en raison de la domiciliation d’un des défendeurs, la SAS Airbus Group dont le siège est à Blagnac.

Cette compétence est déniée en l’absence de caractère sérieux de la demande présentée contre la SAS Airbus et de lien de connexité entre les différentes demandes ou d’indivisibilité.

Ainsi la SAS Airbus soutient que':

— elle est totalement étrangère au contrat d’agent commercial et aux relations commerciales entre les signataires ;

— il n’est pas possible d’invoquer l’indivisibilité des demandes s’agissant d’une demande en paiement unique, fondée sur le seul contrat ;

— elle est administrativement distincte des sociétés J, et en tout état de cause il n’est justifié d’aucun acte d’immixtion de sa part, dans l’exécution du contrat ;

— la décision relative à l’audit de ses partenaires ne peut suffire à justifier d’un lien de connexité entre les demandeurs et elle.

M. Z et la Société G 2Go Ltd soutiennent au contraire que':

— les demandes formées contre les différents défendeurs sont indivisibles en ce qu’elles n’ont qu’un seul objet, obtenir le paiement de commissions visées au contrat, alors que les précédentes factures libellées au nom des différentes entités du groupe J ont été payées, bien que non visées au contrat ;

— la SAS Airbus Group en sa qualité de holding, donneur d’ordre et mandante, est à l’origine du refus de paiement des commissions et de la lettre de résiliation du 18 mai 2017 ainsi qu’il ressort des divers courriels échangés.

Toutefois, la cour relève que s’il est exact que le litige apparaît indivisible en ce que la situation juridique qui intéresse toutes les sociétés J, holding et filiales, commande une solution nécessairement identique afin d’éviter des solutions différentes et des décisions distinctes susceptibles d’interférer entre elles, il demeure que :

— le contrat et son avenant ont été conclus entre M. Z et la Société J F Corporation et les factures dont le paiement est revendiqué ont été libellées au nom des Sociétés J F H, J F G N Atlantic et J F O P Ltd, et non pas au nom de la SAS Airbus ;

— les justificatifs des commissions payées ont été approuvés et établis par la Société J F Corporation (pièce 20 produite par M. Z), sans intervention de la SAS Airbus ;

— les divers échanges de courriels entre M. Z et la Société J F Corporation à Toronto démontrent le lien entre cette dernière et la SAS Airbus ou la SAS Airbus Helicopters'; mais ils démontrent aussi que malgré ces liens, la Société J F Corporation jouissait d’une autonomie certaine dans ses rapports avec M. Z':

*courriel du 23 avril 2014 relatif à l’élaboration d’un nouveau contrat d’agent commercial en raison de l’échéance du premier au 31 décembre 2014': «'j’ai parlé avec la SAS Airbus Helicopters aujourd’hui, ils sont d’accord pour nous laisser avancer et établir un avenant …'»';

*30 octobre 2015': «'nous sommes en train d’obtenir l’approbation d’Airbus pour ton nouveau contrat …'» (sachant qu’Airbus Helicopters est la société mère de J Corporation et non pas la SAS Airbus) ;

*1er décembre 2015': «'nous sommes en train de travailler sur la soumission finale à SAS Airbus Helicopters du renouvellement de ton contrat …'» ;

*2 mars 2016': «'cela ne devrait pas poser de problème pour te rembourser tes dépenses. Je les transmettrai à la comptabilité fournisseur pour qu’ils te virent les fonds …'» ;

*17 décembre 2015 «'… je sais que cela a été une longue bataille et j’espère que les choses (le paiement des commissions) seront bientôt résolus …'».

Il en résulte que la Société J F Corporation se reconnaît parfaitement débitrice des commissions sollicitées par M. Z mais aussi, qu’elle était son interlocutrice unique. M. Z ne vise d’ailleurs jamais la SAS Airbus dans ses courriels de réclamations ou relances. Par ailleurs, il était payé par la Société J F Corporation ou l’une de ses entités (Société J F O P Ltd ou Société J F G N Atlantic) et la mise en demeure du 24 avril 2017 n’est destinée qu’à la Société J F Corporation (Marignane).

Les seules affirmations et explications de cette dernière sur l’imputation à la SAS Airbus ou à la SAS Airbus Helicopters du retard dans le paiement ou le renouvellement du contrat ne suffisent pas à constituer la preuve d’une immixtion de la SAS Airbus dans l’exécution du contrat d’agent commercial consenti par une société d’une de ses filiales, voire la preuve d’un mandat ainsi qu’il est affirmé.

Seule la lettre de résiliation du 18 mai 2017 envoyée par la Société J F Corporation (Toronto) à M. Z et à la Société G 2Go Ltd (reconnaissant ainsi ses liens de droit avec cette dernière) évoque le Groupe Airbus en ces termes':

«' Je reconnais la longue relation que vous avez eue avec le groupe Airbus et ses divisions, y compris J F … J’ai le regret de vous informer par écrit que nous ne pouvons continuer aucune relation avec vous, et nous ne pouvons pas vous payer, en cohérence avec nos politiques, nos procédures et nos normes internationales concernant l’audit, documents et la transparence requise

pour les relations avec les parties tierces …

Par conséquent, vous devez cesser de représenter le Groupe Airbus ou toute autre division d’Airbus ou filiale, y compris J F ou toute autre division ou filiale, à quelque titre que ce soit. Vous n’êtes pas autorisé à fournir des N au nom et pour le compte du Groupe Airbus ou de ses divisions ou filiales, y compris J F ou ses divisions ou filiales ou revendiquer avoir une quelconque affiliation avec Airbus ou ses divisions ou filiales y compris J F ou ses divisions ou filiales'».

S’il est vrai que tant la motivation de cette résiliation que sa formulation et les termes employés sont particulièrement confus (à moins que cela ne proviennent du défaut de qualité de la traduction), il ne peut être déduit de ce seul courrier l’existence d’un lien de droit de la nature d’un mandat, entre la SAS Airbus et la Société J F Corporation ni sa qualité de donneur d’ordre, ni même encore un acte d’immixtion dans la gestion de sa filiale ou dans l’exécution du contrat d’agent commercial consenti à M. Z par une société appartenant désormais à sa filiale.

En réalité, ce courrier apparaît avec évidence s’inspirer sans nuance, d’un courrier type de résiliation de contrat d’agent commercial utilisé par Airbus à l’issue de son audit interne, pour se séparer de ses propres agents commerciaux. Dès lors, ce courrier et les termes utilisés ne font que confirmer les liens entre les sociétés J et le Groupe Airbus, sans pour cela constituer la preuve d’un lien de droit entre d’une part, M. Z et la Société G 2Go Ltd et, d’autre part, la SAS Airbus sis à Toulouse.

En conséquence, la SAS Airbus n’apparaissant pas comme un de leur débiteur potentiel réel et sérieux, alors même que les demandes en paiement de commissions formées contre l’ensemble des sociétés J sont indivisibles entre elles seules, l’extension de compétence de l’article 42 du code de procédure civile ne peut trouver à s’appliquer en l’espèce.

La SAS Airbus Group et la SAS Airbus Helicopters ayant désigné les juridictions canadiennes compétentes, l’exception soulevée est recevable et fondée.

En application de l’article 81 du code de procédure civile il convient donc, infirmant la décision du premier juge, de se déclarer incompétent et renvoyer les parties à mieux se pourvoir.

PAR CES MOTIFS

La cour,

— Ordonne la jonction des procédures RG 18-3716 et 18-3715 sous le seul dernier numéro.

— Infirme l’ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse en date du 15 mars 2018 sauf en ce qu’elle a donné acte à la SAS Airbus de son intervention volontaire.

— Constate l’absence de sérieux de l’action dirigée contre la SAS Airbus.

— Déclare le juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse incompétent.

— Renvoie les parties à mieux se pourvoir.

— Condamne M. Z et la Société G 2Go Ltd aux dépens de première instance et d’appel.

— Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. Z et la Société G 2Go Ltd à verser à la SAS Airbus Group, la SAS Airbus Helicopters, la Société J F Corporation, la Société J F G N Atlantic et la Société J F H prises ensemble, la somme de 2000€ au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

I. ANGER C. BENEIX-BACHER

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