Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 31 mai 2019, n° 16/03394

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 31 mai 2019, n° 16/03394
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 16/03394
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Toulouse, 23 mai 2016, N° 14/02785
Dispositif : Expertise

Sur les parties

Texte intégral

31/05/2019

ARRÊT N°220

N° RG 16/03394 – N° Portalis DBVI-V-B7A-LCEH

CM/CD

Décision déférée du 24 Mai 2016 – Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE (14/02785)

M. X

C Y

D E épouse Y

C/

L M N

CONFIRMATION PARTIELLE

+ EXPERTISE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1re Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TRENTE ET UN MAI DEUX MILLE DIX NEUF

***

APPELANTS

Monsieur C Y

[…]

[…]

Représenté par Me Stéphane ROSSI-LEFEVRE, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame D E épouse Y

[…]

[…]

Représentée par Me Stéphane ROSSI-LEFEVRE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

Madame L M N

[…]

[…]

Représentée par Me Serge TERRACOL LAJEUNE, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555-2016-021405 du 17/08/2016 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Septembre 2018, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. B, conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BELIERES, président

C. B, conseiller

J-H.DESFONTAINE, conseiller

Greffier, lors des débats : C. PREVOT

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par C. BELIERES, président, et par C. PREVOT, greffier de chambre

EXPOSE DU LITIGE

Selon compromis en date du 2 novembre 2002 et acte authentique en date du 21 janvier 2003, Mme L M N a acquis une maison d’habitation avec deux abris de jardin et terrain autour, située […] à NOE et cadastrée section C n°1842 et 1843 lieudit 'La Grande Vigne’ pour une contenance de 1 433 m².

Ce fonds, qui constitue le lot A issu de la division des parcelles C 485 et 486 en trois lots selon document d’arpentage dressé le 2 janvier 2002, est grevé d’une servitude de passage et de

canalisation consentie le 30 mai 2002 au profit du fonds contigu à usage d’habitation C 1841 et 1844 d’une contenance de 1 356 m² situé […], qui constitue le lot B issu de la même division et a été revendu le 19 décembre 2003 à M. C Y et Mme D E.

Les actes de vente des 21 janvier et 19 décembre 2003 rappellent les termes de l’acte constitutif de servitude, notamment que 'cette servitude s’exercera depuis la voie publique jusqu’au portail d’entrée du fonds dominant sur une bande de terrain de cinq mètres de large le long de la limite séparative avec les parcelles cadastrées sous les numéros 1839 1840 1841 et 1844 de la section C' et que'cette assiette figure sous teinte JAUNE sur un plan visé et approuvé par les parties' qui est demeuré annexé à l’acte constitutif.

Le fonds C 1839 et 1840 appartenant à un tiers constitue le lot C issu de la même division, situé 33bis chemin de Lafitte et intercalé entre la voie publique et le lot B.

Les époux Y E s’étant plaints d’un empiétement de la clôture installée par Mme L M N sur la largeur du passage, un constat d’accord a été signé le 30 juin 2010 en présence du conciliateur du canton de CARBONNE, aux termes duquel les parties se sont engagées à matérialiser d’un commun accord la largeur de cinq mètres du passage, ce par des marquages provisoires au plus tard le 14 juillet 2010, l’un à 0,50 mètre de l’axe des bornes E et F et l’autre à 4,50 mètres du précédent, et à partager les frais d’entretien de la servitude et M. C Y s’est également engagé à déplacer son compteur d’eau se trouvant sur le fonds de Mme L M N.

Si le déplacement du compteur a été effectué et facturé le 17 novembre 2010 par l’entreprise FURINA, il n’en a pas été de même pour la matérialisation du passage, malgré une mission d’expertise visant à définir exactement la limite avec les bornes existantes, démonter la clôture appartenant à Mme L M N et établir un protocole de clôture, confiée par celle-ci à M. O-P Q du cabinet Z qui a convoqué les époux Y E à une réunion contradictoire le 1er octobre 2012 sans diffuser de rapport.

Mme L M N a ensuite prolongé sa clôture le long du passage en ligne droite jusqu’à la voie publique, supprimant l’arrondi antérieur, et retiré au-delà du passage le grillage de la clôture mitoyenne séparant l’arrière de son fonds de celui des époux Y E, ne laissant que ses poteaux en béton, comme constaté par huissier le 27 mai 2014 à la demande de ces derniers.

Par acte d’huissier en date du 8 août 2014, les époux Y E ont fait assigner Mme L M N devant le tribunal de grande instance de TOULOUSE afin d’obtenir au principal la reconnaissance du bien fondé de leur action en complainte, la condamnation sous astreinte de la défenderesse à ne pas encombrer la servitude ni stationner sur leur droit de passage, à procéder au retrait de la bordure en béton de l’ancien chemin qui encombre le droit de passage, à fixer le droit d’accès à la voirie à une largeur de cinq mètres, à respecter l’alignement du droit de passage tel qu’indiqué dans l’acte notarié, à procéder à la démolition du poteau en béton qui empiète sur leur propriété et à remettre en place une clôture grillagée, et sa condamnation à leur payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Après transport sur les lieux réalisé le 22 décembre 2014, le tribunal a, par jugement en date du 24 mai 2016 :

— annexé au jugement une copie du plan déjà annexé au procès-verbal de transport sur les lieux

— dit que la clôture séparant les deux parties située à l’est et à l’arrière des deux fonds par rapport à la voie publique est une partie mitoyenne et que le tracé en est prescrit, enjoint à Mme L M N de remettre en place les grillages enlevés ou des grillages équivalents en réutilisant les poteaux en place, sauf à ce que les parties s’entendent sur d’autres modalités dont le surcoût serait à frais communs, et dit qu’elle devra s’exécuter dans le délai de deux mois suivant la signification du jugement et que courra ensuite une astreinte journalière de 20 euros par jour de retard

— enjoint à la partie la plus diligente d’enlever la lisse sud de l’ancienne allée qui court sur l’assiette du passage commun convenu et dit que les frais d’enlèvement seront partagés par moitié conformément aux clauses du contrat ayant créé la servitude sur présentation d’une facture qui devra être conforme

à un devis préalablement communiqué à l’autre 15 jours au moins avant le début des travaux

— dit que, par application de l’article 682 du code civil, l’assiette de la servitude légale sera fixée en raison d’un ouvrage public, intangible et planté en un lieu incompatible avec la description contractuelle de la servitude, selon le tracé le plus court et le moins dommageable -actuellement utilisé de fait- qui consiste à passer sur une largeur de 5 mètres au nord de ce poteau implanté sur la parcelle 1842 pour rejoindre au plus vite le tracé contractuel, ordonné à Mme L M N de déplacer toute portion de la clôture qu’elle a plantée en bordure de la voie publique de manière à ce qu’une longueur de 5 mètres soit mesurée depuis le poteau EDF le long de la limite de la voie publique en réduisant, si besoin est, son espace arboré privatif et en enlevant tout autre obstacle dont l’implantation serait incompatible avec le respect de cette largeur (tel que boîte aux lettres, compteurs, etc) et dit n’y avoir lieu à fixation d’une astreinte

— dit n’y avoir lieu à modification de l’assainissement existant sauf décision imposée par l’autorité publique

— dit que l’existence d’une servitude de passage emporte obligation de ne pas encombrer son assiette pour d’autres fins que la desserte des fonds et interdit tout stationnement ou utilisation contraire, mais dit que ces interdictions n’ont pas lieu d’être assorties d’une astreinte

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et dit que chaque partie gardera à sa charge les dépens par elle exposés.

Suivant déclaration en date du 7 juillet 2016, les époux Y E ont relevé appel général de ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions (en réplique III) notifiées par voie électronique le 14 septembre 2018, ils demandent à la cour, au visa des articles 2278 et 2279 du code civil, de dire qu’ils sont bien fondés à agir en complainte, d’enjoindre à Mme L M N de remettre en place une clôture mitoyenne grillagée à ses frais exclusifs en remplacement de la clôture mitoyenne supprimée par ses soins, de lui ordonner de n’encombrer, ni faire de quelconques dépôts (déchets végétaux), ni stationner sur leur droit de passage, ce sous astreinte provisoire de 1 000 euros par infraction constatée, de lui ordonner de procéder au retrait de la bordure béton de l’ancien chemin qui encombre leur droit de passage, remettre en place l’accès à la voirie tel que prévu dans les actes, respecter l’alignement de référence du droit de passage tel indiqué dans l’acte notarié, procéder à la démolition du poteau en béton qui empiète sur leur propriété (borne H) et remettre en place une clôture grillagée, d’assortir chacune de ces cinq obligations d’une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, de dire que, si un second raccordement à l’assainissement doit être mis en place, celui-ci doit être effectué aux frais exclusifs de Mme L M N, étant précisé que les travaux ne devront gêner en aucune manière le libre accès et le libre usage de la servitude au bénéfice de leur fonds, et de condamner Mme L M N à leur payer les sommes de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts et de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel et aux éventuels frais d’exécution de la décision à intervenir.

Ils font valoir que :

— concernant la servitude de passage et son assiette, en vertu des articles 647 et 701 du code civil, tout propriétaire peut clore son héritage, mais le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l’usage ou à le rendre plus incommode et il ne peut ainsi changer l’état des lieux, ni transporter l’exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée ; or de nombreuses branches d’une haie plantée sur la propriété du 33bis chemin de Lafitte à droite du chemin sont débordantes et la bordure en béton de l’ancien chemin, présente au milieu de l’actuel chemin sur une grande partie de sa longueur, encombre le passage et représente un danger, de sorte que Mme L M N, tenue de leur garantir la libre jouissance de la servitude, doit procéder au retrait des déchets végétaux et de la bordure, quand bien même celle-ci préexistait à l’achat de son fonds ; en outre, la distance mesurée par huissier entre les grillages de droite et de gauche n’est que de 4,93 mètres environ, ce qui suffit à établir que la largeur de 5 mètres due pour le passage n’est pas respectée et doit être rétablie

— concernant le droit d’accès à la voirie, cet accès est obstrué de moitié par une clôture édifiée par Mme L M N qui a, en dehors de toute bonne foi, modifié unilatéralement l’entrée de la servitude contractuellement prévue dans l’acte constitutif et le plan y annexé figurant un arrondi pour la déplacer vers la limite séparative d’avec le fonds voisin malgré la présence d’un poteau électrique qui se retrouve ainsi en plein milieu du passage, ce qui rend l’accès extrêmement problématique ; subsidiairement, si la cour considère que les clauses de l’acte constitutif ne règlent pas le problème, ils bénéficient en vertu de l’article 694 du code civil d’une servitude de bon père en famille en faveur de l’état de fait apparent existant au moment de la division du fonds

— concernant l’empiétement du poteau en béton sur leur parcelle (borne H), au regard des articles 544 et 545 du code civil, celui qui étend ses ouvrages au-delà des limites de son fonds s’expose à devoir démolir la partie qui empiète sur le fonds voisin, même si cet empiétement est minime

— concernant la destruction de la clôture mitoyenne sans leur accord, le retrait unilatéral de la clôture par Mme L M N qui a d’abord prétendu qu’elle lui appartenait en propre et admet désormais qu’elle est mitoyenne constitue un abus de droit obligeant celle-ci à la reconstruire, sans qu’il y ait lieu de procéder à un bornage déjà réalisé ni de modifier le tracé de la clôture qui, s’il n’est pas parfaitement rectiligne, n’entraîne que des empiétements réciproques de très faible ampleur, sans aucun préjudice matériel

— concernant la demande reconventionnelle relative à l’assainissement distinct, leur immeuble est, comme mentionné dans leur acte d’acquisition, raccordé au tout-à-l’égout, ce depuis 2001, soit avant la division, et bénéficie de la servitude de canalisation mise en place le 30 mai 2002, tandis que la maison «annexe» de Mme L M N, édifiée dans un second temps, sans mention d’un quelconque raccordement dans son acte de propriété qui se réfère au permis de construire délivré le 18 novembre 1977 pour le seul bâtiment qu’ils occupent et à une déclaration de travaux pour agrandissement du 5 mai 1988, a été raccordée à l’évacuation de leur installation d’assainissement, et non l’inverse, de même qu’elle a été raccordée au réseau EDF à ses frais en vertu de l’engagement pris dans l’acte sous seing privé du 2 novembre 2002 portant sur la vente d’un terrain destiné à la construction

— concernant la demande de dommages et intérêts, elle est justifié par le comportement de Mme L M N qui n’a envisagé de solution amiable qu’à condition qu’ils renoncent à tous leurs droits.

Dans ses dernières conclusions (en réplique 2) notifiées par voie électronique le 11 septembre 2018, Mme L M N demande à la cour de confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a déclaré le caractère mitoyen de l’ancienne clôture entre les fonds M N et Y, de lui donner acte de ce qu’elle propose de réimplanter à ses frais, sur une stricte ligne droite entre les deux bornes, un nouveau grillage de 1,5 mètre de haut sur de nouveaux piquets et qu’en cas de désaccord des époux Y E, l’ancienne clôture sera réimplantée sur les poteaux béton existants, de confirmer le jugement en ce qu’il a indiqué que la lisse en béton se trouvant sur le chemin devait être retirée à frais communs et par moitié entre les deux propriétaires utilisant le passage, de condamner les époux Y E à se mettre en conformité avec le règlement d’assainissement et à réaliser un réseau autonome de leur habitation jusqu’à la voie publique, au besoin sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé dix jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, de confirmer le jugement en ce qu’il a dit, concernant le support du portail près de la borne H, qu’il n’y avait pas lieu de procéder à son déplacement (sic) et a relevé, concernant l’assiette de la servitude conventionnelle, que la largeur du passage était suffisante, de constater, concernant l’entrée de la servitude conventionnelle, qu’une distance de 5 mètres sépare le pilier de clôture de sa propriété du poteau ERDF et, réformant en conséquence le jugement sur ce point, de dire que le passage est suffisant et ne nécessite pas la modification de la clôture de sa propriété, de lui donner acte de ce qu’elle se propose de faire déplacer le poteau ERDF à frais communs et par moitié avec les époux Y E et de condamner ceux-ci au paiement des sommes de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 3 000 euros sur la base de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle soutient que :

— concernant la clôture séparant le fond des parcelles où les parties évoluent de manière strictement privative, tous admettent le caractère mitoyen de cette clôture dont le tracé quelque peu zigzagant empiétait d’un côté et de l’autre et dont elle a retiré le grillage vétuste, de sorte qu’elle maintient son offre de la réimplanter à ses frais sur une stricte ligne droite ou, à défaut, sur les poteaux béton existants

— concernant le support du portail près de la borne H, les piliers d’entrée des espaces privatifs sont, comme l’a relevé le premier juge, bien implantés

— concernant l’assiette de la servitude, il n’y a aucune raison qu’elle prenne seule en charge les frais d’enlèvement de la lisse en béton qui subsiste du passage qu’utilisait la propriétaire unique du terrain avant sa division en trois lots puisque ces frais incombent par moitié aux deux propriétaires utilisant le passage au titre de l’obligation d’entretien ; en outre, sa largeur de 5 mètres est, à quelques centimètres près, respectée sur toute la longueur du passage et il importe peu que la végétation du lot C appartenant à un tiers déborde sur le chemin dès lors que tous véhicules, y compris les camions de livraison, peuvent accéder au fonds des époux Y E comme au sien

— concernant le raccord de l’assainissement, il appartient aux époux Y E de se mettre en conformité avec le règlement d’assainissement en reliant au réseau d’assainissement général leur réseau d’évacuation actuellement raccordé en attente, comme expliqué au courrier du président du Syndicat Intercommunal d’Assainissement Capens – Longages – Noé (SIA-CLN) en date du 26 octobre 2016, sur la conduite d’assainissement de sa maison que les époux A, qui l’occupaient avant elle, ont fait prioritairement raccorder au tout-à-l’égout par l’entreprise FURINA en février 2001, avant le compromis de vente du 2 novembre 2002 faisant état de ce raccordement, tandis que l’immeuble voisin qui ne constituait pas le logement des époux A et bénéficie de la servitude d’enfouissement de canalisations consentie le 30 mai 2002, notamment pour l’évacuation éventuelle des égouts et eaux usées vers la voie publique, n’a été raccordé qu’ensuite

— concernant l’entrée de la servitude conventionnelle et le poteau EDF, l’implantation, postérieurement à la constitution de la servitude, de ce poteau n’est pas de son fait et laisse une distance libre de 5 mètres jusqu’au pilier de clôture de sa propriété, suffisante pour passer, et elle accepte tout au plus de prendre à sa charge moitié des frais de déplacement du poteau d’éclairage public à l’occasion des travaux engagés par la commune en vue de créer une piste cyclable et d’élargir la voie de circulation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la clôture mitoyenne

En droit, une clôture mitoyenne appartient indivisément aux propriétaires des deux fonds qu’elle sépare, à la différence d’une clôture privative qui est la propriété exclusive de l’un d’eux.

Le copropriétaire qui envisage de démolir une clôture mitoyenne doit obtenir l’accord préalable, sauf urgence, de son voisin et s’expose, à défaut, à devoir prendre en charge tous les frais de reconstruction.

En l’espèce, Mme L M N reconnaît désormais que la clôture qui sépare la partie arrière de son fonds du fonds des époux Y E et dont elle a unilatéralement retiré le grillage est mitoyenne et, si elle fait état de la vétusté de ce grillage, elle ne justifie d’aucune urgence à le remplacer.

Elle ne peut, dès lors, qu’être condamnée à remettre en place à ses frais exclusifs une clôture mitoyenne grillagée de caractéristiques identiques à celle supprimée.

Fait débat l’emplacement de cette nouvelle clôture.

En effet, s’il est noté au constat d’huissier du 27 mai 2014 que les bornes visibles tout au fond de la parcelle des requérants (borne I figurée au plan de division) et sur l’avant au fond du chemin d’accès (borne H) apparaissent dans l’axe de l’alignement formé par les poteaux en béton qui soutenaient le

grillage retiré, les photographies n°15 et 16 annexées à ce constat confirment que, comme cela a été constaté par le juge lors du transport sur les lieux du 22 décembre 2014, cet alignement et le tracé de la 'lisse’ courant au sol, sur laquelle était implantée l’ancienne clôture, ne sont pas exactement rectilignes et génèrent des empiétements réciproques de très faible ampleur qui ne préjudicient guère aux deux fonds.

En l’absence de toute acquisition par prescription du tracé antérieur, non conforme, même de manière minime, au bornage réalisé lors de la division parcellaire du 2 janvier 2002, Mme L M N est en droit de réimplanter une clôture grillagée selon une stricte ligne droite entre les bornes H et I.

Cette obligation sera assortie d’une astreinte pour en assurer l’effectivité, le jugement étant pour partie réformé sur ce point.

Sur l’empiétement du portail

En droit, l’article 544 du code civil dispose que la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements, et l’article 545 du même code dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Il résulte de ces textes que l’empiétement sur la propriété d’autrui suffit seul à caractériser la faute du propriétaire de l’ouvrage litigieux et à faire droit à la demande de démolition ou de remise en état formée par celui qui subit l’empiétement, quand bien même il serait négligeable.

En l’espèce, l’allégation des époux Y E selon laquelle le pilier droit du portail privatif d’accès à la propriété de Mme L M N empiète sur leur fonds ne repose sur aucun élément de preuve et est contredite par la photographie n°20 annexée au constat d’huissier du 27 mai 2014, qui révèle que l’extrémité du pilier ne dépasse pas l’axe central de la borne H au pied de laquelle il est édifié.

En conséquence, les époux Y E seront déboutés de leur demande de démolition sous astreinte de ce pilier, le jugement qui n’a pas rejeté explicitement cette demande étant complété à cet égard.

Sur la servitude de passage

En droit, l’article 647 du code civil permet à tout propriétaire de clore son héritage, sauf l’exception portée en l’article 682 relatif à la servitude légale de passage pour cause d’enclave, tandis que l’article 701 du même code interdit au propriétaire du fonds débiteur d’une servitude de faire quoi que ce soit qui tende à en diminuer l’usage ou à la rendre plus incommode, comme changer l’état des lieux ou transporter l’exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée.

Par ailleurs, il résulte des articles 697 et 698 du code civil que celui auquel est due une servitude a droit de faire tous les ouvrages nécessaires pour en user et pour la conserver et que ces ouvrages sont à ses frais, et non à ceux du propriétaire du fonds assujetti, à moins que le titre d’établissement de la servitude ne dise le contraire.

Le propriétaire d’un fonds grevé d’une servitude de passage conserve donc le droit de se clore, à la condition de ne pas porter atteinte au droit de passage et de ne pas en rendre l’exercice plus incommode, mais il n’est pas tenu, sauf convention contraire, d’améliorer ou d’entretenir l’assiette de la servitude.

En l’espèce, telle que définie dans l’acte constitutif du 30 mai 2002 et figurée sur le plan de division y annexé, l’assiette de la servitude de passage grevant le fonds de Mme L M N (lot A) au profit du fonds des époux Y E (lot B) longe, depuis la voie publique jusqu’au portail d’entrée du fonds dominant et sur une largeur de 5 mètres, la limite séparative des lots A, d’un côté, C et B, de l’autre, selon un tracé rectiligne excepté au débouché sur la voie publique où elle s’élargit en arrondi à l’angle du lot A.

En outre, il est stipulé dans l’acte constitutif que l’entretien du chemin s’effectue par égales parts entre les propriétaires du fonds dominant et ceux du fonds servant.

Or, d’une part, s’il n’est pas contesté que les branches d’une haie plantée sur la propriété du 33bis chemin de Lafitte (lot C), derrière la clôture grillagée séparant cette propriété du fonds servant (lot A), débordent sur le chemin de servitude, il n’est pas démontré, ni allégué, que ce débordement soit tel qu’il entrave le passage.

En tout état de cause, Mme L M N, qui n’est pas tenue d’améliorer l’assiette de la servitude, mais seulement d’entretenir le chemin par parts égales avec les époux Y E et de ne rien faire qui tende à diminuer l’usage de la servitude ou à la rendre plus incommode, ne saurait se voir ordonner sous astreinte de ne 'faire de quelconques dépôts (déchets végétaux)' du seul fait que débordent sur le chemin de servitude traversant son fonds les branches d’une haie qui ne lui appartient pas et qu’il est loisible aux époux Y E de faire élaguer par son propriétaire, ce sur le fondement de l’article 673 du code civil qui reconnaît au propriétaire du fonds sur lequel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux de son voisin le droit de contraindre ce dernier à les couper, mais pas de les couper lui-même, et ouvre l’exercice d’une telle action en élagage quelle que soit la nature du droit réel à protéger.

D’autre part, il n’est pas davantage contesté que la bordure droite en béton de l’ancienne allée aménagée sur le fonds de Mme F G épouse A avant sa division en les lots A, B et C est restée en place à 1,80 mètre de la limite séparative et sur une grande partie de sa longueur, gênant le passage sur l’actuel chemin de servitude qui englobe cette allée.

Bien que le retrait de cette bordure qui préexistait tant à l’achat du fonds servant par Mme L M N qu’à la création de la servitude de passage corresponde plutôt à des travaux nécessaires pour user de la servitude et incombant comme tels aux seuls propriétaires du fonds dominant en vertu du principe édicté par l’article 698 du code civil, auquel l’acte constitutif ne déroge pas, Mme L M N accepte de prendre en charge, au titre de l’obligation d’entretien du chemin dont elle partage l’usage avec les époux Y E, moitié des frais y afférents selon les modalités précisées au jugement qui sera donc confirmé sur ce point.

Enfin, si la distance de 4,93 mètres environ mesurée par l’huissier à une vingtaine de mètres environ de l’entrée du chemin de servitude entre les deux grillages qui l’encadrent, l’un à droite (clôture du lot C), l’autre à gauche (clôture du lot A), est trop peu précise pour en déduire, comme le font les époux Y E, que la largeur de 5 mètres due pour le passage n’est pas respectée et doit de ce seul fait être rétablie, il est en revanche certain que la clôture privative mise en place par Mme L M N le long du chemin de servitude jusqu’à la voie publique ne respecte pas l’arrondi figuré sur le plan de division annexé à l’acte constitutif, calqué sur l’arrondi de l’ancienne allée dont la bordure gauche en béton se retrouve désormais, comme constaté par huissier le 27 mai 2014, à l’intérieur de la partie avant clôturée de sa propriété.

En effet, a été édifié dans l’angle aigu du lot A en façade sur la voie publique un nouveau pilier de clôture qui ne laisse plus qu’une largeur de 5 mètres disponible pour le passage jusqu’au poteau électrique présent en bordure de la voie publique du côté du lot C, alors que le plan de division montre un net élargissement du chemin de servitude depuis la borne E en limite des lots A et C jusqu’au pilier, conservé, de l’ancien portail d’accès à la propriété de Mme F G épouse A, manifestement destiné à faciliter l’entrée et la sortie des véhicules sur la voie publique.

Dès lors, Mme L M N ne peut qu’être condamnée à démolir son nouveau pilier de clôture et la partie avant de sa clôture de manière à restaurer l’arrondi antérieur jusqu’au pilier de l’ancien portail, sans avoir égard à son offre de faire déplacer à frais communs le poteau électrique dont la présence n’empêche pas à elle seule l’exercice de la servitude de passage consentie.

Cette obligation sera assortie d’une astreinte pour en assurer l’effectivité, le jugement étant également réformé sur ce point.

Sur l’assainissement

S’il n’est pas contesté que le règlement d’assainissement exige que chaque logement dispose d’un branchement sur le réseau collectif d’assainissement, les pièces versées aux débats de part et d’autre ne permettent pas de déterminer si le raccordement au tout-à-l’égout facturé le 2 février 2001 par l’entreprise FURINA concerne la maison à usage d’habitation de type 4 vendue le 30 mai 2002 par Mme F G épouse A à M. R S T-U et revendue le 18 juin 2003 à la SARL Achat Vente Immobilier (AVI) puis le 19 décembre 2003 aux époux Y E, qui est décrite dans l’acte du 30 mai 2002 comme bénéficiant d’une servitude d’enfouissement de canalisations pour l’eau, le gaz et l’évacuation éventuelle des égouts et eaux usées vers la voie publique, et d’accès à ces canalisations, consentie par la venderesse sur le lot A, comme ne constituant pas le logement de la famille A et comme édifiée en vertu d’un permis de construire délivré par le maire de NOE le 18 novembre 1977 sous le numéro 31 399 7 77 08631 et d’un certificat de conformité obtenu le 8 octobre 1978, sans mention relative à son raccordement au tout-à-l’égout qui ne figure que dans l’acte du 19 décembre 2003, ou la maison à usage d’habitation de type 2 d’une surface habitable de 45 m² vendue le 21 janvier 2003 par Mme F G épouse A à Mme L M N, qui est décrite dans cet acte comme disposant d’une couverture en fibrociment, comme constituant le logement de la famille A et comme édifiée en vertu du même permis de construire et d’une déclaration de travaux pour agrandissement déposée le 5 mai 1988 sous le numéro 31 399 88 X M002, sans reprise de la mention relative à son raccordement au tout-à-l’égout qui ne figure que dans le compromis du 2 novembre 2002.

En effet, le permis de construire n°31 399 7 77 08631 communiqué à l’appui des dernières conclusions des appelants s’avère concerner uniquement la maison d’habitation qu’ils ont acquise et qui disposait à l’origine d’une fosse septique avec zone d’épandage sur la partie du terrain devenue ultérieurement le lot C, et non la maison d’habitation plus modeste acquise par l’intimée et qui pourrait n’avoir été qu’une annexe avant de servir à l’habitation des époux G A.

Quant au courrier du président du SIA-CLN en date du 26 octobre 2014, à valeur purement informative, qui fait état du paiement d’une seule taxe de raccordement pour l’installation, a priori début 2002, d’un tampon de raccordement au réseau collectif en limite de propriété et, en suivant, d’une conduite d’assainissement reliant la maison du 33 chemin Lafitte appartenant actuellement à Mme L M N, puis d’un 'raccordement en attente’ pour la deuxième maison appartenant actuellement aux époux Y E, il est trop peu précis sur la chronologie et la matérialité des faits pour emporter la conviction.

Le recours à une mesure d’expertise s’impose donc avant dire droit sur la demande reconventionnelle de mise en conformité sous astreinte formée par l’intimée qui, bénéficiant de l’aide juridictionnelle, n’aura pas à en avancer les frais.

Sur les demandes annexes

Les demandes respectives de dommages et intérêts et le sort des frais et dépens de première instance seront réservés dans l’attente de l’expertise.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

CONFIRME le jugement entrepris en ses dispositions relatives au caractère mitoyen de la clôture séparant l’arrière des deux fonds et à l’enlèvement de la lisse sud de l’ancienne allée.

L’infirmant en ses dispositions relatives au tracé et à la remise en place du grillage de la clôture mitoyenne et à la servitude de passage et y ajoutant,

CONDAMNE Mme L M N à :

— remettre en place à ses frais exclusifs une clôture mitoyenne grillagée de caractéristiques identiques à celle supprimée, ce selon une stricte ligne droite entre les bornes H et I

— démolir son nouveau pilier de clôture en façade sur la voie publique et la partie avant de sa clôture

jusqu’au pilier de l’ancien portail de manière à restaurer l’arrondi de la limite nord de l’assiette de la servitude de passage tel que figuré sur le plan de division annexé à l’acte constitutif du 30 mai 2002.

ASSORTIT chacune de ces obligations d’une astreinte provisoire de 70 (soixante dix) euros par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt et pour une durée de quatre mois

DÉBOUTE Mme L M N de toute demande contraire.

DÉBOUTE M. C Y et son épouse Mme D E de leur demande de démolition sous astreinte du pilier droit du portail privatif d’accès à la propriété de Mme L M N au droit de la borne H et de leur demande d’interdiction sous astreinte d’encombrer, de déposer des végétaux et de stationner sur l’assiette de la servitude de passage.

Avant dire droit sur la demande de Mme L M N de mise en conformité sous astreinte du logement de M. C Y et son épouse Mme D E avec le règlement d’assainissement, ORDONNE une mesure d’expertise.

DÉSIGNE pour y procéder

M. H I

[…]

Tél : 05.61.58.20.72 Fax : 05.61.58.44.94 Port. : 06.20.51.29.89

Mèl : c.I@expjud.fr

ou, à défaut,

M. J K

[…]

Tél : 05.61.69.76.28 Fax : 09.74.44.52.43 Port. : 06.35.17.54.64

Mèl : becba@sfr.fr

inscrits sur la liste des experts près la cour d’appel de TOULOUSE, avec mission de :

1) se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission,

2) visiter les lieux situés chemin de Lafitte à NOE, aux numéros 33 (maison de Mme L M N) et 33a (maison des époux Y E),

3) décrire l’installation raccordant chacun de ces logements au réseau collectif d’assainissement, figurer l’ensemble des éléments qui composent ces installations sur un même plan faisant apparaître les deux maisons, la limite de propriété, l’assiette de la servitude de passage et la voie publique et rechercher la date et les conditions dans lesquelles ces installations ont été réalisées,

4) préciser si le branchement du logement des époux Y E est conforme au règlement d’assainissement et, à défaut, déterminer les travaux propres à y remédier, leur nature exacte, leur coût et leur durée,

4) d’une manière générale, entendre tous sachants, procéder à toutes investigations et fournir tous éléments techniques et de fait utiles à la solution du litige,

5) répondre explicitement et précisément, dans le cadre des chefs de sa mission, aux dires des parties,

après leur avoir fait part de ses premières conclusions à l’occasion d’une réunion de synthèse précédant le dépôt du rapport ou par l’envoi d’un pré-rapport et leur avoir imparti un délai, qui ne pourra être inférieur à un mois, pour présenter leurs observations,

DIT que l’expert pourra, s’il le juge nécessaire, recueillir l’avis d’un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne.

DIT que Mme L M N, bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, n’aura pas à verser une consignation à valoir sur la rémunération de l’expert, conformément à l’article 119 du décret 91-1266 du 19 décembre 1991.

DIT que l’expert devra déposer auprès du service expertises de la cour d’appel de TOULOUSE un rapport détaillé de ses opérations dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine et qu’il adressera copie complète de ce rapport, accompagné de sa demande de fixation de rémunération, à chacune des parties conformément aux articles 173 et 282 du code de procédure civile.

PRÉCISE que l’expert adressera une copie du rapport à l’avocat de chaque partie et mentionnera dans son rapport l’ensemble des destinataires à qui il l’aura adressé.

DÉSIGNE Mme B, conseiller de la mise en état, à l’effet de contrôler le déroulement de la mesure d’expertise.

RÉSERVE les demandes de dommages et intérêts, ainsi que le sort des frais et dépens de première instance et d’appel.

DIT que l’affaire sera rappelée à l’audience de mise en état du 5 décembre 2019 à 9 heures pour vérification du dépôt du rapport d’expertise.

Le greffier Le président

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Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 31 mai 2019, n° 16/03394