Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 29 octobre 2020, n° 19/04679

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 3e ch., 29 oct. 2020, n° 19/04679
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 19/04679
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Toulouse, 14 octobre 2019, N° 19/01300
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

29/10/2020

ARRÊT N° 464/2020

N° RG 19/04679 – N° Portalis DBVI-V-B7D-NIRN

CBB/KM

Décision déférée du 15 Octobre 2019 – Président du TGI de TOULOUSE ( 19/01300)

Mme X

Comité d’établissement CHSCT PURPAN OUEST

C/

Etablissement Public LES HOPITAUX DE TOULOUSE CENTRE HOSPITALIER UNIVER SITAIRE DE TOULOUSE

[…]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

3e chambre

***

ARRÊT DU VINGT NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT

***

APPELANT

Comité d’établissement CHSCT PURPAN OUEST Le CHSCT est légalement privé de ressources et de patrimoine, les frais de procédure étant de ce chef à la charge de l’employeur. Il a donc été sollicité du CHU la trabmlission d’un timbre fiscal à 225 € pour régularisation de l’appel

[…]

[…]

Représentée par Me Christophe EYCHENNE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME

Etablissement Public LES HOPITAUX DE TOULOUSE CENTRE HOSPITALIER UNIVER SITAIRE DE TOULOUSE […] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Laurie DELAS, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Guillaume CHAMPENOIS de la SELARL HOUDART & Associés, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. A-B, Présidente, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. A-B, président

P. POIREL, conseiller

V. BLANQUE-JEAN, conseiller

Greffier, lors des débats : I. ANGER

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par C. A-B, président, et par M. Y, greffier de chambre

FAITS

Le 15 avril 2019, deux membres du CHSCT Purpan Ouest ont sollicité sur le fondement de l’article L 4614-10 du Code du travail, l’organisation d’une réunion extraordinaire après avoir appris qu’une revue de mortalité et morbidité (RMM) avait été réalisée par un médecin suite au décès d’un patient dans le sas entrant des urgences Purpan le 2 février 2019.

Le CHSCT a donc été convoqué à une réunion qui s’est tenue le 28 mai 2019 avec pour ordre du jour les points suivants :

— Présentation de la Revue de Mortalité et Morbidité suite au décès d’un patient dans le SAS entrant des Urgences Purpan le 2 Février 2019,

— Conditions de travail des personnels des Urgences Purpan,

— Sécurité des soins au sein des Urgences Purpan.

La direction du CHU a refusé la communication au CHSCT le support documentaire de la revue mortalité morbidité précitée.

La représentation du personnel au CHSCT a voté pour le constat d’une entrave au bon fonctionnement de l’institution.

PROCEDURE

Par acte du 15 juillet 2019, le CHSCT de l’établissement Purpan Ouest a assigné le CHU de Toulouse devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse pour qu’il soit dit que le refus de communication de la ou des RMM au CHSCT constitue un trouble manifestement illicite et qu’il soit fait injonction au CHU de communiquer au CHSCT la RMM relative au décès d’un patient survenu dans le service des urgences le 2 février 2019.

Par ordonnance contradictoire du 15 octobre 2019, le juge a :

— rejeté l’exception d’incompétence et s’est déclaré compétent pour statuer sur la demande,

— dit que la demande du CHSCT n’est pas prescrite,

et vu les dispositions de l’article 809 du Code civil, retenu l’existence d’une contestation sérieuse,

— débouté le CHSCT de sa demande de communication de la revue de mortalité et de morbidité concernant le patient décédé aux services des urgences le 2 février 2019,

— condamné le CHU à payer au CHSCT la somme de 4600,80 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

— dit que le paiement direct de cette somme entre les mains du conseil du CHSCT sera libératoire,

— condamné le CHU aux dépens de l’instance,

— rappelé que la décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit en application de l’article 514 du Code de procédure civile.

Par déclaration du 28 octobre 2019, le CHSCT de Purpan Ouest a interjeté appel de la décision en ce qu’elle a :

— débouté le CHSCT de sa demande d’injonction de communiquer sous astreinte la revue de mortalité et morbidité établie à l’occasion du décès d’un patient survenu le 2 février 2019 dans le service des urgences.

MOYENS et PRETENTIONS des PARTIES

Le CHSCT Purpan Ouest dans ses dernières conclusions en date du 10 décembre 2019 demande à la cour, de :

— confirmer la décision dont appel en tant qu’elle a condamné le CHU à payer au CHSCT la somme de 4.600,80 €, dit que le paiement direct de cette somme entre les mains de son conseil sera libératoire et condamné le CHU aux dépens.

— la réformer pour le surplus et statuant à nouveau au visa des articles

L 4614-9 du Code du travail et 809 Code de procédure civile :

— dire que le refus de communication de la ou des RMM au CHSCT constitue un trouble manifestement illicite,

— faire injonction au CHU de communiquer au CHSCT la RMM relative au décès d’un patient

survenu dans le service des urgences le 2 février 2019,

— assortir cette injonction d’une astreinte de 5.000 € par jour de retard passé le huitième jour suivant la signification de l’ordonnance à intervenir,

Y ajoutant,

— condamner le CHU à payer au CHSCT la somme de 3.342 € au titre de la prise en charge des honoraires que l’appelant a dû exposer pour les besoins de la procédure en cause d’appel,

— dire que le paiement direct de cette somme entre les mains de

Me Eychenne, avocat du CHSCT, sera libératoire de cette condamnation,

— condamner le CHU aux dépens.

Il expose que :

— selon l’HAS, la revue de mortalité et de morbidité (RMM) est un exercice d’analyse globale des pratiques professionnelles au sens large, observées au sein de l’établissement de santé, destiné à favoriser l’amélioration continue de son activité de soin et qui donne lieu à l’établissement d’une documentation de suivi garantissant l’anonymat et soumise à des règles d’archivage ;

— elle permet l’évaluation et l’amélioration des pratiques professionnelles ; le perfectionnement des connaissances ; l’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins ; la maîtrise et la gestion des risques (méthode a posteriori) ;

— toute RMM fait l’objet de la rédaction d’un compte rendu, précisant les conclusions de l’équipe, les actions d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins mises en 'uvre et leurs modalités de suivi ; ce compte rendu est anonyme, c’est-à-dire qu’il ne comporte aucune information permettant d’identifier directement ou indirectement le patient et les acteurs concernés,

— elle est considérée comme une archive et elle est donc communicable de plein droit en application de l’article L 211-4 du Code du patrimoine, notamment aux membres du CHSCT qui sont en outre soumis à une obligation de discrétion,

— le CHSCT est fondé à solliciter de l’employeur tout document qu’il estime utile à l’accomplissement de ses missions,

— l’obligation de communication de l’employeur est une obligation générale qui doit être entendue au sens large et qui ne peut se réduire aux seuls documents dont la communication est imposée par une règlementation spéciale (article L4614-9 du Code du travail et circulaire DRT 93-15 du 23 mars 1993),

— le CHSCT a pour missions légales de contribuer à la prévention et à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l’établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure ; à l’amélioration des conditions de travail et à l’adaptation et à l’aménagement des postes de travail (article L 4612-1 CT), et la RMM est un outil précieux pour la mise en oeuvre de ces préventions dans un établissement de soins,

— il ne peut être distingué de façon aussi rigide que le fait le CHU, ce qui relève des missions médicales de ce qui relèverait des conditions de travail,

— la RMM qui a pour objectif selon le CHU de savoir s’il y avait eu des dysfonctionnements sur la prise en charge médicale d’un patient, interroge donc les conditions de travail quelles que soient les conclusions des médecins qui n’ont pas considéré l’existence d’éléments concernant l’équipe paramédicale,

— ainsi l’argument relatif au secret médical manque en fait dès lors que la RMM garantit l’anonymat

de tous les acteurs,

— selon la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs) : « une revue de mortalité et de morbidité (RMM) qui constitue une analyse collective, rétrospective et systémique de cas marqués par la survenue d’un décès, d’une complication, ou d’un événement qui aurait pu causer un dommage au patient, et qui a pour objectif la mise en 'uvre et le suivi d’actions pour améliorer la prise en charge des patients et la sécurité des soins, constitue en principe un document administratif communicable à toute personne qui en fait la demande, en vertu de l’article 2 de la loi du 17 juillet 1978 »,

— le directeur d’hôpital a considéré que la communication de la RMM pouvait être faite au personnel mais pas au CHSCT,

— l’article 1110-4 du Code de la santé publique précise les contours du secret médical :

* Le CHSCT personne morale est lié par le secret médical en application de l’alinéa 2 en ce qu’il est légalement institué au sein même de l’hôpital pour y représenter le personnel face à la direction,

* les membres du CHSCT sont personnellement et individuellement liés par le secret médical.

Le centre hospitalier universitaire de Toulouse dans ses dernières conclusions en date du 28 août 2020 demande à la cour au visa de l’article 809 du Code de procédure civile, de :

— à titre principal :

— dire et juger le CHU de Toulouse, recevable en son appel incident et ses conclusions d’intimé,

en conséquence,

— réformer l’ordonnance du 15 octobre 2019 en ce qu’elle a jugé le CHSCT recevable,

— réformer l’ordonnance du 15 octobre 2019 en ce qu’elle a jugé que le juge judiciaire était compétent,

subséquemment,

— dire et juger que le CHSCT n’a ni qualité ni intérêt à agir pour solliciter la communication de la RMM établie par des médecins pour des médecins,

— débouter le CHSCT de ses demandes, fins et moyens,

— réformer l’ordonnance en ce qu’elle a mis à la charge du CHU de Toulouse la somme de 4600,80 euros au titre des frais irrépétibles,

— débouter le CHSCT de sa demande de frais irrépétibles devant le tribunal de grande instance.

à titre subsidiaire :

— dire et juger au visa de l’article 809 du Code de procédure civile qu’il existe une contestation sérieuse,

— confirmer l’ordonnance du 15 octobre 2019 quant à ce que cette contestation sérieuse fait obstacle à ce que le CHU de Toulouse soit condamné à communiquer au CHSCT la RMM,

— réformer l’ordonnance en ce qu’elle a mis à la charge du CHU de Toulouse la somme de 4600,80 euros au titre des frais irrépétibles,

— débouter le CHSCT de sa demande de frais irrépétibles en cause d’appel.

Il réplique que :

— le droit pour le CHSCT de se voir communiquer tout document utile à la réalisation de ses missions ne saurait s’étendre à des documents qui n’entrent pas dans ses missions telles que confiées par le législateur, le CHSCT n’a pas un droit absolu à la communication de tout document,

— en l’espèce, la RMM a été établie, rédigée et débattue par des médecins avec pour seule finalité de déterminer les causes du décès du patient afin de prévenir toute difficulté future de même nature ; la finalité et l’objet de cette RMM n’ont jamais été d’analyser les conditions de travail des agents du service au sein duquel le patient est décédé ni même leur pratique,

— aucune des finalités de cette RMM n’entrent dans les missions du CHSCT, définies aux articles L 4612-1, à 7 et 9 du Code du travail et la RMM n’a pas pour objet de permettre au CHSCT de remplir ses missions

— en vertu de l’article R.4612-2-1 du Code du travail « Les membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail peuvent se faire présenter l’ensemble des livres, registres et documents non nominatifs rendus obligatoires par la partie IV du présent code » ce qui n’inclut pas la RMM,

— la recherche de la cause de l’accident médical (décès du patient) par une RMM n’a pas pour finalité de contribuer à la prévention et à la protection de la santé physique et mentale des travailleurs de l’établissement ;

— la CADA, qui ne rend que des avis, a considéré qu’une RMM constituait un document administratif et pouvait être éventuellement communiquable sous certaines conditions, de sorte que la demande de communication relève de la compétence du juge administratif et donc la demande est irrecevable,

— ordonner la communication d’un tel document au CHSCT ne saurait s’analyser comme une mesure conservatoire ou une mesure de remise en état et il n’existe ni dommage imminent ni trouble manifestement illicite vu la finalité de la RMM sans lien avec les missions du CHSCT,

— la finalité d’une RMM n’est pas d’analyser les conditions de travail des agents du service des urgences ou l’organisation de ce service,

— le CHSCT n’est pas dépositaire du secret médical, mais d’une simple obligation de discrétion,

— le périmètre du secret médical est très large, il est absolu et il n’existe aucune exception,

— le CHSCT n’est pas un professionnel de santé, n’a aucune compétence médicale propre, n’est pas un acteur de la santé, n’intervient pas ni n’a pas pour finalité d’intervenir dans la prise en charge médicale d’un patient à quel que stade que ce soit,

— il est illusoire de penser que l’anonymisation de la RMM pourrait permettre de garantir l’anonymat du patient ou l’anonymat des praticiens qui sont intervenus à son chevet,

— le CHSCT a la personnalité morale et il ne se confond pas avec ses membres, il n’est pas lui même dépositaire du secret médical ; il n’a aucune compétence médicale.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 septembre 2020.

MOTIVATION

I – Sur la compétence du juge judiciaire

Le CHSCT agit sur le fondement de l’article L 4614-9 du Code du travail encore applicable à la cause qui dispose « Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail reçoit de l’employeur les informations qui lui sont nécessaires pour l’exercice de ses missions, ainsi que les moyens nécessaires à la préparation et à l’organisation des réunions et aux déplacements imposés par les enquêtes ou inspections ».

Ainsi c’est dans ce cadre législatif spécifique que s’inscrit sa demande de communication de « tout document qu’il estime utile à l’exercice de ses missions » qui se distingue donc de la communication à un tiers d’un document administratif prévue par l’article 342-1 du Code des relations entre le public et l’administration.

C’est donc à juste titre que le premier juge a rejeté l’exception d’incompétence.

II – Sur la qualité et l’intérêt à agir du CHSCT Purpan Ouest

Le CHU de Toulouse soutient que le CHSCT Purpan Ouest n’a ni qualité ni intérêt à agir dès lors que la finalité de la RMM est étrangère à ses missions.

Ce faisant, il ne qualifie pas précisément le défaut de qualité à agir qui ne se confond pas avec l’intérêt à agir.

L’intérêt à agir de l’article 125 du code de procédure civile conditionne l’action en justice et ne se confond pas avec les conditions de fond de l’action.

En vertu de l’article L 4612-2 du Code du travail, le CHSCT a pour mission :

1° De contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l’établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure ;

2° De contribuer à l’amélioration des conditions de travail, notamment en vue de faciliter l’accès des femmes à tous les emplois et de répondre aux problèmes liés à la maternité ;

3° De veiller à l’observation des prescriptions légales prises en ces matières.

Et selon l’article L 4614-9, il reçoit de l’employeur les informations qui lui sont nécessaires pour l’exercice de ses missions.

En l’espèce, il ressort du compte rendu de la réunion du CHSCT du 5 février 2019 réuni à la suite d’un signalement d’un danger grave et imminent déposé par des syndicats le 3 février 2019 et de l’enquête diligentée le 4 février 2019 à la suite du décès d’un patient le 2 février au sein du service des urgences que le personnel s’est interrogé sur le lien entre cet accident et leurs conditions de travail, les conditions d’accueil des patients et la qualité des soins prodigués qui en découlent. Cet accident a fait l’objet d’une RMM.

Ainsi, dès lors que le CHSCT sollicite la communication d’un document en lien avec les circonstances dans lesquelles est intervenu l’accident du 2 février 2019 à l’origine d’un signalement Danger Grave et Imminent, il justifie en sa qualité d’acteur de la sécurité au travail d’un intérêt légitime à agir en communication d’un document nécessaire à sa mission pour la protection de la santé des salariés physique ou mentale, l’analyse des risques professionnels et des conditions de travail.

En effet, s’il est évident que le décès d’un patient admis au service d’accueil des urgences est une source de déstabilisation de l’équipe soignante et d’accueil, un document analysant les causes de l’accident susceptibles de mettre en évidence les conditions de travail des salariés, l’organisation du travail, le management, les risques professionnels, présente un intérêt pour l’exercice des missions du CHSCT.

L’action du CHSCT visant la communication de pièces entrant dans sa mission est donc recevable.

III – Sur le fond

L’action est fondée sur l’article 809 du Code de procédure civile devenu l’article 835 qui dispose que peuvent toujours être prescrites en référé, même en présence d’une contestation sérieuse, les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a d’une part, exclu l’existence d’un dommage imminent en ce que l’absence de communication de la RMM n’est pas de nature à entraîner un dommage à court terme et d’autre part, exclu l’existence d’un trouble manifestement illicite en ce que le droit du CHSCT à obtenir communication des documents en lien avec les missions qui lui sont dévolues n’est pas un droit absolu et universel à obtenir de l’employeur les documents réclamés quelle que soit leur nature ou leur spécificité, de sorte qu’il était nécessaire d’examiner le bien-fondé de la demande de communication en relation avec les caractéristiques du document réclamé et les missions du CHSCT. Il convient donc de vérifier si le CHU est tenu de communiquer la RMM au CHSCT.

Ainsi c’est sur le fondement de l’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile qu’il convenait d’examiner la demande comme l’a fait le premier juge.

En effet, dès lors que la communication de la RMM au CHSCT, n’est pas exigée par la loi ou des textes règlementaires, il convient de vérifier si cette communication relève d’une obligation du CHU non sérieusement contestable.

Selon l’HAS, la RMM a pour objet d’analyser les causes profondes d’un accident survenu dans un établissement de santé et permet de dégager des recommandations pour l’amélioration du fonctionnement d’un service et éviter la récidive des mêmes faits. C’est une démarche d’évaluation et d’amélioration de la prise en charge des patients et la sécurité des soins. La RMM fait l’objet d’un compte rendu écrit visant des recommandations qui peuvent bénéficier à l’ensemble de l’équipe dans le cadre d’un retour d’expérience. Elle relève de l’équipe soignante qui doit en assurer l’archivage. L’analyse systémique, menée lors de la RMM, est une analyse globale de la situation, prenant en compte tous les éléments (organisationnels, techniques et humains) en interaction ayant contribué à la prise en charge d’un patient.

Il en résulte que si les objectifs de la RMM et du CHSCT sont éminemment différents, il demeure que dès lors que la RMM recèle des éléments qui, pour expliquer un incident et éviter sa récidive, concernent notamment l’organisation du service, le management, les conditions de travail des personnels de santé, alors ce document est utile au CHSCT et entre parfaitement dans ses missions de protection de la santé au travail et l’amélioration des conditions de travail.

Concernant le secret médical, l’HAS précise que la RMM est établie par l’équipe médicale à partir de l’examen des circonstances de l’accident et du dossier médical du patient et toutes les personnes qui participent à une RMM sont tenues au secret médical même si chaque cas est présenté anonymement.

Si la nécessité de la participation à la RMM de personnes liées par le secret médical s’explique parce qu’il est débattu de faits relevant de la pathologie d’un malade et de sa vie privée, en revanche, l’HAS insiste particulièrement sur le fait qu’elle doit être anonymisée et ne contenir aucune information directement ou indirectement nominative. A défaut d’anonymisation, le compte-rendu manquerait totalement son objectif pédagogique. De sorte que la contestation sérieuse ne peut se situer à ce niveau-là.

Dès lors, la RMM constitue un document ou une information nécessaire à l’exercice des missions du CHSCT dont la communication doit être assurée par le CHU. L’obligation de communication d’une RMM au CHSCT par le CHU ne se heurte donc à aucune contestation sérieuse.

La décision sera infirmée.

Le CHU devra donc assurer la communication de la RMM réclamée sans qu’il y ait lieu d’assortir l’injonction d’une astreinte, l’opposition du CHU ne constituant pas la démonstration d’une rétention abusive.

Il convient d’allouer au CHSCT la somme de 3 342 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, l’instance engagée ne pouvant être qualifiée d’abusive.

PAR CES MOTIFS

La cour

— Déclare le CHSCT Purpan Ouest recevable en son action.

— Infirme l’ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse en date du 15 octobre 2019 en ce qu’elle a débouté le CHSCT Purpan Ouest de sa demande de communication de la revue de mortalité et de morbidité concernant le patient décédé aux services des urgences le 2 février 2019.

Statuant à nouveau de ce chef.

— Enjoint au Centre Hospitalier Universitaire de Toulouse de communiquer au CHSCT Purpan Ouest la revue de mortalité et de morbidité concernant le patient décédé aux services des urgences le 2 février 2019.

— Déboute le CHSCT Purpan Ouest de sa demande d’astreinte.

— Confirme l’ordonnance déférée en ses autres dispositions.

Y ajoutant

— Vu l’article 700 du Code de procédure civile, condamne le CHU de Toulouse à payer au CHSCT Purpan Ouest la somme de 3 342 € au titre de la prise en charge des honoraires qu’il a dû exposer pour les besoins de la procédure en cause d’appel.

— Dit que le paiement direct de cette somme entre les mains de

Me Eychenne, avocat du CHSCT Purpan Ouest sera libératoire de cette condamnation.

— Condamne le CHU de Toulouse aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. Y C. A-B

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