Cour d'appel de Toulouse, 4e chambre section 1, 7 février 2020, n° 18/01897

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 4e ch. sect. 1, 7 févr. 2020, n° 18/01897
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 18/01897
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 27 mars 2018, N° 16/01754
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 19 septembre 2023
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Sur les parties

Texte intégral

07/02/2020

ARRÊT N°77

N° RG 18/01897 – N° Portalis DBVI-V-B7C-MH7D

CK/NB

Décision déférée du 28 Mars 2018 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE – 16/01754

(Mme. [T])

SA ASTEK INDUSTRIES

SA ASTEK

C/

[X] [O]

REFORMATION PARTIELLE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1 – Chambre sociale

***

ARRÊT DU SEPT FEVRIER DEUX MILLE VINGT

***

APPELANTE

SA ASTEK INDUSTRIES, prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au dit siège social

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Frédéric AKNIN de la SCP CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

PARTIE INTERVENANTE

SA ASTEK, prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au dit siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Frédéric AKNIN de la SCP CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME

Monsieur [X] [O]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Véronique L’HOTE de la SCP CABINET SABATTE ET ASSOCIEES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 11 Septembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

C. KHAZNADAR, conseiller faisant fonction de président

C. PAGE, conseiller

A. PIERRE-BLANCHARD, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : C. ROUQUET

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par C. KHAZNADAR, président, et par C. DELVER, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE :

Le groupe Astek, créé en 1988, est constitué de différentes entreprises de services numériques (sociétés de service et d’ingéniérie informatique). Il compte environ 2 000 salariés en France.

La société Astek SA est l’une des sociétés composant ce groupe. Elle est présente sur quatorze sites en France et regroupe plus de 900 salariés.

La convention collective applicable dans l’entreprise est celle du personnel des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseil et des sociétés de conseil, dite convention Syntec.

En application des articles L3121-38 et L3121-41 du code du travail, dans leur version applicable au litige, les forfaits en heures sur la semaine ou le mois peuvent être mis en place sur la base d’un accord collectif ou du contrat de travail. Leur mise en place suppose l’accord écrit exprès du salarié, y compris en cas d’application d’un accord collectif, et que le nombre d’heures soit indiqué.

Le salarié doit percevoir une rémunération égale à la rémunération minimale applicable dans l’entreprise pour le nombre d’heures correspondant à son forfait, augmentée des majorations pour heures supplémentaires.

L’accord de branche Syntec du 22 juin 1999 relatif à la modulation du temps de travail a prévu trois types de modalités pour organiser le temps de travail et plus précisément la modalité 2 en cause dans le présent litige :

La modalité 2 (dite de réalisation de missions) s’applique aux salariés non concernés par la modalité 1 (standard) ou la modalité 3 (réalisation de missions avec autonomie complète). Tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale (PASS).

La modalité 2 (réalisation de missions) prévoit une convention de forfait hebdomadaire en heures avec variation éventuelle d’activité jusqu’à 38,5 heures sur la semaine. La modalité 2 prévoit, en outre, un salaire supérieur ou égal à 115% du minimum conventionnel, l’annualisation des heures supplémentaires effectuées au delà du forfait et 220 jours maximum de travail par an.

Plusieurs salariés de la société Astek ont été soumis à des conventions individuelles de forfait en heures hebdomadaires empruntant une partie des caractéristiques de la modalité 2 prévue par l’accord de branche de 1999.

Ces forfaits ont fait référence expressément à la modalité II dite 'réalisation de mission de l’article 3 du chapitre II de l’accord de l’accord national de branche du 22 juin 1999.

M. [X] [O] a été embauché par la société Astek au statut cadre, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 4 mai 2015. Il a été rattaché au site de [Localité 5]. La société Astek a appliqué à ce salarié un forfait en heures hebdomadaire d’une durée de 38,5 heures.

M. [X] [O], le 29 juin 2016 , dans la même période que 40 autres salariés, a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins d’obtenir de son employeur un rappel d’heures supplémentaires correspondant aux heures accomplies entre 35 heures et 38,5 heures, des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Par jugement du 28 mars 2018, le conseil de prud’hommes de Toulouse, dans sa formation de départage, a :

— condamné la société Astek à verser au salarié :

* 11 254,07 € de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre

1 125,41€ de congés payés afférents,

* 2 500 € à titre de dommages et intérêts,

— débouté la société Astek de sa demande de remboursement relative aux jours non travaillés et au salaire,

— ordonné à la société Astek de délivrer au salarié des bulletins de salaire en conformité avec la présente décision et, en tant que besoin, de payer aux organismes sociaux les cotisations patronales sur les sommes relevant du salaire,

— rappelé que les créances salariales sont de plein droit assorties de l’exécution provisoire dans la limite de 9 mois de salaire en application des articles R.1454-14 et R. 1454-28 du code du travail et a fixé la moyenne des trois derniers salaires,

— condamné la société Astek à verser au salarié la somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— rejeté toute autre demande plus ample ou contraire [et notamment la demande de l’employeur de remboursement des JNT/RTT],

— condamné la société Astek aux dépens.

Le 20 avril 2018, les sociétés Astek Industries et Astek ont interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et délai qui ne sont pas critiquées.

Le 27 août 2019, par conclusions notifiées par voie électronique, auxquelles il est fait expressément référence, la société Astek demande à la cour, d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse en date du 28 mars 2018 et de :

A titre principal,

— dire que les heures supplémentaires éventuellement réalisées par le salarié entre 35 et 38,5 heures par semaine ont d’ores et déjà été rémunérées mensuellement dans le respect de la convention de forfait hebdomadaire en heures régulièrement conclue ou en application du droit commun;

— débouter en conséquence le salarié de sa demande de paiement de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires;

A titre subsidiaire,

— juger que le salarié ne démontre pas avoir réalisé des heures supplémentaires,

— débouter le salarié de l’intégralité de ses demandes (rappel de salaire, congés payés afférents, dommages et intérêts).

A titre infiniment subsidiaire,

— constater que le montant du rappel de salaire sollicité est erroné,

— limiter le montant du rappel de salaire à la somme de 8 383,64 € brut,

— constater que la nullité ou l’inopposabilité de la convention de forfait induit la restitution des avantages conventionnels indûment perçus par le salarié en contrepartie, à savoir les jours non-travaillés et payés,

— ordonner au salarié de lui rembourser les avantages indûment perçus pour un montant de 2 582,51 € brut,

— acter que si la convention de forfait hebdomadaire en heures du salarié est nulle, la durée du travail de celui-ci est régie par le droit commun de la durée du travail, de sorte qu’il ne peut notamment pas bénéficier des jours de repos corrélatifs au plafond de 220 jours travaillés par an,

En tout état de cause,

— débouter le salarié de sa demande formulée au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

— débouter le salarié de sa demande formulée au titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

— débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre des JNT supprimés,

— débouter le salarié de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre reconventionnel,

— condamner le salarié à lui verser la somme de 200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur les heures supplémentaires

Sur le fond, la société Astek fait valoir que la convention de forfait hebdomadaire en heures est parfaitement régulière en ce que tous les éléments permettant la reconnaissance d’une simple convention hebdomadaire en heures régulière étaient réunis, dès la conclusion du contrat, à savoir :

— un nombre d’heures supplémentaires inclus dans une rémunération forfaitaire fixée contractuellement,

— une absence d’annualisation du temps de travail,

— une rémunération forfaitaire au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l’entreprise pour le nombre d’heures correspondant au forfait du salarié, augmentée des majorations légales pour heures supplémentaires.

La société ajoute qu’ayant perçu une rémunération supérieure à 115% du minimum conventionnel, le salarié a nécessairement bénéficié d’une rémunération au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l’entreprise pour le nombre d’heures correspondant à son forfait, augmentée des majorations légales pour heures supplémentaires (équivalant à 112,5% du minimum conventionnel).

Par ailleurs, elle expose que le salarié ne peut prétendre à des rappels de salaires, dans la mesure où les heures supplémentaires réalisées entre 35 et 38,5 heures ont d’ores et déjà été rémunérées. Elle ajoute qu’il percevait cette rémunération forfaitaire, que des heures soient ou non effectivement réalisées au-delà de 35 heures par semaine, dans la limite de 38,5 heures.

Elle précise que tous les bulletins de paie du salarié présentent deux lignes distinguant clairement le salaire de base et la rémunération des heures supplémentaires majorées; de sorte que le salarié ne peut, en application de l’arrêt rendu par la Cour de cassation du 5 juin 2019 ( 17-21-125), solliciter un rappel de salaire résultant de la nullité de la convention de forfait.

En outre, elle soutient que le salarié, sur lequel pèse la charge de la preuve, n’établit pas que les heures concernées n’ont pas été payées.

Subsidiairement, la société Astek fait valoir que, dans l’hypothèse où la cour considérerait que le salarié n’était pas soumis à une convention de forfait hebdomadaire en heures, ce dernier ne démontre pas avoir réalisé des heures supplémentaires. Elle ajoute que si la convention de forfait a pour objet de déterminer le nombre d’heures supplémentaires au-delà de 35 heures inclus dans la rémunération (limité à 10% pour un horaire de 35 heures soit 38,5 heures), il ne peut pas pour autant en être déduit que la durée du travail du salarié est fixée à 38,5 heures par semaine.

Elle expose que la mention « 38h30 220 jours » indiquée sur les bulletins de paie ne contractualise aucunement un temps de travail effectif pour le salarié, mais vise simplement à rappeler que ce dernier bénéficie d’une convention de forfait hebdomadaire en heures qui inclut les variations horaires éventuellement accomplies dans la limite de 38,5 heures.

Elle expose en outre qu’en supposant que la cour reconnaisse que le salarié a réalisé des heures supplémentaires, ce dernier ne produit aucun élément permettant de rendre compte de sa situation individuelle et donc de présenter un décompte précis et vérifiable des heures dont il revendique le paiement. En effet, elle expose que les chiffrages produits par le salarié ne prennent pas en compte les absences, les semaines incomplètes d’activité, ni le passage à 35 h hebdomadaire en mai 2018, opéré avec un maintien de la rémunération antérieure. Sur le passage à 35h, la société Astek soutient d’une part, que l’affirmation du salarié selon laquelle il a continué d’effectuer 38h30 de travail par semaine, n’est nullement démontrée et d’autre part, que la charge de travail a été aménagée.

Elle rappelle que la demande de rappel de salaires n’est recevable que dans la limite du délai de prescription.

Sur le remboursement des jours de RTT

La société Astek soutient que le salarié doit restituer la contrepartie des avantages perçus si la convention de forfait est déclarée nulle ou inopposable rétroactivement.

Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale

La société Astek conteste cette demande en l’absence de tout élément permettant la démonstration d’un préjudice spécifique.

Le 4 juillet 2019, par conclusions notifiées par voie électronique, auxquelles il est fait expressément référence, M. [X] [O] demande à la cour de confirmer le jugement déféré sauf :

— sur le montant des sommes allouées,

— sur la demande de la société Astek relative au remboursement des avantages conventionnels perçus, à savoir le remboursement des jours non travaillés.

Il demande également à la cour de :

— condamner la société Astek au paiement des sommes suivantes :

* 11 998,61 € à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre

1 199,86 € au titre des congés payés afférents,

* 9 903€ dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

— ordonner le paiement des sommes dues ainsi que la remise des bulletins de salaire et documents sociaux rectifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter d’un mois suivant la notification du prononcé de la décision ;

— rejeter l’intégralité des demandes de la société Astek;

— condamner la société Astek à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

Le salarié se prévaut tout d’abord de décisions rendues par la Cour de cassation, dans des espèces similaires, les 4 novembre 2015, 20 février et 13 mars 2019 ainsi que celles rendues par cette cour.

Sur le fond, il sollicite le paiement d’heures supplémentaires dès lors qu’il considère :

— que la modalité 2 de la convention collective Syntec lui étant inopposable, il est en droit de revendiquer les heures supplémentaires au-delà de la 35 ème heure,

— avoir effectué jusqu’en avril 2018, 38h30 par semaine, tel que cela ressort des bulletins de salaire, fiches d’analyse de temps et ordres de mission.

Il ajoute que les heures supplémentaires n’ont pas été payées : la ligne 'heures supplémentaires forfaitaires’ sur le bulletin de salaire est théorique dans la mesure où celles-ci ne sont pas à proprement parler rémunérées mais intégrées au forfait hebdomadaire en heures. Au demeurant, les bulletins de salaire minorent sur le bulletin de paye la ligne 'salaire de base’ par rapport au salaire contractuellement prévu pour y rajouter une ligne 'heures supplémentaires forfaitaires’ qui correspond en réalité à un aménagement fiscal et social.

Il expose, par ailleurs, qu’à compter du 23 mai 2018, avec effet rétroactif au 1er mai 2018, la société Astek l’a informé de son placement en modalité 1, soit 35 heures hebdomadaire avec la suppression des jours non travaillés comptabilisés dans le compte temps. Ce procédé constitue une modification du contrat de travail qui suppose son accord et qui est donc parfaitement illégal. Il indique avoir continué à assumer, après avril 2018, exactement la même charge de travail sur le même rythme. Il précise que la société Astek a basculé en modalité 1 (soit 35 heures hebdomadaires) uniquement les salariés ayant engagé une action prud’homale, ce qui constitue une inégalité de traitement. Ainsi, le salarié sollicite le paiement des heures supplémentaires accomplies depuis le mois de mai 2018, en vertu du cadre contractuel resté inchangé, les chiffrages étant arrêtés au 30 septembre 2018.

Sur le calcul des rappels de salaire, il expose que l’illicéité de la convention de forfait rend caduc le forfait de salaire convenu de sorte que la rémunération correspond à la durée légale du temps de travail, la société Astek doit ainsi rémunérer les heures supplémentaires accomplies.

Sur la demande reconventionnelle de la société Astek visant au remboursement des JNT

Le salarié renonce à se prévaloir du maintien des jours non travaillés JNT/RTT au regard de l’arrêt du 20 février 2019, aux termes duquel la Cour de cassation a considéré que, dans la mesure où le salarié n’est pas éligible à la convention de forfait en heures à laquelle il a été soumis, le paiement de ces jours accordés en exécution de la convention devient un indu.

Il considère que le chiffrage effectué par la société Astek est cohérent quant au nombre de jours retenu et quant à la valorisation de la journée RTT.

Sur la demande reconventionnelle liée au remboursement de la majoration de la rémunération minimale

Le salarié expose que dans les dernières écritures signifiées devant la cour, la société Astek ne sollicite plus la restitution sur ce fondement.

Sur les chiffrages de la société Astek

Le salarié conteste les chiffrages de la société Astek en ce qu’il n’y a pas lieu de retrancher du montant des demandes en paiement de rappel de salaire pour heures supplémentaires les périodes de congés payés et d’arrêt maladie. En effet, il expose que le salaire doit être maintenu au cours des périodes de congés payés en raison de l’ accomplissement habituel d’heures supplémentaires et qu’en application des dispositions de la convention collective, il bénéficie du maintien intégral du salaire durant un arrêt maladie d’une durée maximum de 90 jours, à la condition de justifier d’une année d’ancienneté.

Par ailleurs, il se prévaut des dispositions de l’article L.3133-3 du code du travail, qui interdisent de tenir compte des jours fériés pour diminuer le salaire octroyé au salarié.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

Ce salarié, toujours présent au sein de la société Astek, sollicite des dommages et intérêts sur le fondement de l’exécution fautive du contrat de travail. Le préjudice subi est constitué par le fait de disposer d’un temps libre moindre et de ne pas avoir perçu de compensation financière à la suite des heures de travail fournies au-delà de la durée légale.

SUR CE :

Sur la procédure :

Il résulte des écritures des SA Astek Industries et SA Astek qu’une erreur de plume a été commise dans le jugement du conseil des prud’hommes au sujet de l’identité exacte de l’employeur du salarié.

En effet, le jugement a été prononcé au nom de la SA Astek mais comporte le numéro siret de la SA Astek Industries.

En appel, la SA Astek Industries et la SA Astek ont interjeté appel et l’employeur du salarié, la SA Astek, déclare intervenir volontairement au lieu et place de la SA Astek Industries étrangère aux débats.

Il convient en conséquence de déclarer recevable l’intervention volontaire de la SA Astek.

Sur la demande de paiement d’heures supplémentaires :

Le moyen tiré de l’inopposabilité du forfait :

Le salarié ne sollicite pas la nullité du forfait hebdomadaire en heures mais son inopposabilité.

L’employeur, la société Astek, invoque la validité de la clause de forfait hebdomadaire en heures, assortie d’une rémunération forfaitaire au regard du code du travail et de la convention collective.

Il est rappelé que lorsqu’un employeur est lié par les clauses d’une convention collective, celles-ci s’appliquent au contrat de travail, sauf stipulations plus favorables, et que le salarié ne peut renoncer aux droits qu’il tient de la convention collective.

L’accord Syntec précité de 1999 prévoit que la modalité 2 s’applique aux salariés non concernés par la modalité 1 (standard) ou la modalité 3 (réalisation de missions avec autonomie complète). Il précise que 'Tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale'. Cette modalité prévoit, en outre, un salaire supérieur ou égal à 115% du minimum conventionnel, l’annualisation des heures supplémentaires effectuées au-delà du forfait de 38,5 heures hebdomadaires et 220 jours annuels de travail au maximum (jour de solidarité compris).

Il résulte de la rédaction précise de cet accord de branche et du fait que le salarié ne peut renoncer aux droits qu’il tient de la convention collective, que l’employeur n’est pas autorisé à créer, sans accord collectif complémentaire, une modalité de « type 2 » reposant uniquement sur des stipulations du contrat de travail concernant des ingénieurs ou cadres dont la rémunération est inférieure au plafond de la sécurité sociale.

La cour constate qu’il résulte de la comparaison des plafonds annuels de la sécurité sociale avec les salaires annuels effectivement perçus que ceux-ci sont systématiquement et largement inférieurs aux plafonds précités.

Ainsi, les différences dans les modalités du forfait appliqué dans les faits au salarié, constituées par un décompte hebdomadaire des heures supplémentaires au-delà de 38,5 heures, payées mensuellement (au lieu de leur annualisation) ne permettent pas de caractériser en l’espèce un forfait distinct plus favorable que la modalité 2 résultant de l’accord Syntec de 1999, dès lors que le salaire effectivement perçu est inférieur au plafond de la sécurité sociale.

Il en résulte que le forfait invoqué par l’employeur est inopposable au salarié.

Lorsque la convention de forfait conclue entre le salarié et son employeur est irrégulière, comme au cas présent, le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires qu’il a effectuées.

La preuve des heures supplémentaires accomplies et impayées :

* sur le moyen tiré du paiement des 3,5 heures supplémentaires hebdomadaires

En premier lieu, l’employeur s’oppose au paiement des heures réalisées par le salarié entre 35 heures et 38,5 heures hebdomadaires au motif qu’elles ont déjà été payées, qu’elles soient réalisées ou non. Il invoque à cet effet la mention dans les bulletins de paie du « salaire de base » avec une durée mensuelle de 151,67 heures et de la rémunération des « heures supplémentaires forfaitaires » de 15,16 heures.

Toutefois, la cour relève que le « salaire de base » du bulletin de paie est systématiquement inférieur au salaire de base forfaitaire contractuel. De sorte que la rémunération de base est en réalité artificiellement minorée pour intégrer la mention des heures supplémentaires destinées à l’application d’un dispositif fiscal et social.

Il résulte de l’application d’un forfait hebdomadaire en heures inopposable et de la minoration artificielle du salaire de base forfaitaire contractuel que les heures supplémentaires n’ont pas été payées par l’employeur.

Le paiement par l’employeur des heures effectuées par le salarié entre 35 heures et 38,5 heures n’est donc pas établi.

* Sur la preuve des heures supplémentaires effectivement réalisées

S’il résulte de l’article L.3171-4 du code du travail que la preuve des heures supplémentaires effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande en paiement d’heures supplémentaires.

La cour relève en premier lieu que, dans la période antérieure au mois de mai 2018, le salarié n’avait pas à déclarer précisément les heures effectuées entre 35h et 38h30 puisque l’employeur considérait qu’elles étaient comprises dans le forfait appliqué.

Le salarié produit ses bulletins de paie, des exemples de fiche d’analyse de temps et d’ordres de mission, lesquels mentionnent bien l’horaire hebdomadaire de 38,5 heures accompli par les salariés de la société d’Astek soumis de fait au forfait hebdomadaire en heures.

Il résulte de l’analyse concordante de ces documents que l’employeur a effectivement demandé, dans la période antérieure à mai 2018, à tous ses salariés cadres auxquels était appliquée la modalité 2, d’effectuer systématiquement 38h30 hebdomadaire et qu’il ne s’agissait pas, pour le salarié considéré, d’une simple éventualité.

Par ailleurs, à compter du 23 mai 2018, avec effet rétroactif au 1er mai 2018, la société Astek a informé le salarié, toujours en poste à cette date, de son passage à la modalité de 35 heures hebdomadaires avec suppression des jours non travaillés comptabilisés dans le compte de temps.

Lors de la réunion des délégués du personnel du 14 juin 2018, puis de la réunion du comité d’entreprise du 17 juillet 2018 et enfin de la réunion des délégués du personnel du 28 août 2018, l’employeur a été interrogé précisément sur l’aménagement de la charge de travail des salariés placés sous le régime des 35 heures et sur l’information des clients.

Il résulte de l’examen des procès-verbaux de ces réunions que :

— la société Astek n’a mis en place aucune communication officielle auprès des clients sur la modification du volume horaire hebdomadaire de ses salariés, se bornant à renvoyer cette délicate question à chaque commercial ou manager, sans justifier de l’information effective du client;

— la société Astek n’a pas davantage engagé de réflexion sur l’analyse de la charge de travail de chaque salarié et sa diminution corrélative à la réduction annoncée du temps de travail.

Le salarié produit des exemples de feuilles d’analyse de temps, dans cette période, pré-remplies avec la mention 35 heures, sans possibilité de modification. Cette impossibilité de modification est illustrée par des exemples de salariés qui n’ont pu que procéder à des observations sur le temps de travail en marge de ce document.

La cour relève en outre que les exemples d’ordre de mission produits pour la période postérieure au 1er mai 2018 sont identiques aux ordres de mission pour la période antérieure, sauf la mention d’un temps de travail de 35 heures hebdomadaire. De sorte que les missions sont restées les mêmes, tout comme la charge de travail.

Enfin, l’employeur ne présente pour cette période, relevant du droit commun du temps de travail, aucun décompte du temps de travail journalier et hebdomadaire, susceptible de contredire utilement celui du salarié.

Ainsi, il résulte des productions que le salarié a effectivement continué à travailler sur le même volume horaire que précédemment, faute de diminution de sa charge de travail par l’employeur, soit, a minima, 38,5 heures.

La société Astek ne peut prétendre que les nombreuses heures supplémentaires réalisées l’ont été sans son accord, compte tenu de l’absence de justificatif fiable du contrôle du temps de travail et de l’absence de corrélation entre le temps de travail hebdomadaire prétendu de 35 heures et la charge de travail du salarié.

Ainsi, le salarié étaye suffisamment sa demande de paiement d’heures supplémentaires par les documents concordants produits alors que l’employeur ne justifie pas du temps de travail effectivement réalisé compte tenu de l’absence de suivi du temps de travail.

Le salarié est donc bien fondé à obtenir le paiement des heures supplémentaires réalisées entre 35 heures et 38,5 heures sur la totalité de la période.

Le calcul des heures supplémentaires :

Dans le système de droit commun, les heures supplémentaires sont les heures effectuées au-delà de la durée légale du travail soit 35 heures hebdomadaires. Elles se décomptent par semaine civile.

La société Astek fait valoir que les semaines où le salarié était absent, ne serait-ce qu’un jour, pour maladie, pour congés payés, pour RTT ou du fait d’un jour férié, soit l’équivalent de 7 heures de travail a minima, sa durée de travail ne dépassait pas sur la semaine 31,5 heures (38,5-7). Elle considère donc que la demande de paiement d’heures supplémentaires doit être minorée d’autant.

La cour retient, comme le fait le salarié dans ses écritures, que la minoration systématique opérée par l’employeur est erronée car :

— il est établi que le salarié a travaillé 38,5 heures hebdomadaires de façon habituelle de sorte qu’il peut prétendre au maintien intégral du salaire prévu par les dispositions de l’article 43 I.C de la convention collective applicable, ce, sur une période de 3 mois dans la mesure où il justifie d’au moins un an d’ancienneté,

— s’agissant des absences pour congés payés, l’indemnité ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue si le salarié avait continué à travailler et l’accomplissement d’heures supplémentaires est habituel sur la période, de sorte que l’indemnité de congés payés doit tenir compte des heures supplémentaires,

— l’article L.3133-3 du code du travail fait interdiction absolue de tenir compte des jours fériés pour diminuer le salaire octroyé au salarié.

S’agissant des journées non travaillées JNT/RTT, la cour retient qu’il n’y a pas lieu en effet à majoration pour heures supplémentaires. Les vérifications des décomptes de paiement des heures supplémentaires du salarié mettent en évidence que la déduction correspondante a été effectuée.

Par ailleurs, il sera relevé dans les motifs que l’employeur renonce en appel à réclamer la restitution de la majoration du salaire.

Compte tenu des règles applicables, il sera fait droit aux demandes du salarié au titre des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents formées à l’encontre de la société Astek.

Sur la restitution par le salarié du paiement des jours non travaillés :

Les parties sont d’accord sur le principe et le montant de la restitution des avantages conventionnels correspondant aux jours JNT/RTT. La cour retient donc la valorisation du remboursement des JNT/RTT à la somme de 2 582,51 €.

Sur la demande formée au titre de l’exécution déloyale du contrat :

Le salarié, demeuré dans l’effectif de l’entreprise, peut solliciter une indemnisation sur le fondement de l’exécution déloyale du contrat de travail.

L’application par l’employeur d’un forfait hebdomadaire en heures, déclaré ultérieurement inopposable constitue une faute. Le salarié démontre en outre que cette difficulté a été évoquée, sans résultat, par les représentants du personnel auprès de l’employeur, ce, depuis 2008.

Ce comportement fautif constitue une exécution déloyale du contrat par l’employeur et a causé directement un préjudice au salarié dans la mesure où, pendant plusieurs années, ce dernier a disposé de moins de temps libre et ne s’est pas vu attribuer le paiement d’heures supplémentaires.

Compte tenu de ces éléments, il sera alloué au salarié la somme de 2 500 € en réparation du préjudice résultant de l’exécution fautive du contrat de travail.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :

Il y a lieu de faire droit à la demande tendant à la délivrance au salarié des bulletins de salaire et des documents sociaux conformes à la présente décision.

L’astreinte sollicitée par le salarié n’apparaît pas en l’espèce justifiée. Le rejet de cette demande sera confirmé.

La société Astek, partie principalement perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, sera tenue des dépens et sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Il est inéquitable de laisser à la charge du salarié la charge des frais exposés non compris dans les dépens : les sommes allouées en première instance seront confirmées et la société Astek sera condamnée, dans le cadre de la procédure d’appel, à payer à M. [X] [O] la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déclare recevable l’intervention volontaire de la SA Astek,

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 9 janvier 2018 en ce qu’il a :

— retenu que le salarié a droit au paiement par la société Astek d’heures supplémentaires, outre les congés payés afférents,

— condamné la société Astek au paiement 2 500 € de dommages et intérêts,

— débouté la société Astek de sa demande de remboursement relative au salaire,

— rejeté la demande d’astreinte,

— condamné la SA Astek à payer à M. [X] [O] la somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,

— condamné la SA Astek aux dépens de première instance,

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SA Astek à payer à M. [X] [O] les sommes suivantes :

—  11 998,61 € bruts à titre des heures supplémentaires,

—  1 199,86 € bruts à titre des congés payés afférents,

Dit que M. [X] [O] doit rembourser à la SA Astek la somme de 2 582,51 € au titre des jours non travaillés et donne acte à M. [X] [O] de son accord à ce remboursement,

Ordonne la remise par la SA Astek à M. [X] [O] des bulletins de salaires et documents sociaux rectifiés conformes à la présente décision,

Condamne la SA Astek à payer à M. [X] [O] la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA Astek aux dépens d’appel.

Le Greffier,Le Président,

C. DELVER C. KHAZNADAR

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Cour d'appel de Toulouse, 4e chambre section 1, 7 février 2020, n° 18/01897