Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 6 janvier 2022, n° 21/00516

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 3e ch., 6 janv. 2022, n° 21/00516
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 21/00516
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Castres, 13 janvier 2021, N° 21/0002
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

06/01/2022

ARRÊT N°02/2022

N° RG 21/00516 – N° Portalis DBVI-V-B7F-N6PE


OS/MB


Décision déférée du 14 Janvier 2021 – Juge de la mise en état de CASTRES – 21/0002

Mme X

A Z


C/

C Y

S.A.R.L. FANISAM

S.A. CNA INSURANCE COMPANY (EUROPE) S.A.

S.A. MMA IARD


INFIRMATION


Grosse délivrée

le

à


REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***


ARRÊT DU SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur A Z

[…] […]


Représenté par Me Sandrine NEFF, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Dimitri PINCENT, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMES

Monsieur C Y

[…]

81290 VIVIERS-LES-MONTAGNES


Représenté par Me Sophie CREPIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Anne-Sophie PIA de la SELEURL AWKIS, avocat plaidant au barreau de PARIS

S.A.R.L. FANISAM

[…]

[…]


Représentée par Me Z G de l’ASSOCIATION ASSOCIATION D’AVOCATS G CERESIANI-LES AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

S.A. CNA INSURANCE COMPANY (EUROPE)

S.A. Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]


Représentée par Me Alexandra BOULOC, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Céline LEMOUX de l’AARPI LAWINS AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS

S.A. MMA IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]


Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Arnaud PERICARD de la SELARL ARMA, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR


En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Octobre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant O. STIENNE et E. VET conseillers chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. J-K, président


O. STIENNE, conseiller


E. VET, conseiller

Greffier, lors des débats : M. H

ARRET :


- CONTRADICTOIRE


- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties


- signé par C. J-K, président, et par M. H, greffier de chambre.

FAITS ET PROCEDURE


La SAS Aristophil, spécialisée sur le marché de lettres autographes et manuscrits anciens, proposait à divers courtiers en assurance et conseillers en gestion depatrimoine de commercialiser un produit dénommé Aristophil.

M. C Y est courtier indépendant en opération de banque et services de paiement, courtier en assurance, gestion de patrimoine, démarchage bancaire et financiers, négociant en métaux précieux.


Il est également agent commercial auprès de la SARL Fanisam suivant contrat du 3 novembre 2010, d’une durée d’un an, tacitement renouvelable.


La SARL Fanisam a commercialisé des produits d’investissements Aristophil

consistant à acquérir en pleine propriété ou en indivision des collections de lettres et manuscrits anciens.


Sur proposition de M. Y, M. A Z a, suivant contrat du 21 novembre 2011 dénommé contrat de vente de parts de l’indivision souscrit avec la SAS Aristophil, acquis F parts en indivision dans la collection 'le secret des grands manuscrits', pour une valeur de 70.500€.


En sa qualité de co-indivisaire, M. Z a également signé, de manière concommittante, un contrat de dépôt, garde et conservation, aux termes

duquel il confiait :


- pour une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction jusqu’à 5 années à la SAS Aristophil la garde, la conservation et Ies expositions par le dépôt de la collection,


- promettait, au terme des 5 ans du contrat de garde, de vendre la collection

à la SAS Aristophil un prix majoré par année de garde de 8 % selon Ies contrats.


Le 16 février 2015, le Tribunal de commerce de Paris a placé la SAS Aristophil en redressement judiciaire, avant de prononcer une liquidation judiciaire le 5 août 2015.


Une ouverture d’information est en cours depuis mars 2015 envers notamment le dirigeant de la SAS Aristophil pour des faits d’abus de confiance, blanchiment et escroquerie en bande organisée. M. Z s’est constitué partie civile dans le cadre de cette procédure pénale.


Le 11 février 2019, les sociétés Finestim et Art Courtage ainsi que la SAS Aristophil ont été mises en examen des chefs d’escroqueries et de pratiques commerciales trompeuses.


Le 24 décembre 2019, M. A Z a adressé des courriers recommandés à M. C Y et à la SARL Fanisam pour solliciter une indemnisation au titre du défaut d’obligation d’information et de conseil sur les risques attachés au produit Aristophil.

ll adressait également copie de ces courriers à la CNA Insurance Company et ce à titre de mise en demeure.

*


Par actes des 13 et 14 Février, M. A Z a assigné, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, M. C Y, la SARL Fanisam ainsi que la CNA Insurance Compagny(Europe ) et la MMA Iard devant le Tribunal Judiciaire de Castres aux fins d’obtenir :


- la condamnation in solidum de M. C Y et de la SARL à l’indemniser de ses préjudices résultant de la perte de chance de ne pas souscrire le contrat litigieux et de faire fructifier le capital investi outre la réparation de son préjudice moral,


- la condamnation de la SA CNA Insurance Company (Europe) et de la SA MMA Iard à garantir les condamnations prononcées à l’encontre de M. Y et de la SARL Fanisam.

*


Par conclusions d’incident, la CNA Insurance Company (Europe ) a soulevé devant le juge de la mise en état la fin de non recevoir tirée de E prescription de I’action initiée par M. A Z.

M. C Y soulevait également l’irrecevabilité de l’action de M. Z en raison de la prescription, du défaut d’intérêt à agir et de son absence de qualité à défendre contre M. Y.


La SARL Fanisam soutenait l’irrecevabilité de l’action de M. A Z pour défaut de qualité de la société à y défendre et en raison de la prescription.


La MMA Iard s’associait à ces demandes d’irrecevabilité de l’action de M. Z.

M. A Z s’opposait aux demandes des défendeurs.


Par ordonnance du 14 janvier 2021, le juge de la mise en état a :


- déclaré prescrite l’action de M. A Z,


- rejeté Ies demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- condamné M. A Z aux entiers dépens, distraits notamment au profit de Me Z G.


Le premier juge a retenu que l’action intentée au titre de la perte de chance de ne pas contracter pour défaut de conseil se prescrivait par cinq ans.


Le point de départ de la prescription de cette action en perte de chance se situe au jour de la conclusion du contrat. Le point de depart retardé au jour ou le titulaire a connu Ies faits constitue une exception ; aucun élément justifiant le report du délai de prescription n’est rapporté.

**


Par déclaration du 2 février 2021, M. A Z a interjeté appel des

dispositions de cette ordonnance en ce qu’elle a :


- déclaré prescrite l’action de M. A Z,


- rejeté Ies demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- condamné M. A Z aux entiers depens, distraits notamment au profit de Me Z G.

PRETENTIONS DES PARTIES


Par dernières conclusions du 13 septembre 2021, M. A Z demande à la cour de :


- infirmer dans toutes ses dispositions l’ordonnance du 14 janvier 2021,


Statuant à nouveau :


- déclarer M. A Z recevable en son action dirigée contre M. Y et Ies sociétes Fanisam, […]) et MMA Iard,


- condamner M. Y et Ies sociétés Fanisam, […]) et MMA Iard à lui verser la somme de 5000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel de l’incident, outre Ies entiers depens,


- débouter M. C Y et Ies sociétés Fanisam, […]) et MMA Iard de l’ensemble de leurs demandes,


- inviter Ies parties à conclure sur la responsabilité de M. C Y et de la société Fanisam et sur Ies garanties des assureurs afin de donner une solution définitive au Iitige.

ll soutient essentiellement :


- l’effet interruptif de prescription de sa constitution de partie civile dans le cadre de l’information judiciaire ouverte en mars 2015,


- son impossibilité de prendre conscience de la surévaluation des oeuvres acquises par l’intermédiaire de M. Y et de la Sarl Fanisam à la date des souscriptions litigieuses ; le montage juridique de l’opération Aristophil reposait nécessairement sur la signature simultanée d’un 'contrat de vente de parts indivises’ et d’un contrat de 'garde et de conservation', devant permettre à la société Aristophil, pour une durée de cinq années, de conserver les oeuvres dans ses locaux aux fins d’exploitation et de valorisation,


- son impossibilité de prendre conscience de la portée de son engagement à la date de la souscription litigieuse, de comprendre que la société Aristophil n’était contractuellement pas engagée au rachat à terme et par conséquent de déterminer le risque de perte en capital auquel il s’exposait dans cette hypothèse, date de révélation de son dommage ; les premières ventes du fonds Aristophil établissant une surévaluation massive des oeuvres (et donc le caractère fantaisiste des valeurs défendues par les conseillers en gestion de patrimoine, sans vérification aucune) sont intervenues seulement le 20 décembre 2017 ; ces résultats de vente confirment les résultats de l’enquête secrète effectuée par la DGCCRF ; M. Y et la société Fanisam défendaient les valeurs alléguées des collections et relayaient ces informations auprès de leur client, ce qui relève concrètement d’une tromperie ; M. Z avait compris que la notion de risque était relative à la seule (et éventuelle) dévaluation des oeuvres soumises aux aléas du marché.Suivant le document à en tête de la société Aristophil qui lui avait été remis, la 'valeur du prix d’acquisition’ était nécessairement garantie par la Cie L.loyd’s,


- M. Y et la société Fanisam constituaient le relais du concepteur et du distributeur de sorte qu’ils ont perpétué leurs dissimulations et leurs pratiques trompeuses, faisant obstacle à la prise de conscience d’un dommage par M. Z lors de la souscription du contrat, eu égard notamment au montage contractuel ; M. Z était, au vu de la rédaction alambiquée des supports, dans l’impossibilité de comprendre les conséquences juridiques de la clause contenue dans le contrat de garde et de conservation intitulée 'Promesse de vente',


- M. Y, la société Fanisam n’ont jamais rapporté la preuve de la délivrance d’une information et d’un conseil conforme qui aurait permis à M. Z, profane,d’être en mesure, à la date de la souscription litigieuse de comprendre que la société Aristophil n’était contractuellement pas engagée au rachat des oeuvres à terme et par conséquent de déterminer le risque de perte en capital auquel il s’exposait dans l’hypothèse où la société ne rachèterait pas les parts à terme,


- le dommage a été révélé à M. Z le 27 février 2015, date où le mandataire judiciaire l’a invité à déclarer sa créance à la procédure collective à l’encontre de la société Aristophil ; c’est à cette date que le dommage consistant principalement en une perte de chance de ne pas contracter s’est révélé ; l’ouverture de la procédure collective a révélé l’existence du risque relatif au défaut de rachat des parts, risque présenté comme étant inexistant par les intermédiaires à l’opération,


- M. Z n’avait aucunement connaissance des articles de presse et des messages Facebook versés au débat, ni de l’enquête préliminaire par nature officieuse ; il n’est par ailleurs aucunement justifié qu’il aurait reçu la lettre adressée par la société Aristophil à ses clients,


- M. Y est nécessairement intervenu dans le cadre d’un mandat émanant de la société Art Courtage ou de la société Script lnvest, qui lui a été confié directement par l’une ou l’autre de ces deux sociétés ou indirectement, c’est-à-dire par le truchement de la société Fanisam dont il était l’agent commercial.

*


Par dernières conclusions du 10 septembre 2021, M. C Y demande à la cour de :


- confirmer l’ordonnance du 14 janvier 2021 en ce qu’elle a déclaré irrecevable car prescrite l’action de M. Z,


En conséquence,


- débouter M. Z de toutes ses demandes, fins et pretentions à l’encontre de M. Y,


En tout état de cause:


- débouter M. Z de sa demande d’évocation au fond de I’affaire,


- condamner M. Z aux entiers dépens,


- condamner M. Z à verser à M. Y E somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
ll fait valoir essentiellement que :


- les manquements à l’obligation d’information et de conseils sont appréciés au jour de la souscription au produit Aristophil ; en matière de proposition d’investissement, la perte de chance de ne pas contracter se manifeste lors de la souscription du contrat support de l’investissement ; le point de départ de la prescription est fixée au jour du contrat, les actions diligentées plus de cinq ans après étant prescrites,


- M. Z ne démontre aucune dissimulation des manquements allégués au jour de la conclusion du contrat ; en toute hypothèse les dissimulations dont il se prévaut ne sauraient être reprochées à M. Y dans la mesure où ces dernières sont pour l’heure incertaines et de surcroît imputables à la SAS Aristophil ; cela ne saurait justifier un report du point de départ de la prescription à l’encontre d’un conseiller,


- M. Z était parfaitement informé des éléments connus au jour du contrat ; le contrat de vente de parts d’indivision mentionne bien la dénomination de l’indivision ainsi que l’existence d’un acte authentique établi par le notaire ; il a déclaré avoir pris connaissance des conditions générales et spéciales attachées à la convention d’indivision ; la prétendue surévaluation des oeuvres dont se prévaut M. Z ne saurait être appréciée au jour des ventes aux enchères réalisées dans le cadre de la liquidation judiciaire d’Aristophil mais au jour de leur acquisition,


- dès le 21 novembre 2011, M. Z connaissait les hypothèses de fin de contrat, sans aucune ambiguité ; aucun engagement d’achat n’avait été souscrit par Aristophil. Il était informé que l’investissement n’était pas dénué de risques,


- à supposer que le point de départ de la prescription quinquennale puisse être reporté, l’action serait toujours prescrite car M. Z ne pouvait légitimement pas ignorer les dommages allégués au 14 février 2015, de nombreux articles de presse ayant relayé la procédure pénale et les soupçons d’escroquerie visant la société Aristophil dès la fin du mois d’octobre à décembre 2014 ; en outre Aristophil avait adressé à chacun de ses clients un communiqué les informant de l’ouverture d’une procédure pénale, de l’enquête réalisée par la DGCCRF, d’une ouverture possible de redressement judiciaire et répondant aux allégations de la presse ; M. Z a nécessairement eu connaissance de cette situation, à tout le moins, ne pouvait légitimement ignorer les doutes sur le produit Aristophil,


- l’action n’a pu être interrompue par la constitution de partie civile de M. Z dans l’instance pénale laquelle ne concerne pas M. Y ; l’action est donc irrecevable comme étant prescrite.

*


Par dernières conclusions du 14 septembre 2021, la SARL Fanisam demande à la cour de :


- rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,


- débouter M. Z de l’ensemble de ses demandes,


- confirmer l’ordonnance du juge de E mise en etat du 14 janvier 2021,


- prononcer l’irrecevabilité de l’action de M. Z pour défaut de qualité de la société Fanisam à y défendre,


- prononcer l’irrecevabilité de l’action de M. Z pour prescription de l’action,


- condamner M. Z à verser à la SARL Fanisam la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers depens de l’instance avec distraction en application de l’article 699 du code de procédure civile,


- rejeter la demande d’évocation de M. Z.


Elle fait valoir essentiellement que :


- elle n’est tenue à aucune obligation d’information et de conseil et n’a pas qualité à défendre,


- elle n’est pas concernée par cette procédure car elle n’a commercialisé les produits Aristophil qu’à compter du 2 décembre 2011 ; elle n’était pas le mandant de M. Y,


- M. Z ne rapporte aucunement la preuve d’un mandat antérieur de la Sarl Fanisam laquelle justifie par ailleurs d’un mandat conclu le 2 décembre 2011 avec une autre société,


- l’action est prescrite dès le 21 novembre 2016, le contrat objet du litige ayant été signé le 21 novembre 2011, M. Z ne pouvant se prévaloir d’un point de départ de prescription retardé ; en outre, il ne peut invoquer sa constitution de partie civile comme cause d’interruption de prescription dès lors qu’elle est intervenue dans le cadre de l’instruction pénale ne visant aucunement la SARL Fanisam, ne comportant aucune demande de réparation et ne visant pas les mêmes fins que la présente action,


- la demande d’évocation est irrecevable en vertu des dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile, n’est pas applicable en vertu des dispositions de l’article 568 du même code et n’est pas justifiée.

*


Par dernières conclusions du 16 septembre 2021 la SA CNA Insurance Company (Europe) demande à la cour, au visa de l’article 2224 du code civil, de :


- confirmer l’ordonnance entreprise du juge de E mise en état du Tribunal Judiciaire de Castres du 14 janvier 2021 et de :


A titre principal,


- juger l’action de M. Z prescrite, celui-ci ayant ou ayant dû avoir connaissance des faits qui fondent son action depuis la signature du contrat litigieux ; à tout le moins, dès l’automne 2014, lors de la révélation par la presse de l’enquête pénale diligentée envers la société Aristophil et du courrier adressé par cette dernière à l’ensemble des investisseurs le 4 décembre 2014.


A titre infiniment subsidiaire, dans |'hypothèse où la cour viendrait à infirmer

l’ordonnance entreprise :


- renvoyer Ies parties devant le Tribunal Judiciaire de Castres afin qu’il soit statué sur Ies demandes de M. Z,


En tout état de cause :


- débouter M. Z de toutes ses demandes,


- condamner M. Z à lui payer E somme de 1.000 € au titre de I’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir essentiellement que :


- si la cour n’est pas saisie de la question, elle conteste cependant être l’assureur responsabilité civile professionnelle de M. Y et de la SARL Fanisam au titre de la police n° FN 1925 ; cette police a été souscrite par la société Art Courtage au profit des agents commerciaux ayant reçu mandat express de cette dernière, ce qui n’est pas le cas en l’espèce,


- le cours de la prescription dépend uniquement de la date à laquelle M. Z était en mesure d’avoir connaissance de ce qu’il avait perdu une chance de souscrire un investissement sécurisé ; la surévaluation supposée ou réelle concerne le montant du préjudice et non pas son principe,


- la tromperie n’est pas l’oeuvre de M. Y ou de la société Fanisam mais le fait de la seule société Aristophil ; elle est inopérante à repousser le point de départ de la prescription à l’égard de M. Y,


- les stipulations contractuelles sont parfaitement claires ; il n’est consenti à la société Aristophil qu’une promesse de vente, cette dernière se réservant la faculté de la lever ou non, situation parfaitement connue de M. Z,


- le délai de prescription attaché à l’action de M. Z a commencé à courir au jour de la conclusion du contrat du 21 novembre 2021,


- subsidiairement, M. Z ne pouvait ignorer au 10 décembre au plus tard que la SAS Aristophil ne pourrait en tout état de cause lever l’option d’achat qui lui avait été concédée, eu égard aux articles de presse publiés durant les mois d’octobre à décembre 2014 et de la communication effectuée par la SAS Aristophil sur son compte Facebook au mois de décembre 2014,


- la constitution de partie civile de M. Z lors de l’instance pénale ne peut être constitutive d’interruption de prescription à l’égard de M. Y et de la société Fanisam.

*


Par dernières conclusions du 17 septembre 2021, MMA Iard demande à la cour de :


- confirmer l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Castres le 14 janvier 2021 en ce qu’elle a declaré prescrite l’action de M. Z,


A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour venait à infirmer l’ordonnance:


- juger que l’action est irrecevable pour défaut de qualité à défendre de la société Fanisam et donc de MMA,


- débouter en conséquence M. A Z de I’ensemble de ses demandes, fins et prétentions formulées à l’égard de MMA,


- rejeter la demande d’évocation du fond de I’affaire formulée par M. A


Z,


- débouter en conséquence M. A Z de I’ensemble de ses demandes, fins et prétentions formulées à l’égard de MMA,


En tout état de cause :
- condamner M. A Z à payer à MMA la somme de 5.000 euros au

titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.


Elle fait valoir essentiellement que :


- à titre principal, l’action est prescrite, la perte de chance de ne pas contracter s’étant en l’espèce manifestée le jour du contrat du 21 novembre 2011. Le point de départ de la prescription ne peut être reporté à la date de connaissance de la surévalution alléguée des oeuvres, la Fanisam ne pouvant en aucun cas avoir des doutes au vu des informations qu’elle détenait,


- M. Z disposait de toutes les informations lui permettant d’appréhender, à la date de conclusion du contrat, les manquements reprochés aux conseillers en gestion et patrimoine quant au mécanisme du rachat de la collection par la société Aristophil ; elle n’avait aucune obligation de racheter les parts vendues, seul M. Z s’y engageait,


- aucune manoeuvre de dissimulation n’est démontrée tant à l’égard de la SARL Fanisam que de M. Y ;


- la plainte avec constitution de partie civile de M. Z n’a pas interrompu la prescription de son action à l’encontre de la SARL Fanisam,


- à titre subsidiaire, l’action est irrecevable car l’appelant ne démontre pas que la SARL Fanisam est intervenue à son égard en qualité de conseiller en gestion de patrimoine ; seul M. Y a pu conseiller et guider M. Z dans son choix de placement. Le seul fait que la SARL Fanisam soit intervenue dans la chaîne de commercialisation des produits Aristophil n’est pas suffisant à mettre à sa charge une quelconque obligation de conseil et d’information à l’égard de M. Z, faute de lien contractuel établi entre eux ; le contrat d’agent commercial conclu entre la SARL Fanisam et M. Y ne justifie aucunement qu’elle serait intervenue auprès de M. Z. En outre, aucun élément ne démontre l’existence d’un mandat conclu avec la société Art Courtage ou la société Script’ Invest, ce que la SARL Fanisam conteste.

*


L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 septembre 2021.

MOTIFS

Sur la prescription de l’action de M. Z :


Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.


Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.


Le dommage résultant d’un manquement à une obligation d’information, de mise en garde et /ou de conseil consistant en la perte d’une chance de ne pas contracter ou de contracter dans de meilleures conditions se réalise en principe lors de la conclusion du contrat. Les obligations du courtier doivent avoir été respectées préalablement, le cas échéant au plus tard le jour du contrat.
Cependant, le délai de prescription de l’action en responsabilité intentée contre l’auteur de ce manquement est reporté au jour où le dommage s’est révélé ou aurait dû être révélé au contractant lorsque ce dernier ne pouvait en avoir connaissance à la soucription de l’opération litigieuse.


En l’espèce, M. Z soutient essentiellement qu’il n’a pu prendre conscience, au vu du montage complexe de l’opération :


- que la société Aristophil n’était contractuellement pas engagée au rachat à terme et par voie de conséquence du risque de perte en capital auquel il était exposé,


- de la surévaluation des oeuvres acquises à la date de souscription du contrat.


Concemant la compréhension du contrat de garde et de conservation souscrit, celui-ci prévoit :


- le propriétaire confie à la société la garde et la conservation par dépôt de la collection. La collection sera conditionnée, expertisée et gardée par la société pendant une durée déterminée après la signature des présentes. La collection sera déposée dans des coffres sécurisés et sera assurée contre tous les risques auprès des Lloyd’s de Londres,


- la société s’engage à conditionner, garder et conserver la collection dans les meilleures conditions de protection pendant la durée du contrat pour la rendre au propriétaire au terme de la convention,


- la société autorise le propriétaire à conserver lui-même tout ou partie de la collection pour une durée limitée sous certaines conditions précises,


- la convention est valable pour une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction et pendant cinq ans,

'Le propriétaire promet unilatéralement de vendre à la société la collection dont il est propriétaire au terme des 5 ans du contrat de garde et de conservation.

Cette promesse a une durée de 6 mois qui court à compter du terme de la

convention de dépôt.

Cette promesse de vente s’effectuera :

- à un prix d’achat qui figure en Annexe 1 ou si ce prix n’est pas fixé à un prix déterminé par expertise.

Ce prix ne pourra en aucun cas être inférieur au prix d’achat majoré de 8 % par an de la valeur déclarée au départ. L’expertise sera diligentée à la requête des parties par un expert dûment habilité.

Durant ces 6 mois, la société aura l’option d’acheter la collection au prix convenu ou à un prix d’expertise.

Ce prix sera au minimum supérieur de : 8% par an au prix d’acquisition tel qu’il figure à l’Annexe 1 pour une période de garde et de conservation de 5 années pleines et entières.


- le propriétaire de la collection peut chaque année ou au terme de la conservation par la société mettre fin au contrat. Au terme de la convention, il peut conserver la collection, vendre la collection sur le marché national ou international, appliquer la promesse de vente et revendre la collection à la société aux conditions stipulées à l’article VI lesquelles prévoient les conditions du droit de préemption de cette dernière.


L’annexe1 intitulée contrat de vente de parts de l’indivision est un document faisant suite à ce contrat de garde et de conservation. Il mentionne que la société Aristophil, propriétaire d’une quote-part de propriété du bien indivis d’une valeur de 13 500 000€ (divisée en 9000 parts de 1500 €) vend à l’acheteur soit M. Z F parts de propriété sur le bien désigné soit une quote-part indéterminée de propriété sur un bien indivis composé d’un ensemble de lettres, manuscrits et livres.


Le prix de vente de ces F parts s’élevait à 70 500 €.


Il est certain que l’attractivité du produit réside dans la perspective du rachat par la société Aristophil avec une plus value présentée comme étant garantie (8% par an du prix d’acquisition ) dans la mesure où le contrat de garde et de conservation est maintenu par l’acheteur pendant cinq ans.


Eu égard à la complexité de l’opération associant un contrat de vente de parts de 'l’indivision’ avec un contrat de garde souscrit entre 'd’une part la société Aristophil, SAS au capital de 5 000 000 €, ci-après dénommée La Société et d’autre part, l’acheteur Les membres de l’INDIVISION, ci-après dénommé le Propriétaire ' contrat contenant promesse de vente soumise à option, il convient de retenir que pour un profane, non juriste, ce montage, tel que ci avant décrit ne peut être aisément compréhensible, la qualité même de propriétaire étant même sujette à interrogation.


En outre, M. Z verse au débat un document remis par M. Y (fait non contesté) vantant l’ensemble des garanties Aristophil, notamment celle de 'la garantie d’expertise et d’authentification de l’ensemble des valeurs en convention, réalisée par des experts indépendants agrées par la Cour d’appel des TGI' ainsi que 'la garantie de la valeur du prix d’acquisition des Lettres et Manuscrits, couverte par une assurance spéciale Lloyd''s'.


L’acte notarié du 27 juillet 2011 portant sur la convention d’indivision dénommée Le secret des Grands Manuscrits adressé à M. Z postérieurement à la signature des conventions sus visées ne contient pas d’informations explicites sur celles-ci.


Il est rappelé que la preuve du respect de l’obligation d’information incombe au courtier. En l’absence de production par ce dernier de documents d’informations permettant d’expliquer clairement les conventions souscrites lesquelles ne garantissaient en réalité aucunement l’obligation pour la société de procéder au rachat des parts et ce dans des conditions avantageuses, le délai de prescription doit être reporté à la date où M. Z a pu ou aurait dû comprendre l’absence d’engagement de la SAS Aristophil.


Il est acquis que cette connaissance est à tout le moins intervenue lors de la demande adressée par le mandataire judiciaire le 27 février 2015 à M. Z aux fins de déclarer sa créance à la procédure collective de la SAS Aristophil. A cette date, M. Z était informé de l’absence de possiblité de rachat par cette société de ses parts telle qu’il avait pu le comprendre au vu de la complexité de l’opération souscrite.


S’agissant des articles de presse parus entre le 18 octobre 2014 et le 10 décembre 2014 faisant état de l’enquête préliminaire visant la SAS Aristophil, il n’est aucunement démontré que M. Z en ait eu connaissance, ce qu’il conteste, étant relevé qu’il n’est pas tenu à la lecture de la presse. Il en est de même des 'messages du compte Facebook’ de la société Aristophil alors qu’aucun élément ne permet d’établir que M. Z avait accès à ce type de messagerie.


S’agissant de la lettre type datée du 4 décembre 2014 adressée par la SAS Aristophil à 'tous ses clients et leurs conseillers', il n’est pas davantage établi de l’envoi de ce courrier à M. Z et de sa réception.
Aucun élément au dossier ne permet d’établir que M. Z connaissait l’existence de l’enquête préliminaire et ce avant l’ouverture de l’information pénale en mars 2015.


Dans ces conditions, eu égard à l’assignation délivrée par actes des 13 et 14 février 2020,soit dans le délai de cinq ans à compter du 27 février 2015 date où l’absence de rachat des parts dans des conditions avantageuses a été connue, il convient de déclarer l’action de M. Z non prescrite, sans qu’il y ait lieu de débattre de son moyen complémentaire tenant à l’interruption de la prescription par sa constitution de partie civile en mars 2015 dans l’instance pénale.


La décision entreprise doit être infirmée en ce qu’elle a déclaré l’action de M. Z prescrite. .

Sur le défaut de qualité à défendre de la SARL Fanisam et de son assureur MMA Iard :


En vertu des dispositions de l’article 32 du code de procédure civile est irrecevable toute action contre une personne,faute de qualité de celle-ci à y défendre.


La SARL Fanisam a, depuis le 28 novembre 2000, notamment pour activités les transactions sur immeubles et fonds de commerce, prestations de conseils et d’études en matière de gestion du patrimoine, courtages en assurances.


Elle soutient qu’elle n’a commencé à commercialiser les produits Aristophil sur proposition de M. Y qu’à compter du 2 décembre 2011. Elle justifie d’une convention de partenariat conclue à cette date avec l’EURL Vite Un Prêt en vue de commercialiser notamment les contrats Aristophil.

M. C Y est courtier, à son compte, en opération de banque et services de paiement, courtier en assurance, gestion de patrimoine, démarchage bancaire et financiers, négociant en métaux précieux et ce depuis le 14 juin 2007.


Il est également agent commercial auprès de la SARL Fanisam suivant contrat du 3 novembre 2010, d’une durée d’un an, tacitement renouvelable.


Ce contrat ne mentionne pas les produits commercialisés et ne prévoit pas d’exclusivité, l’agent commercial pouvant effectuer des opérations en dehors de ce mandat.


Le contrat litigieux a été souscrit par M. Z le 21 novembre 2011.


Si M. Y reconnaît avoir été le courtier ayant proposé le produit Aristophil à M. Z, il déclare que le produit était distribué par la société Art Courtage France laquelle animait un réseau de sous agents et de conseillers en gestion et placement. Il ne mentionne aucunement le rôle de la SARL Fanisam dans la présente affaire.


La SARL Fanisam conteste formellement avoir conclu un mandat avec la société Art Courtage France ou la société Script-Invest.


Il ressort des pièces versées au débat que la SAS Aristophil a confié la commercialisation de ses produits à la société Finestim laquelle sous traitait cette commercialisation aux sociétés Art Courtage et Script Invest, qui ont fusionné en 2013. Ces sociétés sous traitaient également l’activité de courtage à des courtiers indépendants.


Aucun élément du dossier ne permet de constater l’intervention de la SARL Fanisam dans la commercialisation du produit Aristophil par M. Y à l’égard de M. Z. M. Y, courtier indépendant, a été le seul conseiller en gestion de patrimoine en relation avec M. Z.


Dès lors, il convient de déclarer irrecevable l’action de M. Z envers la SARL Fanisam et la
MMA Iard, attraite dans la cause en sa qualité d’assureur de celle -ci.

Sur la demande d’évocation de l’affaire :


S’agissant de l’appel d’une ordonnance du juge de la mise en état, il n’ y a pas lieu à évocation de l’affaire par la cour d’appel, les conditions de l’article 568 du code procédure civile n’étant pas réunies pour faire droit à cette demande formée par M. Z ; aucun élément ne justifie qu’il soit porté atteinte au double degré de juridiction dans cette affaire.


Les parties seront renvoyées devant le tribunal judiciaire de Castres pour la poursuite de l’affaire.

Sur les demandes annexes :


Les dépens d’incident tant de première instance que d’appel seront à la charge de M. Y et de la SA CNA Insurance Company (Europe).La décision entreprise sera infirmée en ce sens.


Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. A Z l’intégralité des frais irrépétibles avancés par lui pour assurer cette instance tant en première instance qu’en appel. Il convient de condamner à ce titre M. C Y et la SA CNA Insurance Company (Europe) à verser chacun la somme de 1000 € à M. A Z.


L’équité commande de rejeter les demandes des autres parties formées à ce titre.

PAR CES MOTIFS


La cour,


Infirme la décision du 14 janvier 2021 dans toutes ses dispositions.


Statuant à nouveau,


Déclare l’action de M. A Z non prescrite.


Condamne M. C Y et la SA CNA Insurance Company (Europe) à verser chacun la somme de 1000 € à M. A Z au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


Déboute les autres demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


Y ajoutant,


Déclare irrecevable l’action de M. A Z envers la SARL Fanisam et MMA Iard.


Dit n’y avoir lieu à faire droit à la demande d’évocation formée par M. A Z.


Condamne M. C Y et la SA CNA Insurance Company (Europe) aux dépens d’incident tant de première instance que d’appel, excepté les entiers dépens de la SARL Fanisam et de MMA Iard lesquels seront à la charge de M. A Z et recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Z G.


LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. H C. J-K
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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 6 janvier 2022, n° 21/00516