Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 11 décembre 2014, n° 14/06124

  • Caractère vraisemblable de l'atteinte aux droits·
  • Atteinte à la dénomination sociale·
  • Trouble manifestement illicite·
  • Usage dans la vie des affaires·
  • Interdiction provisoire·
  • Mot d'attaque identique·
  • Contestation sérieuse·
  • Contrefaçon de marque·
  • Droit communautaire·
  • Mesures provisoires

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Suite à une demande de radiation en cours et à une procédure d’opposition, l’association poursuivie n’appartient plus au groupe Medef Hauts-de Seine et ne peut revendiquer le droit d’utiliser les marques MEDEF et Mouvement des Entreprises pour les produits et services pour lesquels les marques du Medef national ont été déposées. Or, ces marques, ont été utilisées par ladite association dans sa communication à l’égard de ses adhérents et du public ainsi que sur ses sites internet, créant ainsi un risque de confusion dans l’esprit du public. Les dépôts de marques MEDEF SPSC et MEDEF SURESNES-PUTEAUX-SAINT-CLOUD par l’association poursuivie et la nature de ses activités révèlent bien son intention de retirer un avantage économique de leur utilisation. Il importe peu que le titulaire des marques contrefaites exerce ses activités sous forme d’association. L’ensemble de ces éléments rend vraisemblable qu’il a été porté atteinte et qu’il pourrait encore être porté atteinte aux marques MEDEF et Mouvement des Entreprises au sens de l’art. L. 716-6 du CPI. Le risque de confusion dans l’esprit du public qui peut résulter de l’usage de la dénomination sociale Mouvement des Entreprises Medef constitue un trouble manifestement illicite pour le demandeur dont la dénomination statutaire antérieure est Mouvement des Entreprises de France Medef. La demande en interdiction d’usage de la dénomination sociale fondée sur l’art. 809 du Code de procédure civile est fondée.

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 14e ch., 11 déc. 2014, n° 14/06124
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 14/06124
Publication : PIBD 2015, 1022, IIIM-164
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nanterre, 23 juillet 2014, N° 14/01186
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Nanterre, 24 juillet 2014, 2014/01186
  • (en réquisition)
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : Mouvement des Entreprises ; MEDEF ; MEDEF SPSC ; MEDEF SURESNES-PUTEAUX-SAINT-CLOUD
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 98749286 ; 3206232 ; 3986045 ; 3986053
Classification internationale des marques : CL16 ; CL35 , CL38 ; CL41 ; CL42
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Référence INPI : M20140710
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE VERSAILLES ARRÊT DU 11 DÉCEMBRE 2014

14e chambre R.G. N° 14/06124 R.G. N° 14/06564

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 24 Juillet 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE N° RG : 14/01186

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Association MEDEF SURESNES PUTEAUX SAINT-CLOUD prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège La Maison des Entreprises […] 92800 PUTEAUX Représentée par Me Stéphane CHOUTEAU de l’ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 620 – N° du dossier 001879 assistée de Me Olivier S substitué par Me Jonathan T, avocat au barreau de PARIS APPELANTE

Association LE MOUVEMENT DES ENTREPRISES DE FRANCE – M représentée par son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège […] 75007 PARIS Représentée par Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 627 – N° du dossier 14433 assistée de Me Christophe C, avocat au barreau de PARIS INTIMEE

Composition de la cour : En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 29 Octobre 2014 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur J SOMMER, président et Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur J SOMMER, président, Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller, Madame Marie-Claude CALOT, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie R,

FAITS ET PROCÉDURE

Le Mouvement des Entreprises de France est une association régie par la loi du 1er juillet 1901 identifiée par l’acronyme M, principale organisation interprofessionnelle représentative des entreprises françaises auprès des pouvoirs publics et des partenaires sociaux.

Le M est notamment titulaire de :

- la marque française verbale MOUVEMENT DES ENTREPRISES enregistrée sous le n° 98 749 286 déposée le 11 septembre 1998 et renouvelée depuis, pour désigner les produits et services en classes 16, 35, 38 et 41,
- la marque française verbale M enregistrée sous le n° 3 206 232 déposée le 27 janvier 2003 et renouvelée depuis, pour désigner les produits et services en classes 16, 35, 38, 41 et 42
- deux marques semi figurative et figurative.

Chacune de ces marques désigne notamment les services d’aide aux entreprises industrielles ou commerciales dans la conduite de leurs affaires, conseils, information ou renseignements d’affaires […], de relations publiques […], organisation et conduite de colloques, conférences, congrès.

Aux termes de ses statuts, le M est constitué d’organisations professionnelles nationales et d’organisations territoriales, qui sont ses membres actifs, et qui comptent notamment parmi elles l’association M HAUTS-DE-SEINE, constituée en 1999, dont dépendait le M SURESNES-PUTEAUX- SAINT-CLOUD (SPSC).

Au cours de l’année 2011, le M HAUTS-DE-SEINE a cherché à fusionner avec lui les organisations professionnelles locales, projet auquel le M SPSC s’est opposé pour des raisons sur lesquelles les parties divergent, le M SPSC considérant qu’à travers ce projet de fusion, le M HAUTS-DE-SEINE cherchait à combler son déficit et dénonçant l’opacité de l’opération alors que le M NATIONAL évoque un mouvement de simplification de la structure territoriale pyramidale du M privilégiant l’échelon départemental.

Lors d’une assemblée générale extraordinaire du 13 décembre 2011, le M HAUTS- DE-SEINE a adopté de nouveaux statuts.

Le 13 février 2013, le M HAUTS-DE-SEINE a procédé à la radiation du M SPSC, lequel procédait alors aux demandes d’enregistrement des marques MEDEF SPSC n° 13 3 986 045 et MEDEF SURESNES-PUTEAUX-SAINT-CLOUD n° 13 3 986 053 pour désigner les produits et services en classes 16, 35, 38, 40, 41, 42, 43, 44 et 45 de la classification internationale auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) qui accueillait partiellement les demandes par deux décisions du 22 novembre 2013.

Le M national a formé un recours contre ces décisions et par deux arrêts rendus le 4 juin 2014, la Cour d’appel de Paris a confirmé pour l’essentiel la décision de l’INPI et autorisé, en vertu du principe de spécialité, le dépôt des marques MEDEF SPSC et

MEDEF SURESNES-PUTEAUX-SAINT-CLOUD pour tous les produits et services dans lequel le M National n’avait pas entendu protéger sa propre marque.

Parallèlement, le M SPSC a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre le 3 mai 2013 pour solliciter une expertise sur les comptes de l’association M HAUTS-DE-SEINE et voir désigner un administrateur provisoire.

Par ordonnance rendue le 17 juin 2013, le M SPSC a été déclaré irrecevable en ses demandes, n’étant plus membre du M HAUTS-DE-SEINE.

Cette décision a été confirmée par un arrêt de la Cour d’appel de Versailles le 25 juin 2014.

Puis, par acte délivré le 15 juillet 2014, le M SPSC a assigné le M et le M HAUTS-DE- SEINE devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d’annulation de l’assemblée générale extraordinaire du 13 décembre 2011 et du conseil d’administration du 13 février 2013 avec toutes conséquences de droit notamment quant à la décision de radiation, sollicitant sa réintégration au sein du M Hauts de Seine.

De son côté, le M, considérant que le M SPSC continuait à porter atteinte à ses marques, a saisi le juge des référés le 20 mars 2014 afin de faire cesser, sous astreinte, toute utilisation des marques et de la dénomination MEDEF et obtenir des dommages et intérêts.

Par ordonnance rendue le 24 juillet 2014, le juge des référés de Nanterre a :

- rejeté l’exception d’incompétence soulevée par le M SPSC au profit du juge de l’exécution,
- fait interdiction à l’association M SPSC de faire usage, sur quelque support que ce soit, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée et par jour, passé un délai d’un mois après la signification de l’ordonnance, des sigles 'Mouvement des entreprises', 'M’ et du logotype figurant sur la marque figurative enregistrée sous le n° 98 754 441, pour désigner les produits et services 'd’aide aux entreprises industrielles ou commerciales dans la conduite de leurs affaires, conseils, information ou renseignements d’affaires […], de relations publiques […], organisation et conduite de colloques, conférences, congrès', se réservant la liquidation de l’astreinte,
- condamné le M SPSC à payer au M la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes, et notamment le M de sa demande au titre des atteintes à la dénomination statutaire du M, de ses demandes de provision, de sa demande de publication
- condamné le M SPSC aux dépens.

Le M SPSC a fait appel de cette ordonnance par déclaration enregistrée le 6 août 2014 (dossier RG 14/6124).

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES Par assignation délivrée le 19 août 2014 (RG 14/6564), le M SPSC, autorisé par ordonnance sur requête du 12 août 2014, a fait assigner à jour fixe l’association M en demandant à la cour d’infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, au visa des articles L 213-6 du code de l’organisation judiciaire, L 716-6 du code de la propriété intellectuelle et 809 du code de procédure civile, de :

- in limine litis, se déclarer incompétente au bénéfice du juge de l’exécution de la juridiction,
- subsidiairement au fond, constater l’existence de plusieurs contestations sérieuses et dire n’y avoir lieu à référé,
- sur la demande reconventionnelle, condamner le M au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- en tout état de cause, condamner le M à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
- réserver les dépens.

Le M SPSC soutient que les demandes du M constituent des contestations s’élevant à l’occasion de l’exécution de l’ordonnance de référé du 17 juin 2013 et relèvent par suite de la compétence du juge de l’exécution. Il invoque l’existence de contestations sérieuses faisant obstacle tant au prononcé de mesures d’interdiction qu’à l’octroi de provisions et considère que les faits de contrefaçon et les atteintes à la dénomination statutaire du M ne sont pas établis avec l’évidence requise en référé, puisqu’ils supposeraient que le contentieux relatif à la radiation du M SPSC ait été tranché préalablement. Il allègue l’absence de contrefaçon du signe MEDEF, dès lors qu’il est titulaire de droits reconnus par la cour d’appel de Paris le 4 juin 2014 sur les sigles M SPSC et M SURESNES PUTEAUX SAINT CLOUD. Le M SPSC se prévaut encore de l’absence d’imitation de la marque MEDEF et explique que l’usage contrefaisant de la marque MEDEF par l’utilisation du sigle M SPSC est loin d’être établi à la lumière des conditions cumulatives prescrites, notamment faute d’usage dans la vie des affaires et en l’absence de risque de confusion dans l’esprit du public. Il invoque en outre l’absence de renommée de la marque MEDEF et l’absence de vraisemblance de l’atteinte alléguée alors que son éviction du M des Hauts-de-Seine n’est pas certaine. Le M SPSC conteste enfin toute atteinte à la dénomination statutaire du M qui lui oppose des statuts dont il n’est pas signataire.

Par conclusions reçues le 23 octobre 2014, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens soulevés, le M demande à la cour :

- de débouter le M SPSC de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

— de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a fait interdiction à l’association Le M SPSC de faire usage, sur quelque support que ce soit, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, passé un délai de 8 jours après la signification de l’ordonnance à intervenir, des marques et/ou dénominations MEDEF et/ou MOUVEMENT DES ENTREPRISES et/ou MOUVEMENT DES ENTREPRISES DE FRANCE (M) et de la marque figurative n° 98 754 441 ou de son imitation pour désigner une association et/ou les services de :

« (') conseils en organisation et direction des affaires, (') organisations d’expositions à buts commerciaux ou de publicité, () audits d’entreprises (analyses commerciales), () organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès, organisation d’expositions à buts culturels ou éducatifs »,

— de condamner le M SPSC au paiement d’une somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance,

Et la réformant pour le surplus,

de constater :

— que les statuts du M stipulent : « En cas d’exclusion ou de retrait de l’association M, pour quelque motif que ce soit, l’organisation territoriale concernée cesse, dans le mois qui suit l’exclusion ou le retrait, tout usage du nom M et/ou du logo à quelque titre et de quelque manière que ce soit et prend toutes mesures pour ne plus faire apparaître le nom M sur quelque support que ce soit.

Et l’organisation territoriale concernée, dans le même délai, modifie sa dénomination sociale »83.

- que le M SPSC a été radié du M Hauts-de-Seine le 20 février 2013,
- qu’il a été demandé par le M au M SPSC de cesser tout usage de ses logos, marques et dénominations,
- que le M SPSC persiste à utiliser dans sa communication interne et externe des dénominations et sigles MOUVEMENT DES ENTREPRISES, MOUVEMENT DES ENTREPRISES DE FRANCE et M,
- que ces emplois constituent également des atteintes à la dénomination statutaire et/ou sociale MOUVEMENT DES ENTREPRISES et/ou M,
- qu’en toutes hypothèses, même à retenir que les statuts du M ne seraient pas opposables au M SPSC, celui ne dispose d’aucun droit opposable au M, pour utiliser, sans on autorisation, la reproduction de son sigle dont les droits remontent au 18 janvier 1999,

En conséquence,

— de constater l’existence d’un trouble manifestement illicite porté à la dénomination statutaire et/ou sociale MOUVEMENT DES ENTREPRISES et/ou M,

En conséquence,

— de faire interdiction à l’association Le M SPSC de faire usage, à quelque titre que ce soit et sur quelque support que ce soit, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, passé un délai de 8 jours après la signification de l’ordonnance à intervenir, des marques et/ou dénominations MEDEF et/ou MOUVEMENT DES ENTREPRISES et/ou MOUVEMENT DES ENTREPRISES DE FRANCE (M) et de la marque figurative N° 98 754 441 ou de son imitation,

En toutes hypothèses,

— de dire que tout jour d’utilisation constituera une infraction distincte,
- de condamner, à titre provisionnel, l’association Le M SPSC à payer à l’association Le Mouvement des Entreprises de France (M), les sommes de :

* 20.000 euros à titre de dommages et intérêts du préjudice résultant de l’atteinte causée à ses marques,

* 15.000 euros de dommages-intérêts au titre de l’atteinte à sa dénomination sociale, En tout état de cause,

— de se réserver la liquidation de l’astreinte,
- d’ordonner la publication de l’arrêt à intervenir en page d’accueil des sites internet www.la-maison-des-entreprises.fr et www.la-maison-des-entreprises.com pendant une durée de deux mois, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir,
- de condamner l’association Le M SPSC à payer à l’association Le Mouvement des Entreprises de France (M) la somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
- de condamner l’association Le M SPSC aux entiers dépens de l’instance qui comprendront les frais de procès-verbaux de constat dont distraction directe au profit de Me Christophe Debray, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Le M fait valoir qu’il entend faire cesser les agissements illicites du M SPSC qui n’appartient plus à la confédération M. Il demande la confirmation de l’ordonnance en ce qu’elle a écarté l’exception d’incompétence soulevée par le M SPSC et retenu à son encontre la vraisemblance des actes contrefaisants par imitation de ses marques, les conditions d’application de l’article L 716-6 du CPI étant réunies. Il rappelle qu’il est titulaire de droits exclusifs sur les marques qui ont été enregistrées, fait valoir que le

droit d’usage des marques MEDEF a été retiré au M SPSC du fait de la radiation de l’association, soulignant que celle-ci a attendu un an avant d’en contester la validité qui ne peut être sérieusement remise en cause.

Le M invoque le dépôt frauduleux de marques MEDEF par le M SPSC, et soutient que par l’application combinée des deux décisions du 22 novembre 2013 du directeur de l’INPI et des deux arrêts de la cour d’appel de Paris du 4 juin 2014, les deux marques déposées MEDEF SPSC et MEDEF SURESNES PUTEAUX SAINT CLOUD ont été refusées à l’enregistrement pour la plupart des produits et services des deux dépôts et l’intégralité des services visés dans les demandes du M. Le M invoque des usages multiples de ses marques verbales, semi figurative et figurative avec un risque de confusion non sérieusement contestable, justifiant la mesure d’interdiction qui a été prononcée.

MOTIFS DE LA DÉCISION I – Sur la jonction des procédures n°RG14/06124 et RG14/06564 IIy a lieu de joindre la procédure d’appel de l’ordonnance du 24 juillet 2014 inscrite sous le n°RG14/06124 et le dossier d’assignation à jour fixe inscrit sous le n° RG14/06564, ces affaires devant être instruites et jugées ensemble.

II- Sur l’exception d’incompétence soulevée au profit du juge de l’exécution

Selon l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire, le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée.

Le M SPSC invoque ces dispositions au soutien de son exception d’incompétence, expliquant que la mesure d’interdiction sollicitée par le M, qui a pour fondement juridique l’exclusion du M SPSC du MEDF Hauts de Seine telle que constatée par l’ordonnance du juge des référés rendue le 27 juin 2013, confirmée en appel le 25 juin 2014, revêt le caractère d’une contestation élevée à l’occasion de l’exécution forcée de la décision du juge des référés et relève ainsi de la compétence exclusive du juge de l’exécution.

Ainsi que l’a exactement énoncé le premier juge, l’ordonnance du 27 juin 2013 et l’arrêt partiellement confirmatif de cette cour du 25 juin 2014 se sont bornés, dans leur dispositif, à déclarer l’association M SPSC irrecevable en ses demandes tendant à la désignation d’un expert et à la nomination d’un administrateur judiciaire.

Ces décisions ne sont susceptibles d’aucune exécution forcée, de sorte que les demandes du M ne constituent pas des contestations élevées à l’occasion de l’exécution forcée et ne relèvent dès lors pas de la compétence du juge de l’exécution.

III – Sur la demande du M tendant à voir interdire au M SPSC l’usage des marques MEDEF et/ou MOUVEMENT DES ENTREPRISES et/ou MOUVEMENT DES ENTREPRISES DE FRANCE (M) et de la marque figurative n° 98 754 441 ou de son imitation

A – Sur la demande d’interdiction fondée sur les dispositions de l’article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle

L’article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle énonce en son premier alinéa :

'Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur, ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon. (… ) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente.'

Si ce texte ne requiert plus, depuis la loi du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, la démonstration que l’action au fond apparaît sérieuse, sa mise en œuvre suppose néanmoins que le demandeur rassemble des éléments de preuve rendant vraisemblable une atteinte à ses droits ou l’imminence d’une telle atteinte.

Le M est titulaire de deux marques verbales 'MOUVEMENT DES ENTREPRISES’ et 'M’ déposées le 11 septembre 1998 et le 27 janvier 2003 et enregistrées sous les n°98 749 286 et 3 206 232.

Il est également titulaire d’une marque semi-figurative déposée le 12 novembre 1998 et enregistrée sous le n° 98 758 906 ainsi que d’une marque figurative déposée le 15 octobre 1998 et enregistrée sous le n°98 754 441.

Chacune de ces marques désignent notamment des services d’aide aux entreprises industrielles ou commerciales dans la conduite de leurs affaires, conseils, information ou renseignements d’affaires (…) de relations publiques (…), organisation et conduite de colloques, conférences, congrès.

Le 16 février 2013, le M SPSC a fait procéder à l’Institut National de la Propriété Industrielle (l’INPI) aux dépôts de la marque MEDEF SPSC et de la marque MEDEF SURESNES – PUTEAUX-SAINT-CLOUD pour la désignation de certains produits et services.

Saisi d’oppositions à l’enregistrement de ces marques, le directeur général de l’INPI a accueilli partiellement ces contestations.

Par deux arrêts du 4 juin 2014, la cour d’appel de Paris, saisie sur l’appel du M, a confirmé les décisions du directeur général, sauf à étendre les services concernés.

L’article L. 713-1 du code de la propriété intellectuelle énonce que : ' L’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services qu’il a désignés.'

Aux termes de l’article L. 713-2, 'Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire :

a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : « formule, façon, système, imitation, genre, méthode », ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement ;

(…)'

Aux termes de l’article L. 713-3, 'Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public :

a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ;

• b) L’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.'

L’article L. 716-1 énonce encore :

'l’atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur.

Constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 et L. 713-3.'

a) Sur le moyen pris de la contestation de la décision de radiation prise à l’encontre du M SPSC

Organisé sous forme associative, le M est, selon ses statuts, une confédération entre organisations professionnelles et organisations territoriales d’entreprises qui en sont les membres actifs et des membres associés.

L’association M HAUTS-DE-SEINE, structure départementale, est à ce titre membre du M national.

L’association M SURESNES-PUTEAUX-SAINT-CLOUD, anciennement dénommée 'AISP', dépendait depuis 1999 du M HAUTS-DE-SEINE conformément à la structure pyramidale d’organisation du M. Elle cotisait trimestriellement auprès de ce dernier, lequel redistribuait et ventilait ses cotisations entre le M Ile de France et le M National.

Le 13 décembre 2011, le M HAUTS-DE-SEINE a adopté de nouveaux statuts réunissant le M 92 Nord, le MDEF Clichy Levallois Neuilly et le M Ouest Parisien.

L’article 11 des statuts prévoyait, pendant la période transitoire, que le conseil d’administration serait composé de 3 administrateurs statutaires, de 5 administrateurs

désignés par le M 92 Nord, 5 par le M Ouest Parisien (GIROP), 5 par le M Clichy Levallois Neuilly (UNICLEN) et 3 par les branches.

Le même article 11 précisait que ' sous réserve d’accepter les présents statuts, le M SPSC pourra désigner deux administrateurs portant ainsi à 23 le nombre des administrateurs du M Hauts-de-Seine'.

Par une délibération du 13 février 2013, le M HAUTS-DE-SEINE a procédé à la radiation du M SPSC et en a informé les adhérents.

Ainsi que la relève le M SPSC dans ses propres écritures, son droit de porter le nom M accolé à son territoire d’activité du fait de sa filiation au M HAUTS-DE-SEINE dépend directement de la validité de cette radiation.

La radiation en cause fait actuellement l’objet d’une contestation devant le tribunal de grande instance de Paris. En l’état, elle produit ses effets si bien que le M SPSC ne peut être regardé comme étant membre du M HAUTS-DE-SEINE.

Au surplus, il ressort encore des conclusions du M SPSC que celui-ci n’entendait nullement adhérer sans audit préalable au nouveau M HAUTS-DE-SEINE et qu’il ne pouvait être procédé à sa radiation puisqu’il ne faisait pas partie de cette association.

Le M SPSC ne peut donc, sans se contredire, soutenir qu’il tient ses droits d’utiliser la marque de son appartenance au M HAUTS-DE-SEINE et prétendre qu’il n’appartient pas à cette association.

Enfin, l’arrêt de cette cour du 25 juin 2014 a jugé irrecevable la demande du M SPSC tendant à voir ordonner une expertise comptable et désigner un administrateur provisoire de l’association M Hauts-de-Seine, au motif que le demandeur n’était plus membre de l’association et ne disposait plus, au jour de sa demande, d’un intérêt à solliciter des mesures relatives à son administration et à sa gestion. Dépourvu d’autorité de chose jugée au principal, cet arrêt n’en a pas moins une autorité de chose décidée.

Le M SPSC ne peut en conséquence se prévaloir à ce jour d’une appartenance au M HAUTS-DE-SEINE pour revendiquer le droit d’utiliser les marques MEDEF.

b) Sur la vraisemblance d’une atteinte aux droits de marque du M

Ainsi que l’a retenu le premier juge, il ressort de la décision du directeur de l’INPI, qui a refusé pour partie l’enregistrement des marques MEDEF SPSC et MEDEF SURESNES-PUTEAUX-SAINT-CLOUD et des arrêts rendus le 4 juin 2014 par la cour d’appel de Paris, qui a annulé partiellement la décision rendue par le directeur général de l’INPI en ce qu’il avait rejeté l’opposition formée par le M pour leur enregistrement pour les services de 'production de films sur bande vidéo ; montage de bandes vidéo ; location de films cinématographiques ; location d’enregistrements sonores et gestion de fichiers informatiques’ que le M SPSC ne peut se prétendre titulaire d’aucun droit

de marque sur ces sigles pour les services pour lesquels les marques du M ont été déposées.

Les pièces produites aux débats montrent que le M SPSC a fait de nombreux usages des marques verbales MEDEF et MOUVEMENT DES ENTREPRISES dans sa communication à l’égard de ses adhérents et du public, qu’elle a utilisé un papier à entête reproduisant les marques en question dans sa correspondance à l’égard d’un membre de l’association ou pour organiser une conférence à la Maison des entreprises à Puteaux.

Les sites Internet du M SPSC tels qu’ils ont été décrits par constats d’huissier de justice des 25 et 27 février 2014 établissent également l’utilisation illicite de la marque MEDEF en violation des droits de propriété du M.

De la même façon, le M SPSC a fait usage des marques semi-figuratives et figuratives du M sur ses supports de communication et sur ses sites Internet.

Il en est résulté un risque de confusion entre la marque MEDEF et l’emploi qui en a été fait par imitation justement caractérisé par le premier juge qui a relevé qu’au regard des fortes ressemblances visuelle, auditive et conceptuelle entre les sigles utilisés par le M SPSC et les marques du M, et du degré de similitude entre les activités en cause, l’usage des termes M, 'Mouvement des Entreprises’ et du dessin figurant sur la marque figurative n° 98 749 286 du M, était de nature à créer dans l’esprit du public un risque de confusion.

Les usages faits par le M SPSC des quatre marques appartenant au M pour les services pour lesquels elles ont été enregistrées, l’ont bien été dans la vie des affaires. Le dépôt de marques effectué par le M SPSC peu après sa radiation et la nature de ses activités et des services qu’elle propose, telles qu’ils figurent sur son site Internet, révèlent en effet bien l’intention du M SPSC de retirer un avantage économique de leur utilisation. Il importe peu à cet égard, que le M exerce ses activités sous forme associative dans la mesure où les marques peuvent protéger une association contre l’usage éventuel de signes identiques ou similaires dans la vie des affaires (CJUE, 9 décembre 2008, aff. C442/07 Verein Radetsky-Orden).

Le M rapporte dans ces conditions des éléments de preuve suffisants rendant vraisemblable qu’il a été porté et qu’il pourrait être encore porté atteinte à ses droits.

Les mesures ordonnées par le premier juge, destinées à empêcher la poursuite d’actes contrefaisants, seront par conséquent confirmées.

L’ordonnance sera également confirmée en ce qu’elle a retenu que la publication d’un communiqué n’était pas nécessaire pour faire cesser les agissements attentatoires aux droits du M.

Elle sera toutefois infirmée en ce que le juge des référés s’est réservé la liquidation du montant de l’astreinte.

B- Sur la demande d’interdiction d’utilisation de la dénomination statutaire MEDEF

Le M fonde cette demande sur les articles 809 du code de procédure civile et 1382 du code civile.

Selon le premier de ces textes, le juge des référés peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

C’est à bon droit que le premier juge a retenu que, le M SPSC n’étant pas et n’ayant jamais été membre du M, les stipulations statuaires invoquées par ce dernier ne lui sont pas opposables et qu’elles ne permettent dès lors pas de justifier la mesure d’interdiction sollicitée, au surplus sur le fondement de l’article 1382 du code civil.

En revanche, le droit conféré à une personne morale sur sa dénomination sociale s’acquiert par son adoption dans ses statuts et a vocation à être protégé dès que son titulaire a acquis la personnalité morale, c’est-à-dire, dans le cas d’une association, dès qu’elle est régulièrement déclarée.

Le M a déclaré le 18 janvier 1999 la dénomination statutaire ' Mouvement des entreprises de France MEDEF', soit antérieurement à la création du M SPSC, qui a adopté cette dénomination le 12 février 2004 et avant tout dépôt de marque du M SPSC.

Le risque de confusion dans l’esprit du public qui peut résulter de l’utilisation par le M SPSC de la dénomination sociale Mouvement des entreprises MEDEF constitue un trouble manifestement illicite, peu important l’existence d’une contestation sur le droit pour le M SPSC de continuer à utiliser, pour tout ou partie de ses services, cette dénomination.

L’ordonnance sera infirmée en ce qu’elle a débouté le M de sa demande tendant à faire interdiction au M SPSC de faire usage de sa dénomination sociale.

Cette interdiction sera assortie d’une astreinte de 1000 euros par infraction constatée, un mois à compter de la signification du présent arrêt.

II n’y a pas lieu pour cette cour de se réserver la liquidation de cette astreinte.

III - Sur les autres demandes

Les demandes de dommages-intérêts à titre provisionnel à valoir sur la réparation d’un préjudice que le M invoque au titre de l’atteinte à ses droits de marque et à sa dénomination sociale ne sont étayées par aucun élément de preuve sur la réalité des conséquences dommageables alléguées. Le premier juge a exactement décidé que ces demandes formées en référé ne peuvent être accueillies et sa décision sera confirmée de ce chef.

La demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par le M SPSC, qui succombe pour l’essentiel dans ses prétentions, sera pareillement rejetée.

L’équité commande enfin d’allouer au M une somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme l’ordonnance entreprise, sauf en ce qu’elle a débouté l’association M de sa demande tendant à faire interdiction à l’association M SPSC de faire usage de sa dénomination sociale et en ce que le juge des référés s’est réservé le pouvoir de liquider l’astreinte qu’il a fixée ;

Statuant à nouveau :

Fait interdiction à l’association M SPSC de faire usage, à quelque titre que ce soit et sur quelque support que ce soit, de la dénomination sociale Mouvement des entreprises et/ou M, sous astreinte de 1000 euros (mille euros) par infraction constatée, un mois après la signification du présent arrêt ;

Dit n’y avoir lieu à ordonner la publication du présent arrêt ;

Condamne l’association M SPSC à payer à l’association M la somme de 3000 euros (trois mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne l’association M SPSC aux dépens comprenant les frais de procès-verbaux de constat qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur J SOMMER, président et par Madame Agnès MARIE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 11 décembre 2014, n° 14/06124