Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 11 février 2016, n° 14/06664

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 1re ch. 1re sect., 11 févr. 2016, n° 14/06664
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 14/06664
Importance : Inédit
Sur renvoi de : Cour de cassation, 17 juin 2014
Dispositif : annulation
Date de dernière mise à jour : 1 novembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 97D

1re chambre 1re section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 FEVRIER 2016

R.G. N° 14/06664

AFFAIRE :

[Y] [G] [J]

C/

CHAMBRE DEPARTEMENTALE DES HUISSIERS DE JUSTICE DE [Localité 2]

Décision déférée à la cour : délibération rendue le 06 Juin 2012 par la chambre des huissiers de [Localité 2]

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Monique TARDY de l’ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES -

Notification à M. [J]

Chambre départementale des

Huissiers de justice de [Localité 2]

MP

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE ONZE FEVRIER DEUX MILLE SEIZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant après prorogation dans l’affaire entre :

DEMANDEUR devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation (Première chambre civile) du 18 juin 2014 cassant et annulant l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 24 avril 2013 (Pôle 2 – Chambre 1) sur recours de la délibération rendue le 6 juin 2012 par la chambre des huissiers de [Localité 2]

Monsieur [Y] [G] [J]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1] (ALGERIE )

[Adresse 2]

[Adresse 2]

présent, ayant eu la parole en dernier,

assisté de Me Monique TARDY de l’ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620,

et de Me Jean-Yves LE BORGNE, avocat plaidant au barreau de PARIS, vestiaire : R264, développant oralement ses observations écrites

***********

DEFENDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI

CHAMBRE DEPARTEMENTALE DES HUISSIERS DE JUSTICE DE [Localité 2]

ayant son siège [Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par son Président, Maïtre [L] [S], développant oralement ses observations écrites

MINISTERE PUBLIC, représenté par Monsieur le Procureur général, lui- même représenté à l’audience par Monsieur CHOLET, avocat général qui a développé oralement ses conclusions prises le 4 novembre 2015

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 novembre 2015, les parties ayant demandé la publicité des débats, Madame Odile BLUM, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Odile BLUM, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT ;

Vu la délibération rendue le 6 juin 2012 par la Chambre des huissiers de justice de [Localité 2] statuant en matière disciplinaire, qui a prononcé, à l’encontre de M. [Y] [J], huissier de justice à [Localité 2], au visa des articles 16 alinéa 4 du règlement intérieur de la Chambre des huissiers de justice de [Localité 2] et 2 de l’ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945, la sanction du rappel à l’ordre pour démarchage avéré de clientèle au préjudice de l’ensemble des huissiers de justice parisiens ;

Vu l’arrêt rendu le 24 avril 2013 par la cour d’appel de Paris qui a annulé cette décision et au visa de l’article 562 du code de procédure civile, a :

— dit que M. [Y], [J] s’est rendu coupable de manquement aux principes essentiels de la profession, en l’espèce aux dispositions :

— de l’article 16 alinéa 4 du règlement intérieur de la Chambre des huissiers de justice de [Localité 2] relatif à l’interdiction de démarchage de clientèle au préjudice de ses confrères,

— de l’article 2 de l’ordonnance n°45-1418 du 28 juin 1945 dans ses dispositions relatives au devoir de délicatesse,

— prononcé à l’encontre de M. [J] la sanction du rappel à l’ordre,

— rejeté toutes autres demandes,

— laissé les dépens à la charge de M. [J] ;

Vu l’arrêt rendu le 18 juin 2014 par la Cour de cassation qui a cassé et annulé cet arrêt en toutes ses dispositions au motif qu’il n’avait pas précisé si le ministère public avait déposé des conclusions écrites préalablement à l’audience et si dans ce cas, le professionnel poursuivi en avait reçu communication afin d’être en mesure d’y répondre utilement ;

Vu la saisine de cette cour, désignée comme cour de renvoi, par déclaration du 3 septembre 2014 de M. [Y] [J] qui, par ses dernières écritures du 10 juillet 2015, lui demande, au visa de l’article 6 de la CEDH, du décret n° 2012-423 du 28 mars 2012, des articles 562, 623, 625 du code de procédure civile et 234 du Traité CE, de :

— prononcer la nullité absolue de la décision du 6 juin 2012,

— dire n’y avoir lieu à poursuite disciplinaire de Me [J], ancien avocat, à raison de la diffusion aux toques des avocats du barreau de Paris, espace privé réservé aux avocats, du faire-part de sa nomination en qualité d’huissier de justice,

— à titre très subsidiaire, prononcer le renvoi préjudiciel d’interprétation des trois questions suivantes auprès de la 'CJCE’ :

1. L’interdiction absolue de communication tirée des articles 16 alinéa 4 du règlement intérieur de la Chambre des huissiers combinés aux dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n°45-1418 du 28 juin 1945 relatifs à la délicatesse de l’officier public ou ministériel (huissier de justice) est-elle compatible avec les dispositions de l’article 24 de la directive 2006/123/CE '

2. La diffusion aux toques des avocats d’un faire-part de nomination de l’un des leurs en qualité d’huissiers de justice constitue-t-elle une mesure de communication conforme au droit communautaire eu égard aux principes de dignité de la profession d’huissier de justice '

3. L’interdiction absolue de diffusion aux avocats parisiens d’un faire-part de nomination de l’un des leurs en qualité d’huissier de justice répond-elle aux exigences de non-discrimination énoncées au paragraphe 3 de l’article 24 de la directive 2006/123/CE, de proportionnalité et de limitation justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général au sens de ces mêmes dispositions '

— en tout état de cause, condamner la Chambre des huissiers de justice de [Localité 2] au paiement d’une somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens avec application de l’article 699 du même code ;

Vu les dernières écritures notifiées le 4 mai 2015 par la Chambre de discipline de la Chambre départementale des huissiers de justice de [Localité 2] qui demande à la cour de :

1/ à titre liminaire

— constater que Me [J] est irrecevable devant la cour pour faire valoir une éventuelle cause de récusation de Me [F] et/ou une éventuelle cause de nullité de la décision rendue le 6 juin 2012,

— constater les manquements de Me [J] aux dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 et des articles 1er et 16 alinéa 4 du règlement intérieur de la Chambre départementale des huissiers de justice de [Localité 2], approuvé par arrêté ministériel du 13 novembre 2008, publié au journal officiel du 22 novembre 2008,

— débouter Me [J] de sa demande de nullité de la décision de la Chambre de discipline,

— confirmer en toutes ses dispositions la décision rendue par la Chambre de discipline,

2/ à titre subsidiaire, si la cour jugeait recevable le moyen de nullité

— constater qu’il résulte des pièces versées aux débats que le courrier adressé par Me [F] au président de sa Chambre le 10 mai 2012 ne saurait avoir mis en cause l’impartialité de la Chambre disciplinaire,

— constater les manquements de Me [J] aux dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n°45-1418 du 28 juin 1945 et des articles 1er et 16 al. 4 du règlement intérieur de la Chambre départementale des huissiers de justice de [Localité 2],

— débouter Me [J] de sa demande de nullité,

— confirmer en toutes ses dispositions la décision rendue par la Chambre de discipline,

3/ à titre plus subsidiaire, au visa des articles 562 et 568 du code de procédure civile

— constater les manquements de Me [J] aux dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n°45-1418 du 28 juin 1945 et des articles 1er et 16 al.4 du règlement intérieur de la Chambre départementale des huissiers de justice de [Localité 2], approuvé par arrêté ministériel du 13 novembre 2008, publié au journal officiel du 22 novembre 2008,

— prononcer la sanction du rappel à l’ordre à l’encontre de Me [J],

4/ en tout état de cause

— statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens ;

Vu les conclusions, notifiées le 4 novembre 2015 à M. [J] qui a ainsi été mis en

mesure d’y répondre utilement, par le procureur général qui requiert qu’il soit dit que M. [J] s’est rendu coupable de manquements aux principes essentiels de la profession d’huissier de justice en ayant notamment contrevenu au règlement intérieur de la Chambre des huissiers de justice de [Localité 2] relatif à l’interdiction de démarchage de clientèle au préjudice de ses confrères et aux dispositions de l’article 2 de l’ordonnance du 28 juin 1945 relatives au devoir de délicatesse et le condamner en conséquence à la sanction du rappel à l’ordre ;

Vu, à l’audience, les observations du conseil de M. [J], de M. Le président de la Chambre départementale et de M. l’avocat général qui après avoir ensemble demandé la publicité des débats, ont, successivement, soutenu oralement leurs conclusions écrites, M. [J] reprenant la parole en dernier ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant M. [J] a exercé la profession d’avocat avant d’être nommé, par arrêté du 6 décembre 2011, huissier de justice associé au sein de la SELARL Acta, titulaire d’un office d’huissier de justice à [Localité 2], en remplacement de son unique associée ;

Qu’au cours du mois d’avril 2012, après avoir sollicité et obtenu l’autorisation de l’Ordre des avocats du barreau de Paris, M. [J] a fait distribuer à la toque des avocats parisiens un carton, leur faisant part de sa nomination comme huissier de justice à [Localité 2] et de sa prestation de serment le 22 décembre 2011 ;

Qu’après avoir été alertée de cette situation par plusieurs huissiers de justice parisiens dont Me [F], par sa lettre du 10 mai 2012, s’étonnant 'd’un tel procédé', la Chambre départementale des huissiers de justice de [Localité 2] a convoqué M. [J] pour qu’il s’en explique et lui remette la copie des divers diplômes dont il se prévalait sur son faire-part ; que par la suite, M. [J] a été convoqué à l’audience de la Chambre départementale de discipline du 6 juin 2012 pour :

'avoir procédé à la distribution de plusieurs milliers de cartons informant les avocats membres de l’ordre des avocats à la cour de Paris de votre nomination en tant qu’huissier de justice associé', cette distribution étant contraire à l’article 16 alinéa 4 du règlement intérieur de la Chambre des huissiers de justice de [Localité 2]'

ainsi que pour :

'Ne pas avoir respecté l’article 2 de l’ordonnance 45-1418 du 28 juin 1945 relatif à la délicatesse de l’officier public ou ministériel’ ;

ce qui a donné lieu à la décision déférée ;

sur la nullité

Considérant que M. [J] soutient, en premier lieu, que la décision de la chambre de discipline est nulle, d’une nullité absolue, pour la partialité avérée d’au moins l’un de ses membres, Me [F], qui a siégé dans l’instance le concernant ce qui contrevient à l’obligation de garantie d’un procès équitable ainsi que pour défaut de régularité tant de sa composition au vu de l’article 96 du décret n° 56-222 du 29 février 1956 que du quorum requis ;

Qu’il fait valoir que la décision est inexistante mais demande à la cour de mettre un terme au différend en faisant application de l’article 2 de l’article 562 du code de procédure civile ;

Considérant que la Chambre départementale des huissiers de justice de [Localité 2] réplique que la convocation de M. [J] à l’audience disciplinaire a été émise dans les formes requises, que par ailleurs M. [J] n’a pas usé de son droit de récuser Me [F] dont la lettre du 10 mai 2012 lui avait été préalablement communiquée, qu’il n’a pas non plus contesté la régularité de la composition de la chambre à l’ouverture des débats devant elle, qu’en tout état de cause, la lettre de Me [F] ne lui causait aucun grief et ne témoignait d’aucune hostilité ni inimitié personnelle, que le grief d’affichage du carton, qu’il contestait, n’a pas fait partie du débat disciplinaire, seule la distribution en masse lui ayant été reprochée ; qu’elle ajoute que contrairement à ce qui est soutenu, la Chambre de discipline n’a pas statué en contravention avec les règles du quantum, le nombre de personnes composant la chambre, en l’espèce 9, se distinguant du quorum requis pour la validité de la délibération qui est, en vertu de l’article 9 du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973, des 3/4 ;

Mais considérant qu’aux termes de l’article 6 § 1 de la CEDH, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle’ ; que ces dispositions s’appliquent en matière disciplinaire ;

Considérant qu’il est acquis M. [F] a été l’un des membres de la chambre départementale qui a statué en matière disciplinaire sur le cas de M. [J] ;

Que la Chambre départementale soutient vainement, d’une part que M. [J] avait la possibilité de récuser M. [F] avant l’ouverture des débats ce qu’il n’a pas fait, d’autre part que la lettre de M. [F] ne lui faisait aucun grief ;

Qu’en effet, M. [F] était l’auteur d’une lettre avisant la Chambre départementale du 'procédé’ employé par M. [J] qu’implicitement, il dénonçait ; que sa présence au sein de l’instance disciplinaire ne pouvait être admise comme étant de nature à compromettre le droit qu’avait M. [J] de voir sa cause examinée en toute impartialité ;

Considérant que la décision du 6 juin 2012 sera en conséquence annulée ;

Considérant que la dévolution s’opérant sur le tout, la cour statuera, en application de l’article 562 du code de procédure civile, sur le fond du litige ;

sur les manquements reprochés

Considérant que M. [J] expose que la pratique du faire-part de nomination est ancestrale  ; que l’article 4.3.3 du règlement intérieur national des notaires l’autorise, en cas de création d’office, dans les six mois de la prestation de serment ; que l’article 10.3 du règlement intérieur national de la profession d’avocat autorise l’envoi de faire-part d’installation ; que les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation adoptent également cette pratique à l’occasion de leur nomination par arrêté ; que la 'Charte de l’Internet’ annexée au règlement intérieur de la Chambre départementale des huissiers de justice de [Localité 2] énonce les contenus admissibles qui peuvent être diffusés ; que la pratique des faire-part d’installation n’étant pas prohibée par les règles régissant la profession d’huissier de justice, elle doit être considérée comme licite ; qu’en l’absence de réglementation claire sur les faire-part d’installation pour les huissiers de justice, il a pris la précaution de solliciter préalablement l’autorisation de l’Ordre des avocats du barreau de Paris, ces avocats étant les destinataires de ses faire-part d’installation ;

Qu’il soutient tout d’abord que l’instance disciplinaire n’est pas ouverte à l’encontre d’une démarche ayant fait l’objet d’une autorisation préalable, accordée en l’occurrence par l’Ordre des avocats au barreau de Paris dont les membres sont seuls destinataires de la mesure d’information en cause et que la Chambre départementale des huissiers de justice n’est pas compétente pour se prononcer sur la légalité de l’autorisation qui lui a été donnée par l’Ordre des avocats de diffuser à la toque ses faire-part de nomination ;

Qu’il soutient ensuite que l’information qu’il a diffusée à l’attention de ses anciens confrères ne constitue en aucun cas une mesure de démarchage ; qu’au surplus, depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, la définition légale de l’acte de démarchage implique, outre la notion de clientèle, la nécessité d’identifier avec précision le destinataire du démarchage ; qu’au surplus, longtemps exclue du périmètre de communication des professions réglementées, l’acte de démarchage relève désormais de la communication autorisée dans la droite ligne des engagements communautaires de la France au titre de la directive dite Bolkestein ayant érigé en principe fondateur l’interdiction pour les États membres d’interdire les mesures de publicité des professions réglementées ; que la position adoptée par la Chambre départementale des huissiers de justice apparaît davantage animée par la volonté d’en découdre avec l’un des siens, ancien avocat, que de faire application de la réglementation en vigueur en pareille matière ; qu’il demande en conséquence, à titre très subsidiaire, le renvoi préjudiciel d’interprétation de la notion de démarchage sur le fondement de l’article 234 CE ;

Considérant que la Chambre départementale des huissiers de justice réplique que plusieurs mois après sa nomination comme huissier de justice, M. [J] a distribué plusieurs milliers de cartons, au vestiaire des avocats du barreau de Paris, faisant état de cette nomination et rappelant son ancienne qualité d’avocat ; que les avocats parisiens représentent pour lui une clientèle potentielle, qu’il s’est ainsi objectivement livré à un démarchage de potentiels clients, ciblés, sur leur lieu de travail ; que tous les critères du démarchage sont réunis ; que cette pratique, qui s’apparente également à une tentative de détournement de la clientèle des confrères de M. [J], est contraire aux articles 1er et 16 alinéa 4 du règlement intérieur ; que s’il est d’usage que les membres de profession juridiques réglementées puissent adresser des cartons aux fins d’information de leur installation dans de nouveaux locaux ou d’une évolution de carrière, il n’est pas d’usage d’alerter l’ensemble des membres d’une profession comme l’a fait M. [J] ;

Qu’elle ajoute que l’Ordre des avocats au barreau de Paris a donné son autorisation à la distribution des faire-part au regard des seules règles dont il assure le respect et qui concernent les avocats ; qu’elle-même reste la seule à même de se prononcer sur le respect des règles régissant la profession d’huissier de justice ; que certains professionnels du droit, dont l’activité est réglementée, ont pu être sanctionnés pour des faits de démarchage ou publicité caractérisant une violation des principes essentiels de leur profession ; qu’au surplus la directive 2006/123/CE, dite directive Services, relative aux services dans le marché intérieur, exclut expressément en son article 2 I) 'les services fournis par les notaires et les huissiers, nommés par les pouvoirs publics’ compte tenu du fait qu’ils sont des officiers publics et ministériels dont les activités participent à l’exercice de l’autorité publique ; que les règles prohibant la publicité et le démarchage restent donc applicables aux huissiers de justice comme aux notaires ; qu’en l’espèce, l’ampleur de la distribution de faire-part et la volonté évidente de M. [J] de se faire connaître contreviennent directement aux principes généraux gouvernant la profession d’huissier de justice ; que la diffusion massive de faire-part constitue un manquement à la délicatesse à laquelle est tenu un officier public ministériel mais aussi à la loyauté, la probité, l’intégrité et la droiture qu’implique la profession d’huissier de justice ;

Considérant que le Ministère Public soutient que l’autorisation d’un secrétaire de l’Ordre des avocats ne peut s’inscrire valablement en contradiction des règles professionnelles d’une profession réglementée ; que le rappel d’autres réglementations professionnelles est inopérant puisque inapplicable en l’espèce ; que le renvoi préjudiciel ne parait pas devoir être accueilli puisque n’est pas en jeu une 'interdiction absolue de communication’ mais une communication limitée, conforme aux usages et non constitutive d’un véritable démarchage ; qu’en l’espèce, contrairement aux usages, M. [J] a diffusé des milliers de cartons plusieurs mois après sa prise de fonctions, cartons revêtant le caractère d’un véritable démarchage en direction de tous les membres du barreau parisien alors que l’usage est seulement de prévenir sobrement la clientèle de l’office intégré voire sa propre clientèle antérieure d’avocat ;

Considérant qu’il sera relevé, à titre liminaire, que c’est à tort que M. [J] prétend que la Chambre départementale des huissiers de justice n’avait pas compétence pour connaître à son encontre d’une procédure disciplinaire ; que l’autorisation qui lui a été donnée par l’Ordre des avocats du barreau de Paris de distribuer des faire-part au vestiaire des avocats ne vaut que dans ses rapports avec l’Ordre des avocats ; qu’elle ne peut l’affranchir des règles régissant la profession d’huissier de justice qu’il exerce désormais ni le prémunir, en sa qualité d’huissier de justice, contre d’éventuelles sanctions pour manquements aux règles de cette profession ;

Considérant qu’en vertu de l’article 1er du règlement intérieur de la Chambre des huissiers de justice de [Localité 2], les huissiers de justice doivent en toutes circonstances, faire preuve de la dignité et de la délicatesse que leur impose leur profession ainsi que des égards et de la courtoisie auxquels ils sont tenus dans leurs relations avec leurs confrères comme dans leurs rapports avec le public ;

Qu’aux termes de l’article 16 alinéa 4 dudit règlement, ils doivent respecter la clientèle de leurs confrères et ne faire aucune démarche, n’user d’aucune influence, ne se livrer à aucune sollicitation, n’exercer aucune pression, soit directement, soit indirectement, dans le but de se procurer des affaires ou de détourner celles dont un confrère serait ou devrait être chargé … ;

Considérant que l’article 2 de l’ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 modifiée prévoit que toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout fait contraire à la probité, à l’honneur ou à la délicatesse commis par un officier public ou ministériel, même se rapportant à des faits extraprofessionnels, donne lieu à sanction disciplinaire ;

Considérant que le faire-part litigieux diffusé par M. [J] ne comporte pas d’autres mentions que celles admises par la 'Charte de l’Internet’ adoptée le 11 juillet 2007 par la Chambre des huissiers de justice de [Localité 2] et annexée à son règlement intérieur à savoir, outre les nom et prénom de M. [J] ainsi que celle de sa structure d’exercice avec l’ensemble des coordonnées, y compris Internet, de l’étude, ses diplômes et sa compétence territoriale ; que pour le surplus, M. [J] y annonce :

'… sa nomination, par arrêté du Garde des Seaux, Ministre de la Justice, en date du 6 décembre 2011 en qualité d’Huissier de Justice associé, au sein de la s.e.l.a.r.l. Acta, titulaire d’un Office d’Huissier de Justice à [Localité 2] – 75116 en remplacement de Maître [D] [H].

Et qu’en cette qualité, il a prêté serment devant le Tribunal de Grande Instance de [Localité 2], le 22 décembre 2011.'

Considérant que la Chambre des huissiers de justice de [Localité 2] ne conteste nullement l’affirmation de M. [J] selon laquelle la pratique des faire-part d’installation n’est pas prohibée par les règles régissant la profession d’huissier de justice ; qu’elle admet qu’il est d’usage que tout huissier de justice qui vient de prêter serment en informe ses clients par tous moyens y compris par voie de faire-part ;

Que la Chambre départementale s’attache essentiellement au délai écoulé entre la prestation de serment de M. [J] et à l’ampleur de la diffusion, les faire-part ayant été distribués, avec l’accord de l’Ordre des avocats, à la toque de chacun des avocats parisiens et dès lors à plusieurs milliers d’exemplaires ;

Considérant que la diffusion, en avril 2012, par M. [J] de son faire-part d’installation comme huissier de justice fait suite à sa prestation de serment dans un délai qui n’apparaît pas déraisonnable, la prestation de serment ayant eu lieu le 21 décembre 2011, à la veille des vacations judiciaires de fin d’année ;

Que son faire-part d’installation s’adresse indifféremment à chacun des avocats parisiens, dans le ressort géographique de sa compétence d’huissier de justice ;

Que ce faire-part est exempt de toute sollicitation et purement informatif du changement d’activité professionnelle de M. [J] ; qu’en dépit du nombre d’exemplaires diffusés, il ne peut, en l’espèce, s’analyser en une tentative de détournement de clientèle ni même en un démarchage prohibé qui contreviendrait à l’interdiction posée par l’article 16 alinéa 4 du règlement intérieur de la Chambre des huissiers de justice de [Localité 2] ; que par ailleurs, il n’apparaît pas qu’en distribuant son faire-part d’installation à la toque des avocats parisiens, ses anciens confrères, après y avoir été autorisé par l’Ordre des avocats, M. [J] ait failli à l’obligation de délicatesse que lui impose sa nouvelle profession d’huissier de justice ni qu’il ait ainsi commis des faits contraires à la probité, à l’honneur ou à la délicatesse ;

Considérant qu’il n’y a pas lieu à sanction disciplinaire ;

Considérant que la Chambre départementale des huissiers de justice qui succombe, sera condamnée aux dépens ; que la représentation n’étant pas obligatoire en la matière, l’article 699 du code de procédure civile est sans application ; que vu l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 3.000 € sera allouée à M. [J] pour ses frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Annule la délibération du 6 juin 2012 ;

Dit n’y avoir lieu à sanction disciplinaire ;

Condamne la Chambre départementale des huissiers de justice de [Localité 2] à payer à M. [J] la somme de 3.000 € pour ses frais irrépétibles ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne la Chambre départementale des huissiers de justice de [Localité 2] aux dépens qui comprendront les dépens de l’arrêt cassé.

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Odile BLUM, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,

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