Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 6 juillet 2017, n° 15/03228

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 5e ch., 6 juill. 2017, n° 15/03228
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 15/03228
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nanterre, 18 mai 2015, N° 12/2202
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

RND

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUILLET 2017

R.G. N° 15/03228

AFFAIRE :

B X

C/

SA MICROPOLE venant aux droits de la Société MICROPOLE SANTE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Mai 2015 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 12/2202

Copies exécutoires délivrées à :

Me Sylvain NERON

la XXX

Copies certifiées conformes délivrées à :

B X

SA MICROPOLE venant aux droits de la Société MICROPOLE SANTE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUILLET DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur B X

XXX

XXX

comparant en personne, assisté de Me Sylvain NERON, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

SA MICROPOLE venant aux droits de la Société MICROPOLE SANTE

XXX

XXX

représentée par Me Romain RAPHAEL de la XXX, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Novembre 2016, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller chargé(e) d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :

Monsieur B FOURMY, Président,

Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,

Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur D E F,

L’affaire a été mise en délibéré au 26 janvier 2017 puis prorogée successivement au 02 mars 2017, 16 mars 2017, 30 mars 2017, 1er juin 2017 et au 06 juillet 2017

FAITS ET PROCÉDURE

La société Micropole SA vient aux droits de la société Micropole Santé, une fusion absorption ayant eu lieu entre les deux sociétés.

Le 12 novembre 2007, M. B X a été embauché par la société Micropole Santé, sous contrat à durée indéterminée à temps complet, à effet du 2 janvier 2008, en qualité de responsable technique, statut cadre.

La convention collective applicable est la convention collective de la chambre syndicales des sociétés d’Etudes et de conseil (dite SYNTEC).

Les parties sont opposées sur le montant de sa dernière rémunération : elle s’élève à 4 680 euros, selon l’employeur et à 5 825,40 euros, selon le salarié qui y intègre un rappel de primes et d’heures supplémentaires.

Par courrier du 4 juillet 2011, la société Micropole a notifié à M. X un avertissement pour avoir annulé, le 06 mai 2011, une mission chez le client Dresser, et pris une autre mission sur Paris, sans en informer sa hiérarchie, au motif qu’il ne pouvait pas se déplacer en province aux dates convenues.

Par lettre recommandée du 29 mars 2012, M. X a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 06 avril 2012.

Par lettre notifiée sous la même forme le 13 avril 2012, il a été licencié pour faute grave.

Il est acquis que M. X était en inter-contrat durant les quatre mois précédant son licenciement.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, il a saisi, le 06 août 2012, le conseil de prud’hommes de Nanterre (section Encadrement).

Par jugement rendu le 19 mai 2015, le conseil de prud’hommes a :

— dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ;

— fixé son salaire mensuel à 4 680 euros ;

— condamné la société Micropole, venant aux droits de la société Micropole Santé à payer à M. B X les sommes suivantes :

. 2 708 euros au titre de la mise à pied,

. 270,80 euros au titre des congés payés y afférents,

. 7 975 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

. 16 251 euros au titre du préavis,

. 1 625,10 euros au titre des congés payés y afférents,

. 28 080 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal, à compter de la notification de la demande, soit le 23 août 2012, pour les créances de nature salariale, et du jugement pour les autres sommes,

— ordonné la production des feuilles de paie correspondantes,

— ordonné le remboursement à Pôle emploi des indemnités chômage versées dans la limite de six mois,

— rappelé les règles sur l’exécution provisoire.

— condamné la société aux dépens.

Il est précisé que M. X a été débouté de ses demandes de paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, de rappels d’heures supplémentaires, d’indemnité pour travail dissimulé, et de dommages-intérêts pour l’avertissement subi.

Par déclaration du 8 juin 2015, M. X a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions écrites déposées et soutenues oralement, M. X demande à la cour de :

— infirmer le jugement en ce qu’il a fixé son salaire moyen mensuel à 4 680 euros et le fixer à

5 825,40 euros ;

sur l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement,

— confirmer le jugement en ce qu’il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse mais le réformer sur le quantum des indemnités allouées,

— condamner la société Micropole à lui verser les sommes de :

. 8 576 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

. 17 476,20 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

. 1 747,62 euros au titre des congés payés y afférents,

. 2 708 euros au titre du rappel de salaire pour la mise à pied à titre conservatoire,

. 270,8 euros au titre des congés payés sur période de mise à pied conservatoire,

sur l’absence en tout état de cause de faute grave,

— dire que le licenciement n’est pas justifié par une faute grave,

— condamner la société au versement des sommes de :

. 8 576 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

. 17 476,20 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

. 1 747,62 euros au titre des congés payés y afférents,

. 2 708 euros au titre du rappel de salaire pour la mise à pied à titre conservatoire,

. 270,8 euros au titre des congés payés sur période de mise à pied conservatoire,

sur le harcèlement moral ou l’exécution déloyale du jugement,

— infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes,

à titre principal,

— condamner la société à lui payer la somme de 65 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

à titre subsidiaire,

— condamner la société à lui payer la somme de 65 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

sur les autres demandes,

— confirmer le jugement en ce qu’il condamne la société au paiement de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté du surplus de ses demandes :

— condamner la société à lui payer les sommes de :

. 28 130,80 euros au titre des heures supplémentaires et éléments de rémunération en application de l’accord collectif, outre 2 813 euros au titre des congés payés afférents,

. 35 115,05 euros au titre du travail dissimulé,

— annuler l’avertissement notifié le 4 juillet 2011 et condamner la société à lui payer 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice subi en raison de la sanction disciplinaire illicite,

— condamner la société à lui payer 32 000 euros au titre de rappel de prime, outre 3 200 euros au titre des congés payés afférents,

— condamner la société à lui payer 5 000 euros au titre de l’exécution déloyale de la convention de forfait,

— dire que les condamnations prononcées porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil ;

— ordonner la capitalisation des intérêts, conformément à l’article 1154 du code civil,

— condamner la société à lui payer 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société aux entiers dépens y compris les frais d’exécution éventuelle par voie d’huissier.

Par ses conclusions écrites et soutenues oralement, la société Micropole demande à la cour de:

— infirmer le jugement en ce qu’il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— ordonner, en conséquence, le remboursement par M. X des sommes perçues au titre de l’exécution provisoire du jugement,

— infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— confirmer le jugement pour le surplus, en ce qu’il a débouté M. X de ses autres demandes,

en tout état de cause,

— fixer la moyenne des rémunérations mensuelles brutes de M. X à 4 680 euros,

— le condamner au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l’audience.

Vu les débats à l’audience du 15 novembre 2016,

MOTIFS DE LA DÉCISION,

La cour examinera d’abord les demandes liées à l’exécution du contrat de travail :

— l’annulation de l’avertissement du 04 juillet 2011, étant précisé que cet élément est invoqué à l’appui du harcèlement moral ;

— le harcèlement moral ;

— l’exécution déloyale du contrat de travail ;

— le rappel des heures supplémentaires ;

— le travail dissimulé ;

— le rappel de primes ;

— l’exécution déloyale de la convention de forfait.

Puis la cour statuera sur les réclamations liées à la rupture du contrat de travail : le bien fondé du licenciement pour faute grave et ses éventuelles conséquences.

Sur l’avertissement

L’avertissement reproche à M. X de s’être rapproché du client Sage, sans prévenir sa hiérarchie, aux fins d’annuler, le 06 mai 2011, une mission prévue en province, pour une mission sur Paris.

M. X reproche à son employeur de lui avoir notifié le 04 juillet 2011, un avertissement qu’il estime irrégulier, faute d’avoir été convoqué à l’entretien tenu le 17 juin 2011, et injustifié, soutenant que le fait d’avoir interverti le 06 mai une mission programmée en province pour une mission à Paris avait déjà été pratiqué régulièrement et l’avait été, en l’espèce, non seulement avec l’accord du client Sage concerné mais aussi celui de M. Y, son supérieur hiérarchique.

M. X estime que cette interversion de mission, pour des contraintes familiales liées à la garde de son fils, n’était pas fautive car il avait, comme par le passé, obtenu l’accord du client Sage et qu’il avait respecté la procédure interne à la société, se prévalant d’une part d’un échange de mail du 10 mai 2011 avec M. Y, mis en copie de ses plannings, qui lui écrivait : ' Les bonnes pratiques : il est normal que tu sois gardien de la bonne gestion finale de ton planning ' (pièce n°16) et d’autre part, du compte-rendu de l’entretien préalable de M. Z, indiquant qu’il ' était fréquent dans ce métier de prendre dans l’urgence des initiatives sur les plannings et ce, particulièrement pour les consultants confirmés '.

Il n’en demeure pas moins que le contrat de travail de M. X, qui fixait son lieu habituel de travail dans les locaux parisiens de la société, prévoyait expressément qu’il pouvait être amené à effectuer des déplacements en France voire à l’étranger.

Les échanges de mails du 06 mai 2011 entre M. X et la coordinatrice du service planning de la société Sage démontrent qu’en dépit du ton cordial, le salarié a refusé de se déplacer en province en ces termes ' j’ai regardé de mon côté pour les dates de la mission DRESSER et je ne pourrais pas me déplacer en province à ces dates. Donc, comme nous l’avons évoqué, il vaut mieux annuler cette mission pour moi. Je suis disponible pour d’autres missions aux mêmes dates mais en IDF', contraignant le client à s’adapter ' je vais voir ce que je peux faire pour te proposer d’autres missions en région parisienne. Merci de me confirmer que ce changement est exceptionnel et que tu peux à l’avenir réaliser des missions en province au moins 2 jours par semaine '.

La lecture de l’ensemble des réponses de l’employeur du 10 mai 2011 démontre que l’employeur entendait conserver la maîtrise de remplir les plannings des consultants en fonction des besoins des clients dont il restait seul juge, tout en s’efforçant de l’informer.

Compte tenu de la vive discussion élevée par le salarié sur la gestion de son emploi du temps, la sanction de l’avertissement était tout à fait adaptée à ce manquement contractuel. Sur le plan procédural, il est rappelé au salarié que l’article L. 1332-2 du code du travail n’impose pas la formalité de la convocation à entretien préalable lorsque l’employeur envisage un avertissement de sorte que M. X ne peut reprocher à la société de l’avoir reçu le 17 juin sans remise de convocation préalable.

Par ailleurs, la cour dit n’y avoir lieu à annulation de l’avertissement du 04 juillet 2011 et déboute, ici, le salarié de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.

Sur le harcèlement moral et subsidiairement l’exécution déloyale du contrat de travail

A l’appui de son appel, M. X qui s’estime victime d’un harcèlement moral et, à tout le moins d’une exécution déloyale du contrat de travail invoque :

— un environnement hostile source de stress et d’isolement ;

— une réduction de ses fonctions jusqu’à leur suppression intégrale ;

— des menaces de sanction récurrentes ;

— une diminution de sa rémunération de nature à l’asphyxier sur le plan financier.

La société Micropole réplique qu’aucune des pièces produites par M. B X ne fait état d’éléments précis permettant d’étayer sa demande.

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l='article L. 1154-1, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, il incombe à l=employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que les mesures prises par lui sont justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Liminairement la cour a pris acte de ce que le salarié, interrogé sur ce point à l’audience, ne sollicite pas la nullité du licenciement au cas où le harcèlement moral serait retenu, comme le prévoit l’article L. 1152-3 du code du travail.

S’agissant de la réduction de ses fonctions jusqu’à leur suppression intégrale, M. X reproche à l’employeur de lui avoir imposé, le 1er octobre 2010, une nomination brutale et unilatérale, comme Expert Senior, présentée comme une promotion, mais avec une classification et une rémunération inchangées et qui était une rétrogradation de fait, à des missions subalternes d’ingénieur junior ou d’ingénieur de développement, et enfin de l’avoir laissé complètement inactif à son poste de travail pendant les quatre mois précédant son licenciement.

Il s’appuie exclusivement sur l’attestation de M. Z, un collègue consultant informatique, qui travaillait au même étage et sur la même plate-forme qui témoigne de son inactivité croissante en inter-contrat, et qui, en qualité de délégué du personnel, l’a assisté durant l’entretien préalable au licenciement, surpris par l’agressivité de M. Y et à qui M. X, s’est confié sur ses relations conflictuelles avec sa hiérarchie. Sont seuls retenus le désoeuvrement du salarié et l’attitude agressive ponctuelle de M. Y, auxquels le témoin a personnellement assisté.

S’agissant de l’environnement hostile source de stress et d’isolement, M. X cite plusieurs faits :

— il affirme que son supérieur hiérarchique cherchait à le pousser à bout et à la faute, en citant une demande pressante du 14 décembre de prendre des congés du 19 au 30 décembre pour pallier son inactivité et un entretien annulé parce qu’il avait demandé à être assisté d’un délégué du personnel mais le ton et les termes utilisés s’apparentent à une suggestion et non à une pression.

— il invoque également l’avertissement notifié le 04 juillet 2011, qui a été jugé bien fondé et qui ne peut donc pas étayer le harcèlement moral.

— M. X se plaint également de l’attitude agressive de M. Y en invoquant une réflexion dans un mail du 14 juin 2011 ' il va falloir que tu te débrouilles ', mais qui en réalité est une citation incluse dans son propre courriel qui n’est pas opérante.

Reste l’attitude de M. Y le jour de l’entretien préalable dont atteste M. Z et qui a conduit le représentant des ressources humaines à intervenir, qui témoigne de l’attitude agressive du supérieur hiérarchique.

S’agissant de son isolement progressif, M. X invoque :

— le fait de n’avoir pas été convoqué à un entretien annuel d’évaluation sur ses objectifs 2012 à la différence de ses collègues ; or ce grief ne peut être étayé par l’attestation de M. Z, qui fait état en réalité d’un voeu exprimé par la direction et non d’une pratique ;

— le fait que l’employeur n’ait pas donné suite à ses mails dénonçant le manque de réactivité de M. A son interlocuteur chez le client ; or son unique mail du 14 avril 2011 intitulé ' Trop compliqué avec A ' ne suffit pas à caractériser ce grief. Il cite, sans les produire, les mails qu’il a adressés à M. A et mis en copie à M. Y, restés sans réponse.

La cour note en outre, que le reproche sur l’interdiction d’entrer en contact avec ses collègues ne repose sur aucune pièce et que celui sur l’interdiction de se déplacer dans l’entreprise repose sur le seul compte-rendu d’entretien préalable rédigé de manière non contradictoire par le conseiller du salarié.

S’agissant de la diminution de sa rémunération de nature à l’asphyxier sur le plan financier,

M. X se contente de se dire victime du non-règlement de ses primes contractuelles d’objectif qualitatif, pour l’année 2011, vécue comme une sanction injustifiée, sans la moindre démonstration.

S’agissant de l’atteinte aux droits et à la dignité et de la nuisance à l’avenir professionnel, M. X dénonce, en termes généraux, la politique managériale le maintenant dans une inactivité prolongée, dans le but de le pousser à la démission, sans articuler le moindre fait précis ou daté l’appui de ce grief.

Au total, au nombre des faits dénoncés par le salarié, sont de nature à étayer sa demande, son inactivité prolongée durant la période d’inter-contrat et l’attitude agressive de M. Y.

La cour considère que ces deux faits, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral et qu’il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que les mesures prises par lui sont justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

La société Micropole objecte à raison que l’inactivité d’un consultant est inhérente à la période d’inter-contrat et pouvait expliquer la proposition de l’employeur de recourir aux congés payés non pris pour diminuer la charge financière de cette période sans facturation.

Reste l’attitude agressive du supérieur hiérarchique durant l’entretien préalable, qui demeure un fait unique et ponctuel qui ne suffit pas à établir le harcèlement moral.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. X de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Sur les heures supplémentaires et ses conséquences sur le travail dissimulé et l’exécution déloyale de la convention de forfait

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

A l’appui de sa demande d’heures supplémentaires qu’il soutient avoir effectuées, pour les années 2008 à 2011 à hauteur de 28 130,80 euros, à raison d'1 h 30 par semaine, en sus des 38 h 30 hebdomadaires de travail, M. X produit pas moins de six pochettes contenant des échanges de mails destinés à démontrer le travail continu effectué pour chaque journée.

Le salarié fournit un tableau (pièce n°20) qui mentionne en légende :

— l’horaire collectif de 9 h à 18 h soit 8 heures par jour

— la pause déjeuner d’une heure

— la pause dîner d’une heure

— le temps de trajet de 45 minutes.

Le tableau indique le dépassement de l’horaire collectif, jour par jour, du 09 juin 2008 au 12 décembre 2011 avec les rubriques suivantes :

— semaines dans l’année

— jours dans la semaine

— heure début

— heure fin

— dépassement base par jour

— jours fériés

— suppression jours fériés

— suppression heure début

— après 21 h 15

— par semaine en heure

— par semaine en '.

Comme le relève la société Micropole avec pertinence, ce tableau en apparence précis ne permet pas de comptabiliser le nombre d’heures effectives de travail sur une semaine donnée, qui reste la référence de calcul des heures supplémentaires.

L’envoi d’un mail tôt le matin ou en soirée ne signifie pas que le salarié ait travaillé en continu entre l’heure apparente de début de journée et l’envoi du dernier mail.

La cour fait sien l’exemple de la journée du 15 décembre 2009 qui est significatif puisque le salarié estime terminer sa journée à 21h 09, heure d’envoi du mail produit soit 2 h 09 de dépassement de l’horaire collectif sans qu’il fasse apparaître durant ce temps de dépassement, la chaîne de mails qu’il cite dans ses écritures.

La cour prend également, l’exemple du mois de janvier 2011 où le salarié fait apparaître des heures supplémentaires qui n’apparaissent pas dans le compte rendu d’activité qui a servi de base à la facturation de ce mois.

La cour considère, qu’en dépit de leur volume, les pièces communiquées par le salarié, sur les heures d’envoi de courriels, ne sont pas suffisamment précises sur les heures supplémentaires qu’il prétend avoir effectuées en sus de l’horaire collectif.

Comme en première instance, il sera débouté de sa demande de rappel de salaires de ce chef.

L’argumentation sur l’exécution déloyale de la convention de forfait qui supposait de retenir des heures supplémentaires ne peut prospérer et entraîne le débouté de la demande de dommages-intérêts de ce chef.

Le débouté de M. X de sa demande d’heures supplémentaires entraîne également celui de sa demande au titre du travail dissimulé.

Sur le rappel de primes

A l’appui de sa demande de rappel de prime à hauteur de 32 000 euros, M. X rappelle que son contrat de travail stipulait le versement d’une rémunération variable fixée en fonction de l’atteinte d’objectifs quantitatifs et qualitatifs qui devaient être fixés annuellement par avenants à son contrat de travail et qu’un unique avenant a été signé en 2008 fixant la prime d’objectif quantitatif à 6 000 euros et la prime d’objectifs qualitatifs à 4 000 euros.

Il expose que la prime d’objectif qualitatif de 4 000 euros lui a été versée chaque année de 2008 à 2010 mais pas en 2011 ni en 2012. Il réclame la prime d’objectif quantitatif de 6 000 euros pour les années 2009 à 2012, seule celle de 2008 lui ayant été payée.

La société Micropole verse aux débats (pièces n°2 et 3) l’avenant n°2008 stipulant que les modalités de rémunération variable sont fixées pour l’année 2008 jusqu’à nouvel avenant et le dernier avenant 2009-1 dont il résulte que pour la partie quantitative, l’objectif de taux dit staffing était de 70% avec un seuil de 60 % que le salarié n’a pas atteint pour les années litigieuses, au vu du tableau récapitulatif produit par l’employeur.

Le dernier avenant prévoyait qu’en cas de départ définitif en cours d’année, il serait effectué un prorata des objectifs et primes annuels en fonction du temps de présence dans l’entreprise. Il est constant que le salarié en inter-contrat n’a pas atteint ces objectifs proratisés sur les plans quantitatif et qualitatif.

Le jugement l’ayant débouté de sa demande de rappel de primes mérite confirmation ce qui aura pour incidence de retenir, comme le conseil de prud’hommes, le salaire moyen de référence de 4 680 euros.

Sur le licenciement :

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, fait état des griefs suivants :

— M. X a passé les journées du 27, 28 et 29 mars 2012 à jouer au billard,

— M. X a fait preuve d’insubordination le 27 mars 2012 à l’égard de son supérieur hiérarchique,

— Le salarié est arrivé à son poste de travail, le 28 mars 2012, à 10 heures,

— M. X a discuté avec des hôtesses d’accueil entre 12 heures et 14 heures,

— le salarié a eu un comportement provocateur à l’égard de ses supérieurs hiérarchiques.

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui rend impossible son maintien dans l’entreprise ; la charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur, le doute devant profiter au salarié.

La société estime que le comportement provocateur adopté par le salarié justifiait son licenciement pour faute grave tandis que celui-ci estime les griefs non établis.

La société admet que le salarié était en inter-contrat depuis la fin de l’année 2011, sans missions facturables à effectuer durant l’horaire collectif. M. Z a confirmé qu’il était sans occupation à son poste de travail.

Le grief relatif à son retard n’est pas établi, le salarié étant un cadre soumis à un forfait annuel en heures qui lui confère une certaine liberté d’organisation.

La société a admis ne produire aucune pièce concernant l’attitude du salarié à l’accueil ; bien plus le salarié fournit une attestation de l’hôtesse indiquant que les salariés s’adressaient régulièrement à sa collègue ou elle et précise qu’ils n’avaient discuté qu’un court instant durant le temps du déjeuner. Ce grief n’est pas établi.

Reste le comportement du salarié durant les journées du 27, 28 et 29 mars durant lesquelles, il lui est reproché d’avoir joué au billard dans l’espace-détente en libre accès. Si ce comportement peut, par principe, être qualifié d’inaproprié, il faut le replacer dans le contexte de l’espèce d’un salarié qui se rend quotidiennement à son poste de travail sans se voir assigner aucune mission. De plus aucune pièce, autre que la lettre de licenciement, ne vient étayer un usage déraisonné de l’espace-détente. De même, n’est pas fautive dans un tel contexte, la demande du salarié de négocier une rupture conventionnelle.

Du reste, le salarié a fait valoir dans ses écritures, que le vrai motif de son licenciement était d’ordre économique, la société Micropole ne trouvant pas de mission à lui confier depuis fin décembre et qu’il n’avait pas été remplacé. Il expliquait que l’employeur n’avait pas répondu à sa sommation officielle de communiquer le registre du personnel.

Interrogé sur ce point à l’audience, la société Micropole a répondu qu’elle ne pouvait justifier du remplacement du salarié ce qui équivaut à une suppression de son poste.

Par conséquent, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse tout comme sur le montant des indemnités de rupture justement calculées en fonction de l’âge, de l’ancienneté, de la rémunération retenue, sauf à porter à 32 000 euros le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

M. X se verra allouer, en équité, la somme supplémentaire de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la société perdante sera tenue aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, et par décision et contradictoire,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a alloué à M. B X la somme de 28 080 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Infirme le jugement de ce chef et statuant à nouveau :

Condamne la société Micropole SA, venant aux droits de la société Micropole Santé, à payer à M. B X la somme de 32 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Y ajoutant :

Condamne la société Micropole SA, venant aux droits de la société Micropole Santé, à payer à M. B X la somme complémentaire de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

Déboute la société Micropole SA venant aux droits de la société Micropole Santé de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes, autres, plus amples ou contraires ;

Condamne la société Micropole SA, venant aux droits de la société Micropole Santé, aux dépens.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Signé par Monsieur B Fourmy, Président, et par Mademoiselle Delphine Hoarau, Greffier placé, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 6 juillet 2017, n° 15/03228