Cour d'appel de Versailles, 26 octobre 2017, 16/02198

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Arrêt rendu le 26 octobre 2017 par la 13e chambre de la cour d’appel de Versailles, RG n° 16/02198

° CAUTIONNEMENT – Conditions de validité. – Acte de cautionnement. – Proportionnalité de l’engagement.

Ne démontre pas que son engagement (de 95.243 euros) était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, la caution qui disposait d’une épargne d’un montant de 120.000 euros, cette somme serait-elle pour partie employée en compte courant d’associé de la société cautionnée et bloquée à la demande de la banque. ° BANQUE – Responsabilité. – Faute. – Devoir de conseil – Devoir de mise en garde. – Caution non avertie.

La seule circonstance que le banquier dispensateur de crédit se présente comme spécialisée dans le financement de commerces franchisés ne lui impose pas une obligation particulière de conseil en l’absence de disposition contractuelle en ce sens.

Le banquier dispensateur de crédit est tenu à l’égard de la seule caution non avertie d’un devoir de mise en garde à raison de ses capacités financières et des risques d’endettement nés de l’opération cautionnée permettant d’apprécier les risques éventuels liés à la souscription des crédits et aux cautionnements. Ce devoir de mise en garde ne porte pas sur les risques de l’opération financée et la viabilité de l’opération envisagée mais sur l’adaptation du prêt sollicité aux capacités financières de l’emprunteur.

Il ressort des documents fournis, qui n’étaient pas fondés sur des hypothèses irréalistes, que le prêt était adapté aux capacités financières de l’emprunteur.

Dès lors que la caution ne rapporte pas la preuve que le prêt consenti était inadapté aux capacités financières de la société, la banque n’était pas tenue d’un devoir de mise en garde à son égard, qu’elle soit avertie ou non avertie.

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 13e ch., 26 oct. 2017, n° 16/02198
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 16/02198
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Versailles, 25 février 2016, N° 2015F00096
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Identifiant Légifrance : JURITEXT000036097022

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES


Code nac : 53I

13e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 26 OCTOBRE 2017

R. G. No 16/ 02198

AFFAIRE :

Vincent X…

C/

SA BNPPARIBAS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 26 Février 2016 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES
No Chambre :
No Section :
No RG : 2015F00096

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 26. 10. 17

à :

Me Bertrand ROL,

Me Margaret BENITAH,

TC VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX OCTOBRE DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur Vincent X…


Représenté (e) par Maître Bertrand ROL de l’AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617- No du dossier 20160241 et par Maître E. THREARD, avocat plaidant au barreau de PARIS

APPELANT
****************

SA BNPPARIBAS-No SIRET : 662 042 449
16 BOULEVARD DES ITALIENS
75009 PARIS/ FRANCE

Représenté (e) par Maître Margaret BENITAH, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C. 409

INTIMEE
****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 Septembre 2017 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,
Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER,


Le 21 novembre 2012 BNP Paribas a consenti à la société GDL sushi, créée le 31 octobre 2012 en vue de l’exploitation d’un restaurant dans le cadre d’un contrat de franchise signé avec la société Esprit sushi, un prêt d’un montant de 165. 640 € destiné à financer l’acquisition d’un fonds de commerce et des travaux, remboursable sur 5 ans au taux de 3, 80 %. En garantie de ce prêt, M. X…, gérant de la société GDL sushi, s’est porté caution solidaire de la société à hauteur de 50 % de l’encours du prêt dans la limite de la somme de 95. 243 €.

Par jugement du 6 août 2013, la société GDL sushi a été placée en liquidation judiciaire et BNP Paribas a déclaré sa créance à hauteur de 149. 079, 78 € qui a été admise au passif de la société.

Après avoir vainement mis en demeure M. X… par lettre du 5 février 2014, BNP Paribas l’a poursuivi en exécution de son engagement de caution devant le tribunal de commerce de Versailles qui, par jugement du 26 février 2016 assorti de l’exécution provisoire, a condamné M. X… à payer à BNP Paribas la somme de 80. 652, 47 € avec intérêts au taux de 6, 80 % à compter du 16 octobre 2014 et capitalisation des intérêts, dit que le montant recouvré par la banque ne pourra excéder la somme de 95. 243 € et celle de 1. 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, reçu M. X… en ses demandes reconventionnelles et l’en a débouté.

M. X… a fait appel du jugement et, par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 6 septembre 2017, il demande à la cour :

— d’infirmer le jugement en totalité ;
- statuant à nouveau, à titre principal, de débouter BNP Paribas de sa demande de paiement et de condamner BNP Paribas à lui verser la somme de 167. 500 € à titre de dommages et intérêts ;- à titre subsidiaire, de condamner BNP Paribas à lui payer des dommages-intérêts à hauteur de 262. 743 €, de dire et juger qu’il ne saurait être tenu du paiement des intérêts de retard échus avant le 6 février 2014 et qu’il ne peut être condamné à payer à BNP Paribas que la somme de 73. 892, 87 € et en sus 50 % de la somme due au titre des intérêts, de réduire les intérêts de retard à la somme symbolique d’un euro et subsidiairement de préciser que les intérêt de retard ne commenceront à courir qu’à compter du 6 février 2014, que la première capitalisation des intérêts ne pourra intervenir que le 6 février 2015 et que les capitalisations successives interviendront le 6 février de chaque année, et d’ordonner la compensation des dommages-intérêts qui lui sont dus avec la créance de BNP Paribas,
- en tout état de cause, de condamner BNP Paribas à lui payer à la somme de 6. 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens avec droit de recouvrement direct.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 4 septembre 2017, BNP Paribas demande à la cour de confirmer le jugement et, y ajoutant, de condamner M. X… à lui payer la somme de 3. 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.


SUR CE,

Sur la disproportion du cautionnement :

M. X… soutient que son engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus au moment de sa conclusion, qu’il était ainsi sans emploi rémunéré depuis septembre 2009, non imposable et sans droits au chômage, que même s’il détenait un patrimoine financier d’un montant de 120. 000 € comme il l’a déclaré à la banque son cautionnement était disproportionné à son patrimoine car il ne lui laissait pas de moyen de subvenir à ses besoins, et qu’en tout état de cause la banque ne pouvait pas retenir ce patrimoine financier dès lors qu’un montant de 90. 000 € était apporté en compte courant d’associé et bloqué à la demande de BNP Paribas et un autre de 9. 000 € apporté au capital de la société GDL sushi, que seuls les biens saisissables peuvent être pris en considération pour apprécier la proportion d’un engagement de caution et que les sommes investies dans la société GDL sushi, qui venait de surcroît d’être créée, ne peuvent pas être valorisées dans le patrimoine de la caution.

M. X… prétend en outre que BNP Paribas ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu’il est en mesure de faire face à ses obligations au jour où il est appelé.

BNP Paribas réplique que M. X… ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la disproportion de son engagement à ses biens et revenus, que pour apprécier la disproportion de l’engagement ne doivent être pris en compte que les revenus et patrimoine que la caution a déclarés au jour de son engagement, peu important l’emploi que la caution fait de ses revenus et patrimoine, que M. X… a ainsi déclaré percevoir des dividendes et disposer d’une épargne d’un montant de 120. 000 €, qu’outre un apport en capital de 9. 000 € M. X… devait verser 90. 000 € en compte courant d’associé. La banque soutient en outre que, dès lors que l’engagement de caution n’était pas disproportionné à la date de sa conclusion, M. X… ne peut invoquer la décharge de son engagement au motif que la banque ne rapporterait pas la preuve qu’il est en mesure de faire face à son engagement aujourd’hui.

Il résulte des dispositions de l’article L. 341-4 ancien du code de la consommation reprises aux articles L. 332-1 et L. 343-4 du même code qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. Il appartient à la caution qui invoque la disproportion de son engagement d’en rapporter la preuve. La disproportion de l’engagement de caution s’apprécie à la date de la conclusion du cautionnement sur la base des éléments alors connus au vu des déclarations de la caution concernant ses biens et revenus que le créancier, en l’absence d’anomalies apparentes, n’a pas à vérifier. En présence d’un cautionnement qui n’était pas disproportionné lors de sa conclusion, il est inopérant de rechercher s’il est devenu disproportionné au moment où la caution est appelée.

M. X… s’est engagé dans la limite de la somme de 95. 243 €. Préalablement à la conclusion du cautionnement, il a rempli une fiche de renseignements le 19 octobre 2012 aux termes de laquelle il indiquait être célibataire, sans profession, percevoir des dividendes annuels de 2. 000 € et disposer d’une épargne d’un montant de 120. 000 €. Ces biens et revenus n’étaient pas manifestement disproportionnés à l’engagement souscrit, étant précisé que la partie de son épargne apportée en compte courant d’associé de la société GDL sushi


constitue une créance de M. X… à l’encontre de la société comprise dans son patrimoine de même que l’apport en capital qu’il a effectué est compris dans son patrimoine.

Le caractère manifestement disproportionné du cautionnement au moment de sa
souscription n’étant pas retenu, il n’y a pas lieu de rechercher s’il était disproportionné au moment où la caution a été appelée.


Sur la responsabilité de BNP Paribas pour manquement à ses obligations d’information, de conseil et de mise en garde :

La disproportion de son engagement de caution n’étant pas retenue, il convient d’examiner la demande subsidiaire en dommages-intérêts formée par M. X… fondée sur la responsabilité de BNP Paribas pour manquement à ses obligations d’information, de conseil et de mise en garde.

M. X… prétend être une caution non avertie car il n’avait aucune expérience ni dans la restauration ni dans un réseau de franchise, ni dans la gestion et le financement d’une société, qu’il n’avait ainsi aucune compétence professionnelle, intellectuelle ou financière lui permettant d’apprécier le risque et l’opportunité du crédit sollicité et les risques qu’il prenait en apportant sa garantie à l’opération, soulignant que sa seule qualité de dirigeant et associé de la société GDL sushi ne lui confère pas celle de caution avertie.

M. X… fait valoir que BNP Paribas était donc tenue à son égard d’un devoir de mise en garde sans qu’il ait à démontrer que la banque détenait sur la société garantie des informations qu’il ignorait et qu’en tout état de cause BNP Paribas a manqué à ses obligations d’information et de conseil, sa qualité de banque spécialisée dans la franchise créant une dissymétrie entre les informations détenues ou susceptibles de l’être par BNP Paribas et celles détenues par la caution. M. X… estime qu’en mettant en avant son expertise en matière de franchise BNP Paribas contracte une obligation spécifique de renseignement, d’analyse du risque et de mise en garde, que la banque devait effectuer des diligences et vérifications sur la rentabilité du réseau Esprit sushi et du restaurant à créer.

Il fait valoir ainsi que la banque a accepté de financer le projet alors même qu’aucun des documents ne lui permettait de le considérer comme sérieux et viable, que l’opération était marquée par un aléa extrême et qu’elle devait attirer son attention sur le caractère exagérément optimiste des prévisionnels et le mettre en garde sur les risque encourus pour sa société à souscrire un tel prêt et pour lui personnellement à garantir ce prêt. Il estime que le document d’information précontractuel était très insuffisant et non conforme aux obligations légales, qu’aucun état du marché local n’a été remis avec la demande de prêt, que le prévisionnel était détaché de toute réalité, la société ayant réalisé à peine 11, 5 % des prévisions et sa liquidation judiciaire ayant été prononcée après seulement six mois d’activité, que BNP Paribas s’est contentée des seuls prévisionnels du franchiseur sans vérification alors que leur caractère irréaliste était facilement décelable au vu des chiffres réalisés par le réseau en place et de la base sur laquelle ils avaient été envisagés, qu’il n’a pas été correctement informé par BNP Paribas des risques objectifs liés à la création d’une franchise Esprit sushi sur un risque d’endettement dépassant les capacités financières de l’emprunteur et de la caution compte tenu des risques d’une opération dont la viabilité était aussi incertaine.

M. X… prétend que si BNP Paribas l’avait alerté sur les risques de l’opération financée par le prêt cautionné, il n’aurait pas souscrit le financement au nom de la société GDL sushi et n’aurait pas ouvert de franchise Esprit sushi, qu’il n’aurait donc pas investi en pure perte ses économies dans une opération non viable et qu’il est en conséquence fondé à demander la réparation de ses préjudices aux titres de la perte de chance de ne pas se porter caution d’une opération non viable (95. 243 €), du solde de son compte courant d’associé (112. 500 €), de la perte de chance de faire une meilleure utilisation de ses biens (40. 000 €), de la perte de chance de pouvoir souscrire de nouveaux emprunts et de pouvoir se relancer dans le monde des affaires compte tenu de l’enregistrement de la liquidation judiciaire de sa société GDL sushi dans le fichier FIBEN de la Banque de France (15. 000 €).

En réplique, BNP Paribas soutient que M. X… doit être considéré comme une caution avertie en sa qualité de dirigeant de la société cautionnée qui disposait de toutes les informations lui permettant d’apprécier le risque de l’opération financée ou garantie. Elle fait valoir qu’il n’appartient pas à l’établissement prêteur de se substituer à l’emprunteur dans l’appréciation de la rentabilité de son projet, que le devoir de mise en garde porte sur le risque d’endettement résultant de l’octroi du prêt et non sur les risques de l’opération financée par le prêt, qu’en l’espèce l’acquisition du fonds de commerce est intervenue dans le cadre de la liquidation judiciaire du précédent locataire, qu’il ressort des pièces communiquées par M. X… qu’il s’est fait remettre le document d’information précontractuelle du franchiseur, un état et un dossier du projet qui lui ont permis de conclure en toute connaissance de cause le contrat de franchise puis de solliciter le concours bancaire en ayant appréhendé le risque et l’opportunité du crédit et qu’enfin il a pu consulter les documents d’information qu’elle-même avait mis à sa disposition. BNP Paribas ajoute qu’en tout état de cause elle n’avait pas d’informations que M. X… aurait ignorées et telles qu’il puisse lui être reproché un manquement aux obligations d’information et de mise en garde et telles que si M. X… en avait eu connaissance il n’aurait pas contracté. BNP Paribas prétend qu’aucun manquement à son devoir d’information n’est caractérisé, les pièces produites démontrant le contraire, et que la dissymétrie des informations qu’elle aurait détenues n’est pas établie.

Il convient en premier lieu de rappeler que le banquier dispensateur de crédit n’a pas à s’immiscer dans la gestion des affaires de son client emprunteur ou caution et n’est tenu d’aucun devoir de conseil à son égard, sauf disposition contractuelle contraire inexistante en l’espèce. La seule circonstance que BNP Paribas se présente comme spécialisée dans le financement de commerces franchisés ne lui impose pas une obligation particulière de conseil en l’absence de disposition contractuelle en ce sens ou, comme elle le soutient à juste titre, à défaut de délivrance d’un conseil inadapté, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Le banquier dispensateur de crédit a toutefois l’obligation d’informer son client sur les caractéristiques du prêt et la caution de ses engagements. L’acte de caution souscrit par M. X… est intégré dans le contrat de prêt qui comprend l’ensemble des caractéristiques du prêt et la mention manuscrite de l’engagement de la caution de sorte que BNP Paribas a rempli son obligation d’information de la caution sur le sens et la portée de son engagement.

Le banquier dispensateur de crédit est enfin tenu à l’égard de la seule caution non avertie d’un devoir de mise en garde à raison de ses capacités financières et des risques d’endettement nés de l’opération cautionnée permettant d’apprécier les risques éventuels liés à la souscription des crédits et aux cautionnements. Il est tenu de la même obligation à l’égard des cautions averties s’il dispose d’informations ignorées des cautions.

Selon les dires de M. X…(page 20 de ses écritures) non contredits par BNP Paribas, l’octroi le 21 novembre 2012 à la société GDL sushi, nouvellement constituée, d’un prêt de 165. 640 € destiné à financer les investissements liés à la création du fonds de commerce de restauration de sushi sous franchise « Esprit sushi » à Paris est intervenu après la remise par M. X… à BNP Paribas d’un dossier présentant son projet, d’un compte d’exploitation prévisionnel établi par le franchiseur et d’un document d’information précontractuelle communiqué par le franchiseur à M. X….

Le devoir de mise en garde ne porte pas sur les risques de l’opération financée et il appartient au banquier dispensateur de crédit d’apprécier non pas la viabilité de l’opération envisagée mais l’adaptation du prêt sollicité aux capacités financières de l’emprunteur. Il est donc inopérant de rechercher si, comme y invite M. X…, le commerce de restauration sous franchise « Esprit sushi » ouvert à Paris était viable ou non au vu du document d’information précontractuelle présenté à BNP Paribas au soutien de la demande de financement et du sort d’autres commerces ouverts sous franchise « Esprit sushi ».

Le document intitulé « analyses financières et comptables » qui, selon M. X…,
aurait été établi directement par le franchiseur prévoit la réalisation d’un chiffre d’affaires de 571. 523 € (2012-2013) la première année, de 628. 675 € (2013-2014) la deuxième année et de 691. 542 € (2014-2015) la troisième année, à partir d’une estimation de fréquentation la première année entre 131 clients par jour au premier trimestre et 151 clients par jour au quatrième trimestre-soit entre 46 et 53 clients attablés dans le restaurant, entre 69 et 80 clients choisissant la vente à emporter et entre 15 et 18 clients choisissant la livraison-, d’une évaluation du ticket moyen de 13 € HT, de l’ouverture du commerce pendant 312 jours (6 jours par semaine) et d’une hausse du chiffre d’affaires de 10 % par an. Le compte de résultat prévisionnel fait apparaître, sur la base du remboursement d’un prêt d’un montant de 160. 000 € remboursable sur 7 ans au taux de 4 % par des paiements de 25. 920 € annuels, un résultat net comptable avant impôt de 238. 781 € la première année, de 233. 063 € la deuxième année et de 272. 057 € la troisième année. L’équilibre d’exploitation hors charges financières est estimé à 76 clients par jour la première année et à un chiffre d’affaires de 983, 40 € par jour.

Quant au projet présenté par M. X…(sa pièce no 18), il reprend les hypothèses des trois modes de vente (sur place, à emporter, livraison à domicile et sur lieu de travail), présente les enseignes concurrentes ouvertes dans le même centre commercial entre 255, 312 ou 360 jours par an, et prévoit un point mort de 38 clients par jour, soit un chiffre d’affaires annuel de 154. 128 € différent de celui annoncé dans l’analyse financière qui l’estime à 76 clients par jour.
Ces chiffres n’ont pas été atteints, la société n’ayant même pas exploité le fonds de commerce une année entière puisque sa liquidation judiciaire a été prononcée dès le 6 août 2013, sur déclaration déposée le 19 juillet 2013, avec une date de cessation des paiements fixée au 30 mai 2013. Au jour de la fermeture du restaurant, la société GDL sushi n’avait réalisé qu’un chiffre d’affaires de 32. 808 €, l’exploitation ayant débuté le 31 janvier 2013, alors que ses charges de remboursement étaient supérieures au prévisionnel puisqu’atteignant 36. 758, 40 € selon le tableau d’amortissement, le prêt étant consenti sur 5 ans et non 7 ans.

La société GDL sushi a toutefois tenu ses engagements de remboursement du prêt jusqu’au prononcé de sa liquidation judiciaire.

Le prévisionnel n’était pas fondé sur des hypothèses irréalistes dès lors que le restaurant relevait d’une spécialité culinaire alors en expansion, qu’il devait ouvrir 312 jours par an comme deux de ses concurrents, que le local était situé à Paris dans une galerie commerciale insérée dans un quartier d’affaires et à proximité de la gare de Lyon rendant possible le service de 131 clients par jour sur les trois premiers mois grâce aux trois modes de distribution envisagés, dont la livraison à domicile ou au bureau, puis sa croissance et que le ticket moyen de 13 € HT n’était pas surévalué compte tenu de la valeur des tickets restaurant et du pouvoir d’achat des salariés parisiens.

La société Oséo est en outre intervenue dans l’opération en apportant sa garantie à BNP Paribas sur le fondement des mêmes conditions et présentation du projet.

M. X… ne démontre pas ainsi que le prêt consenti était inadapté aux
capacités financières prévisibles de la société GDL sushi et présentait de sérieux risques d’endettement.

Dès lors que M. X… ne rapporte pas la preuve que le prêt consenti était inadapté aux capacités financières de la société, la cour n’a pas à rechercher s’il est une caution avertie ou non.

Il résulte de ce qui précède que BNP Paribas n’était pas tenue d’un devoir de mise en garde à l’égard de M. X….

Sur le quantum de la créance :

M. X… soutient avoir garanti 50 % du montant de l’encours du prêt constitué du principal, des intérêts et commissions éventuelles de sorte que les intérêts de retard et la capitalisation des intérêts doivent être soumis à la règle des 50 % et que c’est la totalité des sommes dont la banque se prétend créancière qui doit être divisée par deux.

M. X… fait ensuite valoir que la majoration du taux d’intérêt contractuel permettant le calcul des intérêts de retard constitue une clause pénale, que ce taux majoré est sans commune mesure avec le préjudice subi par la banque résultant du retard de paiement et qu’il peut dès lors être réduit à la somme de 1 euro.

Il fait observer que BNP Paribas ayant capitalisé les intérêts à partir du 21 juin 2014 le tribunal ne pouvait faire courir l’anatocisme sur la base d’un principal de 80. 652, 47 € au 16 octobre 2014 ce principal comprenant déjà la capitalisation des intérêts au 21 juin 2014.

M. X… invoque enfin subsidiairement l’article L. 341-1 du code de la consommation et le fait que BNP Paribas ne l’a informé de la défaillance de la société GDL suschi que le 5 février 2014 pour que la banque soit déchue des intérêts de retard échus entre le 26 juin 2013 et le 5 février 2014, la première capitalisation ne pouvant intervenir qu’à compter du 6 février 2015.

BNP Paribas s’en rapporte à justice quant au bien-fondé de ces contestations.

Aux termes de l’acte de caution, M. X… s’est engagé dans la limite de 95. 243 €. Aux termes du contrat prêt, compte tenu de l’intervention de la société Oséo, le cautionnement est limité à concurrence de 50 % du montant de l’encours du prêt constitué du principal, des intérêts, commissions éventuelles, cotisations d’assurance s’il y a, frais et accessoires, et le cas échéant pénalités ou intérêts de retard, et ce dans la limite d’une somme maximum de 95. 243 € (page 6 du contrat). Selon la déclaration de créance et le tableau d’amortissement produits par la banque, la première échéance était due au 21 décembre 2012 et la créance de prêt admise au passif de la société GDL sushi pour un montant de 149. 079, 78 € est constituée d’une part du capital restant dû au 21 juin 2013 à hauteur de 147. 785, 74 €, comprenant le capital amorti, les cotisations d’assurance et les intérêts contractuels au taux de 3, 80 % et d’autre part des intérêts de retard au taux contractuel majoré de 6, 80 % appliqués du 21 juin au 6 août 2013, date du jugement de liquidation judiciaire. Le décompte de créance arrêté au 16 octobre 2014 comprend des intérêts au taux contractuel majoré pour un montant total de 13. 519, 21 € et leur capitalisation à compter du 21 juin 2014 fait porter le capital dû à la somme de 157. 835, 17 €.

La majoration de 3 points du taux d’intérêts applicable aux sommes non payées
à échéance est prévue en page 12 du contrat de prêt. Elle constitue une clause pénale susceptible de réduction car elle est une évaluation forfaitaire et anticipée du montant du préjudice résultant pour le créancier de l’inexécution de l’obligation de paiement. En l’espèce il n’y a toutefois pas lieu de la modérer, le caractère manifestement excessif n’étant pas démontré.

La capitalisation des intérêts est également prévue par le contrat de prêt (page 12). M. X… a été mis en demeure pour la première fois le 5 février 2014 de sorte que la capitalisation des intérêts s’applique à compter du 5 février 2015, les conditions de l’article 1154, devenu 1343-2, du code civil étant remplies.

Les dispositions de l’article L. 341-1 du code de la consommation obligent le
créancier à avertir la caution de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement et disposent que si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée. Il n’est pas contesté que BNP Paribas n’a informé M. X… de la défaillance de la société GDL suschi que le 5 février 2014 de sorte qu’elle est déchue des intérêts de retard échus entre le 21 juin 2013 et le 5 février 2014, soit une somme de 6. 332, 52 € selon le décompte arrêté au 5 février 2014.

Il résulte de ce qui précède que M. X… est redevable de la moitié de la somme de 147. 785, 74 € correspondant au seul capital restant dû hors intérêts de retard, soit la somme de 73. 892, 87 €, assortie des intérêts au taux contractuel majoré de 6, 8 % à compter du 5 février 2014, date de la mise en demeure, la capitalisation des intérêts devant être ordonnée à compter du 5 février 2015.

PAR CES MOTIFS


Contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du 26 février 2016 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a condamné M. X… à payer à BNP Paribas la somme de 80. 652, 47 € avec intérêts au taux de 6, 80 % à compter du 16 octobre 2014 et capitalisation des intérêts ;

Statuant sur le chef infirmé,

Condamne M. Vincent X… à payer à BNP Paribas la somme de 73. 892, 87 € avec intérêts au taux contractuel majoré de 6, 8 % à compter du 5 février 2014 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts à compter du 5 février 2015 ;

Y ajoutant,

Condamne M. Vincent X… à payer à BNP Paribas la somme de 2. 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. Vincent X… aux dépens d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Le greffier, La présidente

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Cour d'appel de Versailles, 26 octobre 2017, 16/02198