Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 14 novembre 2018, n° 14/04320

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 17e ch., 14 nov. 2018, n° 14/04320
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 14/04320
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, 3 septembre 2014, N° 13/00612
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 NOVEMBRE 2018

N° RG 14/04320

AFFAIRE :

C X

C/

SAS RENAULT

SA RENAULT-NISSAN GLOBAL MANAGEMENT

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 septembre 2014 par le conseil de prud’hommes – formation paritaire – de Boulogne Billancourt

Section : encadrement

N° RG : 13/00612

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

SCP SAINT SERNIN

LLP PROSKAUER ROSE LLP

Me Annick PETIT LHERMITE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur C X

[…]

[…]

représenté par Me Françoise DE SAINT SERNIN de la SCP SAINT SERNIN, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : P0525, substituée par Me Julia FABIANI, avocate au barreau de Paris,

APPELANT

****************

SAS RENAULT

[…]

[…]

représentée par Me Béatrice POLA du LLP PROSKAUER ROSE LLP, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : J043

SA RENAULT-NISSAN GLOBAL MANAGEMENT

[…]

[…]

[…]

représentée par Me Annick PETIT LHERMITE, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : C1293

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue le 12 septembre 2018, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Président,

Madame Evelyne SIRE-MARIN, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame E F

Par jugement du 4 septembre 2014 , le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (section encadrement) a :

— mis hors de cause la société Renault SAS,

— fixé le salaire de M. C X à 20 305,73 euros,

— condamné la société SA Renault-Nissan Global Management à payer les sommes suivantes à M. X :

. 121 834,38 euros à titre d’indemnité en réparation du préjudice subi du fait de la rupture de la relation contractuelle,

. 15 228,75 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

. 60 917,19 euros à titre de complément d’indemnité de préavis de licenciement,

. 6 091,71 euros à titre d’indemnités de congés payés sur préavis,

. 37 000 euros nets au titre de la rémunération variable en 2012,

. 19 404 euros nets au titre de la rémunération variable de 2013,

. 1 000 euros nets en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société SA Renault-Nissan Global Management à remettre à M. X des documents de fin de contrat conformes au jugement (dernier bulletin de salaire rectifié, certificat de travail, solde de tout compte),

— débouté M. X du surplus de ses demandes,

— débouté la société Renault SAS de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté la société SA Renault-Nissan Global Management de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— rappelé qu’en application de l’article R.1454-28 du code de travail étaient exécutoires de droit à titre provisoire les condamnations ordonnant le paiement des sommes dues au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l’article R.1454-14 du même code dans la limite de neuf mensualités,

— rappelé que les intérêts couraient de plein droit au taux légal à compter de la notification de la demande en ce qui concerne la rémunération variable, les indemnités conventionnelles de licenciement, de complément de préavis et de congés payés dus en application du contrat de travail et des dispositions légales, et de la décision s’agissant des autres sommes allouées,

— mis les dépens à la charge de la société SA Renault Nissan Global Management.

Par déclaration adressée au greffe le 2 octobre 2014, M. C X a interjeté appel de ce jugement contre la société Renault SAS.

Par lettre recommandée du 7 octobre 2015, M. X a interjeté appel contre la société RNGM.

Par arrêt du 12 novembre 2015, les deux appel de M. X ont été déclaré recevables et la jonction des deux procédures a été ordonnée.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience par son conseil, M. X demande à la cour de :

— le déclarer recevable et bien fondé en son appel,

— réformer la décision entreprise, sauf en ce qu’elle a jugé la loi française applicable au présent litige

et son licenciement comme étant non fondé,

statuant à nouveau,

sur les exceptions d’irrecevabilité et d’incompétence soulevées par la société Renault Nissan Global Management,

à titre principal,

— dire que les exceptions de procédure (incompétence et nullité) soulevées par la société Renault Nissan Global Management sont irrecevables faute d’avoir été soulevées in limine litis devant le conseil de prud’hommes,

subsidiairement et en tout état de cause,

— dire que les juridictions françaises sont compétentes pour connaître du litige, la clause compromissoire incluse dans son contrat de travail lui étant inopposable,

— dire que la loi française est applicable au présent litige,

— constater que la société Renault Nissan Global Management ne justifie pas du grief résultant du vice de forme tiré de l’article 58 du code de procédure civile qu’elle soulève,

— rejeter en conséquence l’exception de nullité soulevée par la société Renault Nissan Global Management,

sur sa mise à disposition,

— dire que les conditions nécessaires à la licéité du détachement transnational ne sont pas réunies,

— dire qu’embauché par une société de droit suisse il a été privé de tous les avantages sociaux dont il aurait pu bénéficier s’il avait été embauché par la société Renault SAS suivant « contrat français » et au sein de laquelle il a travaillé pendant toute la durée de son contrat,

— dire, en conséquence, que le délit de marchandage de main d’oeuvre est caractérisé, délit dont la société Renault Nissan Global Management s’est rendue complice,

— condamner en conséquence solidairement les sociétés Renault Nissan Global Management et Renault SAS à lui payer la somme de 245 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du marchandage illicite de main d’oeuvre,

sur la relation de travail entre la société Renault SAS et M. X,

— constater l’existence d’un lien de subordination entre lui et la SAS Renault,

— dire qu’il était lié par un contrat de travail indépendant du contrat de travail existant avec la société Renault Nissan Global Management,

— condamner la société Renault SAS à lui payer les sommes de :

. 245 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 121 834,38 euros titre de rappel d’indemnité compensatrice de préavis,

. 12 183,43 euros à titre de congés payés sur préavis,

. 15 228,75 euros titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

. 121 834,38 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

— ordonner à la société Renault SAS de lui remettre ses documents de fin de contrat,

sur la rupture de la relation contractuelle par la société Renault Nissan Global Management,

— dire que la rupture de la relation est dénuée de cause réelle et sérieuse,

— condamner, en conséquence, la société Renault SAS à lui payer les sommes suivantes :

. 245 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture de la relation contractuelle,

. 60 917,19 euros à titre de rappel d’indemnité compensatrice de préavis,

. 6 091,79 euros à titre de congés payés sur préavis,

. 15 228,75 euros titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

— ordonner à la société Renault Nissan Global Management de lui remettre ses documents de fin de contrat,

en tout état de cause,

— condamner solidairement les sociétés Renault Nissan Global Management et Renault SAS à lui payer les sommes suivantes :

. 37 080 euros nets au titre de la rémunération variable due au titre de l’exercice 2012,

. 21 630 euros nets au titre de la rémunération variable due de l’exercice 2013 prorata temporis,

. 9 579 euros au titre de congés payés dus sur les rémunérations variables 2011, 2012 et 2013,

. 40 610 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du refus par les sociétés Renault Nissan Management et Renault SAS de lui remettre ses documents de fin de contrat,

. 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— assortir les condamnations des intérêts au taux légal et prononcer la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1154 du code civil.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience par son conseil, la société Renault SAS demande à la cour de :

à titre principal, sur la régularité du détachement de M. X,

— dire que le détachement de M. X par la société Renault Nissan Global Management au sein de la société Renault SAS était régulier,

en conséquence,

— infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 4 septembre 2014 en ce qu’il a considéré que la loi française était intégralement applicable au présent litige,

— débouter M. X de l’ensemble de ses demandes formulées à son encontre,

à titre subsidiaire, sur la mise hors de cause de la société Renault SAS,

si, par extraordinaire, la cour venait à considérer que le détachement de M. X par la société Renault Nissan Global Management au sein de la société Renault SAS n’était pas régulier,

— dire qu’elle n’était pas l’employeur de M. X,

en conséquence,

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 4 septembre 2014 en ce qu’il a l’a mis hors de cause du présent litige,

à titre infiniment subsidiaire, sur le caractère infondé des demandes de M. X, si, par extraordinaire, la cour venait à considérer qu’elle était le véritable employeur de M. X :

sur le délit de marchandage et de travail dissimulé,

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 4 septembre 2014 en ce qu’il a débouté M. X de sa demande de condamnation de la société Renault SAS au titre du délit de marchandage,

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 4 septembre 2014 en ce qu’il a débouté M. X de sa demande de condamnation de la société Renault SAS au titre du travail dissimulé,

à titre très infiniment subsidiaire,

— limiter la condamnation à dommages et intérêts au titre du délit de marchandage à une somme symbolique,

— limiter la condamnation au titre du travail dissimulé à la somme de 78 408,78 euros,

sur la rupture du contrat de travail de M. X,

— dire que le licenciement de M. X par la société Renault Nissan Global Management était fondé sur une cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

— infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 4 septembre 2014 en ce qu’il a fait droit aux demandes de condamnation de M. X,

— débouter M. X de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

à titre très infiniment subsidiaire,

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 4 septembre 2014 en ce qu’il a limité au minimum légal les demandes indemnitaires de M. X,

— limiter les demandes de M. X au titre de la rupture de son contrat de travail aux sommes suivantes :

. 39 204,39 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 9 147,691 euros bruts à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

. 78 408,78 euros bruts à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— débouter M. X pour le surplus de ses demandes,

sur la rémunération variable de M. X au titre de l’année 2013,

— infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt en date du 4 septembre 2014 en ce qu’il a fait droit à la demande de M. X au titre de la rémunération variable de l’année 2013,

en conséquence,

— débouter M. X de ses demandes au titre de la rémunération variable de l’année 2013,

à titre très infiniment subsidiaire,

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt en date du 4 septembre 2014 en ce qu’il a débouté M. X au titre de l’indemnité de congés payés sur la rémunération variable de l’année 2013.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience par son conseil, la société Renault Nissan Global Management SA demande à la cour de :

à titre principal,

— infirmer le jugement du 4 septembre 2014,

— constater que M. X ne justifie pas de sa résidence en France et a déclaré dans une procédure connexe révélée à la société Renault Nissan Global Management le 22 août 2018 avoir son domicile en Hollande à Maastricht et de ce fait ne justifie pas avoir satisfait aux dispositions légales prévues par les articles 58 du code de procédure civile et R. 1452-2§2 du code du travail,

— dire qu’elle est bien fondée en son moyen de nullité, le domicile du demandeur étant un critère d’extranéité ou non, et nécessaire à l’accomplissement des actes d’exécution notamment de la décision à intervenir et qu’il est de l’intérêt légitime que M. X justifie de son domicile, sa résidence,

— dire que l’action de M. X est atteinte de nullité,

— dire que le contrat de travail de M. X est un contrat de travail international présentant tous les éléments d’extranéité,

— dire que la loi suisse est applicable au litige en application des articles 3 et 6 de la convention de Rome du 19 juin 1980,

— dire que la rupture du contrat de travail de M. X est conforme au code des obligations suisses,

— débouter M. X de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,

— ordonner le remboursement par M. X des sommes suivantes :

. 56 404 euros au titre des rémunérations variables 2012-2013,

. 11 669,24 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

. 47 386, 55 euros au titre du complément d’indemnité de préavis conventionnel de licenciement,

. 4 667,86 euros au titre de congés payés afférents,

. 3 561,83 euros correspondant aux intérêts versés,

— condamner M. X à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

subsidiairement,

— dire que le contrat de travail signé le 22 septembre 2009 entre M. X et elle assurait au salarié des droits comparables en terme de protection sociale et de rémunération au droit du pays d’accueil,

— dire que M. X ne justifie pas du caractère lucratif du détachement pour les sociétés Renault SAS et Renault Nissan Global Management SA,

— dire que M. X ne justifie pas d’un préjudice pouvant remettre en cause le lien de rattachement au droit suisse, loi du contrat,

— dire que M. X ne justifie pas que les conditions de son embauche et de son détachement relèvent du délit de marchandage, ni du travail dissimulé,

— dire la demande de condamnation solidaire des sociétés Renault Nissan Global Management et Renault SAS non fondée,

en conséquence,

— débouter M. X de ses demandes en paiement au titre du prêt de main d’oeuvre illicite, du marchandage et du travail dissimulé,

— constater les insuffisances caractérisées de M. X dans la conduite de ses missions pour Renault SAS et son refus de tout repositionnement par la société Renault Nissan Global Management SA,

— dire que le motif de rupture du contrat de travail est justifié,

— débouter M. X de ses demandes au titre du bonus de Performance 2012 et 2013 prorata temporis,

— constater que M. X ne justifie pas des préjudices qu’il allègue,

— ordonner le remboursement par M. X à la société Renault Nissan Global Management, des sommes versées au titre de l’exécution provisoire du jugement du 4 septembre 2014, soit 123 689 euros,

— débouter M. X de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

— condamner M. X à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

à titre infiniment subsidiaire,

— dire que M. X ne justifie pas d’un préjudice excédant la somme de 128 834,38 euros et correspondant à six mois de salaire.

— débouter M. X de sa demande sur le fondement de l’article L. 1235- 3 du code du travail,

— dire que si par impossible la société Renault SAS était reconnue employeur de M. X, il devrait lui verser les sommes perçues en exécution du jugement du 4 septembre 2014, soit la somme de 123 689 euros.

SUR CE LA COUR,

La société Renault SAS est une des sociétés opérationnelles du groupe Renault et a pour activité principale la conception et la fabrication de véhicules automobiles.

La société Renault Nissan Global Management (ci-après société RNGM), société de droit suisse, est une société de services de l’alliance Renault-Nissan et a pour objet la fourniture de services et de personnel aux différentes sociétés du groupe et entreprises affiliées ou contrôlées par le groupe Renault ou Nissan, dans le cadre de détachements transnationaux. Elle assure la gestion de l’ensemble des dispositifs de mobilité internationale au sein de l’alliance Renault-Nissan pour les cadres à hauts potentiels.

M. C X a été engagé par la société Renault Management Group (devenu Renault Nissan Management Group), société de droit suisse faisant partie du groupe Renault, en qualité de directeur de l’innovation mécanique, par contrat à durée indéterminée en date du 22 septembre 2009 . Ce contrat dans son annexe A prévoyait qu’il serait détaché au sein de la société Renault SAS, au plutôt à partir du 1er décembre 2009 et au plus tard à partir du 1er février 2010, et qu’il serait rattaché hiérarchiquement à M. Y , directeur ingénierie mécanique Groupe, et d’un point de vue fonctionnel à M. Z, directeur DREAM.

En dernier lieu, il percevait une rémunération moyenne mensuelle d’un montant de 20 305,73 euros.

Le 25 janvier 2013, la société Renault SAS a envoyé à M. X un courrier ainsi rédigé :

« Conformément à notre réunion tenue le 24 janvier 2013 avec M. G H-I et moi-même nous vous confirmons les points suivants :

L’atteinte de vos objectifs n’est pas conforme à ce qui était attendu. Ceci est une confirmation de notre discussion précédente tenue il y a plusieurs mois ( 9 février 2012) et de l’observation faite lors de l’évaluation individuelle de 2011. En raison de l’engagement important dont nous avons besoin de la part de l’ensemble de nos experts confirmés, il n’est plus possible de continuer à vous considérer à ce niveau.

En conséquence, nous demandons à RNGM de mettre fin à votre détachement en France dès que possible, conformément à votre contrat de travail. ».

Par courrier du 31 janvier 2013, M. X a été convoqué à une réunion au bureau RNGM à Genève le 11 février 2013.

A partir du 11 février 2013, il a été dispensé d’activité. Le rendez-vous a été reporté au 26 février suivant.

M. X ne s’est pas présenté à cet entretien et par courrier du 1er mars 2013 a indiqué à la société Renault SAS qu’il n’avait jamais eu de contact avec la société RNGM puisqu’il n’était jamais allé en Suisse, qu’il était très angoissé à l’idée d’être licencié sans bénéficier des dispositions du droit du travail français au point qu’il était en arrêt de travail.

Par requête du 3 avril 2013, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en demandant notamment qu’il soit dit qu’il bénéficiait d’un contrat de travail de droit français.

Il a été licencié par la société RNGM par courrier du 8 avril 2013.

Sur la nullité de l’instance :

La société RGNM soutient que M. X, comme en première instance, refuse de justifier de sa résidence et ne justifie pas non plus d’une résidence française. Elle ajoute que M. X a déclaré en première instance qu’il habitait à Paysac (24) mais que ses correspondances mentionnent une adresse à Maastrich.

Elle affirme se fonder sur un élément nouveau qui est le procès-verbal d’audition de M. X du 9 octobre 2014, pièce produite pour la première fois le 23 août 2018.

Sur le fondement des articles R. 1452-2§2, 122, 933 et 58 du code de procédure civile elle demande que la cour constate que cette carence lui est préjudiciable et prononce la nullité de l’acte d’appel.

M. X réplique que cette exception de procédure, qui n’a pas été présentée en première instance avant toute défense au fond, est irrecevable en cause d’appel. Il affirme au surplus qu’il habite bien à Paysac et qu’en tout état de cause la société RNGM n’établit pas subir un grief.

En procédure orale, l’exception d’incompétence soulevée par voie de conclusions déposées à l’audience oralement, avant toute défense au fond, est recevable.

L’article 58 du code de procédure civile prévoit que la déclaration d’appel contient, à peine de nullité, pour les personnes physiques l’indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur.

En application de l’article 114 du code de procédure civile, la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

L’article 74 du code de procédure civile prévoit « Les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public.».

La société RNGM se fonde sur un élément nouveau, la communication le 23 août 2018 du procès-verbal d’audition de gendarmerie du 9 octobre 2014 dans lequel M. X déclare être domicilié à Sonnevillelunet à Maastricht.

S’agissant de la régularité de l’acte d’appel, il ne peut être fait grief à la société RNGM de ne pas avoir soulevé ce moyen devant le premier juge.

L’exception soulevée avant toute défense au fond soutenue oralement devant la cour est donc recevable.

L’acte d’appel du 1er octobre 2014 comme ses conclusions déposées en cause d’appel mentionnent comme adresse de M. X 22, […]

Quelques jours après la déclaration d’appel, le 9 octobre 2014, M. X a déclaré au service de gendarmerie un domicile différent situé à Maastricht.

La société RNGM établit que M. X procède à la location en meublés de sa maison située à Payzac, mais M. X communique ses déclarations fiscales annuelles Pôle emploi des 9 février 2015, 10 février 2016 et 20 janvier 2017 sur lesquelles figure son adresse à Payzac.

Dans ses échanges avec Pôle emploi, il a toujours fait mention de ses adresses à Maastricht et à Payzac.

Le lieu de résidence de M. X après la rupture du contrat de travail est sans influence sur les questions soumises à la cour relatives à la compétence juridictionnelle et à la loi applicable.

La société RNGM, qui dispose de deux adresses de M. X l’une à Maastrich l’autre à Payzac où il est propriétaire d’un bien immobilier, est mal fondée à se prévaloir d’éventuelles difficultés d’exécution.

Dès lors qu’elle ne justifie pas de l’existence d’un grief, il convient de rejeter l’exception de nullité.

Sur la compétence des juridictions françaises :

Le premier juge a estimé irrecevable la demande de la société RNGM relative à l’incompétence de la juridiction française au profit de la juridiction suisse, au motif que celle-ci a été formée après la plaidoirie du salarié demandeur.

L’article 74 du code de procédure civile prévoit « Les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public. ».

En procédure orale, l’exception d’incompétence soulevée par voie de conclusions déposées à l’audience oralement, avant toute défense au fond, est recevable.

En conséquence, le jugement doit être infirmé en ce qu’il a dit irrecevable l’exception d’incompétence.

La cour doit donc examiner cette demande, qui n’est pas présentée pour la première fois en cause d’appel comme le soutient M. X.

Le contrat de travail prévoit en son article 15.12 : « Tout différend du présent accord sera soumis à l’arbitrage et les deux parties devront rapidement faire toutes les choses nécessaires pour arbitrer tout litige, sinon le tribunal administratif ou judiciaire civil de Genève en Suisse sera le seul compétent. ».

La société RNGM expose qu’elle a vocation à gérer les carrières internationales de salariés de toutes les nationalités et dont les activités pour les sociétés de l’Alliance Renault-Nissan impliquent qu’ils soient employés au sein d’entités situées dans le monde entier. Elle précise que son activité relève de la nécessité d’assurer une cohérence et une attractivité pour les cadres de hauts niveaux de nationalités diverses en leur assurant des niveaux de rémunération et de garanties santé et prévoyance uniformisés et très supérieurs aux standards nationaux.

Elle affirme que le contrat de travail comporte les éléments d’extranéité nécessaires pour lui donner

le caractère de contrat de travail international.

M. X réplique qu’après que sa candidature a été retenue par un cabinet spécialisé, il a rencontré sur le site de Renault à Boulogne-Billancourt M. A, DRH, et son adjointe pour un entretien d’embauche. Il ajoute qu’il n’a constaté qu’à la signature du contrat qu’il lui était demandé de le signer non pas avec la société Renault SAS, au sein de laquelle il allait exercer ses fonctions, mais avec une société basée en Suisse, la société Renault Global Management devenue Renault Nissan Global Management.

Il soutient que dès lors qu’il exerçait ses fonctions au siège social de la société Renault à Boulogne-Billancourt, la clause compromissoire comme la clause attributive de juridiction figurant dans le contrat de travail ne lui est pas opposable.

L’article R. 1412-1 du code du travail prévoit : « L’employeur et le salarié portent les différends et litiges devant le conseil de prud’hommes territorialement compétent.

Ce conseil est :

1° Soit celui dans le ressort duquel est situé l’établissement où est accompli le travail ;

2° Soit, lorsque le travail est accompli à domicile ou en dehors de toute entreprise ou établissement, celui dans le ressort duquel est situé le domicile du salarié.

Le salarié peut également saisir les conseils de prud’hommes du lieu où l’engagement a été contracté ou celui du lieu où l’employeur est établi ».

L’article R. 1412-4 précise : « Toute clause d’un contrat qui déroge directement ou indirectement aux dispositions de l’article R. 1412-1 relatives aux règles de compétence territoriale des conseils de prud’hommes est réputée non écrite ».

Une clause attributive de compétence incluse dans un contrat de travail international exécuté en France ne peut faire échec aux dispositions impératives de l’article R.1412-1 applicables dans l’ordre international.

Au surplus, la clause compromissoire insérée dans un contrat de travail international n’est pas opposable au salarié qui a saisi régulièrement la juridiction française compétente en vertu des règles applicables, peu important la loi régissant le contrat de travail.

Dès lors que le contrat de travail a exclusivement été exécuté sur le territoire français, le salarié ne s’étant même pas rendu une fois en Suisse, peu important qu’il soit de nationalité hollandaise, il convient de rejeter l’exception d’incompétence.

Sur la loi applicable :

L’article 15.01 du contrat de travail prévoit : « Ce contrat est régi par et doit être compris et interprété conformément aux lois de la Suisse ».

La convention de Rome du 19 juin 1980 applicable au contrat de travail litigieux prévoit en son article 3 : Liberté de choix

1. Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause.

Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de

leur contrat. (…).

L’article 6 consacré au contrat individuel de travail stipule :

« 1. Nonobstant les dispositions de l’article 3, dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article.

2. Nonobstant les dispositions de l’article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l’article 3, le contrat de travail est régi :

a) par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s’il est détaché à titre temporaire dans un autre pays

ou

b) si le travailleur n’accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l’établissement qui a embauché le travailleur,

à moins qu’il ne résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable. ».

M. X demande que les dispositions du droit suisse soient écartées au profit de la loi française au motif notamment que les dispositions relatives au licenciement sont impératives en droit français et plus favorables que la loi suisse.

La société RNGM réplique que la convention de Rome restreint l’exclusion de la loi choisie par les parties à la condition qu’elle se heurte à une disposition impérative de la loi applicable, soit une loi de police qui est définie comme celle dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale ou économique du pays. Elle affirme que les règles du licenciement ne sont pas des lois de police.

Il résulte des articles 3-3 et 6-1 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 que le choix par les parties de la loi applicable au contrat de travail ne peut avoir pour effet de priver le salarié de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable à défaut de choix et que ces dispositions impératives sont celles auxquelles cette loi ne permet pas de déroger par contrat.

Le contrat de travail a été uniquement exécuté sur le territoire français. M. X a reçu ses directives de son supérieur hiérarchique positionné en France lequel procédait à son évaluation et finalement a fait part de son insatisfaction à la société suisse.

Le contrat présentant des liens étroits avec la France le droit français serait applicable en l’absence de loi d’autonomie . Les dispositions impératives étant celles auxquelles les parties ne peuvent pas déroger par contrat, elles comprennent l’ensemble des règles régissant le licenciement.

La comparaison des deux lois montre que le droit français, qui limite les cas de recours au licenciement, organise une procédure de licenciement protectrice du salarié, fixe une indemnité de licenciement fondée sur l’ancienneté, prévoit une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement et une indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ne pouvant être inférieur à 6 mois en l’espèce en l’état du droit applicable, est plus protecteur du salarié que le droit suisse.

En effet, le code des obligations suisse prévoit la liberté de la résiliation du contrat de travail, seul un congé abusif étant sanctionné, n’organise pas d’entretien préalable au licenciement ni d’indemnité de licenciement et limite le montant de l’indemnité pour licenciement abusif à 6 ou 2 mois selon les cas.

Il importe peu que le contrat de travail ait fait bénéficier M. X de certains avantages comme l’allocation d’une prime d’installation, le bénéfice d’un véhicule de fonction et la prise en charge des frais de scolarité de ses enfants.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit que la loi française est applicable.

Sur le détachement international et le délit de marchandage :

M. X soutient que les règles du détachement international n’ont pas été respectées et qu’en travaillant au sein de la société Renault il a été victime d’une opération illicite de fourniture de main d’oeuvre à but lucratif dont la société RGNM s’est rendue complice.

Il précise que la société Renault a bénéficié durant 3 années de son expertise sans en supporter le coût financier puisqu’elle ne réglait ni son salaire ni les charges sociales. Il demande donc la condamnation solidaire des deux sociétés à réparer le préjudice ainsi causé.

La société RNGM réplique que le détachement du salarié était régulier, que le contrat de travail prévoyait que l’affectation de M. X en France était temporaire et qu’il a été rompu en raison du refus du salarié d’envisager la poursuite des liens contractuels avec elle.

Elle affirme avoir maintenu un lien de subordination avec M. X. Elle conteste tout délit de marchandage et soutient que M. X n’a subi aucun préjudice. Selon elle, au contraire, il a bénéficié d’une rémunération supérieure à celle prévue par la grille conventionnelle des Ingénieurs et Cadres de la Métallurgie, d’un salaire et de primes nets de charges, d’un capital retraite et de divers avantages comme le remboursement de ses frais d’installation et de scolarité de ses enfants et enfin d’une couverture santé-prévoyance et d’une assurance-vie comportant des garanties supérieures aux droits auxquels il pouvait prétendre à titre légal ou conventionnel.

Elle soutient avoir facturé à la société Renault les salaires de M. X, charges comprises ainsi que les frais de gestion liés.

La société Renault SAS ajoute que M. X a été détaché en son sein dans le cadre d’une mobilité intra-groupe tout à fait régulière et qu’il a bénéficié d’une rémunération supérieure de 45% à la rémunération moyenne des salariés de Renault placés dans une situation identiques et d’avantages contractuels complémentaires. Elle précise que la mission confiée à M. X, nommé aux fonctions de directeur de l’amont, des prestations et de l’environnement de la mécanique, était temporaire puisque liée à la réalisation de différents livrables et qu’elle devait prendre fin à l’issue de la réalisation de l’ensemble de ces livrables.

Elle soutient que M. X, cadre de haut niveau ayant une expérience de mobilité internationale, s’est inscrit dans un dispositif avantageux dont il connaissait parfaitement le fonctionnement.

Sur le détachement international :

L’article L. 1262-1 prévoit : « Un employeur établit hors de France peut détacher temporairement des salariés sur le territoire national, à condition qu’il existe un contrat de travail entre cet employeur et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement ».

L’article L. 1262-3, dans sa version applicable à l’espèce, précise : « Un employeur ne peut se prévaloir des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque son activité est entièrement orientée vers le territoire national ou lorsqu’elle est réalisée dans les locaux ou avec des infrastructure située sur le territoire national à partir desquels elle est exercée de façon habituelle, stable et continue. Il ne peut notamment se prévaloir de ces dispositions lorsque son activité comporte la recherche et la prospection d’une clientèle ou le recrutement de salariés sur le territoire.

Dans ces conditions, l’employeur est assujetti aux dispositions du code du travail applicables aux entreprises établies sur le territoire national. ».

L’article L. 1261-3 dispose « Est un salarié détaché au sens du présent titre tout salarié d’un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France et qui, travaillant habituellement pour le compte de celui-ci exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le territoire national dans les conditions définies aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 ».

En l’espèce, la circonstance que la société RNGM ait notifié chaque année à M. X ses augmentations et le montant de la rémunération variable, lui ait payé ses salaires et adressé ses bulletins de paie ne suffit pas à établir que la relation de travail a subsisté comme l’exige l’article L. 1262-1 pendant la période de détachement.

Aussi, le contrat de travail qui dans son annexe A détache M. X à partir du 1er décembre 2009 au sein de la société Renault SAS à la fonction de « Directeur Innovation mécanique » ne fixe aucune durée à cette mission.

Il ne peut être déduit comme le soutient la société Renault SAS de la description du poste du salarié que sa mission était temporaire.

En effet, les finalités de sa mission s’inscrive dans la durée puisqu’elles consistent à : « Contribuer à la pérennité de l’entreprise en proposant des solutions ingénieuses et des percées technologiques abordables », « Etre une ingénierie performante pilotée par la valeur client en s’appuyant sur des politiques métiers prestation ambitieuses dans le cadre de l’Alliance ou de partenariat » . Aussi, sa mission managériale est de créer de la performance durable pour l’entreprise. Enfin, si parmi ses cinq champs d’actions un périmètre est temporel les autres sont pérennes.

Dès lors que M. X n’a pas été détaché au sein de la société Renault SAS pour une durée limitée, le contrat de travail transnational contrevient aux dispositions de l’article L. 1261-3.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il l’a déclaré illicite.

Sur le délit de marchandage :

L’article L. 8231-1 prévoit : « Le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main d’oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail est interdit ».

L’existence du but lucratif est caractérisé par l’avantage que le bénéficiaire de la prestation tire

de la mise à disposition du salarié notamment en terme d’économie de charges.

La société Renault SAS ne peut sérieusement soutenir avoir réglé à la société RNGM les salaires de M. X en se bornant à communiquer une facture d’un montant de 22 262,03 euros concernant la période du mois de janvier 2012 ayant pour objet « mise à disposition globale » et qui ne vise même pas expressément M. X.

Le caractère lucratif de l’opération est donc établie. Le préjudice subi par le salarié qui a été privé des garanties de la convention collective relative à l’indemnité de préavis et à l’indemnité conventionnelle de licenciement l’est également.

Cependant, compte tenu des nombreux avantages contractuels dont a bénéficié le salarié, en terme de salaire fixe d’un montant de 150 000 euros, très sensiblement supérieur au minima conventionnel, de prévoyance, d’assurance retraite puisqu’il a perçu un capital de 84 330,27 euros au titre des droits acquis au 30 octobre 2013, de prime d’installation et de prise en charge de frais de scolarité, le préjudice subi sera réparé par l’allocation d’une somme de 10 000 euros.

Les sociétés Renault SAS et RNGM étant co-responsables du préjudice subi, elles seront condamnées solidairement au paiement de cette somme.

Sur les demandes à l’égard de la société Renault SAS :

Sur sa qualité d’employeur :

M. X soutient qu’il était lié à la société Renault SAS par un lien de subordination caractéristique de l’existence d’un contrat de travail.

La société Renault SAS réplique que l’irrégularité du détachement transnational n’entraîne pas la reconnaissance automatique de la qualité d’employeur de l’entreprise utilisatrice.

Elle affirme que M. X était soumis à un lien de subordination uniquement à l’égard de la société RNGM.

Si effectivement, l’irrégularité du détachement transnational n’entraîne pas la reconnaissance automatique de la qualité d’employeur de l’entreprise utilisatrice, le salarié peut se prévaloir de l’existence d’un contrat de travail l’ayant lié à la société Renault SAS.

L’existence d’un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à la convention, mais des conditions de fait dans laquelle s’est exercée l’activité. Le contrat de travail se caractérise par l’existence d’un lien de subordination dont il résulte que l’activité est exercée sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements.

En l’espèce, il est établi que M. X exerçait son activité au sein de la société Renault SAS qui procédait à ses évaluations, lui fixait ses objectifs et finalement a mis fin à son affectation en raison de prétendues insuffisances professionnelles.

Ces éléments caractérisent l’existence d’un lien de subordination et par conséquence d’un contrat de travail.

Sur la rupture du contrat de travail :

Dès lors que la qualité d’employeur de la société Renault SAS a été reconnue il ne peut qu’être constaté qu’elle a rompu le contrat de travail par courrier du 25 janvier 2013 dans lequel elle reprochait au salarié la non-atteinte de ses objectifs et l’informait de ce qu’elle allait demander à la société RNGM de mettre fin à son détachement.

Au soutien de ses arguments la société Renault SAS ne produit aucune pièce relative à la prestation de travail du salarié et se fonde seulement sur le contenu des entretiens individuels.

Il résulte de l’entretien de la mi-année 2012 que M. X avait alors déclaré avoir réalisé 80% de

ses objectifs. La société Renault fait remarquer qu’il s’agit seulement d’allégations, mais n’apporte pas la preuve contraire.

Dans ce document daté du 21 septembre 2012, le supérieur hiérarchique, après avoir noté que des réels efforts avaient été faits mais que le chemin à parcourir restait important, prévoyait qu’un nouveau bilan serait fait à la fin de l’année 2012, bilan qui n’a pas été fait.

Sans être contredit M. X affirme que son poste a été supprimé.

Finalement, la non-atteinte des objectifs et l’insuffisance professionnelle reprochées ne sont pas établies.

Il convient de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

M. X qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable à l’espèce, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement.

Il n’est pas discuté que la moyenne de rémunération mensuelle de M. X, comprenant sa rémunération variable, sur les 12 derniers mois s’élève au montant de 20 305,73 euros.

Au regard de son âge au moment du licenciement, 59 ans, de son ancienneté d’environ 3 ans dans l’entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, mais aussi de ce qu’il est directeur de la société de droit hollandais X Mobility Consulting depuis 2013 et a exercé en France une activité libérale du 1er mai 2014 au 14 avril 2017 et de la justification de ce qu’il a perçu des allocations Pôle emploi jusqu’en janvier 2017, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral subi, la somme de 122 000 euros.

La société Renault SAS au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité conventionnelle de licenciement se prévaut d’un accord d’entreprise (pièce n°13) qui n’est même pas daté.

Il sera donc fait application de la convention collective nationale de la métallurgie.

Dès lors que le salarié pendant la période de préavis ne doit pas être privé des droits dont il aurait bénéficié s’il avait continué de travailler, le montant de sa rémunération variable doit être pris en compte. Il lui sera accordé de ce chef la somme de 121 834,56 euros correspondant à 6 mois de salaire outre la somme de 12 183,45 euros au titre des congés payés afférents.

Il lui sera également alloué la somme de 15 228,75 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement.

En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par la société Renault SAS, à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités.

Sur l’indemnité pour travail dissimulé :

En application de l’article L. 8221-5 du code du travail, dans sa version applicable à l’espèce, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de :

1° soit se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article

L. 1221-10 relatif à la déclaration préalable d’embauche,

2° soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2 relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales assisses sur ceux ci aux organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Il n’est pas discuté que la société Renault SAS n’a procédé à aucune déclaration auprès des organismes sociaux.

Le recours à un contrat de travail transnational illicite qui a conduit la société Renault SAS à bénéficier de la prestation d’un salarié sans supporter aucune charge suffit à caractériser l’intention.

Il sera fait droit à la demande de M. X de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail liant M. X à la société RNGM :

La circonstance que la société Renault SAS soit déclarée employeur de M. X ne prive pas la société RNGM de cette qualité que d’ailleurs elle revendique.

La société RNGM a rompu le contrat de travail par courrier du 8 avril 2013 ainsi libellé :

« A la suite de l’évaluation de votre performance faite par votre management et de la décision prise de mettre fin à votre détachement en France par lettre du 25 janvier 2013, RNGM devait étudier les mesures qui devaient nécessairement être prises concernant votre évolution professionnelle.

A ce jour, nous avons eu plusieurs entretiens :

- Entretien prévu à Genève le 11 février 2013, annulé en raison des conditions météorologiques à Genève,

- Entretien dans le bureau TCR de Monsieur B visant à remplacer le premier entretien qui devait se dérouler à Genève, et ce afin de répondre à votre demande d’informations s’agissant des éléments qui devaient être discutés lors de l’entretien annulé,

Pendant cet entretien, nous vous avons informé du fait que RNGM n’avait pas d’autres postes à vous proposer. Vous avez demandé un nouvel entretien que nous avons organisé le 13 février 2013.

- Entretien à TCR le 13 février où nous vous avons proposé de chercher une solution. Vous avez demandé un autre rendez- vous le 14 février 2013.

- Rendez-vous le 14 février 2013, qui a été annulé par vous même par un email du même jour.

- Nous vous avons invité à un nouvel entretien le 16 février 2013 à Genève, que vous avez refusé d’honorer par email du 18 février 2013.

- Nous vous avons invité à un nouvel entretien le 23 mars à Genève, vous avez à nouveau refusé de rencontrer votre employeur.

A la suite de toutes ces réunions et compte tenu du fait que vous avez décidé d’annuler toutes réunions prévues, nous vous confirmons, par la présente, que nous n’avons pas d’autres postes pour vous au sein du groupe Renault.

Nous vous informons en conséquence que nous avons décidé de mettre fin à votre contrat de travail vous liant à al société RNGM.».

Ce courrier qui doit être interprété comme constitutif d’une lettre de licenciement fixe les limites du litige.

Par courrier du 13 février 2013 M. X a demandé à la société RNGM la possibilité d’être assisté d’un avocat lors des entretiens proposés pour envisager son départ de la société.

La société RNGM n’a pas répondu à cette demande.

Dès lors que la société RNGM ne démontre pas avoir procédé à des recherches de postes, le licenciement est prononcé en réalité au motif que le salarié ne s’est pas présenté aux entretiens proposés.

Compte tenu du silence de l’employeur face à la demande du salarié d’être assisté d’un avocat, ce motif n’est pas constitutif d’une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sous le bénéfice des développements relatifs aux conséquences du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse imputable à la société Renault SAS le jugement, qui a fait une exacte appréciation du préjudice subi par le salarié et une juste application de la convention collective sera confirmé en ce qu’il a condamné la société RNGM à payer à M. X la somme de 121 834,38 euros à titre d’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, 60 917,19 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents et 15 228,75 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement.

Au surplus en application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par la société Renault Nissan Global Management, à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités.

Sur les dommages et intérêts pour retard dans la remise des documents de rupture :

M. X se prévaut de ce que ses employeurs se sont fermement opposés à la remise de ses documents de rupture.

La société RNGM répond que, en droit suisse, l’employeur n’est pas tenu de remettre le formulaire U1 lequel n’est délivré qu’à la demande de l’intéressé et la société Renault SAS qu’elle n’est pas l’employeur de M. X.

En l’espèce M. X a saisi le juge des référés le 6 août 2013 d’une procédure contre les deux sociétés pour obtenir la remise des documents de rupture.

En produisant des échanges de courrier avec Pôle emploi et de mails avec la société RNGM il établit que ce n’est qu’après un mail du 20 janvier 2014 qu’il a obtenu le 7 février 2014 le formulaire U 1 rempli.

Ce délai a retardé la mise en place de son indemnisation comme cela résulte du courrier Pôle emploi

du 19 novembre 2013 et lui a causé un préjudice moral qui sera réparé par l’allocation d’une somme de 5 000 euros.

Les deux sociétés, co-responsables de ce dommage, seront condamnées in solidum au paiement de cette somme.

Sur la rémunération variable :

M. X fait valoir qu’il a été privé de sa rémunération variable 2012 et 2013 puisqu’il n’a pas fait l’objet d’une évaluation annuelle en 2012 et qu’aucun objectif ne lui a été fixé en 2013.

Le contrat de travail prévoit qu’outre une rémunération fixe M. X sera admissible à la prime de performance individuelle d’un montant au maximum de 20% du salaire brut annuel de l’année concernée. Un minimum de 10% est garanti pour les deux premières années.

Il est démontré qu’en 2010 et 2011 M. X a perçu plus que les 10% garantis en percevant respectivement les montants de 29 400 euros et de 37 080 euros.

En 2011, malgré une note D, M. X a donc perçu une rémunération variable importante.

Il est fondé à se prévaloir de l’absence d’évaluation en 2012 et de fixation d’objectifs en 2013 pour solliciter au prorata sur la base des rémunérations antérieures les sommes de 37 080 euros et 21 630 euros nette.

Dès lors que la rémunération variable dépendant d’une performance individuelle est affectée par la prise des congés, son montant rentre dans l’assiette de congés payés. Il sera donc fait droit à la demande de M. X de ce chef tant pour les rappels accordés que pour l’exercice 2011.

Les deux sociétés, co-responsables de cette absence de paiement, seront condamnées in solidum au paiement de cette somme.

Sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :

Il est inéquitable de laisser à la charge de les frais par lui exposés en procédure d’appel non compris dans les dépens à hauteur de 5 000 euros.

Les deux sociétés seront condamnées in solidum au paiement de cette somme.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Rejette l’exception de nullité de la déclaration d’appel,

Infirme partiellement le jugement,

Dit recevable l’exception de compétence,

Déclare compétentes les juridictions françaises,

Dit le droit français applicable au contrat de travail,

Dit que M. X était lié à la société Renault SAS par un lien de subordination,

Condamne la société Renault SAS à payer à M. C X les sommes suivantes :

. 122 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 121 834,38 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

. 121 834,38 euros titre de rappel d’indemnité compensatrice de préavis,

. 12 183,43 euros à titre de congés payés sur préavis,

. 15 228,75 euros titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du jour de la réception par la société Renault SAS de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,

Ordonne d’office à le remboursement par la société Renault SAS, à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités,

Ordonne à la société Renault SAS de remettre à M. X les documents de fin de contrat,

Condamne solidairement la société Renault SAS et la société Renault Nissan Global Management à payer à M. X la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du marchandage illicite de main d’oeuvre, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Condamne in solidum la société Renault SAS et la société Renault Nissan Global Management à payer à M. X les sommes suivantes :

. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour refus de remise des documents de fin de contrat, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

. 37 080 euros nets au titre de la rémunération variable due au titre de l’exercice 2012,

. 21 630 euros nets au titre de la rémunération variable de l’exercice 2013 prorata temporis,

. 9 579 euros au titre des congés payés dus sur les rémunérations variables 2011, 2012 et 2013,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du jour de la réception par les sociétés Renault SAS et RNGM de la lettre les convoquant devant le bureau de conciliation,

Ordonne d’office le remboursement par la société Renault Nissan Global Management, à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités,

Dit que les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu’ils seront dus pour une année entière,

Confirme pour le surplus le jugement,

Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

Condamne in solidum la société Renault SAS et la société Renault Nissan Global Management à payer à M. X la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

Déboute la société Renault SAS et la société Renault Nissan Global Management de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la société Renault SAS et la société Renault Nissan Global Management aux dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l’avis donné aux parties à l’issue des débats en application de l’article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Clotilde Maugendre, président et Madame E F, greffier.

Le greffier, Le président,

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Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 14 novembre 2018, n° 14/04320