Cour d'appel de Versailles, 4e chambre, 4 novembre 2019, n° 17/07875
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CA Versailles, 4e ch., 4 nov. 2019, n° 17/07875 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Versailles |
Numéro(s) : | 17/07875 |
Décision précédente : | Tribunal de grande instance de Nanterre, 25 septembre 2017, N° 15/09563 |
Dispositif : | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours |
Sur les parties
- Président : Anna MANES, président
- Avocat(s) :
- Cabinet(s) :
- Parties :
Texte intégral
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 54G
4e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 4 NOVEMBRE 2019
N° RG 17/07875 – N° Portalis DBV3-V-B7B-R5YL
AFFAIRE :
C/
M. B X
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Septembre 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre : 7e
N° RG : 15/09563
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Martine DUPUIS
Me Leila DENIA
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATRE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Ayant son siège […]
[…]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant, au barreau de VERSAILLES, N° du dossier 1758552 – vestiaire : 625
Représentant : Maître Geoffrey DONAT, avocat plaidant, au barreau de PARIS, vestiaire : P0174
APPELANTE
****************
Monsieur B X
[…]
[…]
Madame C D épouse X
[…]
[…]
Représentant : Maître Leila DENIA, avocat postulant et plaidant, au barreau de PARIS, vestiaire : D1338
INTIMES
Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES Venant aux droits de la compagnie COVEA RISKS (désistement partiel à son égard)
Ayant son siège […]
[…]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Société AXA C (désistement partiel à son égard)
Ayant son siège […]
[…]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Société MMA IARD venant aux droit de la société COVEA RISKS (désistement partiel à son égard)
Ayant son siège […]
[…]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
INTIMES DEFAILLANTS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 9 Septembre 2019 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, président et Madame Isabelle DE MERSSEMAN, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Président,
Madame Isabelle DE MERSSEMAN, Conseiller,
Madame Pascale CARIOU-DURAND, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
FAITS ET PROCEDURE,
M. et Mme X sont propriétaires d’un appartement situé […] à
Antony (Hauts-de-Seine) composé de 3 pièces, cuisine et salle de bains.
Par devis du 3 décembre 2010 d’un montant toutes taxes comprises de 21.838,50 euros, ils ont confié
à la société Camif Habitat, assurée par la société Covea Risks, des travaux de rénovation de leur
appartement portant sur la peinture des murs et des plafonds et la plomberie.
La société Camif Habitat a sous-traité la réalisation de ces travaux à la société Carole, désormais en
liquidation judiciaire, assurée par la société Axa C.
La société Act Décisif, aujourd’hui également en liquidation judiciaire assurée auprès de la société
Covea Risks, est intervenue en qualité de maître d’oeuvre.
Les sociétés Carole et Act Décisif ou les organes de la procédure collective n’ont pas été attraits dans
la cause.
Le chantier a été déclaré ouvert le 2 mai 2011 et les travaux réceptionnés le 2 décembre 2011 avec
réserves sans rapport avec le présent litige.
Se plaignant de fortes odeurs de peinture, M. et Mme X ont fait réaliser un test de l’air par le
laboratoire Quad-Lab qui a révélé une concentration en composés organiques volatils (COV), deux
fois supérieurs à la concentration limite.
Par lettre du 13 avril 2012 et en application de la clause de médiation prévue au contrat, M. et Mme
X ont saisi la chambre d’arbitrage et de médiation des litiges immobiliers (CAMI) afin de
trouver une solution au litige qui les opposait à la société Camif Habitat.
Par lettre du 24 mai 2012, la société Camif Habitat les a informés du maintien de sa position malgré
la médiation.
L’assureur de M. et Mme X a fait diligenter une expertise amiable confiée à M. Z,
architecte.
A la demande de M. et Mme X, M. A a été désigné, par ordonnance du 20 juin 2013,
en qualité d’expert judiciaire.
Le rapport d’expertise judiciaire a été déposé le 11 décembre 2014.
Par actes délivrés les 15 juin 2015 et 7 et 8 juillet 2015, M. et Mme X ont saisi le tribunal de
grande instance de Nanterre aux fins d’indemnisation des préjudices subis.
Par jugement contradictoire du 26 septembre 2017, le tribunal de grande instance de Nanterre
a :
— Condamné la société Camif Habitat à payer à M. et Mme X les sommes de :
*14.577,75 euros TTC, actualisée au jour du jugement sur l’indice BT 01 de la construction du mois
de décembre 2014, au titre de leur préjudice matériel,
*5.400 euros au titre de leur préjudice de jouissance.
— Débouté M. et Mme X de leurs demandes en indemnisation des charges de copropriété et
des taxes foncières.
— Débouté la société Camif Habitat de ses demandes formées à l’égard des sociétés MMA IARD
Assurances mutuelles et de la société Axa C.
Vu les articles 515, 695 et suivants 700 du code de procédure civile,
Condamné la société Camif Habitat à payer à M. et Mme X la somme de 4.500 euros en
indemnisation de leurs frais irrépétibles.
— Condamné la société Camif Habitat à payer à la société Axa C la somme de 2.500 euros en
indemnisation de ses frais irrépétibles.
— Débouté les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles de leur demande en
indemnisation de leurs frais irrépétibles formées à l’égard de M. et Mme X.
— Condamné la société Camif Habitat aux dépens de l’instance, qui comprendront les frais d’expertise,
et autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement ceux des dépens
dont ils auraient fait l’avance sans en avoir reçu provision.
— Ordonné l’exécution provisoire.
Par déclaration reçue au greffe le 8 novembre 2017, la société Camif Habitat a interjeté appel
de ce jugement à l’encontre de M. B X, Mme C D épouse X, la
société Axa C IARD, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles.
Par ses dernières conclusions signifiées le 9 janvier 2019, la société Camif Habitat invite cette
cour, au visa des dispositions des articles 1134, 1231-1, 1315, 1792 du code civil et 9 du code de
procédure civile, à :
Sous réserve de l’ordonnance à venir du conseiller de la mise en état devant se prononcer sur
l’irrecevabilité des conclusions de M. et Mme X, et seulement pour le cas où, par
impossible, leurs conclusions seraient déclarées recevables ;
A titre principal,
— Dire et juger que :
*les désordres étaient apparents à la réception mais n’ont fait l’objet d’aucune réserve, de sorte que sa
responsabilité ne peut être recherchée,
*M. et Mme X ne rapportent en aucun cas la preuve d’une quelconque faute du constructeur,
ni même celle qu’un préjudice indemnisable ou du lien de causalité existant entre la prétendue faute
et le préjudice allégué,
En conséquence,
— Infirmer le jugement rendu le 26 septembre 2017 par le tribunal de grande instance de Nanterre en
ce qu’il l’a condamnée à payer à M. et Mme X les sommes de :
*14.577,75 euros TTC, actualisée au jour du jugement sur l’indice BT 01 de la construction du mois
de décembre 2014, au titre de leur préjudice matériel,
*5.400 euros au titre de leur préjudice de jouissance,
*4.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
— Infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée aux dépens de l’instance, qui comprendront les frais
d’expertise, et a autorisé les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement
ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans en avoir reçu provision.
Statuant à nouveau,
— Débouter M. et Mme X de l’ensemble de leurs demandes et prononcer sa mise hors de
cause.
— Condamner M. et Mme X à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du
code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel et de première instance y compris les
frais d’expertise.
A titre subsidiaire,
Si par impossible, M. et Mme X F à rapporter la preuve de sa faute.
— Dire et juger que :
*le préjudice se limite nécessairement au seul caractère incommodant ou irritant de l’odeur pendant
un certain nombre de temps,
*M. et Mme X ne caractérisent pas le préjudice qu’ils prétendent avoir subi.
En conséquence,
— Infirmer le jugement rendu le 26 septembre 2017 par le tribunal de grande instance de Nanterre en
ce qu’il l’a condamnée à payer à M. et Mme X les sommes de :
*14. 577,75 euros TTC, actualisée au jour du jugement sur l’indice BT 01 de la construction du mois
de décembre 2014, au titre de leur préjudice matériel,
*5.400 euros au titre de leur préjudice de jouissance,
*4.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
— Infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée aux dépens de l’instance, qui comprendront les frais
d’expertise, et a autorisé les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement
ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans en avoir reçu provision,
Statuant à nouveau,
— Débouter M. et Mme X de l’ensemble de leurs demandes et prononcer sa mise hors de
cause.
— Condamner M. et Mme X à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du
code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel et de première instance y compris les
frais d’expertise,
A titre infiniment subsidiaire :
Si par impossible, M. et Mme X F à rapporter la preuve de sa faute et de leur
préjudice de jouissance,
— Dire et juger que le préjudice se limite nécessairement au seul caractère incommodant ou irritant de
l’odeur pendant un certain nombre de temps qui sera réduit à de justes proportions,
En conséquence,
— Infirmer le jugement rendu le 26 septembre 2017 par le tribunal de grande instance de Nanterre en
ce qu’il l’a condamnée à payer à M. et Mme X les sommes de :
*14. 577,75 euros TTC, actualisée au jour du jugement sur l’indice BT 01 de la construction du mois
de décembre 2014, au titre de leur préjudice matériel,
*5.400 euros au titre de leur préjudice de jouissance,
*4.500 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles.
— Infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée aux dépens de l’instance, qui comprendront les frais
d’expertise, et a autorisé les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement
ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans en avoir reçu provision.
Statuant à nouveau,
— Condamner M. et Mme X à lui verser les sommes de :
*3.144,42 euros TTC au titre de solde du marché venant en compensation des dommages-intérêts
reçus,
*2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel
et de première instance y compris les frais d’expertise.
— Dire que les dépens pourront être directement recouvrés conformément à l’article 699 du code de
procédure civile.
A titre ultra subsidiaire :
Si par impossible, l’appel formé par M. et Mme X était jugé recevable :
— Rejeter l’appel incident formé par M. et Mme X,
— Débouter M. et Mme X des fins de cet appel incident.
Par ordonnance du 20 mars 2018, le conseiller de la mise en état a :
— Donné acte à la société Camif Habitat de son désistement partiel d’appel à l’encontre des sociétés
MMA IARD Assurances Mutuelles, venant aux droits de la société Covea Risks, MMA IARD,
venant aux droits de la société Covea Risks et Axa C.
— Constaté l’extinction de l’instance entre d’une part la société Camif Habitat et, d’autre part, les
sociétés MMA IARD Assurances mutuelles, venant aux droits de la société Covea Risks, MMA
IARD, venant aux droits de la société Covea Risks, MMA IARD, venant aux droits de la société
Covea Risks, et Axa C.
— Dit que l’instance se poursuit entre la société Camif Habitat et M. et Mme X.
— Constaté le dessaisissement partiel de la cour.
Par ordonnance du 19 février 2019, le conseiller de la mise en état a, en particulier :
— Déclaré irrecevables les conclusions de M. et Mme X signifiées le 1er mai 2018 et le 10
octobre 2018.
— Dit que M. et Mme X ne pourront plus conclure à nouveau.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 14 mai 2019.
SUR CE,
Sur les limites de l’appel,
Les conclusions de M. et Mme X ayant été déclarées irrecevables, les demandes de la
société Camif Habitat portant sur le rejet de l’appel incident de M. et Mme X sont sans
portée.
Il s’ensuit que les dispositions du jugement en ce qu’il déboute M. et Mme X de leurs
demandes en indemnisation des charges de copropriété et des taxes foncières sont devenues
irrévocables.
La société Camif Habitat ne critique pas le jugement en ce qu’il la déboute de ses demandes formées
à l’égard des sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et de la société Axa C.
Le jugement en ce qu’il déboute les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles de
leur demande en indemnisation de leurs frais irrépétibles formées à l’égard de M. et Mme X
n’est pas plus querellé.
Il s’ensuit que ces dispositions, non critiquées, sont devenues irrévocables.
L’appel de la société Camif Habitat est limité aux dispositions du jugement qui :
1) la condamne à verser à M. et Mme X les sommes de :
*14.577,75 euros au titre du préjudice matériel,
* 5.400 euros au titre du préjudice de jouissance,
*4.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
2) la condamne aux dépens de l’instance.
Il sera encore observé que le jugement écarte l’application du régime de responsabilité instauré par
les dispositions de l’article 1792 du code civil et fonde sa décision de condamnation de la société
Camif Habitat sur les dispositions de l’article 1147 ancien du code civil.
La société Camif Habitat ne remet pas en cause l’inapplicabilité des dispositions de l’article 1792 du
code civil, mais prétend que les conditions de mise en oeuvre de sa responsabilité contractuelle ne
sont pas plus remplies.
Elle soutient que les désordres étaient apparents à la réception, qu’ils n’ont pas fait l’objet de réserves,
qu’aucun manquement contractuel ne peut lui être reproché, que M. et Mme X n’ont pas
établi l’existence d’un lien de causalité entre le manquement contractuel et le préjudice de jouissance
allégués.
Sur le caractère apparent du désordre
La société Camif Habitat rappelle que les désordres apparents à la réception, qui n’ont pas fait l’objet
de réserves de la part du maître d’ouvrage, privent ce dernier de la possibilité de formuler la moindre
réclamation.
Elle fait ainsi valoir que M. X est chimiste de formation, que l’odeur dégagée par la peinture
appliquée sur les murs et les plafonds était perceptible le jour de la réception, que du reste avant la
réception intervenue le 2 décembre 2011, soit le 16 août 2011, M. et Mme X lui ont adressé
un courriel aux termes duquel ils attiraient son attention sur 'l’odeur très intense’ de la peinture un
mois après son application.
Elle soutient donc que cette odeur, persistante le jour de la réception, n’ayant fait l’objet d’aucune
réserve rend irrecevables les demandes de M. et Mme X formulées contre elle.
La société Camif Habitat prétend encore qu’un doute subsiste sur l’intervention d’une autre entreprise
ou des maîtres d’ouvrage eux-mêmes sur l’ouvrage litigieux après son départ du chantier susceptible
de venir modifier sa qualité ou ses caractéristiques.
***
Pour écarter le caractère apparent du désordre, le premier juge a retenu que M. et Mme X ne
pouvaient pas connaître son ampleur au jour de la réception, que les odeurs ont persisté jusqu’aux
opérations d’expertise en 2014, soit plus de deux ans après la fin des travaux.
Selon le premier juge, la gravité et les conséquences des désordres ont de ce fait été révélées dans
leur ampleur par l’expert judiciaire, postérieurement à la réception, de sorte que leur caractère
apparent au jour de la réception fait défaut.
Il ressort des productions que :
*le 16 août 2011, M. et Mme X ont adressé un courriel à la société Camif Habitat afin
qu’elle traite divers points 'pour sa rentrée’ dont celui d’un choix de 'peinture moins malodorante’ ; les
maîtres d’ouvrage faisaient en outre valoir que cette peinture, appliquée depuis un mois, dégageait
'une odeur très intense malgré l’aération’ ;
*en janvier 2012, M. et Mme X, incommodés par les odeurs persistantes dégagées par la
peinture, ont fait procéder à un Test Air le 24 janvier 2012 ; les résultats obtenus témoignent d’une
quantité importante de composés organiques volatils (COV de 300µg/m3),
*la tentative de médiation initiée en avril 2012 n’a pas abouti,
*aux cours des visites expertales des 6 septembre 2013 et 17 mars 2014, les odeurs dégagées par la
peinture étaient toujours présentes et perceptibles pour l’ensemble des personnes présentes,
*l’expert judiciaire a fait réaliser des analyses des prélèvements effectués par un laboratoire accrédité
Cofrac qui a confirmé une concentration importante en COV,
*le sous-traitant qui a exécuté les travaux ayant été placé en liquidation judiciaire et les documents
du marché n’ayant pas été remis à l’expert judiciaire, ce dernier a indiqué que les peintures Duliprim
et Dulisatin PPI étaient susceptibles d’avoir été utilisées ; il relevait cependant qu’aucun élément sur
la conduite des opérations, les méthodes et les produits mis en oeuvre n’avait été fourni par la société
Camif Habitat ; un doute subsistait donc sur la nature et la qualité des peintures utilisées en l’espèce ;
*l’expert judiciaire concluait que les peintures utilisées, qui semblaient être les peintures Duliprim et
Dulisatin PPI, n’étaient pas interdites à la vente, mais présentaient néanmoins une concentration en
COV limite en terme réglementaire ; il ajoutait que la peinture Duliprim était classée C en terme
d’émission de COV selon la réglementation en vigueur, soit le plus mauvais classement sur l’échelle
retenue,
*les analyses normalisées effectuées à la demande de l’expert judiciaire n’ont pas révélé de valeurs à
risque pour les substances présentes sauf à l’égard du Toluène et une suspicion s’agissant des alcanes
;
*l’expert judiciaire n’a pas exclu des émissions, même à très faibles concentrations dans
l’atmosphère, de substances à risques bien présentes dans les analyses ;
*l’expert relevait que M. et Mme X ont pu être incommodés de manière certaine par des
odeurs perceptibles plusieurs mois après l’application des peintures ; il n’a pas exclu une allergie à
certains micro polluants auxquels M. et Mme X ont été soumis.
De ces éléments, il apparaît que, d’une part, les désordres sont imputables aux peintures appliquées
par le sous-traitant de la société Camif Habitat dans l’habitation de M. et Mme X et, d’autre
part, que l’ampleur de ces désordres n’a été révélée au maître d’ouvrage qu’à l’issue des diverses
investigations menées sous l’égide de l’expert judiciaire, postérieurement à la réception.
Il sera ajouté que, compte tenu des éléments versés aux débats, il n’apparaît pas que la qualité de
chimistes des maîtres d’ouvrage leur aurait permis d’identifier ipso facto et sans investigation
complémentaire l’ampleur des désordres au moment de la réception, en particulier la persistance dans
le temps des odeurs incommodantes de la peinture utilisée et des risques que ces peintures étaient
susceptibles de comporter.
C’est donc à tort que la société Camif Habitat soutient que le désordre était apparent à la réception.
Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu’il écarte le caractère apparent du désordre.
Sur l’existence de manquements contractuels de la part de la société Camif Habitat
La société Camif Habitat critique le jugement qui retient l’existence d’un manquement à ses
obligations contractuelles consistant en la violation de son devoir de conseil quant aux propriétés des
peintures utilisées alors que :
*la norme NFP 74-201-1 et 2 n’impose nullement à l’entrepreneur d’informer le maître d’ouvrage sur
les propriétés olfactives des peintures et notamment sur le fait que l’utilisation de peintures
glycérophtaliques est susceptible d’entraîner une persistance plus ou moins importante d’une odeur
après application,
*selon la réglementation en matière de peinture, dès lors qu’une peinture est en vente sur le marché
alors elle ne peut faire courir des risques aux occupants ou aux utilisateurs,
*aucun devoir d’information ne peut être reproché à un entrepreneur en l’absence de texte,
*M. et Mme X ne se sont pas opposés à l’application des peintures litigieuses et n’ont émis
de souhaits de changement que sur la couleur des peintures, aucune remarque de leur part n’ayant été
formulée sur le choix de la marque qu’ils avaient sous leurs yeux,
*la présence de plusieurs pots de peinture dans l’appartement de M. et Mme X prouve que
ces derniers avaient connaissance des produits utilisés et ne se sont pas opposés à leur utilisation,
*quand bien même la peinture Duliprim présente, selon la réglementation en vigueur, le plus
mauvais classement sur l’échelle retenue en terme d’émission de COV, la commercialisation de ce
type de produit n’est pas interdite et aucun élément ne vient confirmer que cette peinture présente des
risques pour la santé.
***
Pèse sur l’entrepreneur à l’égard du maître d’ouvrage un devoir de conseil et d’information sur le
choix des produits utilisés pour l’exécution du contrat qu’ils ont conclu.
En l’espèce, contrairement à ce que soutient la société Camif Habitat, M. et Mme X ont
sollicité non seulement que la couleur des peintures soit modifiée, mais aussi que les peintures
utilisées ne sont pas odorantes.
Ainsi, il résulte des pièces produites par l’appelante que le 16 août 2011, M. et Mme X lui
ont adressé un courriel afin qu’elle choisisse une 'peinture moins malodorante'.
Est donc entrée dans le champ contractuel cette demande particulière de M. et Mme X quant
à l’absence de nuisance olfactive des peintures à appliquer dans leur habitation.
Il revient à l’entrepreneur de démontrer que M. et Mme X ont été conseillés et informés sur
les différentes options possibles au regard de cette demande particulière.
Force est de constater que la société Camif Habitat est défaillante dans l’administration de cette
preuve.
Il sera encore relevé que la société Camif Habitat est responsable à l’égard des maîtres d’ouvrage des
manquements imputables à son sous-traitant.Or, il résulte du rapport d’expertise judiciaire qu’aucune
information n’a pu être fournie par cette dernière sur la conduite des opérations, les méthodes et
produits mis en oeuvre en l’espèce.
Il découle de ce qui précède que la preuve de l’existence de manquements contractuels de la part de
la société Camif Habitat est rapportée.
Sur l’existence d’un lien de causalité entre les manquements contractuels retenus et les
préjudices allégués
* Le préjudice matériel : le coût de la réfection complète des peintures
La société Camif Habitat critique le jugement qui accorde à M. et Mme X la somme de
14.577,75 euros en réparation du préjudice matériel, soit la prise en charge du coût d’une réfection
totale des peintures, alors que :
*le préjudice résultant du caractère incommodant ou irritant de l’odeur pendant un certain temps est
limité dans le temps, les nuisances olfactives s’estompant au fur et à mesure de l’occupation des
lieux, de sorte qu’allouer à M. et Mme X une somme correspondant au coût d’une réfection
totale des peintures va au-delà du principe de la réparation intégrale,
*la gêne ressentie, par nature subjective, est en réalité due à l’absence d’occupation des lieux par M.
et Mme X et donc à l’absence régulière d’aération et de chauffage,
*M. et Mme X ne justifiant pas l’existence d’irritations oculaires, des vertiges et des nausées
allégués ne peuvent prétendre que seule la réfection totale de la peinture est de nature à réparer
l’entier préjudice subi,
*les maîtres d’ouvrage ne démontrent pas que les odeurs étaient incommodantes au point de rendre le
logement inhabitable,
*M. et Mme X affirment sans le démontrer que les lieux ont été régulièrement et
longuement aérés et/ou chauffés.
Comme cela a été indiqué précédemment, les manquements de la société Camif Habitat ne se
limitent pas à la violation d’un devoir de conseil et d’information, mais en sa défaillance à justifier de
la conduite des travaux, les méthodes et des produits mis en oeuvre.
C’est du reste en raison de ces incertitudes 'liées à la nature des peintures et à leur mode d’application'
que l’expert judiciaire a préconisé 'la réfection complète de la peinture de l’appartement'.
Il est ainsi établi que les manquements contractuels de la société Camif Habitat justifient la
condamnation prononcée par le premier juge au titre de la réparation du préjudice matériel de M. et
Mme X.
Le jugement en ce qu’il condamne la société Camif Habitat à payer à M. et Mme X la
somme de 14.577,75 euros TTC, actualisée au jour du jugement sur l’indice BT 01 de la construction
du mois de décembre 2014, sera dès lors confirmé.
C’est en outre par d’exacts motifs que cette cour adopte que le premier juge a retenu l’existence d’un
préjudice de jouissance certain subi par M. et Mme X, imputable à la société Camif Habitat,
et a condamné cette dernière à leur verser la somme de 5.400 euros en réparation.
Sur la demande de la société Camif Habitat au titre du solde du marché
Pour la première fois, en cause d’appel, la société Camif Habitat sollicite la condamnation de M. et
Mme X à lui verser la somme de 3.144,42 euros toutes taxes comprises au titre du solde des
travaux restant dû.
Comme le soutient la société Camif Habitat cette demande, bien que nouvelle en cause d’appel, est,
conformément aux dispositions de l’article 564 du code de procédure civile, recevable puisqu’elle
vise à opposer compensation ou faire écarter les prétentions adverses.
A cette fin, la société Camif Habitat soutient que :
*le marché comprenait un total de 62.888,53 euros toutes taxes comprises lequel se décomposait
ainsi : contrat initial + 3 avenants régularisés et le dédommagement accordé à hauteur de 573,04
euros toutes taxes comprises,
*M. et Mme X se sont acquittés de la somme de 59.744,11 euros toutes taxes comprises
(acompte + 4 factures intermédiaires) seule la somme de 3.144,42 euros toutes taxes comprises
restait en litige compte tenu des réclamations des maîtres d’ouvrage.
Pour justifier du bien-fondé de cette demande, la société Camif Habitat produit des factures (pièce 5)
qui font référence à un échéancier des paiements indiqué aux conditions particulières du contrat de
travaux, complétés par des situations de travaux acceptés par les maîtres d’ouvrage. Les factures
précisent que les situations de travaux récapitulent les différents documents faisant l’objet du contrat,
à savoir les devis initial, avenants et situation de travaux.
Force est de constater que la société Camif Habitat ne produit que le devis initial d’un montant de
21.838,50 euros toutes taxes comprises.Ni les avenants, ni les situations de travaux acceptés ne sont
versés aux débats de sorte que la cour est privée de la possibilité de vérifier le montant total du
marché accepté par M. et Mme X afin de s’assurer du bien fondé de la prétention formulée
au titre du solde du marché réclamé.
Il découle de ce qui précède que la demande de la société Camif Habitat, injustifiée, ne pourra
qu’être rejetée.
Sur les autres demandes
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à
l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité ne commande pas d’allouer des sommes à la société Camif Habitat au titre des frais
irrépétibles d’appel.
La société Camif Habitat, qui succombe en ses prétentions, sera condamnée aux dépens d’appel avec
application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant contradictoirement,
Dans les limites de l’appel,
Confirme le jugement.
Y ajoutant,
Rejette la demande de la société Camif Habitat au titre du solde du marché.
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société Camif Habitat aux dépens d’appel.
Dit qu’ils seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été
préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de
procédure civile.
— signé par Madame Anna MANES, Président et par Mme Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la
minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,
Textes cités dans la décision