Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 23 janvier 2020, n° 18/03702

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 21e ch., 23 janv. 2020, n° 18/03702
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 18/03702
Décision précédente : Cour d'appel de Versailles, 25 janvier 2017
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

21e chambre

Renvoi après cassation

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 JANVIER 2020

N° R 18/03702

AFFAIRE :

F X

C/

GIE RAMSAY GENERALE DE SANTE HOSPITALISATION

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 26 janvier 2017 par la Cour d’Appel de VERSAILLES

N° Section :

N° R : 14/03387

certifiées conformes délivrées à :

Monsieur F X

GIE RAMSAY GENERALE DE SANTE HOSPITALISATION

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL H I-J K

la SELARL BLB et Associés Avocats

le :

24 janvier 2020

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS JANVIER DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

DEMANDEUR ayant saisi la cour d’appel de Versailles par déclaration

enregistrée au greffe social le 3 août 2018 en exécution d’un arrêt de la Cour de

cassation du 13 juin 2018 cassant et annulant l’arrêt rendu le 26 janvier 2017

par la cour d’appel de Versailles (11e chambre)

Monsieur F X

[…]

[…]

comparant en personne, assisté de Me Antonio H I de la SELARL H I-J K, Plaidant, avocat au barreau d’ORLEANS

DEMANDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI

****************

GIE RAMSAY GENERALE DE SANTE HOSPITALISATION Immatriculé au RCS de Paris sous le numéro 348 112 541, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

N° SIRET : 348 112 541

[…]

[…]

Représentée par Me Valérie BEBON de la SELARL BLB et Associés Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0002

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 26 novembre 2019 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe FLORES, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe FLORES, Président,

Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC,

M. X a été engagé le 29 février 2000 par la société Les Sorbiers en qualité de directeur d’établissement de la clinique du même nom. Son contrat de travail a été transféré le 30 décembre 2002, à effet au 1er janvier 2003 au GIE Général de santé hospitalisation, devenu le GIE Ramsay

générale de santé hospitalisation (le GIE), en qualité de directeur d’établissement du groupe Dynamis attaché à la clinique les Sorbiers à Jallans.

II a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 20 janvier 2010.

Le conseil de prud’hommes de Châteaudun a, par jugement du 26 juin 2014, débouté le salarié de sa demande de paiement des astreintes et a dit que la prise d’acte produisait les effets d’une démission.

Par arrêt du 26 janvier 2017, la cour d’appel de Versailles (onzième chambre) a condamné l’employeur à payer au salarié la somme de 20 900 euros en indemnisation des astreintes, et a confirmé le jugement de première instance sur la prise d’acte.

M. X a formé un pourvoi en cassation le 27 mars 2017.

Par arrêt rendu le 13 juin 2018, la Cour de cassation (chambre sociale) a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 26 janvier 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles, remis, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée.

Le 3 août 2018, M. X a saisi la cour d’appel de Versailles par voie électronique.

Interrogé par le greffe, M. X a indiqué que l’arrêt, n’a, à sa connaissance, pas été signifié.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l’audience, M. X demande à la cour de :

— dire et juger son appel à l’encontre du jugement entrepris recevable et bien fondé,

— infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

— requalifier en licenciement nul la prise d’acte de rupture du 22 janvier 2010.

— condamner le GIE à payer à M. X les sommes suivantes : 157 414,40 euros bruts au titre des indemnités d’astreintes, 15 741,44 euros bruts à titre de congés payés sur astreintes, 36 000 euros bruts au titre du préavis, 3 600 euros bruts à titre de congés payés sur préavis, 53 400 euros nets à titre d’indemnité de licenciement, 72 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur, 72 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et dépourvu de cause réelle et sérieuse, le tout avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

— condamner le GIE à remettre à M. X un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi modifiée et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

— fixer à 6 000 euros bruts le salaire moyen de M. X pour le calcul des salaires et indemnités,

— condamner le GIE à payer à M. X la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l’instance.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l’audience, le GIE demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail doit produire les effets d’une démission,

— débouter en conséquence M. X de toutes ses demandes,

— condamner M. X à verser au condamner le GIE la somme de 36 000 euros correspondant à l’indemnité de préavis qu’il n’a pas effectué,

— condamner M. X à la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l’audience, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

Sur la demande au titre des astreintes :

Le salarié réclame le paiement de la somme de 157 414 euros pour les astreintes exécutées durant les cinq années précédent la rupture du contrat de travail, outre les congés payés afférents.

Quant à la prescription :

Le GIE soulève la prescription quinquennale des demandes de paiement d’astreintes pour la période antérieure au 20 juin 2007.

Le salarié soutient que la prescription quinquennale s’entend de la période précédent la rupture du contrat et qu’il convient donc de retenir la période de cinq ans précédent le 22 janvier 2010, date de la prise d’acte de la rupture.

Les dispositions issues de l’article 21 de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, qui ont modifié l’article L. 3245-1 du code du travail en réduisant à trois ans la prescription des salaires, et en prévoyant de retenir les salaires échus trois ans avant la rupture, invoquées par le salarié, ne s’appliquent pas à la cause, la rupture étant intervenue le 22 janvier 2010, avant l’entrée en vigueur de cette loi et la prescription ayant été interrompue par la saisine de la juridiction prud’homale le 20 juin 2012, et suspendue pendant la durée de l’instance.

En application de l’article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 applicable à la cause, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par cinq ans conformément à l’article 2224 du code civil, dans sa rédaction alors applicable.

La juridiction prud’homale ayant été saisie le 20 juin 2012, les demandes au titre des astreintes exécutées antérieurement au 20 juin 2007 sont prescrites.

Quant à l’existence des astreintes :

Le salarié soutient qu’il était soumis à l’obligation d’exécuter des astreintes administratives une semaine sur deux dont l’employeur refusait le paiement.

L’employeur conteste que le salarié ait eu à exécuter des astreintes et critique la valeur probante des attestations produites et des documents versés aux débats.

Selon l’article L. 3121-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, constitue une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour effectuer un travail au service de l’entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif.

Il résulte des attestations concordantes délivrées par Mme Y, Mme Z, M. A

et M. B, que la clinique du Sorbier soumettait tant les personnels médicaux que les personnels administratifs à des astreintes, lesquelles n’étaient pas rémunérées. La similitude du contenu de certaines attestations ne les prive en rien de leur force probante, les témoins ayant constaté personnellement les faits qu’ils ont relatés et ayant écrit de façon manuscrite l’intégralité de leur attestation, de sorte qu’ils s’en sont totalement approprié le contenu. De son côté, Mme Z précise que lors de ses visites à la clinique 'les sorbiers’ afin de prendre connaissance du programme de soins, elle a constaté que les tableaux d’astreinte étaient affichés dans les locaux du personnel. De même, Mme C, M. D, M. E et M. B confirment l’affichage des tableaux d’astreinte. Les attestations produites confirment également que, dans le cadre des astreintes administratives, distinctes des astreintes médicales, M. X était de permanence une semaine sur deux, le soir et les fins de semaine.

Le fait que les tableaux produits relatifs aux astreintes ne portent pas le numéro de téléphone personnel de M. X ne saurait exclure l’exécution de telles astreintes dès lors que leur réalité résulte des attestations versées aux débats.

Il convient donc de retenir que le salarié a bien accompli des astreintes pour lesquelles l’employeur ne lui a versé aucune compensation, ni financière ni sous forme de repos.

Quant à la convention collective applicable :

Le salarié se fonde sur les articles 82-3-1 et 82-3-2 de la convention collective de l’hospitalisation privée (FHP) pour réclamer le paiement de la somme de 157 414,40 euros bruts, outre 15 741,44 euros bruts au titre des congés payés afférents. Il soutient que le contrat de travail et l’accord tripartite du 30 décembre 2002 ne peuvent pas déroger aux dispositions conventionnelles en soumettant à tort la relation de travail à la convention collective Syntec. Il relève en outre que le contrat de travail initial rattachait bien la relation de travail à la convention FHP.

L’employeur soutient que l’activité principale du GIE n’entre pas dans le champ d’application de la convention FHP, pas plus que dans celle de syntec ainsi que l’a jugé la Cour de cassation. Il indique simplement avoir, par mesure de faveur, fait une application volontaire partielle de la convention collective FHP aux termes du contrat de travail initial du salarié, en ce qu’elle concernait la seule rupture du contrat de travail, puisque le salarié était rattaché à la convention FHP avant l’arrivée de la Générale de santé.

La convention collective applicable à une relation de travail est déterminée par l’activité principale de l’entreprise.

Aux termes de son article 2, le champ d’application de la convention collective de l’hospitalisation privée est défini comme suit :

'la présente convention collective nationale règle les rapports entre les employeurs et les salariés des établissements privés de diagnostic et de soins et de réadaptation fonctionnelle (avec ou sans hébergement), des établissements d’accueil pour personnes handicapées et pour personnes âgées, de quelque nature que ce soit privés, à caractère commercial pour l’ensemble du territoire national, département, d’outre-mer inclus, et notamment ceux visés par la nouvelle nomenclature des activités économiques sous les rubriques :

- 86-10 services hospitaliers ;

- 86 10Z activités hospitalières ;

- 87 10A hébergement médicalisé pour personnes âgées ;

- 87 10B hébergement médicalisé pour enfants handicapés ;

- 87 10C hébergement médicalisé pour adultes handicapés et autres hébergements médicalisés ;

- 87 30 A hébergement social pour personnes âgées ;

- 88 10 B accueil ou accompagnement sans hébergement d’adultes handicapés ou de personnes âgées.

Pour les établissements accueillant des personnes âgées, des dispositions spécifiques seront intégrées dans les articles figurant dans l’annexe propre au secteur médico-social.'

L’activité principale du GIE consiste en l’exploitation en commun de tous services principalement au profit de ses membres mais également pour toutes entreprises industrielles ou commerciales et notamment les activités suivantes : l’organisation, l’information, la comptabilité, le contrôle de gestion, l’assistance juridique, la communication, la gestion et, en particulier, celle du personnel, l’organisation de systèmes informatiques, l’assistance aux achats et la négociation des conditions des fournisseurs et, d’une manière générale, le conseil et l’audit de toute nature, ainsi que l’étude de tout problème technique, administratif, financier ou autres, le cas échéant en mettant du personnel à la disposition des entreprises ; d’une manière générale, la réalisation de toute opérations relevant de la mise en commun de tous services au profit de l’ensemble des bénéficiaires du groupement.

Cette activité ne correspond ni au champ d’application de la convention collective syntec, mentionnée sur les bulletins de paie, ni à celle de l’hospitalisation privée, désormais invoquée par le salarié.

Les termes du contrat initial, qui pour la classification du salarié, faisaient mention de la convention collective C.R.R.R., est sans incidence sur la convention collective applicable à la suite du transfert de ce contrat au profit du GIE, qui exerce une activité différente de celle de l’employeur initial. En toute hypothèse, l’avenant du 20 janvier 2003, prévoit, certes à tort, la soumission à la convention collective Syntec, et une application de la convention FHP limitée aux conditions de rupture.

Le fait que l’employeur ait effectué une application contractuelle de la convention collective FHP pour ce qui concerne les dispositions relatives à la rupture ne permet pas d’en induire qu’il se soumettait volontairement à l’intégralité de cette convention collective et ce d’autant plus que les bulletins de paie, comme le contrat du 20 janvier 2003, faisaient mention, à tort, d’une autre convention collective, à savoir Syntec.

Il en découle que les articles 82-3-1 et 82-3-2 de la convention collective de l’hospitalisation privée à but lucratif ne sont pas applicables. En l’absence de justification de l’application d’une autre convention collective, la rémunération des astreintes sera fixée en fonction des seules règles légales.

Quant au statut de cadre dirigeant :

L’employeur soutient que le salarié ne peut prétendre au paiement des astreintes dans la mesure où il a la qualité de cadre dirigeant, de sorte que les règles relatives à la durée du travail, au nombre desquelles se trouvent celles relatives aux astreintes, ne lui sont pas applicables.

Le salarié conteste relever du statut de cadre dirigeant.

Aux termes de l’article L. 3111-2 du code du travail, sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiés des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus

élevés des systèmes de rémunérations pratiqués dans leur entreprise.

Il appartient à l’employeur, qui se prévaut de la qualité de cadre dirigeant de M. X pour s’opposer au paiement des astreintes, de démontrer que le salarié remplit effectivement les conditions légales pour se voir soumis à ce statut.

Le contrat de travail signé le 7 février 2003 prévoit certes le statut de cadre dirigeant, mais un tel statut, qui déroge aux règles de droit commun de la durée du travail, ne peut être déterminé de façon contractuelle indépendamment des critères posés par les dispositions d’ordre public de l’article L. 3111-2 du code du travail.

Interrogé par la cour, l’employeur a précisé que tous les directeurs d’établissement avaient la qualité de cadre dirigeant et que l’entreprise comptait à ce jour cent-quarante-sept établissements.

Il n’en demeure pas moins que l’employeur, qui se borne à affirmer que M. X a la qualité de cadre dirigeant, ne justifie ni du système de rémunérations applicable dans l’entreprise, ni de l’organigramme de l’entreprise, ni qu’au sein de ce système, la rémunération du salarié, comme celle d’au moins une centaine d’autres directeurs d’établissement, se situerait dans les niveaux les plus élevés. En l’absence de cette preuve, la qualité de cadre dirigeant doit être écartée, de sorte que M. X était bien soumis aux règles relatives à la durée du travail et, à ce titre, il peut prétendre au paiement des astreintes accomplies.

Quant au montant de la créance :

En application de l’article L. 3121-7 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, les astreintes sont mises en place par convention ou accord collectif de travail étendu ou par accord d’entreprise ou d’établissement, qui en fixe le mode d’organisation ainsi que la compensation financière ou sous forme de repos à laquelle elles donnent lieu. A défaut de conclusion d’une convention ou d’un accord, les conditions dans lesquelles les astreintes sont organisées et les compensations financières ou en repos auxquelles elles donnent lieu sont fixées par l’employeur après information et consultation du comité d’entreprise ou, en l’absence de comité d’entreprise, des délégués du personnel s’il en existe, et après information de l’inspecteur du travail.

Le calcul des compensations au titre des astreintes établi par le salarié sur le fondement d’une convention collective inapplicable doit être écarté. En l’absence de dispositions conventionnelles ou contractuelles relatives à la rémunération des astreintes, le juge apprécie souverainement le montant de la rémunération revenant au salarié au titre de ces heures.

Au vu des éléments justificatifs produits, de la fréquence de celles-ci et de la contrainte qui en résultait pour le salarié, sa créance au titre des astreintes doit être arrêtée à 20 000 euros bruts, outre 2 000 euros au titre des congés payés afférents, les astreintes étant exécutées de façon habituelle pendant l’exécution du contrat de travail entre le 20 juin 2007 et la rupture du contrat de travail.

Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail :

Au soutien de la légitimité de sa prise d’acte, le salarié invoque les manquements de l’employeur suivants : le défaut de paiement des indemnités d’astreinte par son employeur résultant de l’application d’une convention collective étrangère au secteur d’activité, la violation de son pouvoir de direction et le dessaisissement de tâches relevant désormais de la nouvelle direction, l’insuffisance des moyens matériels attribués et un management générateur de stress et de souffrance au travail.

Le GIE soutient qu’il n’a commis aucune faute suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail du salarié, qui, en réalité souhaitait uniquement quitter le groupe de crainte que la clinique ne soit relocalisée à Chartres. Il souligne que le salarié avait annoncé sa

démission en octobre 2009, puis qu’il avait changé de stratégie en préparant sa prise d’acte, étant précisé qu’il avait commencé à travailler au lendemain de celle-ci pour une clinique concurrente située à une vingtaine de minutes de distance.

La prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.

Le défaut de paiement de la contrepartie due au titre des astreintes auxquelles le salarié était soumis constitue un manquement de l’employeur à ses obligations. Le fait que ce défaut de paiement se soit poursuivi jusqu’à la rupture n’amenuise pas le degré de la faute mais, au contraire, la renforce, l’employeur ayant persisté dans son abstention fautive. La créance ainsi accumulée, qui s’élève à 20 000 euros bruts, est importante et caractérise un manquement qui, à lui seul et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs, est suffisamment grave pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail. La prise d’acte doit donc s’analyser en un licenciement nul du fait du statut de salarié protégé dont relevait alors M. X.

Quant à la demande d’indemnité pour violation du statut protecteur :

M. X fait valoir qu’il cumulait les mandats de délégué du personnel, membre du comité d’entreprise et de membre du CHSCT. Il indique toutefois que pour chiffrer sa réclamation, et ne se souvenant pas avec précision de la date des dernières élections ayant entraîné sa désignation au CHSCT, il a fait délivrer sommation au GIE de produire les procès-verbaux des élections DP

et CE de 2006 et 2012, sommation à laquelle il n’a pas été déféré. Il réclame une indemnité correspondant à douze mois de salaire en faisant référence à la règle appliquée aux délégués syndicaux.

Le GIE expose que le mandat du salarié a cessé le 3 décembre 2010, date à laquelle se sont déroulées les élections. Il relève que le salarié a saisi la juridiction prud’homale après l’expiration de sa période de protection, de sorte qu’il ne peut demander qu’une indemnité correspondant au préjudice réellement subi. Or, selon le GIE, le salarié ne justifie d’aucun préjudice.

Conformément à l’article L. 2411-18 du code du travail, le salarié licencié en violation de son statut protecteur et qui ne demande pas sa réintégration peut prétendre soit à une indemnité forfaitaire égale au montant des salaires qu’il aurait dû percevoir jusqu’à la fin de sa période de protection s’il présente sa demande d’indemnisation avant cette date, soit à une indemnité dont le montant est fixée par le juge en fonction du préjudice subi lorsqu’il introduit sa demande après l’expiration de sa période de protection sans justifier de motifs qui ne lui soient pas imputables.

M. X ne produit aucun justificatif des mandats qu’il affirme avoir exercé lors de la rupture du contrat de travail. Et il ne saurait valablement prétendre à une indemnité calculée sur la base d’un mandat, celui de délégué syndical, qu’il ne prétend pas avoir détenu.

Le GIE produit les procès-verbaux des élections des délégués du personnel en novembre et décembre 2010, d’où il résulte que les mandats de M. X devaient expirer à cette date et que les précédentes élections avaient eu lieu le 5 décembre 2006. Le salarié ayant saisi la juridiction prud’homale le 20 juin 2012, et après l’expiration de la période de protection, ne peut donc prétendre qu’à une indemnité réparant le préjudice réellement subi.

Le fait que le salarié indique ne pas se souvenir de la date des élections au comité d’entreprise ayant entraîné sa désignation au CHSCT permet de mesurer la considération qu’il portait à l’exercice de ce

mandat et d’apprécier en conséquence le préjudice résultant de l’atteinte au statut protecteur consécutif à la prise d’acte de la rupture du contrat de travail.

Ce préjudice doit être fixé à la somme de 500 euros.

Sur les conséquences pécuniaires de la prise d’acte :

Le salarié explique que sa position hiérarchique lui permet de bénéficier d’un préavis de six mois et demande à ce titre 36 000 euros bruts outre 3 600 euros bruts correspondant aux congés payés afférents. Il réclame en outre une indemnité conventionnelle de licenciement de 53 400 euros.

Le GIE soutient que le salarié ne démontre ni même n’allègue le moindre préjudice lié à la perte d’emploi, étant précisé qu’il a commencé à travailler pour son nouvel employeur au lendemain de la prise d’acte. Il en déduit qu’aucun élément ne permet de fixer le préjudice à un montant supérieur à six mois de salaire.

En application des dispositions de la convention collective de l’hospitalisation privée dont le GIE a fait une application contractuelle pour ce qui concerne la rupture du contrat de travail, le salarié, qui était un cadre supérieur, est en droit de prétendre à une indemnité de préavis de six mois, soit 36 000 euros bruts, outre 3 600 euros bruts au titre des congés payés afférents, et à une indemnité de licenciement de 53 400 euros bruts.

Conformément à l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, en cas de licenciement nul, le salarié peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.

Le salarié a retrouvé un emploi aussitôt après son départ jusqu’à la fin de l’année 2011. Au regard de l’ancienneté du salarié (onze ans et cinq mois), de son âge (cinquante-et-un ans), des conditions de son départ de l’entreprise, le préjudice résultant du licenciement doit être arrêté à la somme de 36 000 euros bruts. L’employeur sera condamné à payer cette somme.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

L’employeur, qui succombe, doit supporter les dépens de première instance et d’appel.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge du salarié l’intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. Il lui sera dès lors alloué la somme de 5 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, sur renvoi après cassation et dans les limites de celle-ci, par arrêt contradictoire,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Chateaudun le 26 juin 2014,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevable en raison de la prescription les demandes en paiement au titre des astreintes pour la période antérieure au 20 juin 2007,

Dit que la prise d’acte a les effets d’un licenciement nul,

Condamne le GIE Ramsay Générale de santé hospitalisation à payer à M. X les sommes suivantes :

—  20 000 euros bruts au titre des compensations des astreintes, outre 2 000 euros bruts au titre des congés payés afférents,

—  36 000 euros bruts à titre d’indemnité de préavis, outre 3 600 euros bruts au titre des congés payés,

—  53 400 euros bruts à titre d’indemnité de licenciement,

—  36 000 euros bruts à titre d’indemnité pour licenciement nul,

—  500 euros à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur,

—  5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne le GIE Ramsay générale de santé hospitalisation à payer les dépens de première instance et d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Philippe FLORES, Président et par Madame LECLERC, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,

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