Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 5 novembre 2020, n° 17/03017

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 6e ch., 5 nov. 2020, n° 17/03017
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 17/03017
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nanterre, 2 mars 2017, N° F16/00693
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°360

CONTRADICTOIRE

DU 05 NOVEMBRE 2020

N° RG 17/03017

N° Portalis DBV3-V-B7B-RTVN

AFFAIRE :

A X

C/

SA JURIDICA

SA AXA D E F

GIE AXA FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Mars 2017 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : Encadrement

N° RG : F16/00693

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Laëtitia ANDRE

Me Sophie MALTET

Me Caroline CANAVÈSE

Me Bruno SERIZAY

le : 06 novembre 2020

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame A X

née le […] à […]

de nationalité française

[…]

H2H298 MONTREAL (E)

Représentée par : Me Bérengère MOULIN de la SELEURL LiberLex Selarl, Plaidante, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : B0156 ; et Me Laëtitia ANDRE, constituée, avocate au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 240

APPELANTE

****************

SA JURIDICA

[…]

[…]

Représentée par : Me Sophie MALTET de l’ASSOCIATION PERELSTEIN ZERBIB MALTET, Plaidante/Constituée, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : R062

SA AXA D E F

[…]

H2A2L MONTREAL(E)

Représentée par : Me Caroline CANAVÈSE de la SELEURL CANAVESE AVOCAT, Plaidante/Constituée, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : E 0880

GIE AXA FRANCE

N° SIRET : 382 71 7 7 91

[…]

[…]

Représentée par : Me Bruno SERIZAY de la SELARL CAPSTAN LMS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020, substitué par Me BELMONT Audrey, avocate au barreau de Paris.

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 22 Septembre 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle VENDRYES, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme G BOUCHET-BERT,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Juridica est une filiale du groupe Axa, spécialisée dans les assurances et dans la protection juridique. Elle emploie plus de 11 salariés.

La société Axa D E F, société de droit canadien, fournit des prestations de services d’D, qui incluent des services d’D médicale, routière, de conciergerie, de télé-ventes et notamment des prestations de services d’D juridique.

Le GIE Axa France a pour activité principale de mutualiser un certain nombre de moyens et services et de les mettre à disposition de membres du groupe Axa, dont la société Juridica, afin de faciliter ou permettre l’exercice de leur propre activité économique.

Mme A X, née le […], a été engagée par la société Juridica à compter du 19 juillet 2010 jusqu’au 19 avril 2011 par contrat de travail à durée déterminée, en qualité de juriste conseil protection juridique, statut cadre, classe 5 de la convention collective nationale des sociétés d’assurances, moyennant une rémunération annuelle brute de 29 706 euros réglable sur 13 mois, soit 2 200,44 euros bruts mensuels, incluant une prime de vacances égale à un demi mois de salaire.

Ce contrat a été renouvelé pour 9 mois, du 20 avril 2011 au 18 janvier 2012, puis poursuivi en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 décembre 2011 et ce, aux même conditions initialement fixées. Le salaire de base de Mme X, pour l’année 2012, a alors été fixé à la somme annuelle brute de 35 336,07 euros, soit un salaire moyen mensuel de 2 944,67 euros.

Elle a été engagée par la société Axa D E F à compter du 3 janvier 2013 en qualité de chargée d’D juridique pour trois ans.

Par courrier du 1er août 2016, Mme X a été convoquée par la société Juridica à un entretien préalable fixé au 1er septembre 2016. Par courrier du 25 octobre 2016, la salariée a été licenciée pour faute grave dans les termes suivants :

'Par courrier du 13 octobre 2012, vous avez sollicité un congé sans solde d’un an, lequel a fait l’objet de deux renouvellements. Vous n’avez pas repris votre activité le 1er janvier 2016. Néanmoins, à l’issue de l’intervention d’un représentant du personnel, nous avons accepté de reporter la reprise effective de votre activité au 1er mars 2016.

Le 1er mars 2016, vous n’avez pas repris votre activité et avez saisi le conseil de prud’hommes de demandes multiples dirigées tant vers Juridica qu’Axa D E F et le GIE Axa France.

Cette saisine ne justifiant en rien votre absence depuis le 1er mars, nous vous avons adressé un courrier de mise en demeure envoyé en recommandé avec accusé de réception le 1er juillet 2016, vous demandant de reprendre votre activité.

Néanmoins, vous ne vous êtes pas présentée à votre poste de travail.

(…) Votre absence prolongée et injustifiée depuis le 1er mars 2016 et après vous avoir enjoint de reprendre votre activité par un courrier de mise en demeure du 1er juillet 2016 constitue incontestablement un abandon de poste.

Nous vous notifions votre licenciement pour faute grave.'

Par requête du 18 mars 2016, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre afin qu’il soit notamment prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Par jugement du 3 mars 2017, le conseil de prud’hommes :

— s’est déclaré territorialement compétent,

— a débouté Mme X de l’ensemble de ses prétentions à l’encontre des défendeurs,

— a mis hors de cause le GIE Axa France,

— a condamné Mme X à lui verser la somme de 100 euros au titre de sa demande reconventionnelle,

— a condamné Mme X à verser à la société SA Juridica la somme de 100 euros au titre de sa demande reconventionnelle,

— a condamné Mme X à verser à la société AXA D E F les sommes de :

1 000,00 euros au titre de l’article 700,

1 272,20 au titre du préavis de 15 jours non effectué,

— a condamné Mme X aux éventuels dépens de l’affaire.

Mme X a interjeté appel de ce jugement le 13 juin 2017.

Par conclusions adressées par voie électronique au greffe le 21 avril 2020, Mme X demande à la cour de :

— infirmer le jugement dont appel,

— dire et juger que le droit du travail français est applicable au contrat de travail souscrit par Mme X avec la société Axa D F,

— dire et juger que la société Axa D E F a conclu avec Mme X, dans le cadre d’un transfert inter-entreprises, un contrat de droit français qui devait suivre le régime des règles impératives des contrats de droit français souscrits au sein d’une société d’assurance française et comme tel, présenter les mêmes caractéristiques que le contrat dont la salariée bénéficiait en France avant son transfert, s’agissant d’une prestation de travail identique,

— dire et juger que la société Juridica a transféré le contrat de Mme X au profit de la société Axa D E F en fraude des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail français,

— prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme X avec la société Axa D F à effet du 19 juillet 2016,

— prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme X avec la société Juridica à effet du 25 octobre 2016,

- à titre subsidiaire, dire et juger que le licenciement prononcé par la société Juridica ne repose sur aucune cause réelle ni sérieuse,

- à titre subsidiaire, requalifier la démission de Mme X prononcée par la société Axa D E F en licenciement sans cause réelle et ni sérieuse,

—  avant dire droit, désigner tel expert qu’il appartiendra aux fins d’établir le préjudice subi par Mme X du fait de la privation du bénéfice des règles nationales et conventionnelles françaises applicables dans le cadre de la poursuite de l’exécution du contrat de travail souscrit avec la société Juridica et dans le cadre de l’exécution et de la rupture souscrit avec la société Axa D F,

— à titre de provision, et dans l’attente du rapport d’expertise, condamner la société Juridica et le GIE Axa France à verser à Mme X les sommes suivantes :

135 454 euros bruts à titre de rappels de salaires du 3 janvier 2013 au 25 octobre 2016,

13 545 euros au titre des congés payés afférents,

15 379 euros à titre de primes d’intéressement et participation,

8 834 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

883,40 euros au titre des congés payés afférents,

5 742 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

35 336 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

— condamner la société Axa D F à verser à Mme X la contre valeur en euros au jour du paiement de la somme de 54 639 dollars canadiens à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

—  à titre infiniment subsidiaire, condamner in solidum la société Juridica et la société Axa D E F à verser à Mme X la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts réparant le préjudice subi du fait de la violation de leur devoir d’information,

— condamner in solidum les intimées à verser à Mme X la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— dire et juger que ces sommes porteront intérêts à compter de la réception par les parties adverses de la convocation en conciliation avec capitalisation des intérêts,

— ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1153-1 du code civil,

— ordonner la remise des bulletins de salaire, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi conformes à la décision à intervenir au besoin en nommant un expert judiciaire,

— ordonner le renvoi de l’affaire à une date compatible avec le déroulement d’une expertise afin qu’il soit définitivement statué sur le préjudice de Mme X,

— condamner solidairement les parties adverses à prendre en charge les dépens.

Par conclusions adressées par voie électronique au greffe le 7 janvier 2020, la société Axa D E F demande à la cour de :

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre du 3 mars 2017 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il s’est déclaré compétent territorialement,

et statuant à nouveau par l’effet dévolutif de l’appel, in limine litis,

— se déclarer territorialement incompétent au profit de la juridiction canadienne du Québec dans ce litige,

— dire et juger que la loi canadienne est applicable au contrat liant Mme X à Axa D E F,

si par impossible la cour devait se déclarer compétente,

— débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

— condamner Mme X à payer à la société Axa D E F une somme de 1 275,20 euros au titre du préavis de trois mois non effectués,

— condamner Mme X à payer à la société Axa D E F une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions adressées par voie électronique au greffe le 30 juin 2020, la société Juridica demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme X de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée à verser à la société Juridica :

100 euros au titre de sa demande reconventionnelle,

1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

1 272,20 euros au titre du préavis de 15 jours non effectué,

en conséquence,

— dire Mme X irrecevable et à tout le moins mal fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions et la débouter de celles-ci,

— condamner Mme X à payer à la société Juridica la somme de 5 000 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la présente instance.

Par conclusions adressées par voie électronique au greffe le 5 décembre 2017, le groupement d’intérêt économique Axa France demande à la cour de :

— constater que Mme X ne formule aucune demande à l’encontre du GIE Axa France,

— dire et juger que Mme X n’allègue ni ne démontre aucun élément caractérisant une situation de co-emploi à l’égard du GIE Axa France,

en conséquence,

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre ayant mis hors de cause le GIE Axa France du présent litige,

— condamner Mme X au paiement de la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par ordonnance rendue le 22 avril 2020, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 28 avril 2020.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Il est rappelé à titre liminaire qu’en vertu de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Les demandes de Mme X seront donc examinées dans l’ordre et dans les limites de ce dispositif.

Sur la compétence territoriale du conseil de prud’hommes de Nanterre

La société Axa D E F fait valoir que tout litige relevant d’un contrat de travail canadien doit être nécessairement soumis à une juridiction canadienne, que dès lors, le conseil de prud’hommes de Nanterre devait se déclarer incompétent territorialement pour connaitre d’un litige dont manifestement aucun élément ne permettait de retenir sa compétence territoriale.

Il est cependant rappelé qu’en vertu de l’article 14 du code civil, l’étranger, même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français, pour l’exécution des obligations par lui contractées en France avec un Français ; il pourra être traduit devant les tribunaux de France, pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des Français.

Mme X, au regard de sa nationalité française, peut donc se prévaloir à l’égard de la société Axa D E F des dispositions susvisées, étant observé que le contrat de travail conclu entre l’intéressée et cette société ne comporte aucune clause de renonciation à ces dispositions et qu’il n’est pas justifié de conventions internationales empêchant d’y recourir.

Le jugement a donc lieu d’être confirmé en ce qu’il a retenu la compétence territoriale du conseil de prud’hommes de Nanterre.

Sur la loi applicable à la relation de travail entre Mme X et la société Axa D E F

Mme X fait ici valoir que dans le cadre de sa relation de travail avec la société Axa D E, elle a poursuivi l’activité qu’elle exerçait pour le compte de la société Juridica, cette activité étant à destination d’une clientèle française, portant sur des contrats de services téléphoniques de la société Juridica, grâce à l’application informatique et selon les standards de cette dernière société.

Elle en déduit que le droit français est applicable à cette relation de travail.

La société Juridica fait pour sa part observer que les conditions de travail et de soumission aux normes américaines ont clairement été énoncées tant dans l’offre d’emploi que dans le manuel de l’employé, que seule la loi québecoise est applicable étant observé que Mme X ne soumet à la cour aucun élément permettant de considérer que son contrat de travail aurait présenté des liens plus étroits avec la France.

En raison de la nationalité française de Mme X, le contrat de travail qui liait les parties comportait un élément d’extranéité.

En présence d’un litige comportant un conflit de lois porté devant le juge d’un Etat membre de l’Union européenne, celui-ci apprécie ce conflit à la lumière du réglement européen du 17 juin 2008, le contrat de travail étant en l’espèce signé après le 17 décembre 2009.

L’article 8 de ce réglement dispose que :

1. Le contrat individuel de travail est régi par la loi choisie par les parties conformément à l’article 3. Ce choix ne peut toutefois avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable selon les paragraphes 2, 3 et 4 du présent article.

2. A défaut de choix exercé par les parties, le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail. Le pays dans lequel le travail est habituellement accompli n’est pas réputé

changer lorsque le travailleur accomplit son travail de façon temporaire dans un autre pays.

3. Si la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 2, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel est situé l’établissement qui a embauché le travailleur.

4. S’il résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays que celui visé au paragraphe 2 ou 3, la loi de cet autre pays s’applique.

La cour observe que le contrat de travail du 14 janvier 2013 ne prévoit pas de loi applicable, que la salariée n’était employée au E que pour une période temporaire.

Si le travail a été accompli au E, les pièces produites, et plus particulièrement la letttre de la société Axa D E du 11 octobre 2012 conduisent à retenir que les fonctions de la salariée s’inscrivaient dans un partenariat entre cette société et la société Juridica, celle-ci souhaitant confier à la société Axa D E une partie du traitement de ses dossiers de réclamations et de services à la clientèle pour ses clients français. Les fonctions ainsi exercées par Mme X portaient sur la formation et la supervision des personnes engagées localement sur les contrats de services et les produits fournis par la société Juridica à ses clients français, sur la fourniture d’informations juridiques par téléphone à des clients français, sur des recherches juridiques en droit français, sur la vérification des garanties contractuelles des clients de la société Juridica via une base de données de clients gérée dans l’application informatique Juridica.

La prestation fournie permettait de traiter en continu, dans le cadre du décalage horaire, les questions posées par des clients de la société Juridica ayant souscrit une convention d’D juridique.

Il s’en déduit que le contrat de travail présentait des liens plus étroits avec la France et que dès lors le droit français doit s’appliquer à ce contrat.

Sur la fraude invoquée aux dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail par la société Axa D E et la société Juridica

Sur la fin de non recevoir soulevée par la société Juridica

Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

La société Juridica soulève ici une fin de non recevoir sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile et sachant qu’il appartient aux parties de présenter dès l’instance initiale l’ensemble des moyens de nature à fonder leur demande.

Cependant, il convient de relever que Mme X se limite à développer ici un nouveau moyen à l’appui de la demande en résiliation des contrats de travail d’ores et déjà formulée en première instance.

Or, l’article 563 du code de procédure civile énonce que pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

La fin de non recevoir sera donc rejetée.

Sur le fond

Mme X fait ici valoir que les salariés de la société Juridica partis travailler au E, pour le compte des clients de cette société, avec les moyens nécessaires à une poursuite d’activité, dans le cadre d’un transfert intra-entreprises et d’un partenariat, sont bien fondés à revendiquer l’application de la norme impérative édictée par l’article L. 1224-1 du code du travail.

Elle observe que la société Juridica a consulté le comité d’entreprise le 17 décembre 2009 au sujet de la création d’une nouvelle unité de gestion, que dans ce cadre, toute une équipe de salariés de la société Juridica a fait l’objet d’un transfert inter-entreprises au profit de la société Axa D E F, que celle-ci fait partie du groupe Axa, que grâce à la création de cette entité économique, constituée d’un ensemble organisé de personnes, d’éléments corporels et incorporels, l’exercice de l’activité d’D au profit des clients de la société Juridica a été poursuivi.

La société Axa D E fait pour sa part valoir que Mme X a, spontanément, sollicité un congé sans solde auprès de la société Juridica et en a sollicité par deux fois le renouvellement, qu’un autre contrat de travail a ensuite été conclu avec la société Axa D E F, signé sans réserves par l’intéressée, qu’il n’y a donc pas eu de transfert de contrat de travail, qu’en tout état de cause Mme X ne démontre pas le transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité aurait été poursuivie ou reprise.

La société Juridica s’oppose pour sa part à voir appliquer au litige les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail en faisant valoir que Mme X a été employée par deux sociétés distinctes et indépendantes.

Sur ce, l’article L. 1224-1 du code du travail dispose que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.

Cet article s’applique toutes les fois qu’il y a transfert d’une entité économique autonome concervant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise, une telle entité se définissant comme un ensemble organisé de personnes et des éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité qui poursuit des objectifs propres.

Or, en l’espèce, les pièces produites aux débats, dont notamment la convention de collaboration entre la société Axa D E F et la société Juridica en date du 30 juin 2009 et la présentation de l’équipe E (pièce 23 de l’appelante), ne permettent pas de retenir que la création de la plateforme teléphonique au sein de la société Axa D E F s’est accompagnée d’un transfert à son profit des éléments corporels et incorporels de la plateforme existant au sein du centre de prévention de la société Juridica.

Aucun élément n’est produit pour justifier non plus du passé professionnel de chacun des 14 jeunes juristes diplomés des universités françaises composant l’équipe E et de ce qu’ils auraient constitué antérieurement un ensemble organisé de personnes au sein de la société Juridica.

Il se déduit en outre de la convention susvisée que préalablement à sa signature, la société Axa D E F offrait un service d’D juridique par téléphone assurée par des avocats, membres du barreau du Québec.

Ces éléments s’opposent à voir constater, dans les termes opposés par Mme X, que son contrat de travail aurait été transféré au profit de la société Axa D E F en fraude des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail.

Sur la demande de résiliation judiciaire des contrats de travail avec la société Axa D E F à effet du 19 juillet 2016 et avec la société Juridica à effet du 25 octobre 2016

La cour observe que Mme X motive sa demande du prononcé de la résiliation judiciaire de ces deux contrats au §6 de ses conclusions.

Dans ce cadre, l’appelante fait valoir que les deux sociétés l’ont laissée dans l’ignorance du statut qui était le sien, qu’elles lui ont fait croire qu’elle serait détachée ou expatriée dans le cadre d’un transfert de contrat entre une société mère et une filiale, ce qui impliquait l’application de l’article L. 1231-5 du code du travail, qu’elles ont usé d’artifices auprès des services de l’immigration pour échapper aux règles impératives du droit canadien, que les deux sociétés ont commis des fautes en omettant de lui transmettre avant son départ les informations nécessaires et indispensables à éclairer son choix et relatives aux incidences de la coexistence de liens contractuels avec une société française et de la

conclusion d’un contrat avec une société étrangère présentées toutes deux comme faisant partie d’un même groupe quant au bénéfice des dispositions du code du travail français, de la convention collective nationale des sociétés d’assurances, des avantages liés à la participation d’entreprises Axa et de sa protection sociale. Elle observe que dans les faits elle a obtenu un visa de travail fermé pour travailler uniquement pour le compte de la société Axa D E F d’une durée de 18 mois, qui a été renouvelé au milieu de l’année 2014 pour une nouvelle période de 18 mois et que, parallèlement, elle a effectué une demande de résidence permanente qu’elle a obtenue en juillet 2015.

Cependant, en vertu de l’article L. 1231-5 du code du travail, lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions en son sein. Si la société mère entend néanmoins licencier ce salarié, les dispositions du présent titre sont applicables. Le temps passé par le salarié au service de la filiale est alors pris en compte pour le calcul du préavis et de l’indemnité de licenciement.

Or, en l’espèce, aucun élément ne vient établir que la société Axa D E F aurait été la filiale étrangère de la société Juridica, les éléments du débat permettant au contraire de justifier que la société Axa D E F est une société de droit canadien fondée à Montréal en 1999 tandis que la société Juridica a débuté son activité en 1931, les deux sociétés ayant ici signé une convention de collaboration le 30 juin 2009 consistant pour la société Juridica à confier à la société Axa D E F une partie du traitement de ses dossiers de réclamations et de services à la clientèle pour ses clients français, la société canadienne ayant, indépendamment de cette convention, d’autres clients.

S’agissant de l’information donnée à Mme X quant à ses conditions de travail au E et ses liens avec chacune des deux sociétés, il ressort des pièces produites par la société Juridica que par courriel du 17 juillet 2012 dont l’objet était 'demande de départ pour le E', Mme X a écrit le texte suivant à Mme Y, rattachée au département ressources humaines et relations sociales de la société Juridica : 'bonjour Christiane, je fais suite à notre entretien de ce jour et te remercie de m’avoir reçue. Je te réitère par la présente ma volonté de départ pour le E et espère que celle-ci pourra aboutir favorablement. En effet, cette expérience de travail à l’étranger sera pour moi une grande opportunité. Je te remercie par avance de bien vouloir me transmettre toutes les informations utiles dont tu disposerais. Dans l’attente d’un retour de ta part, je me tiens bien évidemment à disposition pour un entretien ou demandes complémentaires.'

Cette demande de l’intéressée de travailler au E est confirmée par les termes du mail du 26 juillet 2012 de Mme Y à M. Z, directeur général de la société Axa D E F, portant en objet 'candidature pour le E : Mme X' aux termes duquel Mme Y écrit : 'Fabien, une juriste du centre de gestion, Mme X, m’a fait part de son souhait d’intégrer la société Axa D E F. Ma collaboratrice est actuellement en phase de réflexion. Toutefois, elle est très motivée. Il s’agirait d’un projet de couple. Son ami se renseigne également des possibilités qui lui seraient offertes dans le cadre de son activité professionnelle. Peux-tu m’indiquer si vous avez un poste de juriste à pourvoir, et, le cas échéant, me communiquer la date à laquelle une intégration serait envisageable ' (…) Pour information, si ce projet se concrétise prochainement, A pourrait venir chez vous à partir du mois d’octobre. Naturellement, je lui ai demandé de m’envoyer un CV actualisé que je ne manquerai pas de t’envoyer.'

Il résulte des pièces ensuite produites que le 11 octobre 2012, M. Z a écrit au service citoyenneté et immigration E (CIC) à Montréal afin de faire part de son souhait 'd’embaucher' Mme X dans le cadre d’un transfert inter-entreprises, pour une durée de 18 mois, au poste de chargée de clientèle ; que le 14 janvier 2013, la société Axa D E F a adressé à l’appelante, d’ores et déjà domiciliée à Montréal, une proposition de poste de chargée d’assistante juridique en en précisant les fonctions, le lieu de travail, la rémunération, les congés et la durée.

Il est ensuite justifié que dès le 13 octobre 2012, Mme X a sollicité auprès de la société Juridica un congé sans solde d’une durée d’un an à compter du 1er janvier 2013, que le 3 décembre 2013, elle a formulé cette même demande à compter du 1er janvier 2014 puis a renouvelé cette demande pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 tandis qu’elle travaillait pour la société Axa D E F.

Il résulte également des pièces produites que la société Juridica mettait à la disposition de ses salariés une note d’information sur les conditions proposées aux collaborateurs qui rejoindraient la société Axa D E F dans le cadre d’un partenariat, que de son côté, cette dernière leur communiquait un manuel de l’employé déclinant notamment les conditions de travail (durée du travail, vacances), leurs avantages sociaux, la politique de rémunération applicable.

Aucun des éléments produits ne permet de justifier que la salariée n’aurait pas bénéficié des règles impératives du droit canadien s’agissant de son statut de résident dans ce pays tandis que les pièces communiquées justifient que l’intéressée, demeurant au E dès le mois d’octobre 2012, a été embauchée par la société Axa D E F à compter du 1er janvier 2013 dans des conditions contractuelles d’emploi parfaitement explicitées.

Dès lors et sur la seule base des moyens développés par Mme X au soutien de ses demandes de résiliation judiciaires des contrats de travail conclus avec la société Juridica et la société Axa D E F, celles-ci ont lieu d’être rejetées.

Sur la demande subsidiaire visant à voir dire le licenciement prononcé par la société Juridica sans cause réelle et sérieuse

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie son départ immédiat. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En l’espèce, aux termes de la lettre de licenciement du 25 octobre 2016, qui fixe les limites du litige, la société Juridica fait grief à Mme X de ne pas avoir repris son activité le 1er mars 2016 malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le 1er juillet 2016 de reprendre son activité.

Or, la cour observe ici que tandis que la salariée, qui a demandé chaque année le renouvellement de son congé sans solde, était parfaitement informée des conditions proposées aux collaborateurs de la société Juridica qui rejoindraient la société Axa D E F dans le cadre d’un partenariat et notamment de la suspension de son contrat de travail à l’égard de celle-ci et du congé sans solde d’une durée maximale de trois ans s’en déduisant, a manifestement continué de vivre dans ce pays dans lequel elle avait construit sa vie familiale.

La cour ne trouve aucune correspondance de sa part à destination de la société Juridica de nature à expliquer son défaut de retour à son poste le 1er mars 2016, ni de réponse de sa part au courrier adressé le 1er juillet 2016.

Il s’en déduit que sa demande visant à voir dire le licenciement prononcé par la société Juridica sans cause réelle et sérieuse doit être rejetée.

Sur la demande subsidiaire visant à voir requalifier la démission opposée par la société Axa D E F en licenciement sans cause réelle et sérieuse

La cour a ici retenu que le contrat de travail de Mme X vis-à-vis de la société Axa D E F présentait des liens plus étroits avec la France et qu’en conséquence, le droit français doit s’appliquer à ce contrat.

Il est ici rappelé dans ce cadre que le droit de démissionner, qui est d’ordre public, implique la démonstration d’une volonté claire et non équivoque du salarié ; qu’elle ne se présume pas, que notamment l’absence injustifiée d’un salarié ne peut constituer de sa part une manifestation de la volonté non équivoque de démissionner.

En l’espèce, il est versé aux débats par la société Axa D E F un courrier du 19 juillet 2016, aux termes duquel cette société accuse réception de la démission de Mme X suite à l’échange téléphonique du même jour entre cette dernière et sa responsable hiérarchique, Mme G H-I, à l’occasion duquel l’appelante aurait mentionné ne plus se présenter au travail.

Cependant, cette simple lettre reste insuffisante pour justifier de la volonté non équivoque de la salariée de démissionner de son poste auprès de la société Axa D E F, les pièces versées par ailleurs aux débats justifiant que la salariée continuait alors de résider au E, pays dans lequel elle s’est maintenue au moins jusqu’en 2017, année de naissance de son fils B à Montréal.

Ces éléments conduiront à requalifier la démission actée le 19 juillet 2016 en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes d’expertise et de condamnations en paiement

Mme X sollicite, avant dire droit, la désignation d’un expert aux fins d’établir son préjudice du fait de sa privation du bénéfice des règles nationales et conventionnelles françaises applicables dans le cadre de la poursuite de l’exécution de son contrat de travail souscrit avec la société Juridica et dans le cadre de l’exécution et de la rupture du contrat souscrit avec la société Axa D E F. Dans l’attente du rapport d’expertise, elle sollicite la condamnation de la société Juridica et du GIE Axa France à lui verser des sommes à titre de rappel de salaires du 3 janvier 2013 au 25 octobre 2016, à titre de primes d’intéressement et participation, d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité conventionnelle de licenciement et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Elle sollicite également la condamnation de la société Axa D E F à lui verser la contre valeur en euros au jour du paiement de la somme de 54'639 dollars canadiens à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

S’agissant de la demande formulée à l’encontre de la société Juridica et du GIE Axa France, il doit être observé en premier lieu que si la société Juridica est membre du GIE Axa France, lequel a pour objet de mutualiser un certain nombre de moyens et services et de les mettre à la disposition des sociétés du groupe Axa, il n’existe aucun contrat de travail ni justification d’une lien de subordination entre Mme X et ce GIE. La cour observe d’ailleurs que, dans le corps de ses écritures, Mme X ne développe de moyens au soutien de l’existence d’un co-emploi qu’entre la société Juridica et la société Axa D E F et non entre la société Juridica et le GIE Axa France.

Les demandes formulées à l’encontre de ce dernier ont lieu dès lors d’être rejetées.

Vis-à-vis de la société Juridica, Mme X sollicite, aux termes de ses écritures, 'le bénéfice des salaires, indemnités et avantages auxquels elle devait avoir droit dans le cadre de l’application du droit du travail, de la convention collective des sociétés d’assurances et de l’accord d’entreprise à compter du 3 janvier 2013" ce, 'ayant été privée des informations relatives à l’évolution des salaires au sein du groupe et évincée du bénéfice des accords d’entreprise ainsi que mise dans l’impossibilité de contrôler la conformité des cotisations sociales dont elle a bénéficié avec celles des salariés français détachés ou expatriés'. À titre de provision, elle sollicite donc 'le paiement des sommes qu’elle aurait dû continuer à percevoir compte tenu de la poursuite de son contrat français' et demande le paiement, à titre provisionnel, des sommes de 135'454 euros à titre de rappel de salaire, 15'379 euros à titre de primes d’intéressement et participation, 8 834 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 5 742 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement et 35'336 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Cependant, une telle demande de paiement de sommes à caractère salarial ne saurait prospérer que si un lien de subordination de l’appelante vis-à-vis de la société Juridica avait subsisté durant la période durant laquelle elle travaillait au E.

Or à cet égard, et tandis que dans le cadre de ses développements s’agissant du co-emploi (§5 de ses écritures), Mme X fait valoir qu’elle était soumise à un rapport de subordination tant à l’égard de la société Axa D E F que de la société Juridica en ce qu’elle a répondu aux ordres et instructions de chacun, la cour observe que l’intéressée ne prouve pas, en l’espèce, ce lien de subordination à l’égard de la société Juridica entre le 3 janvier 2013 et le 19 juillet 2016.

En effet, si la convention de partenariat entre la société Juridica et la société Axa D E F a induit une collaboration étroite entre les équipes française et canadienne en ce qu’elle énonce que les employés de la société Axa D E F assuraient, à l’aide d’installations techniques structurelles communes, soit les applications IGT, GEC et une documentation en ligne utilisée par la société Juridica, les demandes des clients en respectant les process décrits par cette dernière société, les pièces produites ne justifient néanmoins pas de la persistance d’un lien de subordination de Mme X vis-à-vis de cette société à compter du 1er janvier 2013.

Les pièces produites justifient en effet que la salariée formulait ses demandes de congés à la société Axa D E F, que ses entretiens d’évaluation étaient opérés par celle-ci, que si le traitement conjoint de demandes provenant de clients identiques à des horaires distincts justifiait des mises au point entre les salariés des deux sociétés, aucune pièce ne vient justifier de l’existence de l’exercice d’un pouvoir hiérarchique de salariés de la société Juridica sur Mme X durant cette période.

Il a d’autre part été retenu que le licenciement du 25 octobre 2016 était fondé sur un motif réel et sérieux.

Les demandes en paiement sollicitées ont donc lieu d’être rejetées.

Vis-à-vis de la société Axa D E F, Mme X sollicite le paiement de sommes eu égard aux fautes que cette société aurait commises dans le cadre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail qui a duré trois ans et sept mois.

La cour se reporte ici aux moyens soulevés par Mme X visant une fraude aux dispositions des articles L. 8241-1 et L. 8231-1 du code du travail, étant observé qu’il a d’ores et déjà été retenu l’absence de fraude de la société aux dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail.

La cour se reporte également ici aux observations de Mme X aux termes desquelles le droit français contient des normes impératives, d’ordre public, qui n’ont pas reçu application dans le cadre du contrat conclu le 14 janvier 2013, la salariée faisant ici valoir qu’il n’a pas été procédé à son profit à une déclaration préalable à l’embauche, à son immatriculation et affiliation au régime général de la sécurité sociale, à l’assurance chômage, à la CPAM ou à la médecine du travail, qu’il n’a pas été prévu de durée du travail ni de durée de période d’essai conformes au droit français, que le droit à congés n’a pas été respecté non plus qu’une rupture du contrat dans le respect des règles légales.

S’agissant de l’invocation de la fraude aux dispositions des articles L. 8241-1 et L. 8231-1 du code du travail, la cour relève que ce moyen n’est pas assimilable à une nouvelle prétention au sens de l’article 564 du code de procédure civile.

Il sera examiné ici les moyens opposés par Mme X à la société Axa D E F dans le cadre de la demande de dommages et intérêts formulée à l’encontre de celle-ci.

Sur le fond, il est rappelé qu’en vertu des alinéas 1 et dernier alinéa de l’article L. 8241-1 du code du travail, toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre est interdite et qu’une opération de prêt de main-d''uvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition.

Il est également rappelé que pour que le prêt de main-d''uvre soit considéré comme illicite, des éléments cumulatifs doivent être constitués soit le caractère exclusif et le but lucratif du prêt de main-d''uvre, étant observé qu’il n’y a pas prêt de main-d''uvre illicite lorsque le salarié ne conserve pas de lien de subordination à l’égard de l’entreprise utilisatrice et se trouve sous la subordination de l’entreprise sous-traitante.

En vertu de l’article L. 8231-1 du code du travail, le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail, est, pour sa part, interdit.

Or, la cour a déjà relevé en l’espèce qu’un lien de subordination exclusif existait entre Mme X et la société Axa D E F pendant l’exécution de son contrat de travail avec la société canadienne, ce lien n’étant pas incompatible avec l’exécution de la convention de partenariat entre la société Axa D E F et la société Juridica.

La salariée a ici accompli des tâches spécifiques au profit de la société Axa D E F, dans le cadre de l’objet social de celle-ci et après avoir répondu à une offre d’emploi de cette société ce, sans qu’il n’y ait ici de mise à disposition de la salariée par la société Juridica au profit de la société canadienne.

Le défaut d’un prêt de main d’oeuvre s’oppose donc à l’application des textes susvisés.

S’agissant de l’exécution du contrat de travail et de la rupture de la relation de travail entre Mme X et la société Axa D E F, il a été ici retenu, s’agissant de la rupture, que la démission opposée par la société Axa D E F devait s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

S’agissant de l’exécution du contrat de travail, il résulte de la note d’information du 18 février 2009 sur les conditions proposées aux collaborateurs de Juridica qui rejoindraient la société Axa D E F, du manuel de l’employé de la société Axa D E F, de la lettre de cette société en date du 11 octobre 2012 adressée à l’organisme Citoyenneté et Immigration E et plus précisément, des mentions portées sur l’offre d’emploi faite à Mme X en date du 14 janvier 2013 et de l’attestation de travail délivrée par la société canadienne le 16 avril 2014 que la salariée, engagée en tant que chargée d’D juridique auprès de la société Axa D E F, devait percevoir une rémunération de 53 040 dollars canadiens bruts lors de son embauche et percevait un salaire de 54 639 dollars canadiens en 2014 (soit mensuellement 2 939,71 euros).

Il ressort de ces documents que sa période d’essai a été d’une durée de six mois, son temps de travail de 37,5 heures par semaine tandis que ses congés payés étaient déterminés à raison de 6% du temps travaillé.

Le manuel de l’employé mentionne que les heures supplémentaires étaient payées au-delà d’une durée de travail de 40 heures par semaine.

En matière de sécurité sociale, il ressort des accords de sécurité sociale entre la France et le E du 9 février 1979 applicables jusqu’à l’accord du 14 mars 2013, un principe d’égalité de traitement des ressortissants des deux pays et un principe d’assujettissement des salariés de l’un des Etats contractants aux obligations de la législation de l’autre Etat, sauf détachement ici exclu.

La note d’information de la société Juridica mentionne que les cotisations trimestrielles vieillesse ont été remboursées par la société Axa D E F. Le manuel de l’employé vise, pour sa part, un régime d’assurance collective au profit des salariés de la société Axa D E F, lequel bénéficie au salarié à condition d’avoir une ancienneté de six mois et une durée minimale de 20 heures hebdomadaires de travail permettant une couverture de frais de santé (frais d’hospitalisation, soins dentaires, frais pour soins de la vue).

Aucune pièce ne vient justifier d’un défaut de paiement de cotisations sociales par la société Axa D E F ni d’un traitement différencié ou désavantageux de la salariée à cet égard.

Les pièces produites par l’appelante ne permettent ici de retenir un préjudice de Mme X qu’au regard de son obligation de solliciter quelques congés sans solde de son employeur canadien lesquels, au regard de la législation française, auraient fait l’objet d’un paiement au titre de congés payés.

Dès lors compte tenu des éléments susvisés, de l’indemnisation qu’il convient de faire de la rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et étant tenu compte d’une relation de travail s’étant déroulée du 3 janvier 2013 au 19 juillet 2016, moyennant un salaire mensuel moyen brut de 2 939,71 euros, la société Axa D E F sera condamnée à régler à Mme X la contre valeur en euros au jour du paiement de la somme de 34 075,19

dollars canadiens à titre indemnitaire.

Sur la demande à titre infiniment subsidiaire au titre de la violation du devoir d’information

Cette demande est formulée par Mme X à l’encontre de la société Juridica et de la société Axa D E F in solidum.

Cependant, la cour a d’ores et déjà retenu qu’il n’y avait pas eu en l’espèce violation du devoir d’information par ces deux sociétés. Cette demande a donc lieu d’être rejetée.

Sur la demande reconventionnelle de la société Axa D E F au titre du préavis de 15 jours non effectué

Le conseil de prud’hommes a fait droit à cette demande.

Cependant, il a été ici retenu que la rupture de la relation de travail entre Mme X et la société Axa D E F avait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui conduira à infirmer le jugement de ce chef.

La capitalisation des intérêts sollicitée sera ordonnée dans les conditions fixées à l’article 1343-2 du code civil.

Il sera statué sur les dépens et frais irrépétibles dans les termes du dispositif.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris excepté :

— en ce qu’il a condamné Mme A X à payer à la société Axa D E F la somme de 1 272,20 euros,

— en ce qu’il a rejeté les demandes indemnitaires de Mme A X à l’encontre de la société Axa D E F au titre de l’exécution du contrat de travail et de la rupture,

— en ce qu’il a condamné Mme A X à payer aux défendeurs des sommes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que la démission opposée par la société Axa D E F en date du 19 juillet 2016 doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Axa D E F à payer à Mme A X la contrevaleur en euros au jour du paiement de la somme de 34 075,19 dollars canadiens à titre indemnitaire avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions fixées à l’article 1343-2 du code civil ;

REJETTE les autres demandes ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Axa D E F à payer à Mme A X la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE les autres demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Axa D E F aux dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en

ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du

code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président et par Madame

G BOUCHET-BERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat

signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 5 novembre 2020, n° 17/03017