Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 13 octobre 2022, n° 21/00849

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Chronologie de l’affaire

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www.avocat-godfrin.com · 16 novembre 2022

Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 13 octobre 2022, n° 21/00849 La Cour d'appel rappelle que la concurrence déloyale s'apprécie au regard du principe de liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de risque de confusion sur l'origine du produit ou du service. Outre un certain nombre de critères objectifs habituels, la Cour a notamment relevé qu'un terme usuel ne saurait, en tant que terme descriptif, être considéré comme un signe …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 12e ch., 13 oct. 2022, n° 21/00849
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 21/00849
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Nanterre, 28 octobre 2020, N° 18/09029
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 18 octobre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 3CB

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 13 OCTOBRE 2022

N° RG 21/00849 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UJY3

AFFAIRE :

S.A.R.L. CHARLES [P] PRESSE

C/

S.A.S. EDITIONS LARIVIERE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Octobre 2020 par le Tribunal judiciaire de NANTERRE

N° Chambre : 1

N° RG : 18/09029

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Jessica FARGEON

Me Julie CAREL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.R.L. CHARLES [P] PRESSE

RCS Nanterre n° 444 984 801

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me MAMOUN substituant à l’audience Me Jessica FARGEON de la SELARL LUTETIA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque C1917

APPELANTE

****************

S.A.S. EDITIONS LARIVIERE

RCS Nanterre n° 572 071 884

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentants : Me Julie CAREL et Me Laure MEYSONNET de la SELARL MOMENTUM AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, toque G343

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 Septembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSE DU LITIGE

Le 16 octobre 2009, la société Charles [P] Presse, spécialisée dans le secteur d’activité de l’édition de revues et de périodiques, dont M. [P] [K] est le gérant, a acquis dans le cadre d’une cession partielle de fonds de commerce la marque Enduro Magazine n°3175063 auprès de la société Editions du Dollar.

La marque française semi-figurative Enduro Magazine avait été déposée le 15 juillet 2002, sous le n°3175063, pour désigner des produits et services en classes 16, 35, 38 et 41. Les droits conférés par cet enregistrement ont expiré le 15 juillet 2012 faute de renouvellement au sens de l’article L.721-1 du code de la propriété intellectuelle.

Le 21 juillet 2015, M. [P] [K] a déposé une demande d’enregistrement de la marque semi-figurative Enduro Magazine, constituée d’un signe identique à la marque expirée n° 4197943 pour désigner des produits et services en classes16, 35 et 41.

Le 1er septembre 2015, la société Charles [P] Presse a acquis la licence exclusive d’exploitation de la marque Enduro Magazine.

La société Editions Larivière, créée en 1968, a également pour secteur d’activité l’édition de magazines, tels que le périodique bimensuel Moto Verte paru dès 1974, décliné en 1996 dans une version hors-série à parution irrégulière dédiée à l’enduro sous le titre Moto Verte Spéciale Enduro.

Le 20 mai 2015, la société Editions Larivière a déposé la marque française semi-figurative Enduro by Moto Verte sous le n°4182151 en classes 16 et 41, pour désigner notamment des magazines et périodiques et leur publication. La marque a été enregistrée sans modification le 11 septembre 2015.

Considérant que la marque Enduro by Moto Verte copie la marque Enduro Magazine, entraînant un risque de confusion dans l’esprit du public, la société Charles [P] Presse, par courrier du 4 mai 2018, a mis en demeure la société Editions Larivière de cesser d’utiliser la marque Enduro by Moto Verte.

Par acte du 19 juillet 2018, la société Charles [P] Presse a fait assigner la société Editions Larivière devant le tribunal de grande instance de Nanterre en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale et parasitaire.

Par jugement du 29 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

— Déclaré irrecevable l’action en contrefaçon engagée par la société Charles [P] Presse contre la société Editions Larivière ;

— Rejeté la fin de non-recevoir improprement qualifiée opposée par la société Editions Larivière à l’action en concurrence déloyale et parasitaire ;

— Rejeté l’intégralité des demandes de la société Charles [P] Presse au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;

— Rejeté la demande reconventionnelle de la société Editions Larivière au titre de la procédure abusive ;

— Rejeté la demande de la société Charles [P] Presse au titre des frais irrépétibles ;

— Condamné la société Charles [P] Presse à payer à la société Editions Larivière la somme de 6.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamné la société Charles [P] Presse à supporter les entiers dépens de l’instance ;

— Dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 9 février 2021, la société Charles [P] Presse a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 7 mai 2021, la société Charles [P] Presse demande à la cour de :

— Recevoir la société Charles [P] Presse en son appel ;

— Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 29 octobre 2020 en ce qu’il a débouté la société Charles [P] Presse de l’ensemble de ses demandes ;

Et statuant à nouveau,

— Débouter la société Editions Larivière de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

— Constater que la société Editions Larivière s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale et d’agissements parasitaires à l’égard de la société Charles [P] Presse ;

En conséquence,

— Condamner la société Editions Larivière à verser à la société Charles [P] Presse la somme de 30.000 € au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;

— Condamner la société Editions Larivière à verser à la société Charles [P] Presse la somme de 213.941,40 € au titre des pertes de ventes de journaux ;

— Ordonner la publication de l’arrêt à intervenir dans trois magazines ou revues au choix de la demanderesse et aux frais de la société Editions Larivière, sans que le coût de chaque insertion ne puisse être supérieur à 5.000 € ;

— Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;

— Condamner la société Editions Larivière à verser à la société Charles [P] Presse la somme de 15.000 € au titre de l’article 700 code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.

Par dernières conclusions notifiées le 8 juin 2022, la société Editions Larivière demande à la cour de :

— Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 29 octobre 2020 en ce qu’il a :

— Rejeté l’intégralité des demandes de la société Charles [P] Presse au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, y compris les demandes indemnitaires associées;

— Rejeté la demande de la société Charles [P] Presse au titre des frais irrépétibles;

— Condamné la société Charles [P] Presse à supporter les entiers dépens ;

— Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 29 octobre 2020 en ce qu’il a:

— Rejeté la demande reconventionnelle de la société Editions Larivière au titre de la procédure abusive ;

Et statuant à nouveau sur ce seul chef,

— Condamner la société Charles [P] Presse à payer à la société Editions Larivière la somme de 20.000 € pour procédure abusive ;

En tout état de cause,

— Condamner la société Charles [P] Presse à payer à la société Editions Larivière la somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamner (sic) aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au bénéfice de Me [D] en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 juillet 2022.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la concurrence déloyale

La société Charles [P] Presse fait valoir que la concurrence déloyale est caractérisée dans la mesure où il existe un risque de confusion entre la dénomination Enduro Magazine et la marque Enduro by Moto Verte. Elle explique que le graphisme est similaire et que les signes ont une architecture commune, notamment en ce que les deux marques débutent par le signe enduro et utilisent une police de caractère sans serif. L’appelante soutient que les clients de la marque Enduro Magazine achètent fréquemment le magazine Enduro by Moto Verte en pensant acheter le magazine Enduro Magazine. Elle rappelle que le risque de confusion s’apprécie par rapport au consommateur moyen normalement vigilant. La société Charles [P] Presse souligne que la société Editions Larivière a changé la présentation de son magazine en 2015 pour adopter une charte graphique beaucoup plus proche de celle d’Enduro Magazine, sans nécessité technique. L’appelante relève que la marque Enduro by Moto Verte a été déposée alors qu’elle exploite activement depuis 2009 le nom de domaine enduromag.fr, créant un risque de confusion qui suffit à constituer un acte de concurrence déloyale. La société Charles [P] Presse ajoute que les deux produits sont identiques s’agissant de magazines spécialisés dans le domaine de la moto, de l’enduro et de la compétition de moto, que le magazine Enduro by Moto Verte reprend très fréquemment les sujets abordés par le magazine Enduro Magazine.

La société Editions Larivière conteste tout acte de concurrence déloyale. Elle répond que':

— rien n’interdit la création d’une collection concurrente, portant sur la même thématique qu’une autre collection,

— le marché des magazines de moto est un marché d’initiés, de connaisseurs de motos, qui sont très attentifs au périodique acheté et aux détails de la page de couverture, habitués à voir tous les magazines sur un même présentoir en kiosque,

— enduro est un terme usuel qui ne peut être monopolisé par un seul opérateur de marché,

— les Editions Larivière étaient présentes avant la société Charles [P] Presse sur ce segment de marché et utilisent le terme enduro en couverture de leur magazine depuis 1996,

— le magazine Moto Verte a acquis une notoriété importante depuis plus de 40 ans, de sorte que le public rattache d’évidence le magazine Enduro by Moto Verte au magazine historique Moto Verte, ce qui écarte tout risque de confusion entre le magazine Enduro by Moto Verte et Enduro Magazine et tout soupçon concernant la volonté des Editions Larivière de profiter de la notoriété du magazine Enduro Magazine qui n’a été créé qu’en 2002,

— la charte graphique ne comporte que des éléments courants qui ne sont pas de nature à créer de confusion dans l’esprit des consommateurs,

— le traitement des mêmes thèmes liés à l’actualité ou l’interview de personnages clés du monde de la moto en France ne peuvent lui être reprochés,

— les deux messages isolés, constituant la pièce n°10 de l’appelante, doivent être écartés des débats, dès lors qu’ils ne répondent pas aux conditions de l’article 202 du code de procédure civile et que leur authenticité ne peut être vérifiée.

*****

En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu’il a causé non seulement de son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Le tribunal a rappelé à juste raison que la concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de liberté du commerce qui implique qu’un signe qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et moral du commerce.

Le fait de créer, fût-ce par imprudence ou négligence, une confusion ou un risque de confusion avec l’entreprise d’un concurrent ou avec ses produits ou services constitue un acte de concurrence déloyale.

L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté de l’usage, l’originalité et la notoriété de la prestation copiée.

En l’espèce, il est constant que les sociétés Charles [P] Presse et Editions Larivière sont en situation de concurrence sur le marché de l’édition de revues périodiques relatives à l’enduro, discipline sportive définie comme une «'épreuve motocycliste d’endurance et de régularité disputée sur des sentiers, des chemins de terre et des plages » (extrait du dictionnaire Larousse produit en pièce n°10.1 par l’intimée).

Par ailleurs, il n’est pas contesté que le magazine moto crampons a décliné un hors-série relatif à l’enduro à partir de 2001, avant la création du magazine à part entière Enduro Magazine en 2002. Si le magazine Moto Verte a consacré un hors-série à l’enduro à compter de 1996, le magazine dédié à l’enduro, Enduro by Moto Verte, n’a commencé à être édité qu’en 2015.

Il ressort de l’examen des chartes graphiques des deux magazines que leur titre est, pour la partie essentielle la plus visible, composé du même mot, enduro. Toutefois, comme l’ont pertinemment relevé les premiers juges, il s’agit d’un terme usuel désignant la pratique sportive définie précédemment, qui ne saurait, en tant que terme descriptif, être considéré comme un signe distinctif susceptible d’être monopolisé par un seul opérateur du marché. Au demeurant, la société Editions Larivière établit qu’elle a utilisé le mot enduro dès 1974, bien avant l’édition d’Enduro Magazine, comme catégorie d’articles du magazine historique Moto Verte, puis à partir de 1996, pour désigner les hors séries du magazine dédiés à cette activité sportive.

Le mot, constitutif du titre, est certes positionné en haut de la couverture des deux magazines. Toutefois, cette mise en page usuelle, commune à de nombreux magazines, ne peut constituer un élément distinctif dont la reprise serait révélatrice de concurrence déloyale

De même, si le mot enduro est repris en insert perpendiculaire de chacun des magazines, ce cartouche est couramment utilisé par de nombreux acteurs du marché, afin de faciliter la recherche des acquéreurs parmi les multiples magazines exposés sur les présentoirs des rayons de presse. La société Editions Larivière justifie d’ailleurs y recourir sur le magazine Moto Verte depuis le mois d’août 2013. Cet insert ne saurait par conséquent être considéré comme un signe distinctif d’Enduro Magazine.

La cour constate que les polices de caractère utilisées pour le titre de chacun des magazines en cause sont différentes. Le recours similaire à une police de caractères sans serif n’apparaît pas significative, dès lors qu’elle est couramment employée pour les titres. En outre, étant rappelé que la marque semi-figurative Enduro Magazine – dont la société Charles [P] Presse a acquis la lience – a été déposée en rouge pour le mot enduro et en noir pour le mot magazine, la cour constate que les couleurs du titre varient en fonction du numéro (rouge, bleu, orange, rose), alors que la société Larivière utilise systématiquement, conformément à la marque déposée -dont elle est titulaire-, le bleu avec un 'e’ rouge en attaque figurant en minuscule et dans une typologie différente. Enfin, l’adjonction distinctive by Moto Verte, apposée de manière décalée par rapport au titre et en caractères de taille suffisamment visible, constitue un élément distinctif majeur par la référence au magazine historique Moto Verte. Si la société Charles [P] Presse invoque la dissimulation sur certains numéros de l’adjonction par la photographie figurant en partie centrale de la couverture, elle ne justifie toutefois que de trois photographies de numéros sur lesquels l’adjonction n’est que partiellement cachée et demeure néanmoins lisible.

Au regard de l’objet du magazine, il ne peut être reproché à la société Larivière de faire figurer en couverture de son magazine des photographies de motards en action de course ou de motos, ni d’interviewer des personnalités ou de traiter de sujets parfois identiques en lien avec l’actualité de cette activité sportive ou la sortie de nouveaux matériels.

La société Charles [P] Presse ne justifie ainsi d’aucun signe distinctif propre que la société Larivière aurait reproduit dans le but d’entretenir une confusion.

Au surplus, le risque de confusion doit être apprécié en se fondant sur la perception du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé de la catégorie des produits en cause. L’appelante reconnaît que les magazines en question sont tous deux destinés à un «'public de passionnés et de pratiquants de l’enduro et de la moto tout terrain'». Or, la société Editions Larivière démontre que son magazine Moto Verte, créé en 1974, soit il y a près de 50 ans, bénéficie d’une très grande notoriété, dès lors que sa page Facebook dispose de 288'235 abonnés (pièce n°16.1 de l’intimée), qu’il est le partenaire officiel des plus grands évènements de moto cross et d’enduro en France (pièces n°16.2 à 16.6, 16.8 et 16.9) et qu’il est reconnu dans la presse comme le leader dans le domaine de la moto verte qui regroupe principalement le trail, l’enduro et le cross': « Créé il y a plus de trente-cinq ans, Moto Verte est le précurseur de la presse tout terrain en France. Il a accompagné la création de la discipline avant d’encourager son développement autour de deux axes : le loisir et le sport. Moto Verte, leader incontesté de la presse moto depuis 1974, se présente comme le magazine pour passionnés de motocross, supercross, freestyle, enduro, trial, rallyes, supermotard, randonnées … » (Pièce n°16.7).

Dans ce contexte, l’adjonction’by Moto Verte, même inscrite en caractère moins grands que le mot principal du titre, enduro, suffit à exclure tout risque de confusion au sein de la clientèle de ces magazines.'

Aucun élément probant utile au litige ne peut être tiré des messages et attestations de lecteurs évoquant les erreurs commises par leurs épouses, manifestement non pratiquantes de l’activité d’enduro, lors de l’achat du magazine. Il apparait ainsi que ces acheteuses ne correspondent pas à la clientèle des magazines, étant au surplus observé qu’aucun élément n’est fourni quant au contexte de l’achat. Par ailleurs, les cinq autres attestations sont insuffisantes à démontrer l’existence d’un risque de confusion caractéristique d’une situation de concurrence déloyale.

La ressemblance phonique limitée au mot enduro qui décrit l’activité n’apparaît pas suffisamment significative pour générer un risque de confusion. Ce risque n’est pas davantage caractérisé à l’égard du nom de domaine Enduromag.fr créé en 2009 par la société Charles [P] Presse, qui se distingue singulièrement de la dénomination Enduro by Moto Verte.

Enfin, la société Charles [P] Presse ne peut sérieusement prétendre que la société Editions Larivière n’a déposé la marque Enduro by Moto Verte que dans le but de la concurrencer, dès lors qu’au mois de mai 2015, la marque n°419743 avait expiré depuis près de trois années et qu’aucune contrefaçon de marque n’a été retenue par les premiers juges. La cour relève à cet égard que la société Editions Larivière est titulaire de la marque semi-figurative Enduro by Moto Verte – déposée antérieurement à la marque Enduro Magazine dont la société Charles [P] Presse a la licence – dont l’exploitation régulière n’est pas contestée dans le cadre de cette instance.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a débouté la société Charles [P] Presse de sa demande au titre de la concurrence déloyale.

Sur le comportement parasitaire

La société Charles [P] Presse se prévaut de la grande notoriété du magazine Enduro Magazine, soutenant qu’elle n’est pas moindre que celle d’Enduro by Moto Verte. L’appelante rappelle les similitudes existant entre les chartes graphiques et souligne la résonnance phonétique identique des deux titres débutant par le même mot Enduro. Elle explique que sa notoriété est le résultat d’investissements, de campagnes publicitaires répétées, d’efforts continus et d’investissements financiers afin d’accroitre sa visibilité. Elle ajoute avoir créé un site internet pour être présente sur les réseaux sociaux, reflétant ainsi un travail intellectuel. Elle soutient qu’Enduro Magazine est un acteur majeur de la presse spécialisée dans l’enduro, que la marque forme régulièrement des partenariats avec les marques les plus reconnues du secteur et est très souvent présent lors d’événements relatifs à l’enduro, tels que des compétitions ou des salons. La société Charles [P] Presse considère donc que tout en s’immisçant dans le sillage de la marque Enduro Magazine, la marque Enduro by Moto Verte tire profit des efforts intellectuels et financiers que s’efforce de produire la marque Enduro Magazine depuis sa création, troublant ainsi le jeu normal de la concurrence.

La société Editions Larivière conteste tout acte de parasitisme en expliquant que la preuve d’une valeur économique individualisée n’est pas rapportée, l’appelante ne justifiant notamment pas des investissements financiers allégués pour la promotion de son magazine. Elle considère que la preuve des actes parasitaires et de la reprise illégitime de la valeur économique individualisée alléguée n’est pas davantage établie. L’intimée rappelle être présente sur le segment de marché de l’enduro depuis plus longtemps que la société Charles [P] Presse.

*****

Comme l’ont rappelé les premiers juges, le parasitisme consiste à profiter, de manière volontaire et déloyale, sans bourse délier, des investissements, d’un savoir-faire ou du travail intellectuel d’autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel.

En l’espèce, la cour constate que la société Charles [P] Presse ne justifie d’aucun investissement, savoir-faire ou travail intellectuel produisant une valeur économique individualisée, dont la société Editions Larivière aurait délibérément profité, lui conférant ainsi un avantage concurrentiel. Si l’appelante invoque des investissements financiers, des campagnes publicitaires répétées et des «'efforts continus et coûteux'», elle communique au soutien de ses dires un extrait de son site internet, qui ne révèle aucun savoir-faire ou travail intellectuel particulier, ainsi qu’une attestation de son expert-comptable du 27 janvier 2018 retraçant l’évolution de son chiffre d’affaires de 2015 à 2017, sans la moindre référence aux investissements allégués. Ces éléments sont à l’évidence insuffisants à caractériser le parasitisme invoqué. Au regard de la très grande notoriété dont bénéficie le magazine Moto Verte, dont Enduro by Moto Verte est une émanation, il ne peut être sérieusement soutenu que la société Editions Larivière a entendu profiter de la notoriété plus relative du magazine Enduro Magazine. En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a débouté la société Charles [P] Presse de ses demandes sur ce fondement.

Sur la publication de la décision

La société Charles [P] Presse sollicite la publication de la décision à intervenir dans trois magazines ou revues au choix de la demanderesse et aux frais de l’intimée.

Cependant, compte tenu de la solution du litige, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a débouté la société Charles [P] Presse de sa demande.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive

La société Editions Larivière forme un appel incident concernant le rejet de cette demande en première instance. Elle sollicite une somme de 20.000 € de dommages et intérêts, considérant que cette procédure n’a pour but que de l’évincer du secteur des périodiques consacrés à l’enduro.

Cependant, l’exercice d’un droit ne dégénère en abus qu’en cas de faute équipollente au dol, qui n’est pas démontrée en l’espèce à l’encontre de la société Charles [P] Presse. En conséquence, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a débouté la société Editions Larivière de sa demande indemnitaire au titre de la procédure abusive.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de la décision, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile seront confirmées.'

En application des articles 696 et 699 du code de procédure civile, la société’Charles [P] Presse, qui succombe, sera condamnée aux dépens d’appel,dont distraction au bénéfice de Me [D]. Elle sera en outre condamnée à verser à la société Editions Larivière une indemnité de'3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions';

Condamne la société Charles [P] Presse aux dépens d’appel dont distraction au bénéfice de Me [D] ;

Condamne la société Charles [P] Presse à payer à la société Editions Larivière la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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