Cour d'appel de Versailles , 12e ch.

  • Déchéance de la marque contrefaçon de marque·
  • Validité de la marque déchéance de la marque·
  • Exploitation sur le territoire français·
  • Bénéfices tirés des actes incriminés·
  • Similarité des produits ou services·
  • Recevabilité validité de la marque·
  • Chiffre d'affaires du défendeur·
  • Contrefaçon de marque préjudice·
  • Fonction d'indication d'origine·
  • Atteinte aux droits privatifs

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Les marques verbales CARBOLAM sont distinctives pour désigner les « matériaux de construction non métalliques ». Si le public pertinent ¿ constitué du consommateur moyen d’un degré d’attention plus élevé s’agissant de produits et services destinés à des professionnels d’un secteur ¿ comprendra que le produit est constitué d’une lame de carbone, celle-ci n’apparaît pas en elle-même dans le libellé des produits pour lesquels les marques sont déposées. Il comprendra la première partie du néologisme « carbo » comme visant le matériau carbone qui entre dans la composition de certains matériaux de construction non métalliques. Il suffit, pour priver un terme de son caractère distinctif, qu’une de ses acceptions désigne les produits visés à l’enregistrement et que le signe serve à désigner l’une des caractéristiques de ces produits. Toutefois, en l’espèce, le terme « carbo » évoque le matériau carbone, soit la fibre de carbone ou matériau composite, et non le composé chimique pouvant entrer dans ce type de produits. S’agissant de la seconde partie « lam », il évoque le mot « lame », soit la partie métallique d’un instrument ou d’un outil propre à couper, ou encore un morceau de métal ou d’une autre matière dure, plat et étroit. Au vu des produits visés à l’enregistrement, le suffixe « lam » ne peut être considéré comme descriptif alors que la lame est associée à l’idée de métal. Le signe contesté « Carbolam » ne peut servir à désigner la destination de ces produits. De plus, la société qui sollicite la nullité des marques ne peut se fonder sur la description des produits commercialisés sous ces marques pour apprécier leur caractère distinctif. En conséquence, l’association des termes « carbo » et « lam » ¿ qui n’ont, considérés séparément, aucune signification propre ¿ dans un néologisme, dénué lui aussi de sens en français, est arbitraire au regard des « matériaux de construction non métalliques » qu’elle peut évoquer, mais ne décrit pas, et apparaît ainsi distinctive et apte à remplir la fonction d’identification d’origine du produit. Le titulaire n’encourt pas la déchéance de ses droits sur les marques CARBOLAM. Pour justifier de leur usage sérieux, il a notamment versé aux débats des courriels, adressés à des clients français, installés en France ou ayant une adresse en France, dans lesquels, notamment, il présente ses produits ou transmet des offres tarifaires. Ces courriels sont le plus souvent accompagnés d’une documentation rédigée en langue anglaise visant expressément le signe « Carbolam », suivi de la lettre ® dénuée de signification en langue française, mais signifiant qu’il s’agit d’une marque enregistrée dans les pays anglophones. Cette documentation ne saurait être écartée, à titre de preuve, du fait qu’elle est rédigée en langue anglaise, dès lors qu’elle est adressée à des clients français. En outre, la vente de produits Carbolam auprès de deux sociétés françaises est de nature à justifier d¿une commercialisation effective en France. Par ailleurs, si, sur des factures ou des bons de livraison, le signe « Carbolam » apparaît dans la désignation du produit, accompagné de la référence de celui-ci, il est représenté en toutes lettres et suivi du signe ®. En conséquence, il se distingue de la seule référence d’un produit et permet alors au public d’identifier ce produit en fonction de sa marque. La qualification de sérieux de l’usage de la marque dépend notamment des caractéristiques du produit ou du service concerné sur le marché correspondant, soit en l’espèce celui des matériaux de construction non métalliques. Il n’est donc pas nécessaire que cet usage soit toujours quantitativement important. Le titulaire a produit des analyses de marché faisant état du faible nombre d’acteurs du marché français (dont elle revendique 30 % du marché) et du fait qu’elle vend essentiellement à l’étranger. Au vu notamment de la structure du marché sur lequel les produits sont commercialisés, il est justifié d’un usage sérieux des marques contestées. La contrefaçon des marques CARBOLAM est caractérisée. La société poursuivie, spécialisée dans la fabrication de mortier notamment pour des ouvrages en béton, a reproduit le signe à l’identique sur son site internet et sur les produits qu’elle propose. Il ressort de la documentation du titulaire des marques qu’il commercialise des lamelles en carbone pour des profilés composites. La colle commercialisée par la société défenderesse sous l’appellation « 50 Carbolam Colle » est présentée comme une colle epoxy ayant une très bonne adhérence au béton, métal et au carbone « pour le collage des lamelles carbolam ». Cette société ne peut soutenir que l’usage de ce terme a été réalisé à titre de référence, alors qu’elle l’utilise pour différents produits et le représente accolé au signe ®. Il s’agit bien d’un usage à titre de marque. Les produits litigieux, qui reposent sur le collage de lamelles en fibre de carbone pour des constructions du BTP, sont de nature proche à similaire à ceux proposés par le titulaire des marques et s’adressent à un public identique constitué des professionnels du domaine de la construction, même si l’activité du titulaire est majoritairement tournée vers l’export. Ces professionnels peuvent croire que les produits proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le titulaire des marques, qui ne justifie pas commercialiser des produits strictement identiques à ceux vendus par la société poursuivie, est débouté de sa demande de réparation au titre du gain manqué. Néanmoins, cette société a profité du signe « Carbolam » pour écouler ses produits et réaliser un chiffre d’affaires. Pour autant, sa condamnation ne saurait porter sur l’intégralité de celui-ci et le préjudice sera calculé en lui appliquant le taux de marge du titulaire.

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 12e ch., 19 janv. 2023, n° 21/00599
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 21/00599
Importance : Inédit
Publication : PIBD 2023, 1200, IIIM-5
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Nanterre, 13 janvier 2021, N° 17/11498
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal judiciaire de Nanterre, 14 janvier 2021, 2017/11498
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : CARBOLAM
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 97702978 ; 3517582
Classification internationale des marques : CL19
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 24 janvier 2023
Référence INPI : M20230005
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Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 39H

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 JANVIER 2023

N° RG 21/00599 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UJF7

AFFAIRE :

S.A. EPSILON COMPOSITE

C/

PAREXGROUP SAS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Janvier 2021 par le TJ de NANTERRE

N° Chambre : 1

N° RG : 17/11498

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Oriane DONTOT

Me Martine DUPUIS

TJ NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A. EPSILON COMPOSITE

RCS Bordeaux n° 342 320 272

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Oriane DONTOT de l’AARPI JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Laurence DREYFUSS-BECHMANN et Me Charlotte UNGERER de la SELAS FIDAL, Plaidants, avocats au barreau de STRASBOURG, vestiaire : 174

APPELANTE

****************

PAREXGROUP SAS

RCS Nanterre n° 342 913 191

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Dorothée BARTHELEMY et Me Solène DAGUIER, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : E0126

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 Octobre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Epsilon Composite (ci-après, la société Epsilon) est spécialisée dans la production de pièces et sous-ensembles en matériaux composites haute performance, tels que des profilés en fibre de carbone. Elle a déposé deux marques verbales françaises Carbolam, n° 97702978 et n° 3517582, respectivement le 31 octobre 1997 et le 30 juillet 2007, régulièrement renouvelées, pour désigner en classe 19 des « matériaux de construction non métalliques ».

La société Parexgroup est spécialisée dans la fabrication de mortiers industriels pour façades, carrelages et ouvrages en béton.

Le 10 janvier 2017, la société Epsilon a mis en demeure la société Parexgroup d’avoir à cesser ce qu’elle considérait être des actes de contrefaçon de marques et de concurrence déloyale.

La société Epsilon a fait dresser deux procès-verbaux de constat les 8 décembre 2016 et 28 février 2017, afin d’établir la réalité de ces agissements.

Autorisée par ordonnance du 8 septembre 2017, elle a fait dresser un procès-verbal de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Parexgroup, le 27 octobre 2017.

Par acte du 23 novembre 2017, la société Epsilon a assigné la société Parexgroup devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de la voir condamner à cesser ses agissements de contrefaçon ou de concurrence déloyale et parasitisme, et à réparer les préjudices en découlant.

Par jugement du 14 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

— déclaré recevable la demande de nullité des marques Carbolam présentée par la société Parexgroup à l’encontre de la société Epsilon Composite en qualité de titulaire ;

— rejeté la demande en nullité des marques verbales françaises Carbolam n° 97702978 enregistrée le 31 octobre 1997 et n° 3517582 enregistrée le 30 juillet 2007 présentée par la société Parexgroup ;

— prononcé à l’encontre de la société Epsilon Composite la déchéance, pour défaut d’usage sérieux, de ses droits sur ses marques verbales françaises désignant en classe 19 les « matériaux de construction non métalliques » :

— à compter du 17 avril 2003 pour la marque Carbolam n° 97702978 déposée le 31 octobre 1997 ;

— à compter du 30 mai 2013 pour la marque Carbolam n° 3517582 déposée le 30 juillet 2007 ;

— ordonné la communication de la décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l’INPI, à l’initiative de la partie la plus diligente, pour inscription sur ses registres ;

— déclaré irrecevable l’action en contrefaçon de la société Epsilon Composite au titre de ses marques n° 97702978 et n° 3517582 pour le seul produit enregistré de matériaux de construction non métalliques ;

— rejeté la demande présentée par la société Epsilon Composite au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;

— rejeté la demande de la société Epsilon Composite au titre des frais irrépétibles ;

— condamné la société Epsilon Composite à payer à la société Parexgroup la somme de 7.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné la société Epsilon Composite à supporter les entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

— dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 29 janvier 2021, la société Epsilon a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 19 août 2022, la société Epsilon demande à la cour de :

Sur l’appel principal :

— Déclarer la société Epsilon recevable et bien fondée en son appel ;

— Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre (N°RG 17/11498) le 14 janvier 2021, en ce qu’il a :

« – Déclaré recevable la demande de nullité des marques Carbolam présentée par la société Parexgroup à l’encontre de la société Epsilon Composite en qualité de titulaire ;

— Prononcé à l’encontre de la société Epsilon Composite la déchéance, pour défaut d’usage sérieux, de ses droits sur ses marques verbales françaises désignant en classe 19 les « matériaux de construction non métalliques » :

— à compter du 17 avril 2003 pour la marque Carbolam n°97702978 déposée le 31 octobre 1997 ;

— à compter du 30 mai 2013 pour la marque Carbolam n°3517582 déposée le 30 juillet 2007 ;

— Ordonné la communication de la décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l’INPI, à l’initiative de la partie la plus diligente, pour inscription sur ses registres ;

— Déclaré irrecevable l’action en contrefaçon de la société Epsilon Composite au titre de ses marques n°97702978 et n°3517582 pour le seul produit enregistré de matériaux de construction non métalliques ;

— Rejeté la demande présentée par la société Epsilon Composite au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;

— Rejeté la demande de la société Epsilon Composite au titre des frais irrépétibles;

— Condamné la société Epsilon Composite à payer à la société Parexgroup la somme de 7.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamné la société Epsilon Composite à supporter les entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile »;

Statuant à nouveau,

Sur les demandes formées à titre reconventionnel par la société Parexgroup :

— Déclarer irrecevable la demande de nullité pour défaut de distinctivité des marques françaises Carbolam n° 97702978 et n° 3517582, formée par la société Parexgroup en raison de la prescription ;

— Dire et juger que les marques françaises Carbolam n° 97702978 et n° 3517582 sont distinctives, et en conséquence, rejeter la demande de nullité pour défaut de distinctivité formée par la société Parexgroup ;

— Dire et juger que la société Epsilon fait un usage réel et sérieux de ses marques françaises Carbolam n° 97702978 et n° 3517582, et en conséquence, rejeter la demande de déchéance formée par la société Parexgroup ;

A titre principal : sur la contrefaçon de marques,

— Dire et juger que la société Parexgroup a commis des actes de contrefaçon des marques françaises Carbolam n° 97702978 et n° 3517582, dont la société Epsilon est titulaire en la reproduisant pour désigner des produits identiques et similaires à ceux visés dans les actes d’enregistrement ;

En conséquence,

— Ordonner à la société Parexgroup la cessation des actes de contrefaçon sous astreinte de 500 € par jour de retard et par infraction à compter de la signification de la décision à intervenir ;

— Condamner la société Parexgroup à verser à la société Epsilon la somme de 77.070,16€ à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel résultant de la contrefaçon au titre du gain manqué par la société Epsilon ;

— Condamner la société Parexgroup à verser à la société Epsilon la somme de 226.041,17€ à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel résultant de la contrefaçon au titre des bénéfices réalisés par le contrefacteur ;

— Condamner la société Parexgroup à verser à la société Epsilon la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral résultant de la contrefaçon ;

— Ordonner la publication du dispositif de la décision à intervenir aux frais de la société Parexgroup pendant une durée d’un mois sur la page d’accueil du site Internet de la société Parexgroup (www.parexlanko.com) et sur la documentation commerciale visée en pièce 6 qu’elle transmet à ses revendeurs, sous astreinte de 500 € par jour de retard qui commencera à courir 15 jours après la signification de la décision à intervenir ;

A titre subsidiaire : sur la concurrence déloyale et parasitaire,

— Dire et juger que la société Parexgroup a commis des actes de concurrence déloyale à l’égard de la société Epsilon en commercialisant sous une dénomination identique aux marques Carbolam n° 97702978 et n° 3517582, des produits identiques et similaires à ceux qu’elle commercialise ;

En conséquence,

— Ordonner à la société Parexgroup la cessation des actes de concurrence déloyale sous astreinte de 500 € par jour de retard et par infraction à compter de la signification de la décision à intervenir ;

— Condamner la société Parexgroup à verser à la société Epsilon la somme de 77.070,16€ à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel résultant de la concurrence déloyale ;

— Condamner la société Parexgroup à verser à la société Epsilon la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

— Ordonner la publication du dispositif de la décision à intervenir aux frais de la société Parexgroup pendant une durée d’un mois sur la page d’accueil du site Internet de la société Parexgroup (www.parexlanko.com) et sur la documentation commerciale visée en pièce 6 qu’elle transmet à ses revendeurs, sous astreinte de 500 € par jour de retard qui commencera à courir 15 jours après la signification de la décision à intervenir ;

Sur l’appel incident,

— Déclarer la société Parexgroup mal fondée en son appel incident ;

En conséquence,

— Le rejeter ;

— Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre (N°RG 17/11498) le 14 janvier 2021, en ce qu’il a :

« – Rejeté la demande en nullité des marques verbales françaises Carbolam n° 97702978 enregistrée le 31 octobre 1997 et n° 3517582 enregistrée le 30 juillet 2007 présentée par la société Parexgroup » ;

— Débouter la société Parexgroup de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause,

— Débouter la société Parexgroup de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

— Condamner la société Parexgroup à payer à la société Epsilon la somme de 20.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamner la société Parexgroup aux entiers frais et dépens d’instance et d’appel qui seront recouvrés par Me Dontot, JRF & Associés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 29 juillet 2022, la société Parexgroup demande à la cour de :

— Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre (N°RG 17/11498) le 14 janvier 2021 en ce qu’il :

« – Déclare recevable la demande de nullité des marques Carbolam présentée par la société Parexgroup à l’encontre de la société Epsilon Composite en qualité de titulaire ;

— Prononce à l’encontre de la société Epsilon Composite la déchéance, pour défaut d’usage sérieux, de ses droits sur ses marques verbales françaises désignant en classe 19 les 'matériaux de construction non métalliques’ :

— à compter du 17 avril 2003 pour la marque Carbolam n° 97702978 déposée le 31 octobre 1997 ;

— à compter du 30 mai 2013 pour la marque Carbolam n° 3517582 déposée le 30 juillet 2007 ;

— Ordonne la communication de la décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l’INPI, à l’initiative de la partie la plus diligente, pour inscription sur ses registres ;

— Déclare irrecevable l’action en contrefaçon de la société Epsilon au titre de ses marques n°97702978 et n° 3517582 pour le seul produit enregistré de matériaux de construction non métalliques ;

— Rejette la demande présentée par la société Epsilon Composite au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;

— Rejette la demande de la société Epsilon Composite au titre des frais irrépétibles;

— Condamne la société Epsilon Composite à supporter les entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile » ;

— Déclarer la société Parexgroup recevable et bien fondée en son appel incident ;

Y faisant droit,

— Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre (N°RG 17/11498) le 14 janvier 2021 en ce qu’il :

« – Rejette la demande en nullité des marques verbales françaises Carbolam n°97702978 enregistrée le 31 octobre 1997 et n° 3517582 enregistrée le 30 juillet 2007 présentée par la société Parexgroup » ;

Statuant à nouveau du chef infirmé,

— Prononcer la nullité des marques verbales françaises « Carbolam » n°97702978 et n°3517582 pour l’ensemble des produits visés à leurs libellés et pour défaut de distinctivité;

— Dire que l’arrêt à intervenir sera transcrit par le greffe à l’INPI aux fins d’inscription au Registre National des Marques ;

En tout état de cause,

— Condamner la société Epsilon à payer à la société Parexgroup la somme de 14.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 8 septembre 2022.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de la demande de nullité des marques présentée par la société Parexgroup

La société Epsilon soutient que la demande reconventionnelle présentée par la société Parexgroup en nullité des marques est prescrite, au vu du délai de droit commun de cinq ans, le point de départ de la prescription étant le dépôt de la marque litigieuse.

Elle ajoute que la demande de la société Parexgroup n’est pas formée par voie d’exception mais à titre reconventionnel, l’exception de nullité n’étant perpétuelle qu’à condition d’être invoquée aux fins exclusives d’obtenir le rejet des prétentions adverses. Elle en déduit que la demande de la société Parexgroup est soumise à prescription, qu’un raisonnement inverse reviendrait à rendre imprescriptible la demande reconventionnelle en nullité.

La société Parexgroup avance que la nullité de la marque peut être invoquée en défense sans aucune limite tenant à la prescription, qu’elle soit sollicitée par demande reconventionnelle ou par voie d’exception ou de défense au fond. Elle ajoute que même en considérant que l’exception de nullité soulevée par l’appelante devait être qualifiée de demande reconventionnelle, le point de départ de la prescription est le jour où les titres sont opposés dans le cadre de l’instance, soit la délivrance de l’assignation. Elle sollicite la confirmation du jugement ayant déclaré cette demande recevable.

*****

L’article 122 du code de procédure civile prévoit que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Si la demande en nullité d’une marque se prescrit selon les dispositions de l’article 2224 du code civil, soit cinq années à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, dans l’instance en cause la demande principale de la société Epsilon tend à constater la contrefaçon de marques, et c’est face à cette demande que la société Parexgroup soulève l’exception de nullité des marques invoquées.

La demande en nullité de marques n’est pas présentée à titre principal mais par voie d’exception, en réponse à une action initiée par le titulaire des marques, la société Epsilon ; or, l’exception de nullité est perpétuelle de sorte que la demande présentée en ce sens ne saurait être prescrite.

La demande de la société Parexgroup tend à obtenir le rejet de l’action de la société Epsilon, et non quelque autre avantage comme le soutient cette dernière, qu’elle n’indique du reste pas.

A titre surabondant, il sera indiqué que même à considérer que la demande de nullité constitue une demande reconventionnelle, l’intérêt pour la société Parexgroup de solliciter la nullité de ces marques n’a pu naître qu’à commencer de la délivrance de l’assignation, soit le 23 novembre 2017, cet intérêt étant de voir les prétentions de la société Epsilon rejetées.

Aussi, le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré recevable la demande de la société Parexgroup tendant à la nullité des marques sur lesquelles la société Epsilon fonde sa demande principale en contrefaçon.

Sur la demande de nullité des marques

La société Parexgroup relève que les produits s’adressent à des consommateurs spécialisés, qui comprendront 'carbolam’ comme visant une lame composée de carbone, de sorte qu’il existe un rapport direct avec les produits visés par les marques. Elle soutient que les termes carbo et lam ne présentent aucun caractère arbitraire, carbo désignant usuellement le carbone qui entre dans la composition des 'matériaux de construction non métalliques', et un terme étant privé de son caractère distinctif quand une de ses acceptions désigne les produits visés à l’enregistrement de la marque. Elle soutient que le consommateur pertinent des produits visés établira un lien direct, immédiatement et sans effort, entre le signe et la composition des produits, et que carbone évoque une caractéristique des produits proposés. Elle ajoute que 'lam’ se prononce comme une lame, soit un 'morceau de métal ou d’une matière dure, plat et étroit', qu’elle constitue avec ses synonymes l’appellation principale de produits entrant dans les 'matériaux de construction non métalliques', que la juxtaposition des termes carbo et lam ne peut servir à distinguer. Elle fait état de la jurisprudence applicable s’agissant de l’appréciation du caractère distinctif des néologismes composés de termes descriptifs et/ou évocateurs des produits et services visés par l’enregistrement. Elle précise que la société Epsilon décrit le produit 'carbolam’ comme une plaque composite en carbone, ou un plat en carbone, que l’emploi de néologismes composés de termes descriptifs est répandu dans le domaine de la construction. Elle relève la faible différence entre les termes descriptifs et évocateurs -lesquels restent distinctifs-, observe que le terme carbolam est plus proche de la description que de la simple évocation, et relève que le signe carbolam est inapte à exercer la fonction essentielle de la marque, soit identifier l’origine commerciale de la marque ou du produit. Elle conteste tout caractère distinctif acquis par l’usage, indique que le fait que les signes appartiendraient à une famille de marques est indifférent.

La société Epsilon soutient que ses marques sont distinctives, et que les développements de l’intimée sur la jurisprudence communautaire pour les marques européennes sont indifférents. Elle avance que carbo n’est pas le synonyme ou le diminutif exclusif de carbone, peut évoquer la carbonara ou la carbonade soit des recettes de cuisine, que son emploi au sein de carbolam diffère de son contexte habituel d’utilisation. Elle ajoute que les 'matériaux de construction non métalliques’ ne sont pas nécessairement en carbone, que ses marques sont françaises et que la recherche effectuée sur google sur 'carbolam’ ne fait apparaître que peu de résultats. Elle affirme le caractère distinctif de l’élément carbo, comme du suffixe lam qui ne figure pas dans le dictionnaire et n’a pas de sens propre, ce alors que les produits visés sont des 'matériaux de construction non métalliques’ dont les termes carbo et lam ne sont pas descriptifs, ce d’autant que leur contraction est inhabituelle. Elle ajoute que le signe carbolam est apte à remplir ses fonctions de marque, que les décisions de jurisprudence dont fait état la société Parexgroup sont impropres à établir que carbolam est descriptif des produits alors qu’il a une structure inhabituelle, est inconnu de la langue française, et constitue un néologisme créant une impression éloignée de celle produite par la seule juxtaposition de ses éléments. Elle rappelle que le caractère distinctif s’apprécie au jour du dépôt de la marque, fait état de néologismes déposés comme marques considérées comme valables car distinctifs à ce moment, et souligne avoir déposé sa marque il y a 25 ans. Elle revendique en outre l’acquisition de la distinctivité par l’usage, les produits commercialisés sous cette marque étant connus et identifiés, et ce signe identifiant leur origine, ce d’autant que carbolam appartient à une famille de marques détenues par la société Epsilon.

*****

L’article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable aux faits de l’espèce, prévoit que

« Le caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services désignés.

Sont dépourvus de caractère distinctif :

a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service;

b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service;

c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle.

Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l’usage. »

L’article L.714-3 du même code indique notamment « qu’est déclaré nul par décision de justice l’enregistrement d’une marque qui n’est pas conforme aux dispositions des articles L.711-1 à L.711-4. … La décision d’annulation a un effet absolu. »

Le caractère distinctif d’une marque s’apprécie au jour du dépôt de la demande d’enregistrement, de sorte qu’il convient de se situer à la date à laquelle les marques ont été enregistrées – soit les 31 octobre 1997 et 30 juillet 2007 – pour apprécier cette distinctivité.

Le public pertinent est constitué du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif pour un produit ou service destiné au grand public, mais qui bénéficiera d’un degré d’attention plus élevé s’agissant de produits ou services destinés à des professionnels d’un secteur.

Les deux marques sont constituées par le néologisme carbolam, et visent en classe 19 des « matériaux de construction non métalliques ».

Si le public comprendra que le produit est constitué d’une lame de carbone, celle-ci n’apparaît pas en elle-même dans le libellé du produit pour lesquelles les marques sont déposées.

Ce public comprendra la partie du signe 'carbo’ comme visant le matériau carbone, entrant dans la composition de certains 'matériaux de construction non métalliques’ et non des préparations culinaires comme la carbonade ou les carbonaras ; pour autant s’il suffit, pour priver un terme de son caractère distinctif, qu’une des acceptions de ce terme désigne les produits visés à l’enregistrement de la marque, et que le signe serve à désigner l’une des caractéristiques des produits, en l’espèce le terme carbo constituant la 1ère partie des marques ne désigne pas ce type de produits. Carbo, première partie du signe contesté, évoque le matériau carbone, soit la fibre de carbone ou matériau composite, mais n’évoque pas le composé chimique pouvant entrer dans ce type de produits.

La société Parexgroup ne peut se fonder sur une décision de l’EUIPO intervenue sur la marque CARBON MIX, alors que ce signe est déposé en deux mots et non comme un néologisme (à la différence de carbolam), ce d’autant que le terme anglais 'carbon’ a une signification en lui-même dont 'carbo’ est dépourvu, étant rappelé que dans la marque contestée il constitue la 1ère partie du néologisme carbolam, et que le terme MIX a aussi une signification en anglais. De la même façon, l’intimée ne peut faire état du nombre élevé de résultats obtenus par une recherche sur 'carbo lam’ pour établir le caractère descriptif des marques, alors que le nombre de résultats obtenus est beaucoup moins important lorsqu’il porte sur le signe 'carbolam’ (en un mot) correspondant aux marques, soit un néologisme dénué en lui-même de signification.

S’agissant de la 2ème partie du néologisme lam, c’est à raison que le jugement a indiqué qu’il évoquait le mot 'lame', soit la partie métallique d’un instrument ou d’un outil propre à couper, ou encore un morceau de métal ou d’une autre matière dure, plat et étroit. Aussi, les marques étant déposées pour des 'matériaux de construction non métalliques', le suffixe lam de la marque carbolam ne peut être considéré comme descriptif alors que la lame est associée à l’idée de métal.

Le signe carbolam, composé des éléments carbo et lam, ne peut servir à désigner la destination des produits visés à l’enregistrement, soit les 'matériaux de construction non métalliques’ .

Et la société Parexgroup ne peut se fonder sur la description des produits commercialisés par la société Epsilon sous ses marques Carbolam pour apprécier le caractère distinctif de ses marques.

Par ailleurs, si la société Parexgroup fait état du caractère courant des néologismes composés des termes descriptifs dans le domaine de la construction, il convient de rappeler que la distinctivité des marques s’apprécie au jour de leur dépôt, soit en 1997 et 2007.

C’est à raison que le jugement a relevé que l’association des deux termes carbo et lam dans un néologisme qui n’a en lui-même aucune signification est arbitraire, et que sa distinctivité est à apprécier au regard des 'matériaux de construction non métalliques', qu’il peut évoquer mais dont il n’est pas descriptif ; aussi, l’association des deux termes carbo et lam -qui n’ont, considérés séparément, aucune signification propre- dans un néologisme -dénué lui aussi de sens en français- apparaît distinctive et apte à remplir la fonction d’identification d’origine du produit, fonction essentielle de la marque.

Etant rappelé que le libellé 'matériaux de construction non métalliques’ ne vise ni lame ni carbone, le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu la distinctivité de la marque, sans qu’il soit besoin de considérer la question de l’acquisition de cette distinctivité par l’usage, et en ce qu’il a rejeté la demande en nullité des marques.

Sur la demande de déchéance des marques de la société Epsilon

Après avoir rappelé que l’usage d’une marque doit être suffisant en terme de volumes et de fréquences des actes de commercialisation, la société Parexgroup indique qu’il appartient au titulaire de rapporter la preuve de l’usage sérieux, et soutient qu’aucune pièce ne démontre que carbolam serait utilisé pour identifier l’origine des produits qu’il vise. Elle analyse les pièces versées par l’appelante et en déduit qu’elles ne justifient pas d’un usage sérieux à titre de marque en France pour la période en cause, les courriers produits ne consistant qu’en la transmission d’offres ou de grilles tarifaires, mais n’établissant pas la commercialisation effective sur le sol français. Elle soutient qu’il n’est pas justifié par le site en français du client Mapei de l’usage de la marque, que si l’appelante indique que son activité est très principalement à l’export, elle n’établit pas un usage sérieux de ses marques en France. Elle ajoute qu’il n’est pas justifié d’un usage suffisamment sérieux des marques pour les 'matériaux de construction non métalliques', ni de la structuration du marché ainsi que des parts qui y sont détenues par la société Epsilon, les documents versés étant inopérants.

La société Epsilon indique que le marché français compte très peu d’acteurs, qu’elle en détient 30% et réalise 80% de son chiffre d’affaires avec quatre clients, de sorte que les éléments qu’elle produit sur l’usage de ses marques sont suffisants, étant précisé qu’elle ne doit l’établir que pour les 'matériaux de construction non métalliques'. Elle fait état de sa documentation, qui si elle est rédigée en anglais, est adressée à des sociétés françaises, et établit l’usage de carbolam à titre de marque. Elle produit des accusés de réception de commandes, invoque son volume de ventes, et détaille les pièces qu’elle produit. Elle souligne que les principaux clients des produits carbolam sont français, que les ventes interviennent en France, ce qui y établit l’usage des marques, que démontrent aussi les nombreuses factures versées. Elle affirme que carbolam sur les factures est une marque et non une référence technique, et sert à identifier le produit. Elle analyse les nouvelles pièces qu’elle verse en appel, et soutient que l’apposition du signe en France suffit à démontrer l’usage sérieux, même si les produits sont destinés à l’exportation et ne sont pas proposés au public en France. Elle fait part de sa participation à des salons lors desquels elle présente la gamme carbolam, et de la vente effective de produits carbolam pour plusieurs millions d’euros en France.

*****

L’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable au litige, prévoit que :

'Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.

Est assimilé à un tel usage :

a) L’usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque ou, pour les marques collectives, dans les conditions du règlement ;

b) L’usage de la marque sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif;

c) L’apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l’exportation.

La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou des services visés dans l’enregistrement, la déchéance ne s’étend qu’aux produits ou aux services concernés.

L’usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n’y fait pas obstacle s’il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l’éventualité de cette demande.

La preuve de l’exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.

La déchéance prend effet à la date d’expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu.'

Le jugement n’étant pas contesté en ce qu’il indique que la demande reconventionnelle en déchéance de la marque a été présentée le 4 mai 2018, de sorte qu’il revient à la société Epsilon de justifier de l’usage sérieux de ses marques Carbolam pour les produits 'matériaux de construction non métalliques', pendant la période allant du 4 février 2013 au 4 février 2018.

Doit être justifié un usage sérieux de la marque pour les produits couverts par l’enregistrement.

La notion d’usage sérieux doit s’entendre d’un usage effectif, conforme à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine d’un produit ou d’un service, et doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné.

Pour justifier de l’usage sérieux des marques carbolam, la société Epsilon verse des courriels (9) adressés à des clients et prospects, entre 2013 et 2016, par lesquels elle présente ses produits, transmet le plan de contrôle des 'produits Carbolam', adresse la documentation sur ces produits, informe un client d’un destockage de produits carbolam, ou transmet des offres tarifaires sur le 'stock carbolam’ (pièces 32, 33).

Ces courriels sont adressés à des clients français, installés en France ou ayant une adresse en France, et y est le plus souvent jointe une documentation rédigée en langue anglaise visant expressément le signe Carbolam, suivi de la lettre ® dénuée de signification en langue française, mais signifiant 'registered’ donc qu’il s’agit d’une marque enregistrée dans les pays anglophones. Cette documentation ne saurait être écartée du fait qu’elle est rédigée en langue anglaise, s’agissant d’une documentation adressée à des clients français et pouvant à ce titre participer à démontrer l’usage sérieux de la marque en France.

Sont aussi versés quatre accusés de réception de commande du client Mapei, pour les années 2014, 2015, 2016 et 2017, visant des produits carbolam (pièce 18).

Si le signe carbolam y figure comme partie de la référence des produits, il est représenté en toutes lettres et suivi du signe ®.

Le directeur administratif et financier de la société Epsilon atteste le 29 janvier 2019 des chiffres d’affaires des produits Carbolam réalisés en France, soit s’agissant de ses clients Mapei et SPPM, un chiffre d’affaires pour les années 2013 à 2017 de 928.243 €, et une marge brute de 34,4% ; le commissaire aux comptes de la société Epsilon a également réalisé une attestation, visant le chiffre d’affaires et le taux moyen de marge indiqués par le directeur administratif et financier de la société Epsilon, après avoir effectué des vérifications. Il est établi que les deux sociétés Mapei et SPPM sont deux sociétés françaises, de sorte que la vente de produits Carbolam auprès de ces sociétés est de nature à justifier d’une commercialisation effective en France.

Sont aussi produits des accusés de réception de commande, factures et bons de livraison portant sur la période de référence, auprès de plusieurs clients localisés dans différentes régions (APR2 à 40 [Localité 10], Ketos à 73 [Localité 12], Team Sodebo/Multiplast à 56 [Localité 11], FMC à 29 [Localité 7], Ifsttar à 44 [Localité 6], Plastinov à 47 [Localité 9], Nenuphar à 59 [Localité 8], Gazechim Composite à 34 [Localité 5]) (pièces 29). Dans l’ensemble de ces documents, le carbolam apparait dans la désignation du produit, aux côtés des références du produit. Toutefois, il est indiqué en toutes lettres avec le signe ®.

Est aussi versé un courriel du 24 juin 2014 adressé en anglais à une adresse électronique française, portant notamment sur le carbolam et dans la documentation annexée de laquelle carbolam apparait notamment dans la référence des articles, mais aussi dans les titres pour désigner les produits, toujours suivi du ®.

Sont également produits deux rapports de contrôle sur le carbolam dressés le 7 juillet 2015 par le cabinet Véritas qui, s’ils sont rédigés en anglais, sont réalisés par une agence française pour la société Epsilon.

Si le signe carbolam suivi de ® figure notamment sur certaines factures accompagné de certaines références de produits, il apparait toujours en toutes lettres, de sorte qu’il se distingue de la seule référence d’un produit, et permet alors au public d’identifier le produit en fonction de sa marque. Le signe Carbolam est associé à plusieurs références de produits, de sorte qu’il ne constitue pas en lui-même une référence technique.

Il n’est pas contesté par la société Parexgroup que les produits commercialisés par les documents précédemment détaillés relèvent des 'matériaux de construction non métalliques’ pour lesquels les marques ont été déposées.

L’appréciation des circonstances de l’espèce peut ainsi justifier la prise en compte, notamment, de la nature du produit ou du service en cause, des caractéristiques du marché concerné, de l’étendue et de la fréquence de l’usage de la marque. Ainsi, il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux, car une telle qualification dépend des caractéristiques du produit ou du service concerné sur le marché correspondant.

En l’espèce, la société Epsilon a produit des analyses de marché faisant état du faible nombre d’acteurs du marché français (dont elle revendique 30% du marché), et du fait qu’elle vend essentiellement à l’étranger. S’il s’agit de documents réalisés par la société Epsilon, la société Parexgroup ne produit pas de pièce établissant le caractère inexact de ces données sur le marché français, notamment sur le fait qu’il ne soit composé que de quelques acteurs, alors que la structure du marché influe sur l’usage des marques qui y sont présentes.

Au vu de ce qui précède, et du marché sur lequel les produits carbolam sont diffusés, les éléments produits par la société Epsilon justifient de son usage sérieux du signe Carbolam pour les produits 'matériaux de construction non métalliques’ pour lesquels les marques ont été déposées.

Par conséquent, il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la déchéance de ces marques.

Sur la contrefaçon des marques

La société Epsilon soutient que la société Parexgroup reproduit intégralement le signe carbolam pour désigner les produits qu’elle commercialise et communique sous ce signe sur son site internet. Elle avance que la société Parexgroup propose des matériaux de construction non métalliques, identiques ou similaires à ceux qu’elle commercialise elle-même, et ayant la même destination. Elle ajoute que les produits sont complémentaires, utilisent les mêmes canaux de distribution. Elle dénonce l’existence d’un risque de confusion, de par la reprise à l’identique de son signe par la société Parexgroup, les produits s’adressant au même public et pouvant laisser croire à une origine commune des produits. Elle conteste utiliser Carbolam à titre de référencement et dénonce son usage avec le signe ® par la société Parexgroup, qui l’utilise dans sa fonction de distinction des produits. Elle déclare que la société Parexgroup fait un usage illicite du signe Carbolam, qui porte atteinte à la fonction essentielle de la marque, et que cet usage s’inscrit dans la vie des affaires. Elle ajoute que les produits visent le même public, et que sa demande de contrefaçon doit être accueillie.

Après avoir rappelé que selon elle les marques carbolam sont inaptes à distinguer un produit en ce qu’elles sont composées de termes indiquant une lame en carbone, la société Parexgroup indique que l’exploitation contestée est faite à titre de référencement, le terme Carbolam apparaissant sur des fiches de présentation de produits qu’elle commercialise sous la marque Parexlanko, de sorte qu’il ne s’agit pas d’un usage à titre de marque. Elle fait état de décisions jurisprudentielles et relève que la clientèle ne peut être confondue dès lors que les produits ne visent pas le même public. Elle précise que le système carbolam qu’elle propose est un combiné mortier-colle et lamelles de carbone destiné à des professionnels très avertis, disponible seulement sur commande et dans des magasins spécialisés, alors que les produits de la société Epsilon sont distribués surtout à l’export, de sorte que le public se distingue nettement. Elle conclut à l’absence de contrefaçon.

*****

L’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable aux faits, prévoit que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire :

a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : « formule, façon, système, imitation, genre, méthode », ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement ;

b) La suppression ou la modification d’une marque régulièrement apposée.

L’article L.713-3 indique que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public :

a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ;

b) L’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.

Enfin, l’article L.716-1 indique que 'l’atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2, L.713-3 et L.713-4'.

Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement.

Le risque de confusion doit donc être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Il doit notamment être tenu compte de l’association qui peut en être faite avec le signe utilisé ou enregistré, du degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services désignés.

Par procès-verbal de constat sur internet du 8 décembre 2016, il a été constaté que sur le site internet www.parexlanko.com est proposé un produit '50 carbolam colle', soit une 'colle epoxy bicomposant sans solvant pour le collage des lamelles CARBOLAM'. Ce site précise qu’il est la propriété de la société Parexgroup, et le nom de domaine correspondant a été enregistré par cette société.

Par procès-verbal de constat sur internet du 28 février 2017, il a été constaté que sur le site internet www.sa-tsv.com, correspondant au site de la société TSV, est présentée une actualité sur un chantier d’ouvrage d’art, soit l’élargissement des voies sur l’A46 Nord à Qincieux, ayant pour titre 'renforcement de structure par collage de lamelles Lankostructure ® Carbolam ®', avec le signe de la société Parexgroup.

Enfin, le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 27 octobre 2017 dans les locaux de la société Parexgroup, a permis d’obtenir un tableau des ventes des produits dont la désignation contient le terme carbolam, portant sur une période de vente de 2013 à 2017 pour plusieurs références, pour un total de 348 factures et un chiffre d’affaires de 224.041,17 €.

Il est ainsi établi que le signe Carbolam a été reproduit à l’identique sur le site internet de la société Parexgroup, comme sur les produits qu’elle propose.

Les marques carbolam ont été déposées pour des 'matériaux de construction non métalliques'; il ressort de la documentation produite par la société Epsilon qu’elle commercialise des plats en carbone pour des profilés composites, et la colle commercialisée par la société Parexgroup sous l’appellation '50 Carbolam Colle’ est présentée comme une colle epoxy, ayant une très bonne adhérence au béton, métal et au carbone, 'pour le collage des lamelles carbolam'.

La société Parexgroup ne peut soutenir faire usage du terme Carbolam à titre de référence, alors qu’il ressort des procès-verbaux de constat qu’elle utilise carbolam pour différents produits, qu’elle indique sur son site notamment 'pour le collage des lamelles carbolam', et le représente (pv du 28 février 2017) ainsi : 'Lankostructure® Carbolam®', l’utilisation du signe ® accolé à Carbolam établissant qu’il s’agit d’un usage à titre de marque.

Les produits pour lesquels la société Parexgroup utilise le signe sont de nature proche à similaire de ceux proposés par la société Epsilon, puisque la 'Lankostructure® Carbolam®' repose sur le collage de lamelles en fibre de carbone, s’adressant à des constructions de BTP comme les plats en carbone de la société Epsilon, de sorte qu’il s’agit du même public même si l’activité de la société Epsilon est majoritairement tournée vers l’export.

Si les produits sont destinés à des professionnels du domaine de la construction, il n’en demeure pas moins que ceux-ci peuvent croire, s’agissant de produits proches à similaires utilisant un signe identique, qu’ils proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement.

En conséquence, l’utilisation par la société Parexgroup du signe carbolam pour proposer ses produits est de nature à générer un risque de confusion dans l’esprit du public, qui pourrait penser à une origine commune des produits désignés.

Aussi, la contrefaçon des marques Carbolam par la société Parexgroup sera retenue.

Sur la réparation

La société Epsilon sollicite, outre qu’il soit fait interdiction à la société Parexgroup d’utiliser le signe Carbolam, que son préjudice au titre du gain manqué soit indemnisé en condamnant la société Parexgroup à lui verser la somme de 76.070,16 € correspondant à l’application de son taux de marge (34,40%) au chiffre d’affaires réalisé par la société Parexgroup (224.041,17 €).

Elle demande aussi sa condamnation au paiement de 226.041,17 € au titre du bénéfice du contrefacteur, soit le chiffre d’affaires réalisé par la société Parexgroup augmenté de 2.000 € correspondant aux coûts du dépôt des marques, de leur renouvellement, et de divers frais.

Elle sollicite aussi 20.000 € au titre de son préjudice moral, ainsi qu’une mesure de publication.

La société Parexgroup soutient que les produits commercialisés n’étant pas les mêmes et ne s’adressant pas à la même clientèle, le chiffre d’affaires ne peut servir de base à l’indemnisation. Elle ajoute que les produits ne sont pas substituables les uns aux autres, de sorte que le préjudice ne peut résulter que d’une atteinte portée aux marques du fait d’une prétendue banalisation. Elle avance que la réalité du préjudice invoqué par la société Epsilon n’est pas établie.

*****

S’agissant de la mesure d’interdiction, il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon qu’il a été déclaré par un cadre de la société Parexgroup à l’huissier que l’usage de la dénomination avait cessé en avril 2017. Il n’est pas justifié de la poursuite de cette utilisation après cette date.

En conséquence, il sera fait droit à la mesure d’interdiction dans les termes du dispositif.

S’agissant de la demande de publication, au vu de ce qui précède et de l’ancienneté des faits, il n’y sera pas fait droit.

S’agissant de la demande de réparation au titre du gain manqué, la société Epsilon ne justifie pas commercialiser des produits strictement identiques à ceux vendus par la société Parexgroup -ainsi, la société Epsilon ne soutient pas commercialiser de la colle comme la société Parexgroup- en utilisant le signe Carbolam ayant donné lieu à la réalisation d’un chiffre d’affaires de 224.041,17 €.

Aussi la société Epsilon n’a-t-elle pas été privée de gain du fait de la commercialisation de ces produits par la société Parexgroup, et elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

Néanmoins, la société Parexgroup a commercialisé des produits en utilisant le signe Carbolam, a profité de celui-ci pour écouler ses produits et réaliser un chiffre d’affaires de 224.041,17 €.

Pour autant, sa condamnation ne saurait porter sur l’intégralité de son chiffre d’affaires ainsi réalisé. En prenant en considération le taux de marge de la société Epsilon (34,4%) et en l’appliquant à ce montant, la société Parexgroup sera condamnée au paiement d’une somme arrondie à 78.000 €.

Enfin, les agissements de la société Parexgroup ayant porté atteinte aux droits privatifs de la société Epsilon sur ses marques, elle sera indemnisée au titre de son préjudice moral en condamnant la société Parexgroup à lui verser la somme de 10.000 €.

Sur les autres demandes

Le jugement sera réformé s’agissant des dépens et frais irrépétibles.

Succombant au principal, la société Parexgroup sera condamnée à supporter les dépens de première instance et d’appel, et à verser la somme de 7.000 € à la société Epsilon sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ce qu’il a déclaré recevable la demande de nullité des marques Carbolam, et en ce qu’il l’a rejetée,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Rejette la demande de déchéance des marques formée par la société Parexgroup,

Dit que la société Parexgroup a commis des actes de contrefaçon des marques françaises Carbolam n° 97702978 et n° 3517582, dont la société Epsilon est titulaire,

Ordonne à la société Parexgroup la cessation des actes de contrefaçon sous astreinte provisoire de 100 € par jour de retard, dans la limite de 100 jours, et par infraction à compter de la signification de l’arrêt,

Condamne la société Parexgroup à verser à la société Epsilon la somme de 78.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel résultant de la contrefaçon au titre des bénéfices réalisés par le contrefacteur,

Condamne la société Parexgroup à verser à la société Epsilon la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral résultant de la contrefaçon,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la société Parexgroup à payer à la société Epsilon la somme de 7.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens d’instance et d’appel qui seront recouvrés par Me Dontot, JRF & Associés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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Cour d'appel de Versailles , 12e ch.