CAA de DOUAI, 1ère chambre - formation à 3, 24 novembre 2016, 15DA00164,15DA00252, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Douai, 1re ch. - formation à 3, 24 nov. 2016, n° 15DA00164,15DA00252
Juridiction : Cour administrative d'appel de Douai
Numéro : 15DA00164,15DA00252
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif d'Amiens, 10 décembre 2014, N° 1200926
Identifiant Légifrance : CETATEXT000036667331

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Belis a demandé au tribunal administratif d’Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) mis à sa charge au titre des périodes du 1er janvier au 31 décembre 2007 et du 1er janvier au 31 décembre 2009 et de l’amende fiscale prévue par l’article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n°1200926 du 11 décembre 2014, le tribunal administratif d’Amiens a, d’une part, par un article 1er, déchargé cette société du paiement des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, ainsi que du paiement des rappels de taxe à la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes courant du 1er janvier au 31 décembre 2007 et du 1er janvier au 31 décembre 2009 et, d’autre part, par un article 2, rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour :

I. Par un recours, enregistré sous le n°15DA00164 le 2 février 2015, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :

1°) d’annuler ou, à tout le moins, de réformer l’article 1er du jugement rendu le 11 décembre 2014 par le tribunal administratif d’Amiens en faveur de la SARL Belis ;

2°) de remettre à la charge de cette société la totalité des impositions supplémentaires et pénalités dont elle a été déchargée en première instance.

Il soutient que :

 – s’agissant des factures Dolstar France, Packan et Metro, les rectifications opérées ne reposent pas sur les éléments obtenus en réponse à des droits de communication mais sur les documents fournis par la société Belis qui les a elles-mêmes obtenus de ses fournisseurs et c’est donc à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de la violation de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

 – le service a porté à la connaissance de la société les éléments obtenus dans le cadre des droits de communication exercés par le vérificateur et n’a donc contrevenu ni à l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales ni au principe général du respect des droits de la défense ;

 – quand bien même il y aurait eu violation de cet article, cette circonstance ne justifie la décharge des impositions et pénalités qu’en tant qu’elles sont fondées sur les factures Dostlar France et Packan que la société n’avait pas comptabilisées et dont il avait eu connaissance par les documents obtenus en réponse aux droits de communication exercés auprès de ces deux fournisseurs ;

 – compte tenu notamment du caractère tardif de la demande de communication du 14 novembre 2011, à supposer même qu’il y ait eu violation de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales, cette irrégularité ne constituait pas une erreur substantielle au sens et pour l’application de l’article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;

 – il se réfère, concernant l’effet dévolutif de l’appel, à ses précédentes écritures produites, tant en première instance que dans les décisions de rejet et durant la procédure de rectification.

La requête a été communiquée à la société Belis le 3 février 2015.

Une mise en demeure a été adressée le 1er septembre 2015 à la société Belis.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 15DA00252 et des mémoires, enregistrés les 13 février 2015, 28 août 2015 et 4 novembre 2016, ce dernier mémoire n’ayant pas été communiqué, la SARL Belis, représentée par Me F… C…, demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif d’Amiens, en tant qu’il lui est défavorable ;

2°) de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge au titre de l’année 2008 ;

3°) de la décharger des amendes fiscales mises à sa charge au titre de l’article 1759 du code général des impôts ;

4°) de réformer en ce sens le jugement de première instance ;

5°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elle soutient que :

 – elle est fondée à demander le sursis à exécution du jugement en tant qu’il lui est défavorable dès lors que l’exécution d’amendes fiscales d’un montant très important entraînerait des conséquences manifestement excessives et irréparables ;

 – l’absence de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de 2008 par le tribunal ne résulte que d’une simple erreur de plume ;

 – elle a désigné, comme bénéficiaires, les associés de la société avec une précision suffisante au regard des dispositions de l’article 117 du code général des impôts ;

 – en ne mentionnant pas, dans les avis de mise en recouvrement, la décision de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, elle a été privée de la garantie d’une information cohérente, utile et transparente, satisfaisant aux prescriptions de l’article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, viciant ainsi lesdits avis ;

 – ces avis ne font pas non plus référence à la réponse du contribuable en date du 17 janvier 2011 et à la lettre du 20 octobre 2011 ;

 – les avis de mise en recouvrement ne respectent les dispositions de l’article L. 80 D du livre des procédures fiscales du fait de leur insuffisante motivation ;

 – les avis de mise en recouvrement ont été établis avant l’expiration du délai de trente jours dont elle disposait.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 juin 2015 et 11 avril 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

 – les conclusions de la société concernant la taxe sur la valeur ajoutée de l’exercice 2008 sont irrecevables dès lors qu’elles sont dépourvues d’objet ;

 – les conclusions de la société aux fins de sursis à exécution sont irrecevables dans la mesure où un tel jugement n’entraîne, en tant que tel, aucune mesure d’exécution susceptible de faire l’objet du sursis prévu à l’article R.811-17 du code de justice administrative ;

 – le moyen tiré du caractère irrégulier des avis de mise en recouvrement est inopérant au soutien de conclusions aux fins de décharge des amendes fiscales ;

 – le moyen relatif au bien-fondé de ces amendes n’est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,

 – les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

 – et les observations de Me B… H… pour la SARL Belis dans l’affaire n° 15DA00252.

Une note en délibéré présentée par Me C… pour la société Belis a été enregistrée le 15 novembre 2016.

1. Considérant que la SARL Belis, qui exploite un fonds de bar et de restauration rapide sur place et à emporter, à Nesle, dans le département de la Somme, sous l’enseigne « Le Neslois », a fait l’objet d’une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 ; que, des constatations opérées, le service a conclu au rejet de la comptabilité présentée et a procédé à la reconstitution du chiffre d’affaires effectivement réalisé ; que les rectifications ont été notifiées à la SARL Belis par lettre du 17 décembre 2010 ; qu’en réponse à la demande formulée dans cette proposition de rectification, la SARL Belis a désigné comme étant les bénéficiaires des distributions : M. G… E… et M. A… D…, tous deux détenteurs de 50 % du capital de la SARL Belis ; que cette réponse a été regardée par l’administration fiscale comme incomplète et qu’en conséquence, les rehaussements relatifs aux minorations de recettes ont donné lieu à l’application de la pénalité de 100 % prévue par l’article 1759 du code général des impôts ; qu’à la demande de la société vérifiée, le litige a été soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires qui, dans sa séance du 6 octobre 2011, a reconnu fondées les constatations justifiant le rejet de la comptabilité et admis certains ajustements de la méthode de reconstitution ; que le service s’est rangé à l’avis rendu par la commission et les impositions supplémentaires et pénalités correspondantes ont été mises en recouvrement le 22 novembre 2011 ;

2. Considérant que, par une réclamation du 9 décembre 2011, la SARL Belis a sollicité la décharge des impositions mises à sa charge au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, notamment de l’année 2008, et de l’impôt sur les sociétés ainsi que les amendes fiscales prévues par l’article 1759 du code général des impôts au titre des distributions ; que cette demande ayant été rejetée par décisions du service en date du 6 mars 2012, la SARL Belis a soumis le litige à l’appréciation du tribunal administratif d’Amiens ; que par un jugement n° 1200926 du 11 décembre 2014, les premiers juges ont déchargé la société Belis du paiement des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, ainsi que du paiement des rappels de taxe à la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes courant du 1er janvier au 31 décembre 2007 et du 1er janvier au 31 décembre 2009 mais ont rejeté le surplus des conclusions, relatif à l’amende fiscale de l’article 1759 du code général des impôts ;

3. Considérant que, par un recours, enregistrée sous le n° 15DA00164, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour de remettre à la charge de la société Belis la totalité des impositions supplémentaires et pénalités dont elle a été déchargée en première instance ; que, par une seconde requête, enregistrée sous le n° 15DA00252, la société Belis demande pour sa part à la cour le sursis à exécution du jugement de première instance en tant qu’il lui est défavorable, la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée réclamée au titre de l’année 2008 ainsi que la décharge de l’amende fiscale due au titre de l’article 1759 du code général des impôts ;

Sur la jonction :

4. Considérant que le recours et la requête visés ci-dessus sont dirigés contre le même jugement ; qu’il y a lieu de les joindre pour qu’il y soit statué par un seul arrêt ;

Sur les conclusions de la requête n°15DA00164 :

5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales : « L’administration est tenue d’informer le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s’est fondée pour établir l’imposition faisant l’objet de la proposition prévue au premier alinéa de l’article L. 57 ou de la notification prévue à l’article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande » ;

6. Considérant qu’il incombe à l’administration, quelle que soit la procédure d’imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d’informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d’arrêter d’office les bases d’imposition, de l’origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers, qu’elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l’intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent ;

7. Considérant qu’il résulte de l’instruction que, par une lettre du 14 novembre 2011, la SARL Belis a demandé la communication de l’ensemble des documents obtenus par le service dans le cadre du droit de communication ; que le service a répondu à cette demande par une lettre du 21 novembre 2011, communiquant les documents demandés, lesquels ont été effectivement mis à disposition de la société le 23 novembre 2011, soit postérieurement à la date des avis de mise en recouvrement qui, édités le 15 novembre 2011, ont été signés le 22 novembre 2011 par le comptable public ; que, dès lors, la société est fondée à soutenir que les dispositions de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues ;

8. Considérant toutefois qu’il résulte de l’instruction, et n’est pas contesté par la société, que le service, durant le contrôle, a adressé des demandes de communication de documents concernant les achats réalisés par la société Belis et a obtenu des réponses de ses fournisseurs, notamment Packan, Metro et Dostlar France ; que le service ayant fait part de ces réponses à la société vérifiée dans le cadre du débat oral et contradictoire, cette dernière a alors elle-même contacté ses fournisseurs afin de présenter au service l’ensemble des factures non comptabilisées, ce qui a été fait les 29 novembre et 7 décembre 2010 ; que la proposition de rectification a ainsi été établie à partir des factures fournies par la société Belis elle-même ; que, dans ces conditions, la circonstance que le service n’a mis à sa disposition les réponses des fournisseurs, en réponse à une demande d’ailleurs formulée près d’un an après la proposition de rectification, un jour seulement après les mises en recouvrement, en méconnaissance de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales n’a, dans les circonstances de l’espèce, privé cette société d’aucune garantie et n’a pu avoir d’incidence sur la rectification ; qu’elle n’est donc pas de nature à justifier la décharge des impositions en litige ; que c’est par suite à tort que les premiers juges se sont fondés sur ce motif pour prononcer la décharge contestée par le ministre des finances et des comptes publics ;

9. Considérant qu’il appartient à la cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, de se prononcer sur les autres moyens développés par la société Belis devant la juridiction administrative ;

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

10. Considérant qu’aux termes de l’article L.57 du livre des procédures fiscales : « L’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (…) » ;

11. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter, outre la désignation de l’impôt concerné, de l’année d’imposition et de la base des redressements, ceux des motifs sur lesquels l’administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées et qui sont nécessaires pour permettre au contribuable de formuler ses observations de manière entièrement utile ; qu’en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs ;

12. Considérant que la proposition de rectification du 17 décembre 2010 désigne les impôts concernés par les rectifications, les années d’imposition, les bases des rectifications ainsi que les motifs des rectifications retenues par l’administration fiscale ; que ces éléments figurent de façon très détaillée et claire dans cette proposition permettant à la société de formuler ses observations de manière utile ; que, par suite, la proposition de rectification répond aux exigences de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales, cette proposition de rectification étant suffisamment motivée ;

13. Considérant qu’il ne résulte d’aucun texte que l’administration était tenue de respecter un délai minimum entre la notification au contribuable des bases qu’elle se proposait de retenir après avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaire et la mise en recouvrement de ces impositions ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le service ne pouvait émettre d’avis de mise en recouvrement qu’après avoir attendu un délai de trente jours après notification de l’avis de la commission et des conséquences financières en découlant doit être écarté ;

14. Considérant que la société Belis ne peut utilement se prévaloir de la violation des articles 1649 septies et 1649 septies F du code général des impôts, ces articles ayant été abrogés au 1er janvier 1982 ;

15. Considérant qu’il résulte de l’instruction, ainsi que cela est d’ailleurs rappelé dans la proposition de rectification du 17 décembre 2010, que la société a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 relative à l’activité de bar-restaurant et restauration rapide de la société Belis, un avis de vérification du 9 septembre 2010 lui ayant été adressée à cet effet ; qu’une première intervention a eu lieu le 1er octobre 2010 au siège de son exploitation en présence de la comptable de la société et que les opérations de contrôle se sont déroulées à cette même adresse ; qu’enfin, les conséquences financières des rectifications envisagées ont été exposées au gérant de la société le 17 décembre 2010 au cours de la réunion de synthèse, à laquelle la comptable était présente ; que, dès lors, la société n’apporte pas d’éléments sérieux de nature à établir qu’elle aurait été privée d’un débat oral et contradictoire avec le vérificateur et que les dispositions des articles L. 47 et L. 52 du livre des procédures fiscales auraient été méconnues ;

16. Considérant que le relevé des ventes sur la période du 17 octobre 2010 au 5 décembre 2010 a été demandé à la société à défaut d’autre élément donné par le gérant, afin d’appréhender deux données, d’une part, la proportion de vente à emporter sur les ventes à consommer sur place et, d’autre part, la ventilation entre les différents produits ; qu’à cette fin, un modèle de relevé des ventes a été communiqué au gérant de la société afin que les cases correspondant à chaque catégorie de produits soient cochées au jour le jour en fonction du nombre de plats vendus ; que sur les 17 feuillets servis, les 11 premiers, pour la période du 17 novembre 2010 au 28 novembre 2010 ont été remis en mains propres au vérificateur par le gérant le 31 novembre 2010 ; que les six derniers feuillets, pour la période du 30 novembre 2010 au 5 décembre 2010 ont été adressés au service, par télécopie, par la société le 7 décembre 2010 ; que l’ensemble des données figurant sur ces relevés journaliers a été repris et synthétisé dans le tableau figurant dans la proposition de rectification du 17 décembre 2010 ;

17. Considérant que la société ne saurait valablement soutenir que le service a procédé à un emport irrégulier de documents comptables concernant les six feuillets adressés au service par télécopie dès lors que, compte tenu de leur mode de transmission, le service n’a disposé que d’une copie, la société Belis ayant nécessairement conservé l’original ; que, concernant les onze feuillets restants, leur remise en mains propres par le gérant à l’administration fiscale, qui les a conservés, n’a privé la société d’aucune garantie dès lors que ces documents se bornent à matérialiser les ventes réalisées par la société sur une période donnée et se retrouvent nécessairement dans la comptabilité de l’entreprise qui dispose ainsi des éléments nécessaires pour, le cas échéant, contester leur réutilisation dans le tableau de synthèse comportant la proposition de rectification ; que, par suite, le moyen tiré du vice de procédure du fait d’un emport irrégulier de documents comptables ne peut, en tout état de cause, qu’être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

18. Considérant qu’aux termes de l’article L. 192 du livre des procédures fiscales : « Lorsque l’une des commissions visées à l’article L. 59 est saisie d’un litige ou d’une rectification, l’administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l’avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l’imposition a été établie conformément à l’avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l’administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d’office à l’issue d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 » ;

19. Considérant qu’il résulte de l’instruction que, sur la période vérifiée, les recettes de l’activité « vente à emporter » ne sont pas saisies dans la caisse enregistreuse, sont reportées globalement en fin de journée et qu’aucune indication n’est portée sur la teneur précise et la nature des ventes réalisées ; que, par ailleurs, tant les justificatifs de l’activité exercée sur place que les inventaires des stocks présentent de nombreuses anomalies ; qu’enfin, de nombreuses factures n’ont pas été comptabilisées ; que la comptabilité de la société présente ainsi de graves irrégularités ; que, par ailleurs, la rectification a été établie conformément à l’avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires ; que, par suite, la charge de la preuve incombe à la société ;

20. Considérant que le vérificateur a réalisé la reconstitution du chiffre d’affaires en effectuant le dépouillement intégral des achats de viande kebab et de liquide sur la période vérifiée ; que ces achats ont été corrigés de la variation des stocks selon les inventaires fournis par la société à l’exception des produits sur lesquels des anomalies ont été constatées ; que, pour ces produits, les calculs ont été effectués à stocks constants ; que les prix communiqués au service ont été appliqués aux achats pour obtenir le chiffre d’affaires reconstitué toutes taxes comprises ; que, par ailleurs, la reconstitution a tenu compte de la ventilation « vente sur place » et « vente à emporter » et, comme indiqué précédemment, le service a également utilisé le tableau de relevé de ventes établi par le gérant à la demande du vérificateur ; que, à la suite de l’avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, auquel l’administration fiscale s’est conformée, le nombre de jours d’ouverture de l’établissement, la consommation annuelle du personnel, le décompte des grandes bouteilles de soda de l’exercice 2007 et le taux de perte sur la viande ont été rectifiés ; que cette méthode ne présente pas un caractère trop sommaire et n’est pas viciée dans son principe ; que si, par ailleurs, la société Belis fait notamment valoir que les taux de perte retenus seraient insuffisants ainsi que les offerts, elle n’apporte pas d’éléments probants à l’appui de ses dires alors que, ainsi qu’il a été dit précédemment, la charge de la preuve lui incombe et qu’enfin, elle ne propose de méthode alternative qui serait plus précise ;

21. Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le ministre de l’économie et des finances est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d’Amiens a déchargé la société Belis du paiement des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, ainsi que du paiement des rappels de taxe à la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes courant du 1er janvier au 31 décembre 2007 et du 1er janvier au 31 décembre 2009 ;

Sur les conclusions de la requête n° 15DA00252 :

Sur les conclusions relatives aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée de l’exercice 2008 :

22. Considérant que le service fait valoir, sans être contesté, qu’il ne subsiste aucune imposition supplémentaire relative à la taxe sur la valeur ajoutée de l’exercice 2008 dès lors que le dégrèvement prononcé postérieurement au jugement contesté a porté sur la totalité des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, y compris ceux afférents à l’exercice 2008, ramenés à 1 euro à la suite de l’avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires ; que dès lors que, à la date où le contribuable a saisi la cour, la société avait déjà été déchargée de ce rappel de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de l’année 2008, ces conclusions sont irrecevables comme dépourvues d’objet ;

Sur les conclusions relatives à l’amende due au titre de l’article 1759 du code général des impôts :

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens ;

23. Considérant qu’aux termes de l’article 117 du code général des impôts : « Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu’il résulte des déclarations de la personne morale visées à l’article 116, celle-ci est invitée à fournir à l’administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l’excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l’application de la pénalité prévue à l’article 1759 » ; que, par ailleurs, aux termes de l’article 1759 du même code : « Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l’impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l’intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l’identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l’entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l’amende est ramené à 75 % » ;

24. Considérant que, ainsi qu’il a été dit au point 1, en réponse à la demande de désignation formulée par le service dans la proposition de rectification du 17 décembre 2010, la SARL Belis a désigné, le 17 janvier 2011, comme bénéficiaires des distributions les associés de la société, à savoir : « M. E… G… né le 5 juillet 1967 à Pazarcik (Turquie) de nationalité française et demeurant à …(propriétaire de 50 parts sociales) et M. D… A…, né le 20 mars 1972 à Pazarcik (Turquie), de nationalité turque et demeurant au …(propriétaire de 50 parts sociales) » ; que ces informations ont été précisées dans un courrier adressé au service du 12 février 2011, par lequel la société indiquait qu’elle comportait deux associés égalitaires et que le total des parts sociales était de 100 ; qu’ainsi, en réponse à la demande qui lui a été présentée, la société a fourni à l’administration fiscale l’identité des bénéficiaires des distributions, leur adresse ainsi que la répartition de ces distributions ; que ces indications présentaient un degré suffisant de précision et de vraisemblance ; que, si la société n’a pas donné d’indication concernant les montants et les dates des distributions, cette circonstance n’était pas pour autant de nature à faire regarder une telle réponse comme insuffisante ; qu’enfin, si le service a également reproché à la société que la lettre du 17 janvier 2011 n’était pas signée des bénéficiaires désignés mais émanait de l’avocat de la société qui n’était pas en charge de la représentation personnelle de chacun des associés, ni l’article 117 précité, ni aucun autre texte législatif ou réglementaire n’imposaient cette formalité ; qu’il résulte de ce qui précède que la société Belis est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d’Amiens a rejeté ses conclusions aux fins de décharge de l’amende fiscale mise à sa charge au titre des années 2007, 2008 et 2009 sur le fondement de l’article 1759 du code général des impôts ;

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :

25. Considérant que, dès lors qu’il est statué sur le fond du litige, les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué présentées par la société Belis sur le fondement de l’article R. 811-7 du code de justice administrative sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la SARL Belis, dans la requête n° 15DA00252 sur le fondement des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1 : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions relatives à la décharge des rappels de la taxe sur la valeur ajoutée pour l’année 2008 présentées par la SARL Belis.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés mises à la charge de la SARL Belis au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, ainsi que les rappels de taxe à la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes courant du 1er janvier au 31 décembre 2007 et du 1er janvier au 31 décembre 2009 sont remises à la charge de la SARL Belis.

Article 3 : La SARL Belis est déchargée de l’amende fiscale mise à sa charge au titre des années 2007, 2008 et 2009 sur le fondement de l’article 1759 du code général des impôts.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la SARL Belis est rejeté.

Article 5 : Le jugement n° 1200926 du tribunal administratif d’Amiens est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Belis et au ministre de l’économie et des finances.

Délibéré après l’audience publique du 10 novembre 2016 à laquelle siégeaient :

— M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

 – M. Christian Bernier, président-assesseur,

 – M. Xavier Fabre, premier conseiller.

Lu en audience publique le 24 novembre 2016.


Le rapporteur

Signé : X. FABRELe premier vice-président de la cour,

président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : C. SIRE

La République mande et ordonne au ministre de l’économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.


Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Christine Sire

2

Nos15DA00164,15DA00252

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CAA de DOUAI, 1ère chambre - formation à 3, 24 novembre 2016, 15DA00164,15DA00252, Inédit au recueil Lebon