CAA de DOUAI, 1ère chambre, 14 décembre 2021, 20DA00017, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Douai, 1re ch., 14 déc. 2021, n° 20DA00017
Juridiction : Cour administrative d'appel de Douai
Numéro : 20DA00017
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Rouen, 30 octobre 2019, N° 1701999
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000045082718

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement régional des associations de protection de l’environnement de Normandie (GRAPE) et la fédération des associations pour la protection de l’environnement du patrimoine, du littoral de la Côte Fleurie Sud et de son Pays d’Auge (FEPCP) ont demandé au tribunal administratif de Rouen d’annuler l’arrêté du 28 avril 2017 par lequel les préfets de la Seine-Maritime, du Calvados et de l’Eure ont autorisé le grand port maritime de Rouen (GPMR) à procéder aux dragages d’entretien de l’estuaire aval de la Seine et à l’immersion des matériaux correspondants.

Par un jugement n°1701999 du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2020, et un mémoire, enregistré le 28 octobre 2020, le groupement régional des associations de protection de l’environnement de Normandie (GRAPE) et la fédération des associations pour la protection de l’environnement du patrimoine, du littoral de la Côte Fleurie Sud et de son Pays d’Auge (FEPCP), représentés par Me Patrick Terroir succédant à Me Corinne Lepage, demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, d’annuler l’arrêté du 28 avril 2017 par lequel les préfets de la Seine-Maritime, du Calvados et de l’Eure ont autorisé le grand port maritime de Rouen GPMR à procéder aux dragages d’entretien de l’estuaire aval de la Seine et à l’immersion des matériaux correspondants ;

3°) à titre subsidiaire, d’annuler cet arrêté en tant qu’il autorise les dragages d’entretien de l’estuaire aval et l’immersion des sédiments du port de Rouen au profit du GPMR pour une période de dix ans ;

4°) d’enjoindre les préfets de la Seine-Maritime, du Calvados et de l’Eure de modifier cette autorisation afin, d’une part, d’autoriser les dragages d’entretien de l’estuaire aval et l’immersion des sédiments du port de Rouen au profit du GPMR pour une période de trois ans seulement, d’autre part, de contraindre le GPMR à organiser la valorisation des sédiments de dragage à terre, enfin, de prévoir des mesures dégressives consistant à diminuer l’immersion des sédiments de dragage chaque année avec, par exemple, un objectif de 50 % à dix ans ;

5°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la Constitution ;

 – la convention de Londres du 29 décembre 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion des déchets ;

 – la convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique Nord-Est du 22 septembre 1992 ;

 – la décision de la Commission du 3 mai 2000 remplaçant la décision 94/3/CE établissant une liste de déchets et modifiée en dernier lieu par la décision 2014/955/UE de la Commission du 18 décembre 2014 ;

 – la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 ;

 – la directive n° 2008/98/CE du 19 novembre 2008 ;

 – le règlement (UE) n° 1357/2014 de la Commission du 18 décembre 2014 remplaçant l’annexe III de la directive 2008/98/CE ;

 – le code de l’environnement ;

 – la loi n° 2016-816 du 20 juin 2016 ;

 – l’arrêté interministériel du 9 août 2006 relatif aux niveaux à prendre en compte lors d’une analyse de rejets dans les eaux de surface ou de sédiments marins, estuariens ou extraits de cours d’eau ou canaux relevant respectivement des rubriques 2.2.3.0, 4.1.3.0 et 3.2.1.0 de la nomenclature annexée à l’article R. 214-1 du code de l’environnement ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Naïla Boukheloua, première conseillère,

 – les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

 – et les observations de Me Julie Coulange, représentant le Grand Port Maritime de Rouen (GPMR).

Considérant ce qui suit :

Sur l’objet du litige :

1. Le groupement régional des associations de protection de l’environnement de Normandie (GRAPE) et la fédération des associations pour la protection de l’environnement du patrimoine, du littoral de la Côte Fleurie Sud et de son Pays d’Auge (FEPCP) relèvent appel du jugement du 31 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 28 avril 2017 par lequel les préfets de la Seine-Maritime, du Calvados et de l’Eure ont autorisé le grand port maritime de Rouen (GPMR) à procéder aux dragages d’entretien de l’estuaire aval de la Seine et à l’immersion des matériaux correspondants.

Sur la régularité du jugement :

2. Les requérants ont soutenu, en première instance, que les tests d’écotoxicité étaient insuffisamment représentatifs en ce qu’ils n’incluaient aucun échantillon issu des installations portuaires, que l’étude d’impact était insuffisante en ce qu’elle n’étayait pas suffisamment l’absence de solution alternative et qu’elle l’était également en ce qui concerne les effets environnementaux liés au cumul de substances toxiques contenues dans les sédiments dragués et la quantité de substances toxiques déjà présentes au niveau du site dit du Machu.

3. Pour écarter ces moyens, le jugement attaqué a relevé, au point 17, que puisque les volumes de dragage dans les zones Z1 et Z4 du chenal de navigation couvraient à eux deux 99,5 % des volumes dragués, l’absence de tests d’écotoxicité réalisés dans le périmètre des installations portuaires ne caractérisait pas une insuffisance de représentativité de ces tests. Il a détaillé, au point 33, l’examen des solutions alternatives à l’immersion des produits de dragage telles qu’elles étaient présentées en pages 51 et suivantes de l’étude d’impact, ainsi que les raisons de leur absence de mise en œuvre. Enfin, il a mis en perspective, au point 18, la qualité chimique des sédiments à immerger sur le site du Machu et les résultats de suivi des clapages expérimentaux réalisés sur ce site en 2012 et 2013, en rappelant que l’étude d’impact concluait que les teneurs en métaux lourds, en PCB (poly chloro bipényle) et en HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques), soit étaient « globalement similaires à celles observées lors de l’état initial », soit demeuraient très faibles « avant et après clapage », soit restaient « toujours en dessous des seuils N1 ».

4. Le tribunal a ainsi suffisamment motivé son jugement. Il suit de là que le moyen des requérants tenant à l’insuffisance de motivation du jugement attaqué, doit être écarté en toutes ses branches.

Sur la légalité de l’arrêté du 28 avril 2017 :

En ce qui concerne les moyens de légalité externe tirés des omissions et insuffisances de l’étude d’impact :

5. Aux termes du I de l’article R. 122-5 du code de l’environnement, dans sa version applicable à l’arrêté attaqué : « Le contenu de l’étude d’impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d’être affectée par le projet, à l’importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l’environnement ou la santé humaine. ».

6. Aux termes du II du même article R. 122-5 : " En application du 2° du II de l’article L. 122-3, l’étude d’impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d’incidences sur l’environnement qu’il est susceptible de produire : (…) / 2° Une description du projet, y compris en particulier : / – une description de la localisation du projet ; / – une description des caractéristiques physiques de l’ensemble du projet, y compris, le cas échéant, des travaux de démolition nécessaires, et des exigences en matière d’utilisation des terres lors des phases de construction et de fonctionnement ; / – une description des principales caractéristiques de la phase opérationnelle du projet, relatives au procédé de fabrication, à la demande et l’utilisation d’énergie, la nature et les quantités des matériaux et des ressources naturelles utilisés ; / – une estimation des types et des quantités de résidus et d’émissions attendus, tels que la pollution de l’eau, de l’air, du sol et du sous-sol, le bruit, la vibration, la lumière, la chaleur, la radiation, et des types et des quantités de déchets produits durant les phases de construction et de fonctionnement. / Pour les installations relevant du titre Ier du livre V du présent code et les installations nucléaires de base mentionnées à l’article L. 593-1, cette description pourra être complétée dans le dossier de demande d’autorisation en application des articles R. 181-13 et suivants et de l’article 8 du décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 modifié relatif aux installations nucléaires de base et au contrôle, en matière de sûreté nucléaire, du transport de substances radioactives ; / 3° Une description des aspects pertinents de l’état actuel de l’environnement, dénommée « scénario de référence », et de leur évolution en cas de mise en œuvre du projet ainsi qu’un aperçu de l’évolution probable de l’environnement en l’absence de mise en œuvre du projet, dans la mesure où les changements naturels par rapport au scénario de référence peuvent être évalués moyennant un effort raisonnable sur la base des informations environnementales et des connaissances scientifiques disponibles ; / 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l’article L. 122-1 susceptibles d’être affectés de manière notable par le projet : la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l’eau, l’air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage ; / 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement résultant, entre autres : / a) De la construction et de l’existence du projet, y compris, le cas échéant, des travaux de démolition ; / (…) / c) De l’émission de polluants, du bruit, de la vibration, de la lumière, la chaleur et la radiation, de la création de nuisances et de l’élimination et la valorisation des déchets ; / d) Des risques pour la santé humaine, pour le patrimoine culturel ou pour l’environnement ; (…) / f) Des incidences du projet sur le climat et de la vulnérabilité du projet au changement climatique ; : g) Des technologies et des substances utilisées. : La description des éventuelles incidences notables sur les facteurs mentionnés au III de l’article L. 122-1 porte sur les effets directs et, le cas échéant, sur les effets indirects secondaires, cumulatifs, transfrontaliers, à court, moyen et long termes, permanents et temporaires, positifs et négatifs du projet ; (…) / 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d’ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l’environnement et la santé humaine ; (…). "

7. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative.

S’agissant de l’absence de prise en compte de la fiche ZNIEFF « Baie de Seine Orientale » établie par le Museum national d’histoire naturelle :

8. Le GRAPE et la FEPCP reprennent, en appel, leur moyen de première instance tiré de ce que l’étude d’impact est entachée d’insuffisance en ce qu’elle n’a pas tenu compte de la fiche ZNIEFF « Baie de Seine Orientale » établie par le Museum national d’histoire naturelle (MNHN) et diffusée le 25 novembre 2016. Alors que l’incomplétude de l’étude d’impact au regard de la biodiversité n’est pas démontrée et compte tenu de l’avis émis par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement le 10 mars 2016, il y a lieu d’écarter le moyen ainsi invoqué par adoption de la motivation circonstanciée retenue au point 6 du jugement attaqué.

S’agissant de la dissimulation de la toxicité des produits de dragage avant immersion :

9. Les requérants soutiennent en appel, comme en première instance, que la toxicité des produits de dragages avant immersion a été occultée par l’étude d’impact dès lors, en premier lieu, que les échantillons n’étaient pas suffisamment représentatifs des zones de dragage compte tenu de la sous-représentation des échantillons provenant des installations portuaires, en deuxième lieu, qu’il n’avait pas été procédé à une analyse globale de l’estuaire, en troisième lieu, qu’aucun test d’écotoxicité n’avait été réalisé sur les échantillons provenant de ces installations et, en quatrième lieu, que la circonstance que l’ensemble des relevés étaient sous les seuils réglementaires ne signifiait pas qu’il n’y avait pas de risque de pollution.

10. A titre préalable, il résulte de l’instruction que l’autorisation attaquée est accordée pour un volume de matériaux estimé à 50 millions de m3 sur 10 ans, avec un maximum annuel de 5,9 millions de m3. Les zones de dragage sont essentiellement le chenal de navigation depuis la limite aval de l’Engainement jusqu’au front de salinité situé au niveau de Vieux Port (PK 325), chenal divisé en zones de dragages appelées Z1, Z2, Z3, Z4 et Z4 amont, et de manière résiduelle les installations portuaires, soit les appontements d’Honfleur dits « quais en Seine », de Grave-Honfleur et de Radicatel, le poste de sécurité de Tancarville et les six postes de Port-Jerôme. L’étude d’impact précise en pages 39 et 40 que la zone Z1, qui correspond à la traversée de l’embouchure de l’estuaire par le chenal, appelée « zone de l’Engainement », est l’une des zones les plus draguées avec la zone Z4, appelée « zone de la Brèche ». Compte tenu des volumes de sédiments prélevés chaque année entre 2010 et 2014 dans chacune des zones Z1 à Z4 amont et dans les installations portuaires, il n’est pas contesté que 99,5 % des produits de dragage prévus par l’arrêté attaqué seront issus des zones Z1 à Z4 amont et que seulement le pourcentage de 0,5 % restant sera originaire des installations portuaires.

11. En premier lieu, c’est à bon droit que les premiers juges ont relevé que l’étude d’impact comportait des informations sur la qualité chimique des sédiments de dragage dans les différentes zones de dragage mentionnées au point précédent, qui permettaient de vérifier que les sédiments à draguer présentent des caractéristiques physico-chimiques compatibles avec l’immersion en mer en application du tableau annexé à l’article R. 214-1 du code de l’environnement, c’est-à-dire dont la teneur « est comprise entre les niveaux de référence N1 et N2 » fixés par l’arrêté du 9 août 2006.

12. L’étude d’impact a examiné ainsi, en pages 125 et suivantes, les résultats de l’analyse de la qualité chimique des sédiments de dragage réalisée deux fois par an sur la période 2010-2014 sur la base de trois échantillons prélevés dans la zone de l’Engainement (Z1) et de trois autres échantillons prélevés dans la zone de la Brèche (Z4), lieux fixés par le protocole de suivi de l’arrêté préfectoral du 25 octobre 2010 accordant au GPMR une précédente autorisation de dragages d’entretien et d’immersion des sédiments. L’étude d’impact comportait aussi, en page 126, un développement sur la qualité des sédiments de dragage des installations portuaires, évaluée sur la base d’analyses réalisées en 2012 et en 2015 dans ces installations. L’ensemble de ces analyses a été réalisé par le laboratoire « Micropolluants Technologie » de Saint-Julien-les-Metz, titulaire sur la période considérée d’une accréditation délivrée par le comité français d’accréditation.

13. Les matériaux à draguer dans les installations portuaires, où la contamination chimique est la plus importante, ont fait l’objet de prélèvements et d’analyses tous les trois ans en raison de l’absence de dragages réguliers des zones portuaires du fait du faible volume, voire parfois de l’absence, de sédiments à draguer dans ces installations situées en zone aval de l’estuaire de la Seine. Ces analyses ont fait apparaître, ainsi que l’a relevé de manière précise la même étude, cinq dépassements du seuil N1 pour les HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) et, alors qu’un dépassement aurait interdit l’autorisation d’immersion de ces sédiments, aucun dépassement du seuil N2. Eu égard, d’une part, au très faible volume estimé des sédiments à draguer dans les installations portuaires de la zone aval et, d’autre part, à l’ampleur limitée des dépassements du seuil N1 concernant ces mêmes installations, l’étude d’impact était suffisante pour les installations portuaires de la zone aval.

14. En ce qui concerne les échantillons testés deux fois par an entre 2010 et 2014 dans les zones de l’Engainement (Z1) et de la Brèche (Z4), l’étude d’impact a relevé également de manière précise des dépassements ponctuels du seuil N1 pour les HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) et l’absence totale de dépassements du seuil N2, ainsi, au demeurant, que l’absence de dépassement du seuil N1 pour la zone de la Brèche en 2014.

15. Il résulte de ce qui précède que l’étude d’impact a procédé à une présentation exacte, pertinente et suffisamment représentative, compte tenu des volumes de matériaux à draguer, de l’analyse de la qualité chimique des sédiments de dragage, tant en ce qui concerne les sédiments à draguer dans le chenal de navigation qu’en ce qui concerne ceux à draguer dans les installations portuaires de la zone aval.

16. Il résulte de ce qui précède que le moyen doit être écarté dans sa première branche, tenant à ce que les échantillons n’étaient pas suffisamment représentatifs des zones de dragages.

17. En deuxième lieu, ainsi que les premiers juges l’ont retenu au point 16 de leur jugement, l’étude d’impact comportait, en pages 118 et suivantes, des informations détaillées sur la qualité générale des sédiments dans la baie de Seine et la nature et les causes de contaminants dans la Seine, en particulier en ce qui concerne les PCB (poly chloro bipényle), et faisait état des résultats de la campagne de l’IFREMER « Réseau d’observation de la contamination chimique dans le sédiment » (ROCCHSED) menée en 2013 sur 53 stations entre Port-en-Bessin et Dieppe. En outre, la qualité des sédiments des banquettes de Rives de Seine, telle qu’analysée annuellement sur quatre stations dans l’estuaire aval de la Seine, faisait l’objet de développements en pages 123 et suivantes de l’étude d’impact.

18. Si les requérants soutiennent en appel que la partie de l’étude consacrée à la qualité des sédiments des banquettes de Rives de Seine n’était pas suffisamment représentative, il résulte de ce qui précède que ni l’étude d’impact ni les premiers juges ne se sont bornés à se référer aux banquettes de Rives de Seine. Et si les requérants s’appuient sur le fascicule 3.1 d’un rapport du groupement d’intérêt général Seine-Aval pour critiquer le contenu de l’étude d’impact, il s’avère que son contenu qui fait état de pollutions dans l’estuaire de la Seine « proches des bruits de fond naturels », voire « élevés au regard de ces bruits de fond », sans pour autant signaler de dépassements réglementaires, n’est pas contradictoire avec les éléments produits dans l’étude d’impact. Enfin, ainsi qu’il a été dit aux points 11 à 15, l’étude d’impact a procédé à une présentation exacte, pertinente et suffisamment représentative des volumes de matériaux à draguer, de la qualité chimique des sédiments de dragage, sans qu’il ait été nécessaire, si les requérants entendent y voir une carence, d’effectuer et d’analyser des prélèvements dans le reste de l’estuaire de la Seine en dehors des zones de dragage.

19. Il résulte de ce qui précède que le moyen doit être écarté dans sa deuxième branche, tenant à l’absence d’analyse globale de l’estuaire.

20. En troisième lieu, ainsi qu’il a été dit au point 13, l’analyse de la qualité chimique des matériaux prélevés dans les installations portuaires n’a fait apparaître, alors qu’un dépassement aurait interdit l’autorisation d’immersion de ces sédiments, aucun dépassement du seuil N2 fixé par l’arrêté du 9 août 2006. En outre, les volumes à draguer dans les installations portuaires de la zone aval, tels qu’ils peuvent être estimés au regard du bilan rappelé ci-dessus au point 10, seront insignifiants au regard du volume total de matériaux dragués.

21. A cet égard, l’affirmation des requérants, réitérée en appel, selon laquelle il est très probable voire incontestable que ces sédiments présenteraient une importante écotoxicité, n’est étayée par aucun commencement de preuve permettant de considérer que l’importance alléguée serait de nature d’élever significativement, même épisodiquement, le niveau d’écotoxicité global des matériaux à immerger.

22. Il résulte de ces circonstances conjuguées qu’à supposer même que l’absence de test d’écotoxicité des échantillons issus des installations portuaires constitue une insuffisance de l’étude d’impact, celle-ci ne saurait être regardée comme ayant pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou comme étant de nature à avoir exercé une influence sur la décision de l’autorité administrative.

23. Il résulte de ce qui précède que le moyen doit être écarté dans sa troisième branche, tenant à l’absence d’étude d’éco-toxicité sur les sédiments proches des installations portuaires.

24. En dernier lieu, il ne résulte pas de l’instruction qu’en énonçant que l’ensemble des résultats des relevés sont sous le seuil réglementaire N2, ce qui permet seulement de conclure à la compatibilité de la qualité chimique des sédiments avec leur immersion, l’étude d’impact aurait eu pour objet ou pour effet de démontrer que tout risque de pollution est écarté. La dernière branche du moyen des requérants doit donc être écartée.

S’agissant de la sous-estimation de l’impact écologique des rejets de dragage, notamment, sur la ZNIEFF Natura 2000 « Baie de Seine orientale » :

25. Les requérants réitèrent en appel leur moyen tenant à la sous-estimation de l’impact écologique des rejets de dragages, au droit des sites d’immersion, sur l’environnement et sur la santé, notamment sur la ZNIEFF Natura 2000 « Baie de Seine orientale », en ce que le devenir des volumes d’immersion n’a pas été clairement déterminé dans l’étude d’impact et en ce que la dispersion des sédiments entraînera un risque de pollution vers des zones nouvelles et dans des conditions non étudiées, notamment en raison du dérèglement climatique qui aura une incidence sur les vents et les courants, dont on ne peut raisonnablement penser qu’ils resteront stables au cours des dix années d’exécution de l’arrêté attaqué.

26. Pour écarter, à bon droit, ce moyen au point 23 du jugement attaqué, les premiers juges ont tout d’abord pris acte de ce que seuls 60 % environ des sédiments de dragages immergés sur le site du Machu resteront en place sur le site d’immersion, du fait de la dynamique hydro-sédimentaire. Ils ont ajouté que l’étude d’impact comportait une partie consacrée aux impacts sur la dynamique hydro-sédimentaire qui évaluait l’impact des clapages sur cette dynamique, en raison de la modification des courants marins et de l’apport en matériaux supplémentaires venant intégrer la dynamique hydro-sédimentaire existante. L’étude d’impact présentait aussi les modélisations menées afin d’étudier le devenir des particules remises en suspension, soit environ 40 % des dépôts, et indiquait que les sédiments mis en suspension lors des clapages ou lors de leur reprise par les courants marins rejoignaient progressivement le bouchon vaseux et le panache estuarien qui lui est associé au gré des marées. L’étude d’impact comportait également une évaluation de l’impact du projet sur la qualité des eaux marines et de baignade et abordait, en page 278, l’impact lié à l’augmentation de la turbidité liée à l’exploitation du site du Machu, qui sera selon l’étude essentiellement perceptible à proximité immédiate du site.

27. En ce qui concerne plus précisément l’évaluation des incidences du projet sur la zone spéciale de conservation (ZSC) « Baie de Seine orientale », site Natura 2000, les premiers juges ont relevé, au point 28 du jugement entrepris, que les pages 396 à 450 de l’étude d’impact étaient consacrées à une étude des incidences du projet sur cette zone, concernée par le dragage (Zone Z1) et située à proximité du site du Machu, qui intégrait l’impact du courant des marées à l’origine du phénomène de dispersion d’une partie des sédiments depuis le site du Machu puisque l’étude d’incidences Natura 2000 procédait notamment à l’étude de ces impacts. Les pages 425 et suivantes de l’étude d’impact étaient ainsi consacrées aux impacts du projet sur la bathymétrie des zones d’immersion (5.1.2) et de la baie de Seine (5.1.3) et faisaient état, en ce qui concerne le site du Machu, des études de suivi hydrosédimentaire mises en place dans le cadre des clapages expérimentaux autorisés en 2012 et 2013.

28. En outre, les simulations réalisées selon le modèle « Mars » de Seamer utilisé par l’IFREMER au droit des rivières côtières la Selle et la Touques à Deauville et Courseulles-sur-Mer, dont les requérants se prévalent, et qui illustrent un courant marin en direction de l’ouest, sont côtières et relativement éloignées du site d’immersion du Machu de sorte qu’elles ne sauraient être de nature à remettre en cause les conclusions de l’étude d’impact mentionnées au point précédent qui résultent, quant à elles, d’études réalisées au droit du site d’immersion et à proximité de la zone Natura 2000.

29. Si l’avis de l’autorité environnementale du 22 juin 2016 a retenu « la faiblesse globale des démarches prospectives intégrant diverses évolutions de long terme, y compris l’impact du changement climatique » et a ajouté que « S’il est difficile de projeter de manière précise les effets du changement climatique sur le territoire du projet, les données existantes sur l’estuaire de la Seine permettent cependant de considérer que l’élévation du niveau de la mer et l’évolution des précipitations sur le bassin versant sont susceptibles d’engendrer des modifications de son fonctionnement hydrosédimentaire. Le paragraphe dédié à ce sujet mériterait d’être complété sur cet aspect », cet avis, qui a été joint au dossier d’enquête publique, n’était pas assorti sur ce point d’une recommandation formelle à destination du maître d’ouvrage. Quant aux propos attribués au mode conditionnel par la presse, le 3 juillet 2017, au président de l’autorité environnementale et relayés par les requérants, ils sont dénués de tout caractère probant.

30. Dans ces conditions, et alors qu’il résulte de l’instruction que la qualité chimique des sédiments est compatible avec leur immersion, l’insuffisance évoquée au point précédent n’a pas pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou être de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative.

31. Dans ces conditions, le moyen invoqué relatif à la sous-estimation, dans l’étude d’impact, de l’impact écologique des rejets de dragage doit être écarté en toutes ses branches.

S’agissant de l’absence d’étude des effets transfrontaliers du projet :

32. Alors que les requérants se bornent à invoquer sans étayer sérieusement leur propos, pour faire valoir l’existence d’incidences transfrontalières du projet du fait de la dispersion des sédiments, le dérèglement climatique ou des propos attribués par la presse au président de l’autorité environnementale, les résultats des évaluations des phénomènes de dispersion des sédiments depuis le site d’immersion du Machu, rappelés au points 26 et 27, ont fait état de leur retour, principalement vers l’estuaire de la Seine.

33. Au demeurant, il résulte de l’instruction que la compatibilité de la qualité chimique des sédiments avec leur immersion écarte toute risque de pollution des eaux de nature à affecter, en cas de circulation résiduelle de sédiments vers la Manche, les intérêts du Royaume-Uni et de la Belgique au point de devoir constituer un effet notable sur l’environnement transfrontalier devant être étudié par l’étude d’impact.

34. Dans ces conditions, le moyen tenant à l’absence d’étude des effets transfrontaliers du projet, alors qu’en tout état de cause une telle absence n’aurait pu avoir pour effet en l’espèce de nuire à l’information complète de la population ou d’exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative, doit être écarté.

S’agissant de l’absence d’étude sérieuse de solution alternative aux rejets :

35. Si le GRAPE et la FEPCP reprennent, en appel, leur moyen de première instance tiré de ce que l’étude d’impact n’explicitait pas suffisamment l’absence de solution alternative aux rejets par immersion, il y a lieu d’écarter ce moyen, compte tenu du volume de sédiments concerné, par adoption des motifs retenus par le jugement entrepris en son point 33, la circonstance ultérieure que le port de Rouen a engagé en 2019 un projet « SEDINNOVE » pour trouver des filières locales et pérennes de valorisation des sédiments de l’estuaire aval étant sans incidence sur l’appréciation du caractère suffisant de l’étude d’impact sur ce point.

36. Il résulte de ce qui précède qu’aucun des moyens invoqués tirés des insuffisances de l’étude d’impact ne peut être retenu.

En ce qui concerne les moyens de légalité interne :

S’agissant des moyens tirés de la méconnaissance de la réglementation sur les déchets et sur l’immersion de produits de dragage pollués :

37. Le GRAPE et la FEPCP soutiennent que le jugement attaqué est entaché d’erreur de fait en ce qu’il a écarté leur moyen tiré de ce que l’arrêté méconnaît la réglementation relative aux déchets en excluant la dangerosité des sédiments de dragage et méconnaît les règles d’immersion de produits de dragage pollués puisque, notamment, aucun test d’écotoxicité n’a été effectué sur les prélèvements réalisés au niveau des installations portuaires alors que l’écotoxicité est, selon l’annexe III de la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 , une propriété qui rend les déchets dangereux.

38. En premier lieu, l’article L. 218-43 du code de l’environnement dispose que l’immersion de déchets ou d’autres matières, telle qu’elle est définie à l’article 1er du protocole du 7 novembre 1996 à la convention de Londres de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets, est interdite.

39. Toutefois, l’article L. 218-44 du même code dispose : " I. Par dérogation à l’article L. 218-43, peut être autorisée : / 1° L’immersion des déblais de dragage ; / (…) / II. L’immersion des déblais de dragage est soumise aux dispositions des articles L. 214-1 à L. 214-4 et L. 214-10. (…) ". Selon l’article L. 214-3 de ce code, l’immersion des déchets est soumise à autorisation lorsque les installations, ouvrages, travaux et activités sont susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d’accroître notablement le risque d’inondation ou de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles.

40. En l’espèce, l’autorisation attaquée a été accordée sur le fondement de cet article L. 214-3 du code de l’environnement et les requérants n’ont pas précisé la disposition de ce régime d’autorisation qui aurait été méconnue.

41. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 541-4-1 du code de l’environnement : " Ne sont pas soumis aux dispositions du présent chapitre : / (…) / – les sédiments déplacés au sein des eaux de surface aux fins de gestion des eaux et des voies d’eau, de prévention des inondations, d’atténuation de leurs effets ou de ceux des sécheresses ou de mise en valeur des terres, s’il est prouvé que ces sédiments ne sont pas dangereux ; / (…) ".

42. Il résulte de cette disposition, comme l’ont estimé les premiers juges, que l’immersion des déblais ou sédiments de dragage peut être autorisée par l’autorité compétente sans être soumise à la législation et à la règlementation relative aux déchets, à la double condition que les sédiments de dragage à immerger soient déplacés au sein des eaux de surface aux fins notamment de gestion des voies d’eau et que leur absence de dangerosité ait été prouvée.

43. Aux termes de l’article R. 541-8 du code de l’environnement : « Au sens du présent titre, on entend par : / Déchet dangereux : tout déchet qui présente une ou plusieurs des propriétés de dangers énumérées à l’annexe III de la directive 2008/98/ CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives. Ils sont signalés par un astérisque dans la liste des déchets mentionnée à l’article R. 541-7. / Déchet non dangereux : tout déchet qui ne présente aucune des propriétés qui rendent un déchet dangereux ». Cette annexe III a été remplacée par le règlement n° 1357/2014 de la Commission européenne du 18 décembre 2014. En vertu de ce règlement, l’une des propriétés susceptibles de rendre un déchet dangereux est son écotoxicité (H14).

44. Les premiers juges ont précisé à bon droit, au point 53 du jugement attaqué, en se fondant sur les dispositions combinées de l’article R. 541-8 du code de l’environnement et de l’annexe III de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 remplacée par le règlement (UE) n° 1357/2014 de la Commission du 18 décembre 2014, qu’est qualifiable de « déchet non dangereux » tout déchet qui ne présente aucune des propriétés qui rendent un déchet dangereux et de « déchet dangereux » tout déchet qui présente une ou plusieurs des propriétés de dangers énumérées à l’annexe III de cette directive et qui est signalé par un astérisque dans la liste des déchets mentionnée à l’article R. 541-7 du code de l’environnement.

45. Si, comme le soutiennent les requérants, l’écotoxicité est une propriété qui rend les déchets dangereux en application de l’annexe III de la directive 2008/98/CE remplacée par le règlement (UE) n° 1357/2014, cette caractéristique n’est pas signalée en tant que telle par un astérisque dans la liste mentionnée à l’article R. 541-7 du code de l’environnement, lequel renvoie à la liste annexée à la décision de la Commission du 3 mai 2000 remplaçant la décision 94/3/CE établissant une liste de déchets en application de l’article 1er, point a), de la directive 75/442/CEE du Conseil relative aux déchets et la décision 94/904/CE du Conseil établissant une liste de déchets dangereux en application de l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 91/689/CEE du Conseil relative aux déchets dangereux. En effet, cette liste, modifiée en dernier lieu par la décision 2014/955/UE de la Commission du 18 décembre 2014, mentionne, au titre des déchets dangereux, « les boues de dragage contenant les substances dangereuses » (rubrique 17 05 05*) alors que les « boues de dragage autres que celles visées à la rubrique 17 05 05 » ne sont pas dangereuses (rubrique 17 05 06). Or il ne résulte pas de l’instruction que l’écotoxicité constituerait, en soi et quel que soit son niveau, une substance dangereuse au sens de la rubrique 17 05 05*.

46. En tout état de cause, d’une part, comme le point 55 du jugement l’a relevé, il résulte de l’instruction que, pour établir que les sédiments de dragage ayant vocation à être immergés sur le site du Machu ne sont pas dangereux, le GPMR a fait réaliser une analyse de la qualité chimique des sédiments de dragage, qui a permis de déterminer qu’ils présentaient des caractéristiques physico-chimiques compatibles avec l’immersion en mer au regard de l’arrêté du 9 août 2006 susvisé dont l’article 1er se réfère au 4.1.3.0 du tableau annexé à l’article R. 214-1 du code de l’environnement qui mentionne une « teneur des sédiments extraits (…) comprise entre les niveaux de référence N1 et N2 pour l’un des éléments qui y figurent » et une « teneur des sédiments extraits (…) supérieure ou égale au niveau de référence N2 pour l’un au moins des éléments qui y figurent ».

47. Ces analyses de la qualité chimique des sédiments de dragage ont été menées, comme il a été dit ci-dessus aux points 11 à 15, sur des prélèvements suffisamment représentatifs par un laboratoire accrédité. Et, comme l’a indiqué l’étude d’impact aux pages 125 et 126, les concentrations mesurées dans la zone de l’Engainement (Z1) de manière bisannuelle entre 2010 et 2014 ont montré une absence de dépassement des seuils N2 et un seul dépassement du seuil N1 pour le Fluorène. Dans le secteur de la Brèche (Z4), il a été constaté sur cette période des dépassements du seuil N1, durant l’année 2010, pour 3 HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) et aucun dépassement du seuil N2. Dans les installations portuaires, des dépassements ponctuels du seuil N1 ont été constatés pour les HAP et aucun dépassement du seuil N2 n’a été constaté.

48. En outre, il résulte du « rapport de suivi du comité du 17 novembre 2017 » produit par le préfet de la Seine-Maritime en première instance, établi en application de l’arrêté attaqué pour informer le comité de suivi mis en place par cet arrêté et présentant les résultats du suivi des opérations d’immersion et de dragage durant les années 2016 et 2017, que quatre campagnes de prélèvements des sédiments dragués sur les zones de la Brèche et de l’Engainement ont été réalisées entre le 16 mars 2016 et le 20 juin 2017. L’analyse de ces prélèvements a montré qu’en 2017 la teneur en métaux lourds était inférieure au niveau réglementaire N1, que les teneurs en PCB (poly chloro bipényle) entre 2016 et 2017 étaient significativement inférieures au niveau N1, que les teneurs en TBT (tributylétain) étaient toutes inférieures au niveau N1 et en grande partie inférieures au seuil de quantification du laboratoire et, enfin, que les teneurs en HAP dans les sédiments dragués étaient en dessous du seuil N1 à l’exception de l’un des prélèvements de la zone de l’Engainement en février 2017 sur le congénère anthracène où un léger dépassement du niveau N1 était observé. Les analyses des sédiments dragués dans les zones portuaires, dont les résultats ont été présentés en page 27 de ce rapport à la suite de prélèvements réalisés le 20 juillet 2017 sur cinq points de prélèvements dans les installations portuaires de l’estuaire aval listées par l’arrêté attaqué, n’ont également montré aucun dépassement du niveau N1, quel que soit le contaminant chimique testé.

49. Il résulte de tout ce qui précède que, ainsi qu’il a été dit précédemment, les sédiments de dragage inclus dans le champ de l’autorisation attaquée présentent une qualité chimique compatible avec leur immersion en application de l’article R. 214-1 du code de l’environnement.

50. D’autre part, les premiers juges ont retenu sans commettre d’erreur de fait, au point 56 du jugement, que les trois tests d’écotoxicité réalisés par le GPMR dans les zones Z1 et Z4, qui représentent l’essentiel des volumes à draguer, avaient permis de conclure, à la page 132 de l’étude d’impact, que " La toxicité des sédiments des 2 échantillons [dans le secteur de l’Engainement et de la Brèche] est qualifiée de globalement faible à négligeable au vu du référentiel Geodrisk, pour l’ensemble des bio-essais entre 2011 et 2015 sauf pour un échantillon de la Brèche en 2011 (…) et un échantillon de l’Engainement en 2012 « . Il résulte du tableau présenté à la page 132 de la même étude que les résultats des tests d’écotoxicité ont conclu, pour une échelle théorique des notes s’étendant de 0 (négligeable) à 3 (toxicité forte), à une note comprise entre » 0 (négligeable) « et » 1 (faible) " s’agissant des prélèvements réalisés en 2014 et 2015 pour les trois tests utilisés (bioluminescence, larves d’huîtres et amphipodes).

51. De nouveaux tests d’écotoxicité réalisés le 20 juin 2017 dans les zones de l’Engainement et de la Brèche, dont les résultats ont été présentés en pages 25 et suivantes du rapport du comité de suivi du 17 novembre 2017, ont également démontré un risque d’écotoxicité qualifié de « négligeable ».

52. Si l’étude d’impact a précisé que les résultats des trois tests d’écotoxicité, recommandés par une étude de l’IFREMER sur la « bioévaluation de la qualité environnementale des sédiments portuaires et des zones d’immersion » de 2003, « présentent de fortes variabilités, dont l’interprétation reste délicate au stade des connaissances scientifiques actuelles », les indications données par ces tests, s’agissant en particulier des bio-essais sur les larves d’huîtres dont les requérants reconnaissent la pertinence pour évaluer l’écotoxicité des sédiments de dragage, constituent néanmoins un élément d’information permettant de déterminer, parmi l’ensemble des éléments du dossier, le caractère dangereux ou non des sédiments dont l’immersion a été autorisée par l’arrêté attaqué.

53. La circonstance que, sur les vingt-quatre tests réalisés entre 2011 et 2015, deux résultats ont indiqué une note de toxicité de 2 (moyenne) et de 3 (forte), pour des tests réalisés en 2011 et 2012, tandis que les vingt-deux autres résultats ont indiqué des notes de « faible à négligeable », ne suffit pas à démontrer le caractère écotoxique des sédiments de dragage visés par l’arrêté attaqué, alors, en outre, que les nouveaux tests réalisés en 2017 ont conclu à l’existence d’une note de toxicité de 0, soit « négligeable ».

54. Puisqu’il résulte de ce qui précède que ne sont qualifiés de déchets dangereux, au sens de l’article R. 541-7 du code de l’environnement, que les boues « contenant des substances dangereuses » (rubrique 17 05 05*), dès lors qu’il ne résulte pas de l’instruction que l’écotoxicité constituerait, en soi et quel que soit son niveau, une substance dangereuse au sens de cette rubrique 17 05 05*, sachant, comme il a été dit au point 10, que le volume appelé à être dragué au niveau des installations portuaires, lequel plafonne à 0,5 % des volumes totaux, reste insignifiant et alors que l’affirmation des requérants, réitérée en appel, selon laquelle il est très probable ou incontestable que les sédiments situés aux abords des installations portuaires présenteraient une importante écotoxicité, n’a été étayée par aucun commencement de preuve, l’absence de test de l’écotoxicité de ces sédiments n’est, en tout état de cause, pas de nature à mettre en doute le caractère non dangereux, au sens des dispositions précitées, des boues de dragage du projet litigieux.

55. Enfin, il résulte de l’instruction que les sédiments du port de Rouen ont fait l’objet d’immersions sur le site du Kannik depuis les années 1970 et le GPMR a, sur autorisation préfectorale, procédé à compter de l’année 2012 à des clapages expérimentaux sur le site du Machu. Or le suivi des clapages réalisés sur le site du Kannik et de ceux réalisés à titre expérimental sur le site du Machu n’a pas permis d’établir que l’immersion des sédiments dragués de l’estuaire aval de la Seine présentait des risques immédiats ou différés pour une ou plusieurs composantes de l’environnement.

56. Dans ces conditions, alors qu’il est constant que les sédiments en cause sont déplacés par le GPMR au sein des eaux de surface grâce à des navires appelés « dragues aspiratrices en marche » et dans un but de gestion des voies d’eaux, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que ces sédiments doivent être qualifiés de « déchets » au sens des dispositions précitées.

57. Il résulte de tout ce qui précède que, compte tenu des pièces versées au dossier, les moyens des requérants tirés de la méconnaissance de la réglementation sur les déchets et sur l’immersion de produits de dragage pollués doivent être écartés.

S’agissant de la méconnaissance du principe de précaution :

58. Aux termes de l’article 5 de la Charte de l’environnement : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».

59. Aux termes du 1° du II de l’article L. 110-1du code de l’environnement, la protection et la gestion des espaces, ressources et milieux naturels s’inspirent notamment du « principe de précaution, selon lequel l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable ».

60. Aux termes de l’article 2, paragraphe 2 de la convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique Nord-Est, dite convention OSPAR : " Les Parties contractantes appliquent : / a. le principe de précaution, selon lequel des mesures de prévention doivent être prises lorsqu’il y a des motifs raisonnables de s’inquiéter du fait que des substances ou de l’énergie introduites, directement ou indirectement, dans le milieu marin, puissent entraîner des risques pour la santé de l’homme, nuire aux ressources biologiques et aux écosystèmes marins, porter atteinte aux valeurs d’agrément ou entraver d’autres utilisations légitimes de la mer, même s’il n’y a pas de preuves concluantes d’un rapport de causalité entre les apports et les effets ; (…) ".

61. Il résulte de ces dispositions qu’une opération qui méconnaît les exigences du principe de précaution ne peut légalement être autorisée. Il appartient dès lors à l’autorité compétente de l’Etat, saisie d’une demande tendant à ce qu’un projet de dragage et d’immersion de sédiments soit autorisé, de rechercher s’il existe des éléments circonstanciés de nature à accréditer l’hypothèse d’un risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement ou d’atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé, qui justifierait, en dépit des incertitudes subsistant quant à sa réalité et à sa portée en l’état des connaissances scientifiques, l’application du principe de précaution. Si cette condition est remplie, il lui incombe de veiller à ce que des procédures d’évaluation du risque identifié soient mises en œuvre par les autorités publiques ou sous leur contrôle et de vérifier que, eu égard, d’une part, à la plausibilité et à la gravité du risque, d’autre part, à l’intérêt de l’opération, les mesures de précaution dont l’opération est assortie afin d’éviter la réalisation du dommage ne sont ni insuffisantes, ni excessives. Il appartient au juge, saisi de conclusions dirigées contre l’autorisation d’ouverture et au vu de l’argumentation dont il est saisi, de vérifier que l’application du principe de précaution est justifiée, puis de s’assurer de la réalité des procédures d’évaluation du risque mises en œuvre et de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation dans le choix des mesures de précaution.

62. Compte tenu de tout ce qui précède, il ne résulte de l’instruction aucun élément circonstancié et documenté de nature à accréditer l’hypothèse d’un risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement ou d’atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé, qui justifierait, en dépit des incertitudes subsistant quant à sa réalité et à sa portée en l’état des connaissances scientifiques, l’application du principe de précaution.

63. Dans ces conditions, le moyen des requérants tiré de la méconnaissance du principe de précaution doit être écarté.

64. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du 28 avril 2017.

Sur les conclusions subsidiaires tendant à la réformation de l’arrêté attaqué :

65. Les requérants, qui reprennent leurs moyens de première instance, font valoir que compte tenu des risques présentés par les matériaux de dragage, l’autorisation d’immersion aurait dû ne concerner, à tout le moins, que la fraction qui ne pouvait pas faire l’objet d’une valorisation à terre et que les préfets, d’une part, et le tribunal administratif, d’autre part, auraient dû imposer des mesures pour favoriser le retraitement des sédiments à terre, en fixant des objectifs de valorisation des sédiments de dragage à terre et en inscrivant des mesures dégressives d’immersion des matériaux dragués au fur et à mesure de l’augmentation des solutions de traitement à terre.

66. En appel, les requérants ajoutent que la valorisation des boues de dragage à terre est désormais possible, comme en témoigne le projet « Sedinnove » initié par le Port de Rouen en 2019, et que l’autorisation devrait dès lors être d’une durée inférieure à dix ans, voire être limitée à une durée de trois ans, pour préparer le pétitionnaire à un avenir proche dans lequel il lui sera imposé de cesser tout versement en mer des sédiments de dragage.

67. Dans ces conditions, les requérants demandent à la cour de réformer l’arrêté attaqué aux fins d’enjoindre aux préfets compétents de le soumettre aux limitations et prescriptions susmentionnées.

68. Toutefois, il résulte de ce qui précède que le caractère dangereux des sédiments de dragage n’est pas plus démontré en appel qu’en première instance, de sorte que le traitement à terre de ces sédiments ne se justifie pas en l’état de la législation et de la règlementation aujourd’hui applicable.

69. Si l’article 85 de la loi du 20 juin 2016 pour l’économie bleue dispose qu’à partir du 1er janvier 2025, le rejet en mer des sédiments et résidus de dragage sera interdit, cette disposition concerne uniquement les résidus pollués et les dispositions règlementaires définissant les seuils au-delà desquels les sédiments et résidus ne pourront pas être immergés en raison de leur niveau de pollution n’ont pas encore été adoptées.

70. Il résulte aussi de ce qui précède que les impacts négatifs du projet litigieux ne justifient pas, compte tenu par ailleurs des différentes prescriptions imposées par l’arrêté attaqué en matière de suivi, qu’une autorisation d’une durée inférieure à dix ans soit accordée au GPMR, sachant que le projet a été précédé de la mise en œuvre d’une autorisation accordée à titre expérimental et que les sédiments prélevés dans le cadre du projet présentent une qualité chimique compatible avec leur immersion jusqu’à ce que de nouveaux seuils soient applicables.

71. Enfin, si le GMPR s’est engagé depuis 2019 dans le projet « Sedinnove » destiné à identifier de potentielles filières permettant le recyclage de sédiments dragués, il ne résulte pas de l’instruction, à la date du présent arrêt, qu’une filière de valorisation des boues de dragage locale et pérenne serait désormais opérationnelle pour assurer la valorisation d’une part significative des cinq millions de m3 prélevés chaque année par le dragage.

72. Il résulte de ce qui précède que les conclusions subsidiaires à fin de réformation de l’arrêté attaqué doivent être rejetées.

73. Il résulte de tout ce qui précède que le GRAPE et la FEPCP ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

74. D’une part, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes demandées par les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

75. D’autre part, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du GRAPE et de la FEPCP la somme demandée par le GPMR au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du groupement régional des associations de protection de l’environnement de Normandie et de la fédération des associations pour la protection de l’environnement du patrimoine, du littoral de la Côte Fleurie Sud et de son Pays d’Auge est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du Grand Port Maritime de Rouen présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au groupement régional des associations de protection de l’environnement de Normandie, à la fédération des associations pour la protection de l’environnement du patrimoine, du littoral de la Côte Fleurie Sud et de son Pays d’Auge, au Grand Port Maritime de Rouen et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera transmise, pour information, aux préfets de la Seine-Maritime, du Calvados et de l’Eure.

N°20DA00017

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CAA de DOUAI, 1ère chambre, 14 décembre 2021, 20DA00017, Inédit au recueil Lebon