CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 27 décembre 2019, 18MA04791, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 7e ch., 27 déc. 2019, n° 18MA04791
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 18MA04791
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Nîmes, 17 octobre 2018, N° 1603564
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000039794793

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F… D… a demandé au tribunal administratif de Nîmes d’annuler la décision en date du 22 février 2016 par laquelle l’inspecteur du travail de la section de l’unité territoriale du Vaucluse a accordé à la SA Auchan France, devenue la SAS Auchan Hypermarché, l’autorisation de la licencier, ainsi que la décision du 10 octobre 2016 par laquelle la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique formé contre cette décision.

Par un jugement n° 1603564 du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2018, Mme D…, représentée par Me B…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes 18 octobre 2018 ;

2°) d’annuler la décision en date du 22 février 2016 de l’inspecteur du travail ;

3°) d’annuler la décision du 10 octobre 2016 de la ministre du travail ;

4°) de mettre à la charge la SAS Auchan Hypermarché la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – l’inspectrice du travail n’a pas respecté le principe du contradictoire dès lors que la durée de son audition a été très courte et que l’ancienne secrétaire du comité d’établissement aurait dû être auditionnée ;

 – les décisions de l’inspectrice du travail et de la ministre du travail sont insuffisamment motivées quant à l’absence de lien entre la demande d’autorisation et les mandats représentatifs détenus ;

 – les faits reprochés sont prescrits en application de l’article L. 1332-4 du code du travail ; - la lettre de convocation à l’entretien préalable au licenciement a été adressée à « Monsieur » et un seul recommandé a été utilisé pour elle et son compagnon, M. E…, secrétaire du CE, faisant lui aussi l’objet d’une procédure de licenciement ;

 – l’employeur doit justifier l’avoir convoquée à la réunion du comité d’établissement du 2 décembre 2015 ;

 – l’employeur doit justifier que les griefs présentés devant le comité d’établissement étaient identiques à ceux présentés à l’inspecteur du travail dans le cadre de la demande d’autorisation de licenciement ;

 – le vote du comité d’entreprise, au cours duquel le directeur du magasin et le directeur des ressources humaines étaient présents, n’a pas été effectué à bulletins secrets ;

 – les faits qui lui sont reprochés ne sont pas matériellement établis ;

 – le ministre du travail ne pouvait s’abstenir d’examiner les autres griefs retenus par l’inspecteur du travail ; ces griefs ne sont pas davantage fondés ;

 – il n’est pas justifié de l’impossibilité de son maintien dans l’entreprise et de la répercussion d’un tel maintien sur le fonctionnement de l’entreprise ;

 – aucun grief ne lui est reproché dans l’exercice de son activité professionnelle ;

 – il existe un lien entre la demande d’autorisation de licenciement et l’exercice de ses mandats dès lors qu’elle est à l’origine de nombreux contentieux contre son employeur, de même que son syndicat et son compagnon, qu’elle est particulièrement active et qu’elle a fait l’objet de discriminations ;

 – l’inspecteur du travail n’a pas pris en compte le comportement de l’employeur et en particulier le travail illicite de nuit, l’absence de séparation des budgets du comité, les frais d’entretien de la tenue de travail, ou les discriminations à son égard et à l’égard de son compagnon, ni le climat social tendu dans l’entreprise, et son implication ; l’intérêt général exige qu’elle soit maintenue dans l’entreprise.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 mars 2019, la société par actions simplifiées (SAS) Auchan Hypermarché conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

 – la requête est irrecevable au motif tiré du non-respect des exigences résultant des articles R. 811-13 et R. 411-1 du code de justice administrative ;

 – les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Le ministre du travail a présenté un mémoire enregistré le 29 novembre 2019, non communiqué.

Il fait valoir que la requête n’appelle pas de sa part d’autres remarques que celles exposées auprès du tribunal administratif de Nîmes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code du travail ;

 – le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme C…,

 – et les conclusions de M. A….

Considérant ce qui suit :

1. Mme D…, hôtesse de caisse au sein de l’hypermarché Auchan Le Pontet (Vaucluse), depuis le 1er octobre 1987, était déléguée du personnel et membre titulaire du comité d’établissement dont elle était trésorière. Le 8 décembre 2015, la SA Auchan France a sollicité l’autorisation de procéder à son licenciement à raisons de faits survenus en dehors de l’exécution de son contrat de travail, dans le cadre de l’exercice de ses fonctions représentatives. Par une décision du 9 février 2016, l’inspecteur du travail de la section de l’unité territoriale du Vaucluse a autorisé le licenciement. Puis, par une décision du 22 février 2016, l’inspecteur du travail a d’une part, retiré sa décision du 9 février 2016 au motif qu’elle comportait un motif distinct de celui invoqué par l’employeur dans sa demande et, d’autre part, autorisé le licenciement sollicité par l’employeur. Par une décision du 10 octobre 2016, le ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique formé à l’encontre de cette décision. Mme D… a demandé au tribunal administratif de Nîmes l’annulation des décisions de l’IT et du ministre. Par un jugement du 18 octobre 2018 dont Mme D… relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité de la décision de l’inspectrice du travail du 22 février 2016 :

S’agissant de la légalité externe :

2. En vertu des dispositions des articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail, l’inspecteur du travail saisi d’une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé doit, quel que soit le motif de la demande, procéder à une enquête contradictoire.

3. Si Mme D… soutient que l’inspectrice du travail n’a pas respecté le principe du contradictoire dès lors que la durée de son audition a été très courte, elle n’apporte pas plus en appel qu’en première instance d’indication plus précise quant à la durée de cet entretien qui a eu lieu le 18 janvier 2016, permettant d’apprécier le bien-fondé de ce moyen. Par ailleurs, la circonstance que l’inspectrice du travail n’a pas auditionné l’ancienne secrétaire du comité d’établissement de 2011 à 2014, partie à la retraite depuis lors, n’est pas en elle-même de nature à caractériser une irrégularité de l’enquête dès lors que l’inspecteur du travail détermine librement les modalités de son enquête, aucune disposition légale ne lui imposant d’auditionner des salariés ou d’anciens salariés en qualité de témoins, ces auditions constituant pour lui une simple faculté.

4. Aux termes de l’article R. 2421-5 du code du travail : « La décision de l’inspecteur du travail est motivée. (…) ». Cette motivation doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision.

5. Il ressort des pièces du dossier que la décision par laquelle l’inspectrice du travail a autorisé le licenciement de Mme D… relève, d’une part, après avoir précisé de manière circonstanciée la nature des faits reprochés à l’intéressée par son employeur, que leur matérialité est établie. Elle mentionne, d’autre part, que les faits reprochés qui ne procèdent pas de l’exécution même du contrat de travail, relèvent d’un défaut de probité et de loyauté contraire aux obligations contractuelles de la salariée entraînant des répercussions négatives sur la marche de l’entreprise et rendant impossible le maintien de l’intéressée dans celle-ci et qu’il ressort de l’enquête contradictoire l’absence de lien entre la demande de licenciement et le mandat. Cette motivation réponde aux exigences précitées de l’article R. 2421-5 du code du travail.

S’agissant de la légalité interne :

Quant à la prescription des faits :

6. Aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, figurant au sein du titre III « droit disciplinaire » : « Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales. ».

7. Il ressort des pièces du dossier que la demande d’autorisation de licenciement concernant Mme D…, déléguée du personnel, membre du comité d’établissement, était fondée sur des actes de la salariée survenus en dehors de l’exécution de son contrat de travail, dans le cadre de l’exercice de ses fonctions représentatives, sans qu’il soit soutenu que ceux-ci traduiraient la méconnaissance par l’intéressée d’une obligation découlant de ce contrat. Ainsi, l’autorisation litigieuse n’a pas été délivrée dans le cadre d’une procédure de licenciement disciplinaire venant sanctionner des faits fautifs au sens des dispositions de l’article L. 1332-4 du code du travail citées ci-dessus. Par suite, Mme D… ne peut utilement soutenir qu’elle serait intervenue en méconnaissance de ces dispositions.

Quant à la procédure interne à l’entreprise :

8. Aux termes de l’article L. 1232-2 du code du travail : « L’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l’objet de la convocation. L’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation ».

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme D… a dûment et personnellement été convoquée à un entretien préalable au licenciement devant se tenir le 26 novembre 2015, auquel elle ne s’est d’ailleurs pas rendue, par courrier recommandé avec accusé de réception déposé le 7 novembre 2015. L’erreur matérielle dont se plaint Mme D… ne peut à elle seule emporter l’irrégularité de la procédure. Il ressort également des pièces du dossier que M. E…, secrétaire du comité d’établissement, faisant également l’objet d’une procédure de licenciement, a été convoqué à un entretien préalable par un courrier recommandé avec accusé de réception distinct de celui réceptionné par Mme D… le 7 novembre 2015. Le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure de convocation doit dès lors être écarté.

10. Il résulte des dispositions, alors applicables, de l’article L. 2421-3 du code du travail que : « Le licenciement envisagé par l’employeur d’un délégué du personnel ou d’un membre élu du comité d’entreprise titulaire ou suppléant, d’un représentant syndical au comité d’entreprise (…) est soumis au comité d’entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. ». Aux termes du premier alinéa de l’article R. 2421-9 du même code : « l’avis du comité d’entreprise est exprimé au scrutin secret après audition de l’intéressé ». Saisie par l’employeur d’une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé auquel s’appliquent ces dispositions, il appartient à l’administration de s’assurer que la procédure de consultation du comité d’entreprise a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l’autorisation demandée que si le comité d’entreprise a été mis à même d’émettre son avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d’avoir faussé sa consultation.

11. Il ressort des pièces du dossier que Mme D… a bien été personnellement convoquée à la réunion du comité d’établissement qui s’est tenue le 2 décembre 2015 par courrier recommandé du 13 novembre 2015 qui lui a été régulièrement notifié.

12. Si la requérante soutient que l’employeur n’apporte pas la preuve que les faits qui lui sont reprochés et qui ont été présentés devant le comité d’établissement sont identiques à ceux présentés à l’inspectrice du travail, il ressort de la confrontation de la note d’information communiquée au comité d’entreprise et de la demande d’autorisation de licenciement que tous les griefs reprochés à la salariée sont identiques.

13. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les membres du comité d’établissement ont voté à bulletin secret. Les attestations produites par Mme D… rédigées dans des termes quasiment identiques, plus de deux ans après les faits et émanant toutes de membres ou d’anciens membres de la même organisation syndicale dont elle est adhérente sont sérieusement contestées par diverses attestations produites par l’employeur qui établissent de façon précise et concordante que le caractère secret du vote a bien été respecté. Ainsi, l’absence d’isoloir ne saurait constituer en l’espèce une atteinte à la confidentialité du vote dès lors qu’il ressort des attestations circonstanciées produites par l’employeur que les membres du comité ont pu s’isoler pour introduire leur bulletin de vote dans une enveloppe. La circonstance que ce vote se soit tenu dans le bureau du directeur de l’entreprise, en sa présence ainsi que celle du directeur des ressources humaines de l’établissement, n’est pas, en elle-même, de nature à avoir porté atteinte au secret du vote dès lors qu’en l’espèce il s’agit du lieu habituel de réunion du comité d’établissement qui selon les dispositions de l’alinéa 2 de l’article L. 2325-1 du code du travail est « présidé par l’employeur, assisté éventuellement de deux collaborateurs qui ont voix consultatives ». Enfin, il ne ressort pas des mentions du procès-verbal de la réunion du comité d’établissement de difficultés particulières ayant pu affecter le déroulement des opérations de vote.

Quant aux faits reprochés à Mme D… :

14. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d’une protection exceptionnelle dans l’intérêt de l’ensemble des travailleurs qu’ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l’inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un acte ou un comportement du salarié survenu en dehors de l’exécution de son contrat de travail, notamment dans le cadre de l’exercice de ses fonctions représentatives, il appartient à l’inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l’entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, eu égard à la nature de ses fonctions et à l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé.

15. Il ressort des pièces du dossier et particulièrement du rapport du commissaire aux comptes du 16 septembre 2015 relatif aux comptes du comité d’établissement sur la période allant de 2012 à 2014, que Mme D…, en sa qualité de trésorière, n’a pas veillé à la bonne tenue des archives du comité d’établissement. Il a été ainsi constaté plusieurs anomalies : l’absence d’identification de dépenses pour un montant total de 12 986,43 euros pour la période 2012-2014 en raison de l’absence de talons de chèques, l’absence de cahier des comptes du budget de fonctionnement pour l’année 2012, l’absence de libellé sur le cahier du budget de fonctionnement 2014 pour justifier de l’objet de sept chèques émis d’un montant total de 5 901,93 euros, dont deux d’un montant respectif de 600 euros et de 1 650 euros à l’ordre de M. E…. Il ne résulte ni du procès-verbal d’huissier dressé le 29 juin 2015, dont se prévaut la requérante, mentionnant la présence dans les locaux du comité d’un « classeur fonctionnement 2012 » contenant des « factures, relevés bancaires, virements et mouvements bancaires de 2012 », ni de l’ordonnance du juge des référés près le tribunal de grande instance d’Avignon en date du 20 novembre 2013, qui relève l’existence, à la date du 25 mars 2013, de documents récapitulatifs des comptes de 2012, que, contrairement aux mentions du rapport du commissaire aux comptes, l’ensemble des talons de chèques pour la période 2012-2014 et le cahier de comptes du budget de fonctionnement pour l’année 2012 auraient été conservés et que l’objet de tous les chèques émis aurait été inscrit sur le cahier de comptes du budget de fonctionnement pour l’année 2014. Si Mme D… critique la matérialité de ce grief en prétendant que le président du comité d’établissement ne pouvait pas ne pas être au courant de cette situation et que tous les comptes ont fait l’objet d’une vérification par le comité et le commissaire aux comptes, aucun élément du dossier ne permet d’établir que ces griefs ne lui seraient pas imputable, mais incomberaient à son employeur.

16. Il ressort également des pièces du dossier que Mme D… n’a pas respecté le principe de l’indépendance des budgets du comité d’établissement, en versant sur le budget des oeuvres sociales une somme de 9 638,90 euros imputée sur le budget de fonctionnement de 2011, les remboursements partiels de cette somme opérés en 2013 par le budget des oeuvres sociales laissant un solde dû d’un montant de 15 739,96 euros par le budget de fonctionnement. Les erreurs ou omissions de l’employeur quant au versement des subventions au comité, la pratique d’autres comités d’entreprise de la société Auchan ou encore l’existence d’un litige juridictionnel antérieur sur ce point, n’autorisaient pas Mme D… à méconnaître le principe de l’indépendance des budgets du comité d’établissement. En outre les soupçons avancés par Mme D… selon lesquels certains élus du comité auraient sciemment fait disparaître des documents comptables ne sont étayés d’aucun élément probant.

17. Il ressort également des pièces du dossier que Mme D… a émis quatre chèques pour un montant total de 3 420 euros au bénéfice de son compagnon M. E…, secrétaire du comité d’établissement. Mme D… ne conteste pas utilement la matérialité de ce grief en soutenant que ces dépenses étaient des avances ou des remboursements de frais de déplacement pour les réunions du comité central d’établissement alors qu’il n’est nullement justifié de ces dépenses. Il ressort en outre de l’enquête contradictoire que Mme D… a affirmé que ces dépenses étaient remboursées peu à peu par petites sommes au motif que son compagnon se trouvait en difficultés financières.

18. Il ressort également des pièces du dossier que Mme D… a établi des distorsions d’informations entre le libellé des chèques figurant sur le talon du chéquier et le libellé de la nature de la dépense figurant sur le compte du comité d’établissement pour l’année 2013. Mme D… a également fait supporter par le comité d’établissement des dépenses étrangères au fonctionnement du comité, notamment le financement de contentieux judiciaires étrangers au comité d’établissement d’Auchan Le Pontet, ainsi que des dépenses au bénéfice de M. E… au titre de ses autres mandats. Mme D… a également détourné des fonds du comité d’établissement de 2012 à 2014, le commissaire aux comptes ayant relevé une insuffisance de versement d’espèces en banque par rapport aux recettes espèces déclarées sur le cahier de caisse pour un montant cumulé sur les trois ans s’élevant à 8 515,40 euros. Enfin, l’intéressée n’a pas veillé au respect des engagements contractuels pris par M. E… auprès de la société BNP Paribas Lease Group. Mme D… ne peut se contenter d’invoquer sa bonne foi ou sa négligence selon le cas pour réfuter l’ensemble de ces anomalies de gestion des comptes du comité d’établissement.

19. Il résulte de ce qui précède que les faits retenus par l’inspectrice du travail à l’encontre de Mme D…, en sa qualité de trésorière du comité d’établissement, sont matériellement établis. Par suite, le moyen tiré de l’inexactitude matérielle des griefs formulés à l’encontre de l’intéressée doit être écarté.

Quant à leur répercussion sur le fonctionnement de l’entreprise :

20. Les faits dénoncés ont causé au comité d’établissement un préjudice financier important de nature à perturber l’ensemble des activités sociales et culturelles menées par l’entreprise à l’égard des salariés et de leurs familles. Ces faits révèlent un manque de probité et de loyauté contraire aux obligations contractuelles de l’intéressée qui exerce les fonctions d’hôtesse de caisse, rendant impossible son maintien dans l’entreprise. La circonstance que Mme D… n’aurait commis aucune faute dans l’exercice de son activité professionnelle est sans incidence sur la légalité de la décision contestée, fondée sur le comportement de la salariée survenu en dehors de l’exécution de son contrat de travail. Par suite, le moyen tiré de ce qu’il n’est pas justifié de l’impossibilité de son maintien dans l’entreprise et de la répercussion d’un tel maintien sur le fonctionnement de l’entreprise doit être écarté.

Quant au lien entre la demande de licenciement et les mandats représentatifs :

21. Si Mme D… a exercé un rôle actif en sa qualité de représentant du personnel en intervenant à plusieurs reprises auprès de son employeur, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande de licenciement formulée par son employeur présenterait un lien avec son mandat représentatif. En particulier, d’une part, il n’est nullement établi qu’elle aurait fait l’objet de discrimination dans le déroulement de sa carrière et, d’autre part, la circonstance que le syndicat professionnel dont elle est membre aurait été à l’origine de nombreux contentieux engagés contre son employeur ne suffit pas à établir l’existence du lien allégué. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’employeur aurait eu un comportement hostile à l’égard des organisations syndicales et des instances représentatives du personnel. Par suite, le moyen tiré de ce que la mesure de licenciement est en rapport avec les fonctions représentatives exercées par Mme D… doit être écarté.

Quant au motif d’intérêt général :

22. Mme D… n’étant pas l’unique détentrice de mandats représentatifs au sein de l’entreprise, le motif qu’elle invoque tiré de la baisse certaine de la représentation du personnel au niveau de l’entreprise ne saurait constituer un motif d’intérêt général de nature à justifier un refus de l’autorisation sollicitée. Par ailleurs, si la requérante soutient que le contexte social de la société étant particulièrement dégradé, le motif d’intérêt général tiré de la préservation de la paix sociale aurait dû être retenu, en l’espèce, ladite situation ne ressort pas des pièces du dossier. Par suite le moyen tiré de ce que l’autorité administrative aurait dû faire usage de son pouvoir d’appréciation pour refuser l’opportunité du licenciement doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité de la décision du ministre du 10 octobre 2016 :

23. Aux termes de l’article R. 2422-1 du code du travail : « Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l’inspecteur du travail sur le recours de l’employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. (…) ».

24. Lorsque le ministre rejette le recours hiérarchique qui lui est présenté contre la décision de l’inspecteur du travail statuant sur la demande d’autorisation de licenciement formée par l’employeur, sa décision ne se substitue pas à celle de l’inspecteur. Par suite, s’il appartient au juge administratif, saisi d’un recours contre ces deux décisions, d’annuler, le cas échéant, celle du ministre par voie de conséquence de l’annulation de celle de l’inspecteur, des moyens critiquant les vices propres dont serait entachée la décision du ministre ne peuvent être utilement invoqués au soutien des conclusions dirigées contre cette décision. Ainsi, les moyens de Mme D…, tirés de ce que le ministre ne s’est pas prononcé sur l’absence de lien entre la demande d’autorisation de licenciement et les mandats représentatifs qu’elle détenait, qu’il ne justifie pas de l’impossibilité de son maintien au sein de l’entreprise, et qu’il ne pouvait s’abstenir d’examiner l’ensemble des faits qui lui étaient reprochés, qui sont inopérants, ne peuvent qu’être écartés.

25. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la SAS Auchan Hypermarché, que Mme D… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

26. Aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. ».

27. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SAS Auchan Hypermarché, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme D… demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :


Article 1er : La requête de Mme D… est rejetée.


Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F… D…, à la SAS Auchan Hypermarché et à la ministre du travail.

Délibéré après l’audience du 13 décembre 2019, où siégeaient :

— M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative,

 – Mme C…, première conseillère,

 – M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 décembre 2019.

N° 18MA04791

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