CAA de NANCY, 1ère chambre, 19 novembre 2020, 19NC03029, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nancy, 1re ch., 19 nov. 2020, n° 19NC03029
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro : 19NC03029
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Sur renvoi de : Conseil d'État, 20 octobre 2019, N° 421577, 421641
Dispositif : Satisfaction partielle
Identifiant Légifrance : CETATEXT000042557737

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B… A… a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner l’Etat à lui verser la somme de 235 314 euros, assortie des intérêts au taux légal et des intérêts de ces intérêts, en réparation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait de la transposition tardive et incomplète en droit interne de l’article 8 de la directive 80/987/CEE du Conseil du 20 octobre 1980 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur.

Par un jugement n° 1600995 du 29 septembre 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17NC02888 du 17 avril 2018, la cour administrative d’appel de Nancy a, sur l’appel de M. A…, annulé ce jugement et condamné l’Etat à verser à M. A… la somme de 3 959,15 euros assortie des intérêts légaux à compter du 7 décembre 2015 et de la capitalisation des intérêts à compter du 7 décembre 2016.

Par une décision n° 421577, 421641 du 21 octobre 2019, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a annulé l’arrêt de la cour en tant qu’il statue sur le lien de causalité entre la faute de l’Etat et le préjudice invoqué par M. A… et sur l’évaluation de ce préjudice, renvoyé l’affaire dans cette mesure devant la cour et rejeté le surplus des conclusions du pourvoi de la ministre des solidarités et de la santé ainsi que les conclusions de M. A… présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par un mémoire enregistré le 6 décembre 2019, sous le n° 19NC03029, la ministre des solidarités et de la santé conclut à ce que l’indemnité due par l’Etat à M. A… soit limitée à la part de préjudice qui lui est imputable, dans le respect des principes rappelés par le Conseil d’Etat dans sa décision du 21 octobre 2019.

Elle fait valoir que :

 – l’indemnisation que l’Etat doit verser à M. A… doit être diminuée de la part de droits à retraite dont la perte ne lui est pas directement imputable, dès lors que l’entreprise Ascometal n’a pas garanti, comme il lui incombait, les droits à retraite supplémentaire que M. A… avait acquis au titre de la période comprise entre le 11 août 1994 et l’entrée en vigueur de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites ;

 – l’indemnisation doit d’abord être calculée sur la base de la rente annuelle effectivement perçue par M. A… au titre de l’institution de retraite supplémentaire, antérieurement à l’insolvabilité de son employeur, dont il n’est actuellement pas justifié du montant ;

 – l’indemnisation doit couvrir la période postérieure à l’insolvabilité de l’entreprise Ascometal, qui court à compter du 1er avril 2014, et tenir compte de l’espérance de vie de M. A… à l’âge de la liquidation de ses droits ;

 – il devra être retranché du montant ainsi obtenu la part de droits dont la perte n’est pas directement imputable à l’Etat, correspondant à la période courant du 11 août 1994 au 1er juillet 2002 ; il n’est cependant pas justifié de1'ancienneté totale du salarié prise en compte pour le calcul de ses droits ;

 – l’indemnisation due par l’Etat devra être limitée à 50 % du montant obtenu, dès lors que la garantie des droits ne s’applique qu’à la moitié de la valeur des droits à retraite supplémentaire conformément à la jurisprudence Robins de la Cour de justice de l’Union européenne.

Par un mémoire enregistré le 20 décembre 2019, M. A…, représenté par Me C…, demande à la Cour de :

1°) condamner l’Etat à lui verser la somme de 181 527,94 euros, assortie des intérêts au taux légal et de l’anatocisme, en réparation du préjudice subi du fait de la carence de l’Etat dans la transposition de la directive n° 80-987 du 20 octobre 1980,

2°) mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

 – lors de l’ouverture de la liquidation de la société Ascometal, il avait droit à une allocation de 235 314,00 euros selon le calcul établi par le mandataire liquidateur ;

 –  compte tenu de la période non garantie aux termes de la décision du Conseil d’Etat, courant du 11 août 1994 au 21 août 2003, et de la date de liquidation de sa retraite, le 1er juillet 2002, il est fondé à demander une indemnisation à hauteur de 181 527,94 euros, correspondant à son temps de présence dans l’effectif de la société, diminué du nombre d’années non garanties ;

 – l’évaluation de son préjudice doit être effectuée sur la base du montant déterminé par le mandataire judiciaire, lequel a été établi par des actuaires en prenant en considération différents facteurs, notamment son espérance de vie.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la directive 80/987/CEE du Conseil du 20 octobre 1980 ;

 – la directive 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 ;

 – le code de commerce ;

 – le code de la sécurité sociale ;

 – la loi n° 94-678 du 8 août 1994 ;

 – la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ;

 – la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 ;

 – loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 ;

 – l’ordonnance n° 2015-839 du 9 juillet 2015 ;

 – le décret n° 2007-1903 du 26 décembre 2007 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

 – les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

 – et les observations de Me C…, pour M. A….

Considérant ce qui suit :

1. M. A…, ancien salarié de la société Ascometal, percevait depuis le 1er juillet 2002, en sus des prestations des régimes d’assurance vieillesse de base et complémentaire, une pension de retraite supplémentaire versée par l’institution de retraite Usinor Sacilor et financée par des appels de fonds auprès de son ancien employeur. A la suite du placement en redressement judiciaire de la société Ascometal par un jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 7 mars 2014, le mandataire judiciaire désigné par ce tribunal a, par un courrier du 14 avril 2014, informé M. A… de l’interruption du versement de sa pension de retraite supplémentaire au motif que la société Ascometal n’était plus en mesure d’honorer les appels de fonds de l’institution de retraite Usinor Sacilor. M. A… a déclaré la créance qu’il détenait sur la société Ascometal au titre de ses droits à pension pour un montant qu’il a évalué à 235 314 euros. La société Ascometal ayant été placée en liquidation judiciaire le 24 juillet 2014, M. A… a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner l’Etat à lui verser le montant de la créance qu’il détenait sur cette société en réparation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait du défaut de transposition de l’article 8 de la directive 80/987/CEE du Conseil du 20 octobre 1980 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur. Par un jugement du 29 septembre 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par un arrêt du 17 avril 2018, la cour administrative d’appel de Nancy, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif, a condamné l’Etat à verser à M. A… la somme de 3 959,15 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation de son préjudice. Par une décision du 21 octobre 2019, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la cour en tant qu’il a statué sur le lien de causalité entre la faute de l’Etat et le préjudice invoqué par M. A… et sur l’évaluation de ce préjudice et a renvoyé l’affaire à la cour dans la mesure de la cassation prononcée.

Sur le lien de causalité :

2. Aux termes de l’article 8 de la directive 80/987/CEE du Conseil du 20 octobre 1980 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur, dont le délai de transposition expirait le 22 octobre 1983 et dont les dispositions ont été ultérieurement reprises à l’article 8 de la directive 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur : « Les États membres s’assurent que les mesures nécessaires sont prises pour protéger les intérêts des travailleurs salariés et des personnes ayant déjà quitté l’entreprise ou l’établissement de l’employeur à la date de la survenance de l’insolvabilité de celui-ci, en ce qui concerne leurs droits acquis, ou leurs droits en cours d’acquisition, à des prestations de vieillesse, y compris les prestations de survivants, au titre de régimes complémentaires de prévoyance professionnels ou interprofessionnels existant en dehors des régimes légaux nationaux de sécurité sociale ».

3. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, notamment de son arrêt Robins du 25 janvier 2007 (C-278/05), que ces dispositions doivent être interprétées en ce sens que si le financement des droits acquis à des prestations de vieillesse au titre des régimes qu’elles mentionnent ne doit pas nécessairement, en cas d’insolvabilité de l’employeur et d’insuffisance des ressources du régime considéré, être assuré par l’Etat lui-même ni être intégral, l’Etat doit toutefois prendre les mesures nécessaires, par exemple par la mise à la charge des employeurs d’une obligation d’assurance ou par la mise en place d’une institution de garantie, pour que chaque salarié, dans un tel cas, bénéficie au titre de ce régime de prestations de vieillesse correspondant au moins à la moitié de la valeur de ses droits acquis.

4. Pour sécuriser les droits des salariés et anciens salariés aux prestations des régimes supplémentaires de retraite, la loi du 8 août 1994 relative à la protection sociale complémentaire des salariés et portant transposition des directives n° 92-49 et n° 92-96 des 18 juin et 10 novembre 1992 du Conseil des Communautés européennes a encadré, sous la dénomination d’institutions de retraite supplémentaire, les institutions paritaires qui, sans avoir le statut d’institutions de prévoyance, versaient des prestations de retraite s’ajoutant à celles servies par les institutions de retraite complémentaire. En particulier, son article 11 a inséré dans le code de la sécurité sociale un article L. 941-2 ainsi rédigé : " Les institutions de retraite supplémentaire constituent des provisions représentées par des actifs équivalents pour couvrir les engagements qu’elles prennent à l’égard de leurs membres participants et des bénéficiaires. La constitution des provisions peut être limitée à la couverture des engagements nés après la date de publication de la loi n° 94-678 du 8 août 1994 relative à la protection sociale complémentaire des salariés et portant transposition des directives n° 92-49 et n° 92-96 des 18 juin et 10 novembre 1992 du Conseil des communautés européennes. / Toutefois, l’obligation instituée par l’alinéa précédent est également considérée comme remplie lorsque les engagements susvisés sont garantis : / 1° Par un organisme mentionné à l’article premier de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ou mentionné à l’article premier de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit dans le cadre d’un contrat ou d’une convention souscrit soit par l’institution, soit par la ou les entreprises adhérentes ; / 2° Par des provisions constituées par la ou les entreprises adhérentes, dès lors que le risque lié à l’insolvabilité du ou des employeurs est couvert dans des conditions fixées par décret ".

5. En l’absence d’adoption du décret auquel renvoyaient ces dernières dispositions du 2° de l’article L. 941-2 du code de la sécurité sociale résultant de la loi du 8 août 1994, l’application de ces dispositions, prévoyant la faculté de satisfaire à l’obligation instituée par cet article par des provisions constituées par la ou les entreprises adhérentes, faculté dont le législateur avait entendu subordonner la mise en oeuvre à la couverture du risque d’insolvabilité de ces entreprises, était manifestement impossible. Toutefois, cette carence du pouvoir réglementaire n’a pas fait obstacle à l’entrée en vigueur des autres dispositions du même article L. 941-2, dont les trois premiers alinéas étaient suffisamment précis et pouvaient entrer en vigueur indépendamment de la faculté prévue par les dispositions de son 2°. Il en résulte que les engagements des institutions de retraite supplémentaire nés à compter du 11 août 1994 devaient être provisionnés par ces institutions ou garantis auprès d’une entreprise d’assurance, d’une institution de prévoyance, d’une mutuelle ou d’un établissement de crédit.

6. La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a prévu la suppression des institutions de retraite supplémentaire au plus tard le 31 décembre 2008 en leur ouvrant notamment la possibilité, dont a fait usage l’institution de retraite Usinor Sacilor, de se transformer en institutions de gestion de retraite supplémentaire, organismes dont le seul objet est la gestion administrative du ou des régimes de retraite supplémentaire ou d’indemnités de fin de carrière de leurs entreprises adhérentes. Le VI de l’article 116 de la loi dispose qu’un décret détermine les conditions dans lesquelles les institutions de retraite supplémentaire qui se transforment en institutions de gestion de retraite supplémentaire transfèrent à une institution de prévoyance, une entreprise d’assurance ou une mutuelle les provisions ou réserves qu’elles ont constituées. L’article 4 du décret du 26 décembre 2007 relatif au transfert par les institutions de gestion de retraite supplémentaire de leurs provisions ou réserves, pris pour l’application de ces dispositions, prévoit que les sommes ainsi transférées, sauf à ce qu’elles excèdent le montant des engagements correspondants, ne peuvent être utilisées que pour le paiement des prestations relatives à ces engagements et des éventuels frais de gestion des prestations, ainsi que pour le financement éventuel du surcroît de l’exigence de marge de solvabilité engendré par le transfert des provisions ou réserves.

7. Si le législateur a ainsi pris des mesures propres à garantir, contre le risque lié à l’insolvabilité des employeurs, les engagements portés par les institutions de retraite supplémentaire qui sont nés entre le 11 août 1994 et la transformation de ces institutions en institutions de gestion de retraite supplémentaire, en revanche, aucune disposition ne faisait obligation à une entreprise adhérant à une institution de gestion de retraite supplémentaire ni à une telle institution de couvrir les engagements antérieurs au 11 août 1994 ou postérieurs à la création de l’institution. Contrairement à ce que soutient la ministre des solidarités et de la santé en défense, ni les dispositions de l’article 115 de la loi du 21 août 2003 soumettant les entreprises à une contribution spécifique en cas de régime de retraite subordonnant la constitution de droits à prestations à l’achèvement de la carrière du salarié dans l’entreprise, ni celles de l’article 11 de la loi du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004 prévoyant des exonérations sociales pour favoriser la constitution de provisions destinées à couvrir des engagements de retraite supplémentaire ne peuvent être regardées comme assurant une complète transposition des objectifs de l’article 8 de la directive 80/987/CEE du Conseil du 20 octobre 1980. La nécessité de compléter la transposition de la directive a d’ailleurs conduit à l’adoption de l’ordonnance du 9 juillet 2015 relative à la sécurisation des rentes versées dans le cadre des régimes de retraite mentionnés à l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale. Ainsi, à la date à laquelle la société Ascometal a été placée en redressement judiciaire puis liquidée, les dispositions législatives et réglementaires applicables ne garantissaient pas que les salariés, en cas d’insolvabilité de leur employeur, puissent, quelle que soit la date de naissance des engagements, bénéficier de prestations de retraite supplémentaire correspondant au moins à la moitié de la valeur de leurs droits acquis au titre d’un tel régime.

8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 7 que les droits à retraite supplémentaire de M. A… nés entre le 11 août 1994 et la liquidation de sa retraite le 1er juillet 2002 auraient dû être garantis par un organisme assureur ou un établissement de crédit ou bien provisionnés par l’institution de retraite Usinor Sacilor et les provisions correspondantes ultérieurement transférées dans des conditions garantissant leur utilisation pour le paiement des prestations relatives à ces engagements. Dès lors, la perte des droits à pension acquis au titre de la période comprise entre le 11 août 1994 et le 1er juillet 2002, à la suite de l’insolvabilité de la société Ascometal, n’est pas directement imputable à la faute résultant du caractère incomplet de la transposition de l’article 8 de la directive 80/987, remplacée par la directive 2008/94. Il s’ensuit que M. A… est seulement fondé à demander réparation à l’Etat, à raison de cette même faute, de la perte des droits à la retraite supplémentaire nés en dehors de cette période.

Sur l’évaluation du préjudice :

En ce qui concerne la part de préjudice non directement imputable à la faute de l’Etat :

9. Ainsi qu’il a été dit précédemment, l’article L. 941-2 du code de la sécurité sociale imposait que les droits à retraite supplémentaires de M. A… nés entre le 11 août 1994 et la liquidation de sa retraite le 1er juillet 2002 soient garantis par un organisme assureur ou un établissement de crédit ou bien provisionnés par l’institution de retraite Usinor Sacilor. Il est constant que ces droits n’ont donné lieu à aucune de ces mesures.

10. En vertu du règlement annexé au statut de l’IRUS, les droits de retraite supplémentaires des salariés bénéficiaires de l’accord d’entreprise du 1er janvier 1990 sont constitués de la différence entre un montant « R », représentant le niveau de ressources minimum annuel garanti au salarié au titre de la retraite, et un montant « r », agrégeant la pension à laquelle le salarié a droit en vertu de la législation sur la sécurité sociale à laquelle il est soumis, l’allocation pouvant lui être attribuée en application de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, les prestations servies en vertu du régime de l’ARRCO, les prestations servies en vertu des régimes de cadres supérieurs (IRCASUP, IRICASE) transformées en points AGIRC et, éventuellement, les prestations versées par tout régime institué avec cotisations à la charge exclusive des sociétés adhérentes ou à la charge de celles-ci et de l’intéressé, à l’exclusion des rentes pour incapacité permanente attribuées dans le cadre de la législation sur les accidents du travail. Le montant R est quant à lui obtenu en appliquant à une rémunération annuelle de référence, assise sur l’addition de la rémunération brute du dernier mois d’activité multipliée par douze, de la part variable « médiane » de l’indice hiérarchique du salarié pondérée par le niveau de sa contribution personnelle moyenne sur les trois années précédant l’année de départ en retraite et des primes et gratifications de caractère général et permanent afférentes aux douze derniers mois d’activité, un pourcentage d’annuités, fonction du nombre d’années passées dans l’entreprise. L’article 5 du règlement annexé au statut de l’IRUS stipule à cet égard : " Lorsqu’un membre du personnel remplit, lors de la cessation de ses fonctions, la double condition d’avoir au moins soixante-cinq ans d’âge et un minimum de dix années de services tels qu’ils sont définis à l’article 4, il lui est reconnu une retraite globale (R) constituant la garantie de ses ressources minimums annuelles durant sa retraite au titre de ses services dans les sociétés adhérentes. / A cet égard, chacune des années de services accomplies dans ces sociétés à partir de l’âge de vingt ans sera transformée en fraction d’annuité de retraite, par application des coefficients ci-après : – de 20 à 24 ans inclus : 0,40 soit 0,40 X 5 ; – de 25 à 29 ans inclus : 0,75 soit 0,75 X 5 ; – de 30 à 34 ans inclus : 1,75 soit 1,75 X 5 ; – de 35 à 54 ans inclus : 2, soit 2 X 20 ; – de 55 à 59 ans inclus : 1,75·soit 1,75 X 5 ; – de 60 à 64 ans inclus : 0,75 soit 0,75 X 5 (…) ".

11. Il résulte de l’instruction que M. A…, né le 14 avril 1941, a été recruté au sein de l’entreprise Ascometal, appartenant au groupe Usinor Sacilor, le 1er novembre 1966, alors âgé de 25 ans. Il a fait valoir ses droits à la retraite de manière anticipée, à l’initiative de son employeur, le 1er juillet 2002, à l’âge de 61 ans. Il ressort des documents versés à l’instruction par l’intéressé et n’est pas contesté que la rémunération annuelle de référence qui a été retenue pour le calcul de sa rente était de 87 256,20 euros. Compte tenu de l’âge de celui-ci au cours des années 1994 à 2002, le nombre d’annuités acquises durant cette période en application de l’article 5 du règlement annexé au statut de l’IRUS s’est établi à 13,875. Ainsi, la part du montant R de la garantie de ressources minimales annuelles auxquelles l’intéressé pouvait prétendre au titre de la retraite, afférente à la période du 11 août 1994 au 1er juillet 2002, était de 12 106,80 euros. Il ressort des éléments communiqués au sujet des pensions perçues par M. A… au titre du régime général de la sécurité sociale et des régimes complémentaires de retraites que le montant r de ces droits à la retraite et à la retraite complémentaire s’élevait en moyenne à 80,856 % du montant R. Dès lors, le montant annuel des droits de retraite supplémentaires dû à M. A… en application du règlement annexé au statut de l’IRUS était de 2 317,73 euros au titre de la période du 11 août 1994 au 1er juillet 2002. Le montant que l’entreprise Ascometal aurait dû provisionner au titre de cette même période, en application de l’article L. 941-2 du code de la sécurité sociale, doit être établi en multipliant ce montant annuel par le nombre d’années prévisibles de versement des droits supplémentaires de retraite à M. A… compte tenu de son espérance de vie à l’issue de cette période, dont il sera fait une juste appréciation, au regard de l’âge que l’intéressé avait atteint en 2002 et des données publiques de l’INSEE, en l’estimant à 20 années. Par suite, le montant des provisions auxquelles l’entreprise Ascometal aurait dû procéder au titre de la période en cause s’élevait à 46 354,60 euros.

En ce qui concerne le montant de la rente qui aurait dû être versée à M. A… après 2014 :

12. Il résulte de l’instruction qu’à la date de son admission à la retraite, M. A…, qui remplissait alors les conditions d’âge et d’ancienneté prévues par le règlement annexé au statut de l’IRUS pour bénéficier de droits de retraite supplémentaire au taux plein, totalisait, en application de l’article 5 de ce règlement, 61,5 annuités et que le montant annuel de la rémunération de référence constituant l’assiette servant au calcul du salaire de référence en vertu de l’article 3 du même règlement s’établissait, comme il a été dit au point 11, à 87 256,20 euros. Ainsi le montant R de garantie de ressources à la retraite s’élevait à la somme annuelle de 53 662,56 euros. Eu égard aux éléments chiffrés versés à l’instruction, le montant r des droits de retraite du régime général de la sécurité sociale et des régimes complémentaires auxquels M. A… pouvait prétendre peut, ainsi qu’il a été dit plus haut, être établi, par extrapolation, à 80,856 % du montant R, soit une somme annuelle de 43 389,40 euros. Il résulte de ce qui précède que le montant des droits de retraite supplémentaire de M. A… s’établissait à une somme annuelle de 10 273,16 euros. Pour établir le montant total des sommes que M. A… aurait perçues au titre de la retraite supplémentaire à la suite de l’interruption de son versement au-delà du premier trimestre 2014, il convient de multiplier ce chiffre par le nombre d’années prévisibles de retraite compte tenu de l’espérance de vie de l’intéressé à la date du présent arrêt. Il résulte notamment des données publiques de l’INSEE que l’espérance de vie d’un homme ayant atteint l’âge de M. A… à la date du présent arrêt est légèrement supérieure à 9 ans. Il y a donc lieu de retenir une période de versement courant du second trimestre 2014 au 31 décembre 2029, pour un total de 161 802,27 euros.

En ce qui concerne l’indemnisation due par l’Etat à M. A… :

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 8 que le préjudice imputable à l’Etat doit être établi, d’abord, en diminuant le montant des sommes dont M. A… a été privé du fait de l’interruption des versements de ses droits à retraite supplémentaire après 2014, soit 161 802,27 euros, du montant des sommes que l’entreprise Ascometal aurait dû provisionner entre le 11 août 1994 et le 1er juillet 2002, soit 46 354,60 euros, puis en retenant la moitié de la différence entre ces deux sommes. L’indemnisation due par l’Etat à M. A… doit donc être évaluée à la moitié de la somme de 115 447,67 euros, soit 57 723,84 euros. Il y a ainsi lieu de condamner l’Etat à verser cette somme à M. A….

Sur les intérêts et la capitalisation :

14. La somme de 57 723,84 euros, indiquée au point 13, portera intérêt au taux légal à compter de la date de réception par l’Etat de la demande d’indemnisation préalable de M. A…, soit le 7 décembre 2015.

15. Les intérêts échus à la date du 7 décembre 2016 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Sur les frais liés à l’instance :

16. Aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation ».

17.Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat le versement à M. A… de la somme de 2 000 euros au titre de ces dispositions.


DÉCIDE :


Article 1er : L’Etat est condamné à verser à M. A… la somme de 57 723,84 euros.

Article 2 : La somme indiquée à l’article 1er portera intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2015. Les intérêts échus à la date du 7 décembre 2016 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 29 septembre 2017 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L’Etat versera à M. A… la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B… A… et à la ministre des solidarités et de la santé.

2

N° 19NC03029

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CAA de NANCY, 1ère chambre, 19 novembre 2020, 19NC03029, Inédit au recueil Lebon