Cour administrative d'appel de Nantes, 9 septembre 2014, n° 12NT01408

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 9 sept. 2014, n° 12NT01408
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 12NT01408
Décision précédente : Tribunal administratif de Caen, 2 avril 2012, N° 1001723

Sur les parties

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE NANTES

N°12NT01408


SAS Sobadis


Ordonnance du 9 septembre 2014


RÉpublique française

AU NOM DU PEUPLE français

La cour administrative d’appel de Nantes

Le président de la première chambre

Vu la requête, enregistrée le 29 mai 2012, présentée pour la société par actions simplifiée (SAS) Sobadis, dont le siège social est situé XXX, XXX à XXX, par Me Massé, avocat ; la SAS Sobadis demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement no 1001723 en date du 3 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la restitution de la somme qu’elle a acquittée au titre de la contribution pour une pêche durable instituée par l’article 302 bis KF du code général des impôts au titre de la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 pour un montant de 39 551 euros ;

2°) de prononcer la restitution de la somme demandée ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

— le projet de création de la contribution pour une pêche durable aurait dû être préalablement notifié à la Commission européenne en vertu de l’article 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dès lors que cette contribution fait partie intégrante du régime d’aides d’Etat mis en place par le gouvernement français dans le cadre du plan pour une pêche durable et responsable rendu public le 14 janvier 2008 en ce que son produit (de l’ordre de 207,5 millions d’euros sur trois ans) constitue le mode de financement de ces aides (de l’ordre de 230 millions d’euros sur trois ans), et plus particulièrement de la mesure n°9 de ce plan, ce qui crée un lien économique entre la contribution et ce régime d’aides, comme le montrent au demeurant la lettre du Président de la République en date du 20 mai 2008, le rapport de la commission des finances qui a précédé l’adoption de la loi n°2007-1824 du 25 décembre 2007, les propos du ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire lors des débats du 30 mars 2011 devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale, une note technique émanant du même ministre et comme en témoigne la suppression de cette contribution à compter du 1er janvier 2012, date à laquelle le plan pour une pêche durable et responsable est arrivé à son terme ;

— si la cour avait un doute sur l’existence d’un lien économique entre la contribution en litige et le montant des aides accordées dans le cadre du plan pour une pêche durable et responsable, il conviendra de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle sur ce point ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 août 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que la société requérante ne démontre pas qu’il existerait un lien d’affectation contraignant entre le plan d’aides en faveur du secteur de la pêche mis en place au début de l’année 2008 et la contribution pour une pêche durable, qui est versée au budget général de l’Etat en application de l’article 6 de la loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 et n’est donc pas affectée spécifiquement au financement de ce plan d’aides ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

Vu la loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 modifiée ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n°2007-1824 du 25 décembre 2007 ;

Vu la décision du Conseil d’Etat n°365037 en date du 2 juillet 2014 ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant que la société par actions simplifiée (SAS) Sobadis relève appel du jugement en date du 3 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la restitution de la somme qu’elle a acquittée au titre de la contribution pour une pêche durable instituée par l’article 302 bis KF du code général des impôts au titre de la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 pour un montant de 39 551 euros ;

Considérant qu’aux termes de l’article R. 222-1 du code de justice administrative : « (…) les présidents de formation de jugement (…) des cours peuvent, par ordonnance : (…) 6° Statuer sur les requêtes relevant d’une série, qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présentent à juger en droit, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu’elle a déjà tranchées ensemble par une même décision passée en force de chose jugée (…) » ;

Considérant que par décision susvisée du 2 juillet 2014, le Conseil d’Etat a tranché des questions identiques à celles que présente à juger la requête de la SAS Sobadis ; qu’il y a lieu, par suite, de faire application des dispositions du 6° de l’article R. 222-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu’aux termes du paragraphe 1 de l’article 87 du traité instituant la Communauté européenne, alors applicable, devenu l’article 107 du traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) : « Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d’Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions » ; qu’aux termes de l’article 88 du même traité, alors applicable, devenu l’article 108 TFUE : « 1. La Commission procède avec les Etats membres à l’examen permanent des régimes d’aides existant dans ces Etats. (…) / 2. Si (…) la Commission constate qu’une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d’Etat n’est pas compatible avec le marché commun aux termes de l’article 87 (…) elle décide que l’Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (…) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu’un projet n’est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l’article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L’Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale. » ; qu’il résulte de ces stipulations que, s’il relève de la compétence exclusive de la Commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne, si une aide de la nature de celles visées par l’article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par le traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l’invalidité des dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l’obligation d’en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ;

Considérant qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, d’une part, que les taxes n’entrent pas dans le champ d’application des stipulations précitées du traité concernant les aides d’Etat, à moins qu’elles ne constituent le mode de financement d’une mesure d’aide, de sorte qu’elles font partie intégrante de cette mesure, d’autre part, que, pour que l’on puisse juger qu’une taxe, ou une partie d’une taxe, fait partie intégrante d’une mesure d’aide, il doit exister un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l’aide ;

Considérant qu’aux termes de l’article 302 bis KF du code général des impôts, applicable du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2011, instituant une contribution pour une pêche durable : « Les ventes en France métropolitaine à des personnes autres que des personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée agissant en tant que telles, de poissons, crustacés, mollusques et autres invertébrés marins, ainsi que de produits alimentaires dont le poids comporte pour plus de 30 % de tels produits de la mer sont soumises à une taxe. / La taxe ne s’applique pas aux huîtres et aux moules. / La liste des poissons, crustacés, mollusques ou invertébrés marins visés au premier alinéa est fixée par arrêté. / La taxe est calculée au taux de 2 % sur le montant hors taxe des ventes des produits visés au premier alinéa. / La taxe est due par les personnes dont le chiffre d’affaires de l’année précédente a excédé le premier des seuils mentionnés au I de l’article 302 septies A. / Le fait générateur et l’exigibilité de la taxe interviennent dans les mêmes conditions que celles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée. La taxe est constatée, liquidée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe. » ;

Considérant qu’en vertu du principe à valeur constitutionnelle d’universalité budgétaire résultant des dispositions de l’article 2 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l’Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l’affectation d’une recette déterminée à la couverture d’une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues par le deuxième alinéa de l’article 2 et le quatrième alinéa de l’article 6 ;

Considérant qu’eu égard à ce principe et aux dispositions précitées de l’article 302 bis KF du code général des impôts, il n’existait aucun lien d’affectation contraignant entre cette contribution et le plan d’action en quinze mesures pour une pêche durable et responsable ou une mesure de ce plan ; que cette contribution constituait une recette du budget général dépourvue de tout lien avec le budget du ministère en charge de la pêche et la dotation inscrite à son budget servant à financer le plan d’action pour une pêche durable ; qu’il résulte de l’instruction qu’il n’existait aucun rapport entre le produit de la contribution et le montant des financements publics consacrés à ce plan ; qu’ainsi, et quand bien même elle a été supprimée à compter du 1er janvier 2012, la contribution pour une pêche durable n’entrait pas dans le champ d’application des stipulations précitées du paragraphe 1 de l’article 87 du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d’Etat ; que, par suite, la SAS Sobadis n’est pas fondée à invoquer, au soutien de sa demande de restitution de la contribution en litige, une méconnaissance, par les autorités françaises, des obligations prévues par la première et la dernière phrases précitées du paragraphe 3 de l’article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle, que la SAS Sobadis n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ; qu’il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la SAS Sobadis est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SAS Sobadis et au ministre des finances et des comptes publics.

Fait à Nantes, le 9 septembre 2014.

F. Y

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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