Arrêt Le Pen, Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 14 janvier 1971, 70-90.558, Publié au bulletin
Chronologie de l’affaire
Résumé de la juridiction
En matière d’infraction à la loi sur la presse le délai de pourvoi en cassation est de trois jours. Ce délai n’est pas franc (1) (arrêt n. 1).
Est une apologie des crimes de guerre la publication d’un texte de nature à inciter tout lecteur à porter un jugement de valeur morale favorable aux dirigeants du parti national socialiste allemand condamnés comme criminels de guerre par le Tribunal international de Nüremberg et constituant un essai de justification au moins partielle de leurs crimes (2). La connaissance par l’auteur de la publication que de celle-ci résultait l’apologie de crimes de guerre établit le caractère intentionnel de l’infraction (3) (arrêt n. 1).
La Cour d’appel peut, en relaxant le prévenu de l’un des chefs de la prévention retenue par le Tribunal confirmer la peine prononcée par les premiers juges. L’application d’une disposition pénale édictée par la loi est une faculté de l’exercice de laquelle les juges ne doivent aucun compte (4) (arrêt n. 1).
Une association qui n’a pas pour but la défense des intérêts de ses membres, qui a été spécialement créée pour conserver la mémoire des victimes de la déportation et qui a été reconnue d’utilité publique à cet effet subit un préjudice direct et personnel du fait de l’apologie des crimes de guerre, la déportation étant un de ces crimes. La recevabilité découle de la spécialité du but et de l’objet de sa mission (5) (arrêt n. 1).
Les disques phonographiques doivent être considérés comme des imprimés au sens de l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881. Leur distribution, leur mise en vente ou leur vente constitue l’un des moyens par lesquels peut être réalisée l’apologie de certains crimes et délits prévue et punie par l’article 24, paragraphe 3 de la même loi (arrêts n. 1 et 2).
Sur la décision
Référence : | Cass. crim., 14 janv. 1971, n° 70-90.558, Bull. crim., N. 14 p. 30 |
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Juridiction : | Cour de cassation |
Numéro(s) de pourvoi : | 70-90558 |
Importance : | Publié au bulletin |
Publication : | Bulletin Criminel Cour de Cassation Chambre criminelle N. 14 p. 30 |
Décision précédente : | Cour d'appel de Paris, 13 janvier 1970 |
Dispositif : | Cassation partielle Cassation |
Date de dernière mise à jour : | 4 novembre 2021 |
Identifiant Légifrance : | JURITEXT000007058994 |
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Sur les parties
- Président : PDT M. Rolland
- Rapporteur : RPR M. Chapar
- Avocat général : AV.GEN. M. Boucheron
Texte intégral
Cassation partielle sur le pourvoi forme par le procureur general pres la cour d’appel de paris, contre un arret de cette cour d’appel, en date du 14 janvier 1970, qui a condamne x… (herve) a 750 francs d’amende pour complicite d’apologie de crimes de guerre par le moyen de la publication d’imprimes, l’a relaxe du chef d’apologie de crimes de guerre par le moyen de la publication d’un disque phonographique, a relaxe y… (marguerite) de complicite des memes delits et a declare les associations le comite d’action de la resistance et le reseau du souvenir irrecevables en leurs constitutions de partie civile la cour, vu le memoire du procureur general pres la cour d’appel ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 23 et 24, paragraphe 3, de la loi du 29 juillet 1881, en ce que la cour d’appel a relaxe x… et y… du chef d’apologie de crime de guerre par le moyen de la publication d’un disque phonographique ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que pour etre penalement punissable, l’apologie de certains crimes ou delits prevue par l’article 24, alinea 3, de la loi du 29 juillet 1881, doit avoir ete realisee par l’un des moyens limitativement specifies dans l’article 23 de la meme loi ;
Que les imprimes vises par ce dernier article doivent s’entendre non seulement des reproductions d’un texte, a l’aide de caracteres typographiques, mais aussi de toute reproduction, quel que soit le procede technique utilise, des lors qu’elle permet la publication de la pensee ;
Qu’ainsi les disques phonographiques doivent etre consideres comme des imprimes au sens de l’article 23 susvise ;
Attendu qu’en decidant que le delit d’apologie de crime de guerre ne saurait etre realise par le moyen d’un disque phonographique, des lors qu’il n’est demontre ni meme allegue que ce disque ait fait l’objet d’auditions dans des lieux ou reunions publics, la cour n’a pas donne une base legale a sa decision ;
Qu’il suffit en effet, pour que le delit soit caracterise sous le rapport de la publicite, que soit constate un fait de distribution, de mise en vente ou de vente du support materiel quel qu’il soit sur lequel le texte incrimine est imprime ;
Attendu que l’arret encourt cassation de ce chef ;
Mais attendu que les effets de cette cassation ne sauraient s’etendre aux dispositions de l’arret concernant y… marguerite qui a ete relaxee au seul motif que sa complicite au fait principal n’etait pas etablie ;
Par ces motifs : casse et annule l’arret de la cour d’appel de paris, en date du 14 janvier 1971, mais seulement en ce qu’il a relaxe x… herve du chef de complicite d’apologie de crimes de guerre par le moyen de la publication d’un disque phonographique, toutes autres dispositions dudit arret etant expressement maintenues et pour qu’il soit statue a nouveau conformement a la loi dans les limites de la cassation ainsi prononcee ;
Renvoie la cause et les parties devant la cour d’appel d’orleans.
Textes cités dans la décision
La Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 17 mars 2015 Zeyad et Bouchra X., se penche sur le délit d'apologie de crime d'atteinte volontaire à la vie. Le recours à cette incrimination est loin d'être fréquent et la décision présente l'intérêt de constituer l'une des rares jurisprudences précisant son contenu et son régime juridique. Le 25 septembre 2012, soit un peu plus d'un an après les attentats du 11 septembre, une institutrice d'une école maternelle de Sorgues, habillant un enfant, s'aperçoit que celui-ci est vêtu d'un T-Shirt affichant devant les …