Cour de cassation, Chambre commerciale, 23 mars 2010, 09-65.839, Inédit

  • Modification ou altération du conditionnement·
  • Réseau de distribution exclusive ou sélective·
  • Acquisition auprès d'un distributeur agréé·
  • Faits distincts des actes de contrefaçon·
  • Arrêt de la cour d'appel·
  • Contrefaçon de marque·
  • Écoulement des stocks·
  • Epuisement des droits·
  • Concurrence déloyale·
  • Produit authentique

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Après avoir constaté que le titulaire de la marque avait manifesté son opposition à la vente par adjudication du stock de son distributeur agréé et communiqué le contrat de distribution sélective mentionnant l’interdiction de revente hors réseau, que les produits en cause ont été vendus dans une solderie aménagée dans un hangar situé dans une zone commerciale, que leurs emballages présentaient des défauts d¿aspect, que les affichettes étaient de qualité médiocre, l’arrêt retient que le contexte et les conditions d¿exposition à la vente des produits litigieux, ainsi que la publicité ayant accompagné l¿opération commerciale du revendeur, affectaient négativement la valeur de la marque en ternissant l’allure et l¿image de prestige des parfums et cosmétiques de luxe. En déduisant de ces constatations que la société titulaire de la marque justifiait d’un motif légitime l’autorisant à s¿opposer à une nouvelle commercialisation de ses produits et à se prévaloir de l’absence d’épuisement du droit de marque, la cour d4appel a légalement justifié sa décision. En revanche, en retenant que le revendeur avait commis des agissements parasitaires, qu’il utilisait cette marque comme marque d’appel dans le seul but de profiter de son attrait auprès de la clientèle et que ces agissements visant à bénéficier du pouvoir attractif de la marque sans caractériser des faits distincts de ceux retenus pour justifier l’absence d¿épuisement du droit sur la marque, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 23 mars 2010, n° 09-65.839
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 09-65.839
Importance : Inédit
Publication : Communication commerce électronique, 1, janvier 2011, p. 27-28, note de Christophe Caron ; JCP E, 34, 26 août 2010, p. 12-14, note de Marianne Schaffner ; Propriété industrielle, 6, juin 2010, p. 33-34, note de Pascale Tréfigny-Goy ; PIBD 2010, 918, IIIM-310
Décision précédente : Cour d'appel de Rennes, 19 janvier 2009
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Lorient, 22 janvier 2008
  • (en réquisition) Cour d'appel de Rennes, 20 janvier 2009, 2008/01468 . Cour d'appel de Rennes, 22 mars 2012, 2010/04332
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : CHANEL
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Référence INPI : M20100142
Identifiant Légifrance : JURITEXT000022030978
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2010:CO00346
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Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu selon l’arrêt attaqué que la société Chanel, propriétaire de diverses marques « Chanel » a agi à l’encontre de la société Caud pour contrefaçon et concurrence déloyale après que cette société eut acheté à la société Futura finances des produits de parfumerie et cosmétiques de marque « Chanel » dépendant du stock de la société les Galeries Rémoises, vendu aux enchères publiques, sur autorisation du juge commissaire à la liquidation judiciaire de cette société, distributeur agréé de la société Chanel ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Caud fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée pour usage illicite de la marque Chanel au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que ne saurait constituer une contrefaçon par usage la simple commercialisation de produits authentiques régulièrement acquis après avoir été initialement mis en vente avec l’accord du titulaire de la marque ; qu’en décidant en l’espèce, pour condamner la société Caud à payer à la société Chanel la somme de 5 000 euros, que l’exposante avait fait un usage illicite de la marque Chanel, quand il était constaté que les produits authentiques litigieux avaient été initialement commercialisés par les Galeries Rémoises avec l’accord de la société Chanel, avant d’être acquis ensuite régulièrement à des fins commerciales par la société Caud, la cour d’appel a violé les articles L. 713-2 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ que l’autorisation de commercialiser, donnée en principe par le titulaire de la marque, peut également être issue d’une décision dotée de l’autorité de chose jugée ; qu’en retenant en l’espèce le contraire, pour condamner la société Caud à payer à la société Chanel la somme de 5 000 euros, la cour d’appel a violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil, ensemble les articles L. 713-2,L. 713-3 et L. 713-4 du code de la propriété intellectuelle ;

3°/ que le titulaire de la marque ne peut s’opposer à une nouvelle commercialisation de produits, à laquelle il a, fût-ce tacitement, consenti, en refusant de contester judiciairement une décision ayant autorisé cette nouvelle commercialisation ; qu’en retenant en l’espèce, pour condamner la société Caud à payer à la société Chanel la somme de 5 000 euros, que l’exposante avait fait usage illicite de la marque Chanel en commercialisant, sans son autorisation, des produits authentiques de cette marque à la suite de la liquidation judiciaire des Galeries Rémoises, distributeur agréé par la société Chanel, quand il était constaté que la société Chanel, parfaitement informée des opérations de liquidation, n’avait intentée aucun recours à l’encontre de l’ordonnance du juge commissaire autorisant la vente aux enchères des produits litigieux, en sorte qu’elle avait, au moins tacitement, acquiescé à une nouvelle commercialisation de ses produits, la cour d’appel a violé les articles L. 713-2, L. 713-3 et L. 713-4 du code de la propriété intellectuelle ;

4°/ qu’il appartient au juge de rechercher si une méconnaissance du contrat de distribution sélective par le titulaire de la marque, refusant de racheter les produits de sa marque aux termes dudit contrat, ne lui interdit pas de se prévaloir d’un motif légitime permettant d’interdire une nouvelle commercialisation ; qu’en se bornant en l’espèce à retenir, pour condamner la société Caud à payer à la société Chanel la somme de 5 000 euros au titre d’un usage illicite de la marque, que «la commercialisation de produits dans des conditions portant atteinte à l’image de la marque et à la réputation du fabricant est de nature à constituer un juste motif pour écarter la règle d’épuisement des droits», sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Chanel ne s’était pas opposée de manière purement formelle à la vente aux enchères des produits litigieux, en rechignant en réalité à fournir son contrat de distribution sélective prévoyant la reprise desdits produits au prix de livraison, en préférant, autrement dit, au coût contractuel et certain d’une reprise de produits, les bénéfices éventuels d’une action en contrefaçon contre le revendeur, ce dont il se déduisait une absence de motif légitime, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 713-4 du code de la propriété intellectuelle ;

5°/ que l’usage illicite d’une marque ne peut résulter du seul fait d’une commercialisation de produits authentiques, régulièrement acquis, en dehors d’un réseau de distribution sélective, lorsque le revendeur a, à la mesure de ses moyens, présenté ces produits à la vente avec tout le soin requis pour ne pas porter atteinte à la marque ; qu’en l’espèce la cour d’appel a constaté que les produits cosmétiques de marque Chanel étaient présentés à la vente dans des vitrines fermées, et ainsi séparés des autres produits du magasin, quand la clientèle était également informée de l’origine des produits, du caractère exceptionnelle de la vente et de la qualité du revendeur n’étant pas un distributeur agréé ; qu’en déduisant néanmoins de l’ensemble de ces éléments que la société Caud avait portée atteinte à la marque Chanel, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses propres constatations et violé les articles L. 713-2, L. 713-3 et L.713-4 du code de la propriété intellectuelle ;

6°/ que lors d’une vente aux enchères, les mentions du cahier des charges et les diverses publicités légales l’accompagnant visent à informer les seuls adjudicataires des conditions de la vente et des éventuelles charges l’affectant ; qu’en décidant en l’espèce de condamner la société Caud à payer à la société Chanel la somme de 5 000 euros au titre d’un usage illicite de la marque prétendument ternie par les conditions mêmes de la vente, au motif inopérant que l’exposante ne pouvait ignorer les conditions particulières de vente exigées par la société Chanel, dès lors que les annonces légales ayant précédé la vente aux enchères spécifiaient que les acquéreurs devaient « se conformer à la législation et aux clauses accréditives de distribution des parfums et cosmétiques » quand il était simultanément constaté que l’adjudicataire était la société Futura finances et non l’exposante, la cour d’appel a derechef violé les articles L. 713-2, L. 713-3 et L. 713-4 du code de la propriété intellectuelle, ensemble l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’après avoir constaté que la société Chanel avait informé le liquidateur de son opposition à la vente par adjudication et rappelé qu’elle offrait de reprendre ses produits aux conditions prévues au contrat de distribution sélective la liant à la société Galeries Rémoises, l’arrêt relève que, par un second courrier, la société Chanel avait réitéré son opposition et communiqué au liquidateur le contrat de distribution sélective mentionnant l’interdiction de revente hors réseau et la faculté de reprise du fabricant ; qu’il relève encore que les produits en cause étaient offerts à la vente et vendus dans une solderie en libre service aménagée dans un hangar situé dans une zone commerciale, que leurs emballages présentaient des défauts d’aspect imputables à une manipulation excessive et sans soin et que les affichettes utilisées pour annoncer au public cette commercialisation avec un rabais de 30 % étaient de qualité médiocre ; qu’il retient enfin que le contexte et les conditions d’exposition à la vente des produits Chanel ainsi que la publicité ayant accompagné l’opération commerciale de la société Caud affectaient négativement la valeur de la marque en ternissant l’allure et l’image de prestige des parfums et cosmétiques de luxe de la société Chanel ; que la cour d’appel, qui a procédé à la recherche visée par la quatrième branche a pu déduire de ces constatations et appréciations que la société Chanel justifiait d’un motif légitime l’autorisant à s’opposer à une nouvelle commercialisation de ses produits et à se prévaloir de l’absence d’épuisement du droit de marque ; qu’ainsi, elle a légalement justifié sa décision ;

Attendu en deuxième lieu, que l’arrêt relève que l’ordonnance du juge commissaire ayant autorisé la vente par adjudication des produits Chanel, encore en stock chez le distributeur agréé en liquidation judiciaire, n’avait jamais été notifiée à la société Chanel, que cette société avait manifesté son opposition à la vente dès qu’elle en avait eu connaissance, offert de reprendre les produits aux conditions prévues au contrat de distribution sélective et réitéré ultérieurement son opposition ; que la cour d’appel qui a ainsi fait ressortir que la société Chanel n’avait pas consenti, même implicitement, à une nouvelle commercialisation des produits en cause a légalement justifié sa décision ;

Et attendu enfin, que la connaissance par la partie poursuivie des conditions de vente exigées par la société Chanel ne constituant pas un élément pertinent de l’action en contrefaçon pour usage illicite de marque, le moyen s’attaque en sa sixième branche à un motif surabondant ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le second moyen pris en sa deuxième branche :

Vu l’article 1382 du code civil ;

Attendu que pour retenir que la société Caud avait commis des agissements parasitaires au préjudice de la société Chanel et la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, l’arrêt relève qu’en placardant dans son point de vente des affiches reproduisant la marque Chanel, alors qu’elle ne disposait que d’une quantité limitée de produits de cette marque et que l’étanchéité du réseau de distribution sélective lui interdisait de se réapprovisionner, la société Caud a utilisé cette marque comme marque d’appel dans le seul but de profiter de son attrait auprès de la clientèle et de tenter de vendre d’autres articles que ceux annoncés ; que l’arrêt retient encore que ces agissements visant à bénéficier du pouvoir attractif de la marque ont permis à la société Caud de tirer profit de l’image et du prestige de la marque sans avoir à se soumettre aux contraintes pesant sur les distributeurs agréés ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans caractériser des faits distincts de ceux retenus pour justifier l’absence d’épuisement du droit sur la marque Chanel et la condamnation de la société Caud pour usage illicite de cette marque, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a condamné la société Caud à payer à la société Chanel une somme de 5 000 euros pour agissements parasitaires, l’arrêt rendu le 20 janvier 2009, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne la société Chanel aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Caud

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que la Société CAUD a fait usage de la marque CHANEL sans l’autorisation de la SAS CHANEL, dans des conditions constitutives de contrefaçon au sens de l’article L.713-2 du Code de la Propriété Intellectuelle et d’avoir, en conséquence, condamné la Société CAUD à payer à la SAS CHANEL la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour atteinte à la marque ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur la contrefaçon par usage illicite de marque : II résulte du procès-verbal de constat du 14 février 2005 que l’huissier s’étant déplacé dans les locaux commerciaux de la société CAUD a photographié le point de vente aménagé dans un hangar en tôles métalliques situé dans une zone commerciale et a en outre constaté le placardage d’affichettes publicitaires annonçant la vente à compter du 7 février 2005 avec rabais de 30 % de parfums et cosmétiques, dont ceux de la société CHANEL dont la marque était reproduite. L’huissier a découvert en ce lieu neuf produits CHANEL « apparaissant comme ayant plus ou moins été manipulés » et dont les emballages comportaient la mention suivante : « cet article ne peut être vendu que par des dépositaires agréés CHANEL ». Il est par ailleurs constant que les produits litigieux ont été fournis par la société CHANEL à la société GALERIES RÉMOISES à laquelle elle était liée par un contrat de distribution sélective puis ont été acquis par la société FUTURA FINANCES au cours d’une vente aux enchères organisée en décembre 2004 par le liquidateur judiciaire du distributeur agréé, l’acquéreur les ayant enfin revendus à la société CAUD. Au visa de l’article L.713-3 du Code de la propriété industrielle, la société CHANEL fait en premier lieu grief à la société CAUD de s’être rendue coupable de contrefaçon par usage illicite de sa marque dès lors que, commercialisant ses produits au travers d’un réseau de distribution sélective, elle n’avait jamais consenti à ce qu’ils fussent commercialisés en dehors de ce réseau et que les conditions de remise en vente portaient atteinte à l’image et au prestige de sa marque. Le propriétaire d’une marque ne peut toutefois, selon l’article L.713-4 du Code de la propriété intellectuelle, interdire un nouvel acte de commercialisation sous sa marque d’un produit qu’il a lui-même déjà mis dans le commerce sauf s’il justifie de motifs légitimes. À cet égard, la société CHANEL fait pertinemment valoir que la commercialisation de produits dans des conditions portant atteinte à l’image de la marque et à la réputation du fabricant est de nature à constituer un juste motif pour écarter la règle d’épuisement des droits attachés à la marque édictée par l’article L.713-4 précité. En effet, les produits de parfumerie et de cosmétique CHANEL relèvent de la catégorie des produits de luxe dont la haute qualité et l’image de raffinement à laquelle ils sont attachés dans l’esprit des consommateurs légitiment le respect de conditions de commercialisation particulières tenant notamment à la sophistication du cadre dans lequel les produits doivent être exposés et à la qualification des vendeur. Ainsi, le lieu de vente et l’agencement du magasin du distributeur ne doivent pas nuire au prestige et à la notoriété de la marque, et la clientèle doit pouvoir être conseillée par un personnel suffisamment qualifié, ce que la société CAUD, nonobstant ses allégations contraires, n’offrait nullement. Il résulte au contraire des constatations de l’huissier que l’appelante exploite une solderie en libre service aménagée dans un hangar bardé de tôles situé dans une zone commerciale et que l’emballage des produits litigieux présentait des défauts d’aspect imputables à une manipulation excessive et sans soin. De surcroît, les affichettes apposées par la société CAUD faisaient usage à des fins publicitaires de la marque CHANEL et, s’il est de principe que le distributeur offrant à la vente des produits authentiquement revêtus d’une marque peut aussi employer cette marque afin d’annoncer au public cette commercialisation, cette faculté ne l’autorisait nullement à utiliser celle-ci dans des conditions de nature à ternir son image, notamment comme en l’espèce en la reproduisant dans une mise en page et sur un support de médiocre qualité ainsi que dans un environnement dévalorisant. La société CAUD ne peut sérieusement prétendre que les règles applicables à la liquidation judiciaire de la société GALERIES REMOISES imposaient au titulaire de la marque de renoncer à ses droits sur celle-ci, alors que, si la liquidation judiciaire mettait fin au contrat de distribution sélective liant la société CHANEL à son distributeur, la vente par adjudication du stock de marchandises selon les modalités prévues m’emportait nullement la déchéance des droits du propriétaire de la marque et singulièrement de celui d’exiger que son usage ne portât point atteinte à son image et à son prestige. De même, elle ne peut davantage soutenir que la société CHANEL aurait implicitement consenti à la recommercialisation de ses produits en s’abstenant de contester judiciairement l’ordonnance du Juge Commissaire du 7 novembre 2003 ayant autorisé la vente par adjudication des produits CHANEL encore en stock chez le distributeur agréé en liquidation judiciaire, alors que cette ordonnance ne lui a jamais été notifiée et que, dès qu’elle en a eu connaissance, elle a, par courrier du 28 novembre 2003, informé le liquidateur de son opposition à la vente et rappelé qu’elle offrait de reprendre ses produits aux conditions prévues au contrat de distribution sélective la liant à la société GALERIES RÉMOISES, obtenant ainsi leur retrait de la vente aux enchères organisée en décembre 2003, puis qu’elle a par un second courrier du 6 avril 2004 réitéré son opposition et communiqué au liquidateur, à la demande de celui-ci, le contrat de distribution sélective mentionnant l’interdiction de revente hors réseau et la faculté de reprise du fabricant. Il s’en déduit que l’absence de recours contre la décision du Juge Commissaire de la part de la société CHANEL ne saurait s’analyser, à supposer même que ces recours aient pu avoir une chance raisonnable de succès, comme l’expression d’une volonté non équivoque de consentir à la recommercialisation de ses produits en dehors de son réseau de distribution sélective. Au demeurant, la société CAUD ne pouvait ignorer que le propriétaire de la marque s’opposait à une nouvelle commercialisation selon des modalités de nature à porter atteinte à son image et à son prestige, alors que l’emballage de chacun des produits en cause mentionnait explicitement que celui-ci ne pouvait être vendu que par un distributeur agréé par la société CHANEL et qu’il appartenait donc à l’acquéreur de se renseigner sur les conditions de remise en vente auprès de la société CHANEL ou en tout cas de son vendeur, la société FUTURA FINANCES, qui était en mesure de l’éclairer puisque les annonces légales ayant précédé la vente aux enchères spécifiaient que les acquéreurs devaient « se conformer à la législation et aux clauses accréditives de distribution des parfums et cosmétiques ». Il est ainsi établi que le contexte et les conditions d’exposition à la vente des produits CHANEL ainsi que de la publicité ayant accompagné cette opération commerciale affectaient négativement la valeur de la marque en ternissant l’allure et l’image de prestige des parfums et cosmétiques de luxe fabriqués par la société CHANEL, laquelle avait ainsi de justes motifs de s’opposer à une nouvelle commercialisation de ceux-ci dans de telles circonstances. Le préjudice subi du fait de l’usage illicite de sa marque résulte de l’atteinte portée à la valeur distinctive et patrimoniale de celle-ci, les efforts consentis par la société CHANEL pour promouvoir ses produits de luxe étant ternis par les agissements de la société CAUD qui dévalorisait la marque et en banalisait l’image. La faute de la société CAUD n’a toutefois concouru à la réalisation du dommage qu’à due concurrence des 31 articles effectivement mis en vente dans son magasin, et non pour la totalité des 980 produits de marque CHANEL cédés par le liquidateur judiciaire de la société GALERIES RÉMOISES. Les premiers juges ont donc ajuste titre fixé en considération des éléments de la cause le montant des dommages-intérêts à 5.000 € ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE Sur la contrefaçon :

Attendu qu’il résulte des explications et des pièces versées aux débats, notamment te constat dressé le 15 février 2005 par Maître X…, Huissier de justice à HENNEBONT, que dans Je cadre d’une opération promotionnelle, la Société CAUD a commercialisé, dans le magasin de type solderie qu’elle exploite à CAUDAN sous l’enseigne NOZ, des produits de beauté CHANEL acquis auprès de la Société FUTURA FINANCES, laquelle les avait elle-même achetés lors de la vente aux enchères provoquée par le mandataire liquidateur, préalablement autorisé à cet effet, suivant ordonnance du Juge-Commissaire du Tribunal de Commerce de REIMS en date du 7 novembre 2003, de la Société GALERIES RÉMOISES ; Attendu en droit qu’en vertu de l’article L 713-2 du Code de la Propriété Intellectuelle, l’usage d’une marque authentique est prohibé sans l’autorisation de son titulaire ; Attendu que la Société CAUD soutient que la Société CHANEL a consenti implicitement à la vente aux enchères des produits de sa marque qui faisaient partie du stock de la société liquidée ; Que ses affirmations sont toutefois contredites par le courrier, également produit au dossier, adressé le 28 novembre 2003 au liquidateur judiciaire des GALERIES RÉMOISES, dans lequel la SAS CHANEL fait part, dans des termes dépourvus de toute ambiguïté, de son opposition relativement à la vente par adjudication des produits de sa marque, la SAS CHANEL précisant qu’en application des clauses du contrat de distributeur agréé passé avec les GALERIES RÉMOISES, elle s’engageait, moyennant restitution des marchandises, à en rembourser le prix ; Attendu que dans ces conditions, la SARL CAUD ne saurait utilement invoquer une quelconque autorisation de la Société CHANEL à la vente de ses produits en dehors du réseau de distribution sélective par elle mis en place, étant observé que la polémique qui s’est instaurée entre les parties concernant l’absence de recours formé par la Société CHANEL contre l’ordonnance du Juge-Commissaire à la liquidation judiciaire des GALERIES RÉMOISES s’avère parfaitement stérile à cet égard ; Attendu que la Société CHANEL a versé aux débats un modèle des contrats type signés avec ses distributeurs ; Qu’il convient de relever, tout d’abord, que la société précitée commercialisant des produits cosmétiques et parfums de luxe, la mise en place d’un système de distribution sélective est justifiée en son principe dès lors qu’elle a pour seule finalité de préserver l’image prestigieuse dont bénéficient auprès des consommateurs les produits de la marque ; Qu’il ressort du modèle de contrat communiqué que les distributeurs agréés, choisis en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, s’obligent à ne vendre les produits CHANEL qu’à des consommateurs directs ou à d’autres détaillants agréés ; Attendu que la Société CAUD affirme que ces stipulations ne garantissent aucunement l’étanchéité du réseau, dans la mesure où elles ne traitent pas des conséquences de la procédure collective dont peut taire l’objet un distributeur agréé ; Que cette assertion est toutefois démentie par la clause VII du contrat type stipulant qu’ « à la cessation du présent contrat pour quelque cause que ce soit, le détaillant agréé s’engage à cesser sans délai la vente des produits encore en sa possession. En contrepartie, la Société CHANEL s’oblige à reprendre et le détaillant agréé s’oblige à lui restituer la totalité des stocks de produits » ; Que la preuve de la parfaite étanchéité juridique, et partant de la licéité du réseau de distribution sélective instauré par la Société CHANEL, est donc rapportée ; Attendu qu’il appartenait à la Société CAUD. en sa qualité de soldeur professionnel ne pouvant ignorer tes usages en la matière, de ne revendre les cosmétiques litigieux qu’après avoir recueilli le consentement préalable du titulaire de la marque, et ce, nonobstant le caractère régulier des conditions d’acquisition desdits cosmétiques par la Société CAUD auprès de la Société FUTURA FINANCES ; Que la SARL CAUD ne pouvait d’autant moins Ignorer la nécessité d’obtenir l’autorisation de la SAS CHANEL avant de commercialiser elle-même ces produits que ceuxci portaient tous sur leur emballage la mention « ne peut être vendu que par les dépositaires agréés CHANEL », ainsi que l’a relevé Maître X…, lors de sa visite, le 15 février 2005, dans les locaux du magasin exploité à CAUDAN par la Société CAUD, sous l’enseigne NOZ ; Qu’il ressort d’ailleurs des propres pièces de là Société CAUD, que t’enseigne NOZ s’était vue notifier, début février 2005, par deux autres marques de renom, l’interdiction de commercialiser leurs produits, dès lors qu’elle n’avait pas la qualité de distributeur agréé ; Attendu, en définitive, qu’en proposant à la vente des produits de beauté de marque CHANEL sans autorisation de son titulaire, la SARL CAUO a commis des actes de contrefaçon, constitutifs de concurrence déloyale, la SARL CAUD s’étant en effet placée en situation de rivalité avec le réseau de distribution sélective mis en place par CHANEL ; Sur le préjudice : Attendu que lors de son déplacement au point de vente NOZ, Maître X… a constaté la présence de deux affiches publicitaires, la première, apposée sur la porte d’entrée principale du magasin, la deuxième à l’intérieur, mentionnant dans le cadre d’une opération promotionnelle incluant des rabais de 30 %, la marque et le monogramme CHANEL ; Attendu que cette référence à une marque dont l’attrait sur la clientèle est indéniable, dans un emplacement commercial ne répondant pas aux critères qualitatifs exigés par la SAS CHANEL, constitue indiscutablement une atteinte à l’image de la marque ; Que l’importance du préjudice en découlant doit toutefois être nuancée dès lors que, d’une part, d’autres marques de cosmétiques tout aussi prestigieuses que CHANEL se trouvaient également citées sur les supports publicitaires en question, d’autre part et surtout, l’opération promotionnelle susmentionnée a présenté un caractère ponctuel, la Société CAUD ayant pris soin de préciser sur les affiches incriminées qu’elle n’avait pas la qualité de distributeur agréé des produits proposés et que ceux-ci provenaient d’une liquidation judiciaire ; Qu’elle dort également être relativisée dès lors qu’il résulte des constatations de Maître X… que les 9 produits CHANEL exposés à la vente, lors de son passage au magasin NOZ le 15 février 2005, s’ils se trouvaient à proximité de produits non marqués, étalent néanmoins disposés dans des vitrines, l’huissier précité n’ayant relevé par ailleurs aucun signe de dégradation ou d’altération ; Attendu, enfin, qu’il ne paraît pas inutile de rappeler que la vente litigieuse n’a porté que sur 31 articles ; Attendu qu’au regard de ces éléments, il y a lieu d’évaluer le préjudice subi à la somme de 5.000 € qui Indemnisera tant l’atteinte à la marque que le préjudice commercial ;

1°) ALORS QUE ne saurait constituer une contrefaçon par usage la simple commercialisation de produits authentiques régulièrement acquis après avoir été initialement mis en vente avec l’accord du titulaire de la marque ; qu’en décidant en l’espèce, pour condamner la société CAUD à payer à CHANEL la somme de 5.000 euros, que l’exposante avait fait un usage illicite de la marque CHANEL, quand il était constaté que les produits authentiques litigieux avaient été initialement commercialisés par les Galeries Rémoises avec l’accord de CHANEL, avant d’être acquis ensuite régulièrement à des fins commerciales par la société CAUD, la cour d’appel a violé les articles L.713-2 et L.713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) ALORS QUE l’autorisation de commercialiser, donnée en principe par le titulaire de la marque, peut également être issue d’une décision dotée de l’autorité de chose jugée ; qu’en retenant en l’espèce le contraire, pour condamner la société CAUD à payer à CHANEL la somme de 5.000 euros, la cour d’appel a violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil, ensemble les articles L.713-2, L.713-3 et L.713-4 du code de la propriété intellectuelle ;

3°) ALORS QUE le titulaire de la marque ne peut s’opposer à une nouvelle commercialisation de produits, à laquelle il a, fût-ce tacitement, consenti, en refusant de contester judiciairement une décision ayant autorisé cette nouvelle commercialisation ; qu’en retenant en l’espèce, pour condamner la société CAUD à payer à CHANEL la somme de 5.000 euros, que l’exposante avait fait usage illicite de la marque CHANEL en commercialisant, sans son autorisation, des produits authentiques de cette marque à la suite de la liquidation judiciaire des Galeries Rémoises, distributeur agréé CHANEL, quand il était constaté que la société CHANEL, parfaitement informée des opérations de liquidation, n’avait intentée aucun recours à l’encontre de l’ordonnance du juge commissaire autorisant la vente aux enchères des produits litigieux, en sorte qu’elle avait, au moins tacitement, acquiescé à une nouvelle commercialisation de ses produits, la cour d’appel a violé les articles L.713-2, L.713-3 et L.713-4 du code de la propriété intellectuelle ;

4°) ALORS QU’ il appartient au juge de rechercher si une méconnaissance du contrat de distribution sélective par le titulaire de la marque, refusant de racheter les produits de sa marque aux termes dudit contrat, ne lui interdit pas de se prévaloir d’un motif légitime permettant d’interdire une nouvelle commercialisation ; qu’en se bornant en l’espèce à retenir, pour condamner la société CAUD à payer à CHANEL la somme de 5.000 euros au titre d’un usage illicite de la marque, que « la commercialisation de produits dans des conditions portant atteinte à l’image de la marque et à la réputation du fabricant est de nature à constituer un juste motif pour écarter la règle d’épuisement des droits », sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société CHANEL ne s’était pas opposée de manière purement formelle à la vente aux enchères des produits litigieux, en rechignant en réalité à fournir son contrat de distribution sélective prévoyant la reprise desdits produits au prix de livraison, en préférant, autrement dit, au coût contractuel et certain d’une reprise de produits, les bénéfices éventuels d’une action en contrefaçon contre le revendeur, ce dont il se déduisait une absence de motif légitime, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.713-4 du code de la propriété intellectuelle ;

5°) ALORS QUE l’usage illicite d’une marque ne peut résulter du seul fait d’une commercialisation de produits authentiques, régulièrement acquis, en dehors d’un réseau de distribution sélective, lorsque le revendeur a, à la mesure de ses moyens, présenté ces produits à la vente avec tout le soin requis pour ne pas porter atteinte à la marque ; qu’en l’espèce la cour d’appel a constaté que les produits cosmétiques de marque CHANEL étaient présentés à la vente dans des vitrines fermées, et ainsi séparés des autres produits du magasin, quand la clientèle était également informée de l’origine des produits, du caractère exceptionnelle de la vente et de la qualité du revendeur n’étant pas un distributeur agréé ; qu’en déduisant néanmoins de l’ensemble de ces éléments que la société CAUD avait portée atteinte à la marque CHANEL, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses propres constatations et violé les articles L.713-2, L.713-3 et L.713-4 du code de la propriété intellectuelle ;

6°) ALORS QUE lors d’une vente aux enchères, les mentions du cahier des charges et les diverses publicités légales l’accompagnant visent à informer les seuls adjudicataires des conditions de la vente et des éventuelles charges l’affectant ; qu’en décidant en l’espèce de condamner la société CAUD à payer à CHANEL la somme de 5.000 euros au titre d’un usage illicite de la marque prétendument ternie par les conditions mêmes de la vente, au motif inopérant que l’exposante ne pouvait ignorer les conditions particulières de vente exigées par CHANEL, dès lors que les annonces légales ayant précédé la vente aux enchères spécifiaient que les acquéreurs devaient « se conformer à la législation et aux clauses accréditives de distribution des parfums et cosmétiques », quand il était simultanément constaté que l’adjudicataire était la société Futura Finances et non l’exposante, la cour d’appel a derechef violé les articles L.713-2, L.713-3 et L.713-4 du code de la propriété intellectuelle, ensemble l’article 1134 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit qu’une violation de l’interdiction de revente hors du réseau de distribution sélective CHANEL et des agissements parasitaires étaient imputables à la société CAUD et d’avoir condamné à ce titre la société CAUD à payer à la société CHANEL la somme de 5.000 euros ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur la violation de l’interdiction de revente hors réseau et la concurrence déloyale : Aux termes de l’article L.442-6-I-6° du Code de la prop riété industrielle, le commerçant participant directement ou non à la violation de l’interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective exempté au titre des règles applicables au droit de la concurrence engage sa responsabilité, et s’oblige à réparer le préjudice causé. Or, il n’est en l’espèce pas discuté que le réseau de distribution sélective créé par la société CHANEL à l’effet de commercialiser ses produits de luxe est licite et bénéficie du règlement européen d’exemption du 29 décembre 1999, de sorte que cette société est fondée à poursuivre toute violation de l’interdiction de revente en dehors de son réseau. La société CAUD, qui a participé à la violation de l’interdiction de revente hors réseau en commercialisant des produits de la société CHANEL sans l’agrément de cette dernière, n’ignorait au demeurant pas l’existence de ce réseau de distribution sélective puisque, ainsi que cela a été précédemment rappelé, les annonces légales ayant précédé la vente aux enchères spécifiaient que les acquéreurs devaient « se conformer à la législation et aux clauses accréditives de distribution des parfums et cosmétiques », et que surtout l’emballage de chacun des produits en cause mentionnait explicitement que celui-ci ne pouvait être vendu que par un distributeur agréé par la société CHANEL. Au surplus, s’il est de principe que le seul fait de mettre en vente des produits habituellement commercialisés au travers d’un réseau de distribution sélective ne constitue pas en lui-même un acte de concurrence déloyale, il en va différemment lorsque cette commercialisation s’accompagne de circonstances fautives. Ainsi, en placardant dans son point de vente des affiches reproduisant la marque CHANEL alors qu’elle ne disposait que d’une quantité limitée de produits de cette marque et que l’étanchéité du réseau de distribution sélective mis en place par le propriétaire de la marque lui interdisait de se réapprovisionner, la société CAUD a utilisé celle-ci comme marque d’appel dans le seul but de profiter de son attrait auprès de la clientèle et de tenter de vendre d’autres articles que ceux annoncés. Ces agissements visant à bénéficier du pouvoir attractif de la marque CHANEL ont de surcroît permis à la société CAUD de tirer profit de l’image et du prestige de cette marque sans pour autant se soumettre aux contraintes pesant sur les distributeurs agréés, lesquels sont notamment tenus en vertu de leur contrat de distribution sélective d’offrir des services de conseil et de démonstration, d’employer un personnel qualifié en matière de parfumerie et de maintenir à un haut niveau de standing leur point de vente et son environnement. Cette violation de l’interdiction de revente hors réseau de distribution sélective doublée d’agissements parasitaires constituent des fautes et ont généré un préjudice distincts de la faute caractérisant la contrefaçon par usage de marque et du préjudice né de l’atteinte à l’image de la marque en ayant découlé. Il y a donc lieu de réparer ce préjudice séparément, contrairement à ce qu’ont décidé les premiers juges dont le jugement devra donc sur ce point être réformé. Les ventes réalisées par la société CAUD constituent un facteur de déséquilibre économique faussant les résultats des distributeurs agréés de la région qui étaient en droit de compter sur l’étanchéité du réseau de distribution sélective auquel ils appartiennent pour réaliser les objectifs de chiffre d’affaires que leur a assignés la société CHANEL. Celle-ci a en outre exposé des frais pour assurer l’étanchéité de son réseau, notamment en mettant en oeuvre des moyens techniques visant à garantir la traçabilité de ses produits. La société CHANEL subit donc un trouble commercial aggravé par l’altération que sa clientèle pouvait avoir de la cohésion du réseau, mais celui-ci n 'est toutefois imputable à la société CAUD que dans les limites des produits qu’elle a effectivement mis en vente, de sorte que ce poste de préjudice sera exactement réparé par l’allocation de dommages-intérêts complémentaires d’un montant de 5.000 € ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU’il résulte des explications et des pièces versées aux débats, notamment te constat dressé le 15 février 2005 par Maître X…, Huissier de justice à HENNEBONT, que dans Je cadre d’une opération promotionnelle, la Société CAUD a commercialisé, dans le magasin de type solderie qu’elle exploite à CAUDAN sous l’enseigne NOZ, des produits de beauté CHANEL acquis auprès de la Société FUTURA FINANCES, laquelle les avait elle-même achetés lors de la vente aux enchères provoquée par le mandataire liquidateur, préalablement autorisé à cet effet, suivant ordonnance du Juge-Commissaire du Tribunal de Commerce de REIMS en date du 7 novembre 2003, de la Société GALERIES RÉMOISES ; Attendu en droit qu’en vertu de l’article L 713-2 du Code de la Propriété Intellectuelle, l’usage d’une marque authentique est prohibé sans l’autorisation de son titulaire ; Attendu que la Société CAUD soutient que la Société CHANEL a consenti implicitement à la vente aux enchères des produits de sa marque qui faisaient partie du stock de la société liquidée ; Que ses affirmations sont toutefois contredites par le courrier, également produit au dossier, adressé le 28 novembre 2003 au liquidateur judiciaire des GALERIES RÉMOISES, dans lequel la SAS CHANEL fait part, dans des termes dépourvus de toute ambiguïté, de son opposition relativement à la vente par adjudication des produits de sa marque, la SAS CHANEL précisant qu’en application des clauses du contrat de distributeur agréé passé avec les GALERIES RÉMOISES, elle s’engageait, moyennant restitution des marchandises, à en rembourser le prix ; Attendu que dans ces conditions, la SARL CAUD ne saurait utilement invoquer une quelconque autorisation de la Société CHANEL à la vente de ses produits en dehors du réseau de distribution sélective par elle mis en place, étant observé que la polémique qui s’est instaurée entre les parties concernant l’absence de recours formé par la Société CHANEL contre l’ordonnance du Juge-Commissaire à la liquidation judiciaire des GALERIES RÉMOISES s’avère parfaitement stérile à cet égard ; Attendu que la Société CHANEL a versé aux débats un modèle des contrats type signés avec ses distributeurs ; Qu’il convient de relever, tout d’abord, que la société précitée commercialisant des produits cosmétiques et parfums de luxe, la mise en place d’un système de distribution sélective est justifiée en son principe dès lors qu’elle a pour seule finalité de préserver l’image prestigieuse dont bénéficient auprès des consommateurs les produits de la marque ; Qu’il ressort du modèle de contrat communiqué que les distributeurs agréés, choisis en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, s’obligent à ne vendre les produits CHANEL qu’à des consommateurs directs ou à d’autres détaillants agréés ; Attendu que la Société CAUD affirme que ces stipulations ne garantissent aucunement l’étanchéité du réseau, dans la mesure où elles ne traitent pas des conséquences de la procédure collective dont peut taire l’objet un distributeur agréé ; Que cette assertion est toutefois démentie par la clause VII du contrat type stipulant qu’ « à la cessation du présent contrat pour quelque cause que ce soit, le détaillant agréé s’engage à cesser sans délai la vente des produits encore en sa possession. En contrepartie, la Société CHANEL s’oblige à reprendre et le détaillant agréé s’oblige à lui restituer la totalité des stocks de produits » ; Que la preuve de la parfaite étanchéité juridique, et partant de la licéité du réseau de distribution sélective instauré par la Société CHANEL, est donc rapportée ; Attendu qu’il appartenait à la Société CAUD. en sa qualité de soldeur professionnel ne pouvant ignorer tes usages en la matière, de ne revendre les cosmétiques litigieux qu’après avoir recueilli le consentement préalable du titulaire de la marque, et ce, nonobstant le caractère régulier des conditions d’acquisition desdits cosmétiques par la Société CAUD auprès de la Société FUTURA FINANCES ; Que la SARL CAUD ne pouvait d’autant moins Ignorer la nécessité d’obtenir l’autorisation de la SAS CHANEL avant de commercialiser elle-même ces produits que ceuxci portaient tous sur leur emballage la mention « ne peut être vendu que par les dépositaires agréés CHANEL », ainsi que l’a relevé Maître X…, lors de sa visite, le 15 février 2005, dans les locaux du magasin exploité à CAUDAN par la Société CAUD, sous l’enseigne NOZ ; Qu’il ressort d’ailleurs des propres pièces de là Société CAUD, que t’enseigne NOZ s’était vue notifier, début février 2005, par deux autres marques de renom, l’interdiction de commercialiser leurs produits, dès lors qu’elle n’avait pas la qualité de distributeur agréé ; Attendu, en définitive, qu’en proposant à la vente des produits de beauté de marque CHANEL sans autorisation de son titulaire, la SARL CAUO a commis des actes de contrefaçon, constitutifs de concurrence déloyale, la SARL CAUD s’étant en effet placée en situation de rivalité avec le réseau de distribution sélective mis en place par CHANEL ;

1°) ALORS QUE le simple fait de commercialiser des produits authentiques, régulièrement acquis, en dehors de leur réseau habituel de distribution, ne constitue pas un acte de concurrence déloyale ; qu’en décidant en l’espèce le contraire, pour condamner la société CAUD à verser à CHANEL la somme de 5.000 euros au titre d’une concurrence déloyale, la cour d’appel a violé l’article L.442-6 I 6° du code de commerce ;

2°) ALORS QUE l’action et la condamnation fondée sur une concurrence déloyale ne sauraient reposées sur des faits identiques à ceux justifiant d’une action et d’une condamnation sur le fondement de la contrefaçon ; qu’en décidant toutefois en l’espèce de condamner la société CAUD à verser à CHANEL la somme de 5.000 euros au titre d’une concurrence déloyale, sans caractériser concrètement de faits distincts de ceux à raison desquels elle prononçait simultanément condamnation de l’exposante au titre de la contrefaçon, très significativement d’ailleurs à hauteur de 5.000 euros là encore, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.442-6 I 6°du c ode de commerce ;

3°) ALORS QUE l’autorisation de commercialiser, donnée en principe par le titulaire de la marque, peut également être issue d’une décision dotée de l’autorité de chose jugée ; qu’en retenant en l’espèce le contraire, pour condamner la société CAUD à payer à CHANEL la somme de 5.000 euros, la cour d’appel a violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil, ensemble l’article L.442-6 I 6°du code de commerce ;

4°) ALORS QU’ aucun acte de concurrence déloyale n’est constitué par la commercialisation de produits de marque, si le titulaire de la marque y a, fût-ce tacitement, consenti ; qu’en retenant en l’espèce, pour condamner la société CAUD à payer à CHANEL la somme de 5.000 euros, que l’exposante avait commis un acte de concurrence déloyale à l’égard de CHANEL en commercialisant des produits authentiques de cette marque à la suite de la liquidation judiciaire des Galeries Rémoises, distributeur agréé CHANEL, quand il était constaté que la société CHANEL, parfaitement informée des opérations de liquidation, n’avait intenté aucun recours à l’encontre de l’ordonnance du juge commissaire autorisant la vente aux enchères des produits litigieux, en sorte qu’elle avait, au moins tacitement, acquiescé à une nouvelle commercialisation de ses produits, la cour d’appel a violé l’article L.442-6 I 6° du code de commerce ;

5°) ALORS QUE la méconnaissance du contrat de distribution sélective par le titulaire de la marque rechignant à racheter ses produits, interdit à ce dernier de se prévaloir par la suite utilement d’un acte de concurrence déloyale tirée d’une nouvelle commercialisation de ces produits ; qu’en se bornant en l’espèce à retenir, pour condamner la société CAUD à payer à CHANEL la somme de 5.000 euros, que l’exposante avait commis un acte de concurrence déloyale à l’égard de CHANEL en commercialisant des produits de cette marque hors de son réseau habituelle de distribution, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société CHANEL ne s’était pas opposée de manière purement formelle à la vente aux enchères des produits litigieux, en rechignant en réalité à fournir son contrat de distribution sélective prévoyant la reprise desdits produits au prix de livraison, en préférant ainsi au coût certain d’une reprise de produits, les bénéfices éventuels d’une action en concurrence déloyale, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.442-6 I 6° du code de commerce.

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Cour de cassation, Chambre commerciale, 23 mars 2010, 09-65.839, Inédit