Cour de cassation, Chambre commerciale, 5 octobre 2010, 08-19.408, Publié au bulletin

  • Fait des choses que l'on a sous sa garde·
  • Droit maritime·
  • Responsabilité·
  • Faute prouvée·
  • Fondement·
  • Abordage·
  • Barge·
  • Remorqueur·
  • Témoin·
  • Sociétés

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

La responsabilité pour abordage a pour fondement la faute prouvée et non le fait des choses que l’on a sous sa garde.

Dès lors, viole les articles 2 et 3 de la loi du 7 juillet 1967 relative aux événements de mer et l’article 1384, alinéa 1er, du code civil, l’arrêt qui, pour déclarer responsable une société du dommage causé par un abordage, retient qu’il ne procède que du seul fait de ses embarcations, qui, ayant rompu leurs amarres sous l’effet d’un coup de vent, avaient poussé un catamaran puis l’avaient entraîné dans une dérive commune avant de l’écraser

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B. H. · Dalloz Etudiants · 20 octobre 2010
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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 5 oct. 2010, n° 08-19.408, Bull. 2010, IV, n° 147
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 08-19408
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bulletin 2010, IV, n° 147
Décision précédente : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11 juin 2008
Textes appliqués :
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Chambre commerciale, 12 juin 2008, 06/21222 articles 2 et 3 de la loi du 7 juillet 1967 relative aux événements de mer ; article 1384, alinéa 1er, du code civil
Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000022903889
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2010:CO00930
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, le 10 octobre 2004, dans la rade de Cannes, le remorqueur Tatou II et deux barges, appartenant à la société Cheyresy et Fastout (société Cheyresy), ont, sous l’effet d’un coup de vent, rompu leurs amarres puis auraient heurté le catamaran Captain’s paradise, l’entraînant dans leur dérive et l’écrasant au moment où il s’échouait ; que Mme Y…, se prétendant propriétaire du catamaran, a assigné la société Cheyresy en indemnisation de divers préjudices ;

Sur le quatrième moyen, qui est préalable :

Attendu que la société Cheyresy fait grief à l’arrêt d’avoir retenu son rôle causal dans l’abordage, alors, selon le moyen :

1° / qu’elle faisait valoir que le rapport de mer prévu à l’article 10 de la loi du 3 janvier 1969, annexé à l’enquête de gendarmerie, établissait que le catamaran n’était venu s’échouer sur les barges que postérieurement à l’échouage de celles-ci qui n’avaient donc pu l’entraîner dans leur dérive ; qu’en délaissant ces conclusions qui invoquaient un élément de preuve précis, la cour d’appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des prescriptions de l’article 455 du code de procédure civile ;

2° / qu’après avoir relevé qu’à l’exception du témoignage de MM. Z… et A…, ceux recueillis par la gendarmerie maritime (au nombre de quatre) établissaient que l’ensemble constitué par les barges et le remorqueur avait rompu ses amarres, avait dérivé pour venir s’appuyer sur le catamaran dont les amarres avaient cédé et que les quatre unités avaient ensuite dérivé jusqu’à la plage où elles s’étaient échouées en écrasant le catamaran, le juge ne pouvait ensuite indiquer que la seule version discordante de MM. B… et Z… sur une dérive séparée n’était pas pertinente ; qu’en statuant ainsi, quand il résulte de ses propres constatations que l’existence d’une dérive séparée était établie non seulement par ces témoins-là mais également par un autre, la cour d’appel s’est contredite en méconnaissance des exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d’une part, que la cour d’appel n’était pas tenue de répondre à des conclusions invoquant un document qui, malgré son intitulé, ne constituait pas, au sens des articles 11 et 12 du décret du 19 juin 1969, un rapport de mer doté de la force probante particulière conférée par l’article 10 de la loi du 3 janvier 1969 relative à l’armement, mais le témoignage imprécis d’un préposé de la société Cheyresy ;

Attendu, d’autre part, que sans se contredire, dès lors qu’elle précisait que le témoin A… n’avait pas observé toute la scène, la cour d’appel a pu estimer que MM. B… et Z… étaient les seuls témoins mentionnant une dérive séparée du catamaran et des barges susceptible d’exclure le rôle causal de celles-ci dans l’abordage ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société Cheyresy fait ensuite grief à l’arrêt d’avoir écarté toute faute de mouillage du catamaran, alors, selon le moyen :

1° / qu’il appartient au juge d’examiner lui-même si une infraction a été commise à la loi ou au règlement, en appliquant cette loi ou ce règlement aux faits par lui constatés ; qu’en l’espèce, le juge se devait de vérifier si l’emplacement du mouillage du catamaran tel qu’indiqué par les parties ou les témoins se situait ou non en zone interdite, en procédant lui-même à l’analyse de l’arrêté préfectoral n° 25 / 2004 du 27 mai 2004 comportant en annexe le plan délimitant la zone interdite ; qu’en se contentant de relever qu’il résultait de l’emplacement indiqué par la société Cheyresy aux enquêteurs et des déclarations des témoins que le catamaran ne mouillait pas en zone interdite, au lieu de vérifier elle-même cette situation, la cour d’appel a violé l’article 12 du code de procédure civile ;

2° / que, de deuxième part, la société Cheyresy faisait valoir que Mme Y… avait reconnu, tant dans son assignation que dans ses conclusions de première instance, que le catamaran était au mouillage devant le palais des festivals, ce que confirmait le rapport de synthèse de la gendarmerie, et que cet endroit était indubitablement situé en zone interdite au mouillage, laquelle était matérialisée sur la carte marine versée aux débats par une ligne de pointillés rouges incluant la zone maritime se trouvant en bordure sud du palais des festivals ; qu’en délaissant de telles écritures, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de motifs, méconnaissant ainsi les prescriptions de l’article 455 du code de procédure civile ;

3° / que le témoin Z…, qui n’était pas l’employé de la société Cheyresy mais de la chambre de commerce comme il l’indiquait lui-même, avait déclaré que le catamaran se trouvait au nord-est par rapport aux embarcations de la société Cheyresy, tandis que le témoin B… relatait quant à lui que le catamaran était au mouillage dans le sud-est ; qu’en considérant qu’il résultait de ces deux témoignages manifestement contradictoires la preuve que le catamaran était mouillé en zone autorisée, la cour d’appel a violé l’article 1315 du code civil ;

4° qu’en ne précisant pas sur quel élément de preuve elle se serait fondée pour affirmer que la société Cheyresy avait déclaré aux enquêteurs que le catamaran mouillait en zone autorisée en mentionnant par une croix, sur le plan du port, l’emplacement qu’il occupait, ce qui ne résultait nullement de la seule audition de son dirigeant par les enquêteurs, au cours de laquelle il avait précisé que le catamaran était amarré à un bloc de 14 tonnes se trouvant face à la salle Riviera, juste à l’extérieur du balisage de la zone de baignade, la cour d’appel a privé sa décision de tout motif, ne satisfaisant pas ainsi aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, de première part, que sans méconnaître son pouvoir d’apprécier si le mouillage du catamaran contrevenait à l’arrêté n° 25 / 2004 du 27 mai 2004 par lequel le préfet maritime de la Méditerranée avait délimité une zone interdite au mouillage en rade de Cannes, la cour d’appel ne s’est référée aux déclarations des parties et témoins que pour fixer en fait le lieu où le Captain’s paradise se trouvait lors du premier heurt ;

Attendu, de deuxième part, que les conclusions invoquées n’attribuant à Mme Y… que des propos par lesquels, sans reconnaître le caractère irrégulier du mouillage du catamaran, elle situait seulement celui-ci « devant le port de Cannes (Palais du Festival) », n’appelaient pas de réponse, en raison de l’imprécision de la localisation ainsi donnée ;

Attendu, de troisième part, que la contradiction invoquée entre les témoignages de MM. B… et Z…, qui ne présentait pas le caractère manifeste allégué, en raison de l’imprécision des indications géographiques et de distance fournies, n’interdisait pas à la cour d’appel de déduire de ces témoignages, souverainement appréciés, que le catamaran mouillait hors de la zone interdite ;

Attendu, enfin, que l’arrêt précise que le dirigeant de la société Cheyresy a mentionné l’emplacement occupé par le catamaran sur un plan au cours de son audition par les enquêteurs de la gendarmerie maritime, ce qui résulte du procès-verbal dressé par eux qui ne relate pas la seule déclaration reproduite au moyen ;

D’où il suit que celui-ci n’est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu les articles 2 et 3 de la loi du 7 juillet 1967 relative aux événements de mer, ensemble l’article 1384, alinéa 1er, du code civil ;

Attendu que la responsabilité pour abordage a pour fondement la faute prouvée et non le fait des choses que l’on a sous sa garde ;

Attendu que, pour retenir la responsabilité pour abordage de la société Cheyresy, l’arrêt, après avoir relevé que le remorqueur Tatou II et les barges, rompant leurs amarres sous l’effet d’un coup de vent, avaient poussé le catamaran puis l’avaient entraîné dans une dérive commune avant de l’écraser, retient que l’abordage et le dommage qu’il a impliqué ne procèdent ainsi que du seul fait des embarcations de la société Cheyresy, ce qui doit conduire à la déclarer entièrement responsable conformément à l’article 3 de la loi du 7 juillet 1967 ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’elle ne retenait que le fait de la société Cheyresy et non sa faute, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le sixième moyen, pris en ses deux premières branches :

Vu les articles 1138 et 1624 du code civil ;

Attendu que, pour allouer à Mme Y… une indemnité compensatrice, pour partie, de la perte du catamaran et de la privation de sa jouissance, l’arrêt retient que la valeur du navire au jour de son abordage correspond au prix de la vente de celui-ci le 11 septembre 2004, cette vente étant parfaite conformément aux dispositions de l’article 1583 du code civil, dès lors que les parties sont convenues de la chose et du prix, quand bien même la première ne serait pas livrée et le second ne serait pas payé ;

Attendu qu’en se déterminant par de tels motifs, dont il résultait que le catamaran avait été vendu avant l’abordage, sans préciser à quel titre, dès lors que les risques sont, en principe, à la charge de l’acquéreur dès le transfert de propriété, Mme Y… pouvait prétendre être indemnisée pour la perte du navire vendu, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a déclaré l’appel recevable et rejeté la demande de sursis à statuer, l’arrêt rendu le 12 juin 2008, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne Mme Y… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Cheyresy et Fastout la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour la société Cheyresy et Fastout

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré le prétendu propriétaire (Mme Y…) d’un catamaran détruit lors d’un abordage, recevable en son action en réparation à l’encontre du propriétaire (la société CHEYRESY & FASTOUT, l’exposante) des bâtiments prétendument responsable de ce sinistre ;

AUX MOTIFS QUE la simulation n’était pas en soi une cause de nullité de l’acte qui en était l’objet ; que les tiers pouvaient la dénoncer et se prévaloir de la situation occulte si la situation apparente leur causait préjudice ; qu’à l’évidence tel n’était pas le cas en l’espèce, la société CHEYRESY & FASTOUT ne justifiant pas et ne soutenant même pas que Mme Y…, en se portant faussement acquéreur du Captain’s Paradise, eût porté atteinte à ses droits ;

ALORS QUE les tiers qui y ont intérêt ont le droit de se prévaloir de l’acte secret, peu important que la simulation ne soit pas frauduleuse ou n’ait pas été accomplie dans le but de porter atteinte au droit des tiers ; qu’en l’espèce l’exposante avait un intérêt manifeste à faire déclarer irrecevable l’action de la prétendue propriétaire du catamaran détruit en soutenant que le véritable propriétaire de ce bien était le concubin de l’intéressée et non elle-même ; qu’en déclarant que l’exposante n’était pas fondée à dénoncer la situation apparente et à se prévaloir de la situation occulte en l’absence d’un préjudice, la cour d’appel a violé l’article 1321 du Code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir déclaré le propriétaire de deux barges et d’un bateau (la société CHEYRESY & FASTOUT, l’exposante) entièrement responsable d’un abordage ayant entraîné la destruction d’un catamaran et de l’avoir en conséquence condamné à payer au prétendu propriétaire de celui-ci (Mme Y…) une indemnité de 480. 000 euros ;

AUX MOTIFS QUE le tribunal avait considéré à tort que le catamaran mouillait en zone interdite, quand M. X… avait lui-même déclaré le contraire aux gendarmes enquêteurs en mentionnant par une croix, sur le plan du port, l’emplacement occupé par ledit engin ; que ce mouillage régulier était aussi confirmé par le témoin Z…, employé de la société CHEYRESY & FASTOUT ; que le témoin B…, également employé de l’exposante, avait retenu aussi « un mouillage dans le sud-est par rapport à nous à une distance que j’estime approximativement à 80 m », soit, selon la configuration des lieux, un mouillage en zone autorisée puisque le témoin Z… avait estimé cette distance à 60 m pour considérer que le catamaran était en dehors d’une zone interdite au mouillage ; que, s’agissant des circonstances de l’abordage, le tribunal avait en revanche retenu à bon escient que les témoignages retenus par la gendarmerie maritime, à l’exception de ceux de M. Z… et A…, établissaient que l’ensemble constitué par les barges et le remorqueur Tatou II avait rompu ses amarres sous l’effet d’un vent de 47 km / h, avait dérivé pour venir s’appuyer sur le catamaran dont les amarres avaient cédé sous la poussée exercée par l’ensemble nettement plus lourd que lui et que les quatre unités avaient ensuite dérivé en paquet jusqu’à la plage où elles s’étaient échouées en écrasant le catamaran et le détruisant en totalité ; que les témoignages C…, D…, E… HOLDING et F… étaient concordants sur une dérive commune des quatre embarcations après le heurt des barges avec le catamaran, de telle sorte que la seule version discordante de MM. B… et Z… sur une dérive séparée n’était pas pertinente et pouvait s’expliquer par leur qualité d’employé de la société CHEYRESY ET FASTOUT ; que l’abordage et le dommage qu’il avait impliqué ne procédaient ainsi que du seul fait des embarcations de la société CHEYRESY ET FASTOUT, ce qui conduisait la cour à la déclarer entièrement responsable conformément à l’article 3 de la loi du 7 juillet 1967 sur les événements de mer ;

ALORS QUE, d’une part, selon l’article 2 de la loi du 7 juillet 1967, si l’abordage est fortuit, s’il est dû à un cas de force majeure ou s’il y a doute sur les causes de l’accident, les dommages sont supportés par ceux qui les ont éprouvés, tandis qu’aux termes de l’article 3 de la même loi, si l’abordage est causé par la faute de l’un des navires, la réparation des dommages incombe à celui qui l’a commise ; qu’en retenant que l’abordage et le dommage qu’il avait impliqué ne procédaient que du seul fait des embarcations de l’exposante, sans constater la faute que celle-ci aurait commise, se fondant ainsi exclusivement sur la matérialité du heurt pour la déclarer entièrement responsable de l’abordage, la cour d’appel a violé l’article 3 de la loi du 7 juillet 1967 ;

ALORS QUE, d’autre part, l’exposante faisait précisément valoir (v. ses conclusions signifiées le 22 avril 2008, pp. 6 et 7) que, dans l’hypothèse où ses embarcations auraient heurté le catamaran avant qu’il ne s’échouât sur la plage, il se serait agi là d’un cas fortuit, aucune faute d’amarrage ou de navigation ne pouvant lui être reprochée ; qu’en délaissant ces conclusions déterminantes où l’exposante se prévalait des dispositions de l’article 2 de la loi du 16 juillet 1967, la cour d’appel a privé sa décision de tout motif, ne satisfaisant pas ainsi aux exigences de l’article 455 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir déclaré le propriétaire de deux barges et d’un bateau (la société CHEYRESY & FASTOUT, l’exposante) entièrement responsable de l’abordage d’un catamaran et de sa destruction et de l’avoir condamné à payer au prétendu propriétaire de celui-ci (Mme Y…) une indemnité de 480. 000 euros ;

AUX MOTIFS QUE le tribunal avait considéré à tort que le catamaran mouillait en zone interdite, quand M. X… avait lui-même déclaré le contraire aux gendarmes enquêteurs en mentionnant par une croix, sur le plan du port, l’emplacement occupé par ledit engin ; que ce mouillage régulier était aussi confirmé par le témoin Z…, employé de la société CHEYRESY & FASTOUT ; que le témoin B…, également employé de celle-ci, avait retenu aussi un mouillage « dans le sud-est par rapport à nous à une distance que j’estime approximativement à 80 m », soit, selon la configuration des lieux, un mouillage en zone autorisée puisque le témoin Z… avait estimé cette distance à 60 m pour considérer que le catamaran était en dehors d’une zone interdite au mouillage ;

ALORS QUE, de première part, il appartient au juge d’examiner lui-même si une infraction a été commise à la loi ou au règlement, en appliquant cette loi ou ce règlement aux faits par lui constatés ; qu’en l’espèce, le juge se devait de vérifier si l’emplacement du mouillage du catamaran tel qu’indiqué par les parties ou les témoins se situait ou non en zone interdite, en procédant lui-même à l’analyse de l’arrêté préfectoral n° 25 / 2004 du 27 mai 2004 comportant en annexe le plan délimitant la zone interdite ; qu’en se contentant de relever qu’il résultait de l’emplacement indiqué par l’exposante aux enquêteurs et des déclarations des témoins que le catamaran ne mouillait pas en zone interdite, au lieu de vérifier elle-même cette situation, la cour d’appel a violé l’article 12 du Code de procédure civile ;

ALORS QUE, de deuxième part, l’exposante faisait valoir (v. ses conclusions préc., pp. 3 et 18) que Mme Y… avait reconnu, tant dans son assignation que dans ses conclusions de première instance, que le catamaran était au mouillage devant le palais des festivals, ce que confirmait le rapport de synthèse de la gendarmerie, et que cet endroit était indubitablement situé en zone interdite au mouillage, laquelle était matérialisée sur la carte marine versée aux débats par une ligne de pointillés rouges incluant la zone maritime se trouvant en bordure sud du palais des festivals ; qu’en délaissant de telles écritures, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de motifs, méconnaissant ainsi les prescriptions de l’article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS QUE, de troisième part, le témoin Z…, qui n’était pas l’employé de l’exposante mais de la chambre de commerce comme il l’indiquait lui-même, avait déclaré (v. prod.) que le catamaran se trouvait au nord-est par rapport aux embarcations de l’exposante, tandis que le témoin B… (v. prod.) relatait quant à lui que le catamaran était au mouillage dans le sud-est ; qu’en considérant qu’il résultait de ces deux témoignages manifestement contradictoires la preuve que le catamaran était mouillé en zone autorisée, la cour d’appel a violé l’article 1315 du Code civil ;

ALORS QUE, enfin, en ne précisant pas sur quel élément de preuve elle se serait fondée pour affirmer que l’exposante avait déclaré aux enquêteurs que le catamaran mouillait en zone autorisée en mentionnant par une croix, sur le plan du port, l’emplacement qu’il occupait, ce qui ne résultait nullement de la seule audition du dirigeant de l’exposante par les enquêteurs, au cours de laquelle il avait précisé que le catamaran était amarré à un bloc de 14 tonnes se trouvant face à la salle Riviera, juste à l’extérieur du balisage de la zone de baignade, la cour d’appel a privé sa décision de tout motif, ne satisfaisant pas ainsi aux exigences de l’article 455 du Code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir déclaré le propriétaire de deux barges et d’un bateau (la société CHEYRESY ET FASTOUT, l’exposante) entièrement responsable d’un abordage ayant entraîné la destruction d’un catamaran et de l’avoir condamné à verser au prétendu propriétaire (Mme Y…) une indemnité de 480. 000 euros ;

AUX MOTIFS QUE les différents témoignages recueillis par la gendarmerie maritime, à l’exception de ceux de M. Z… et de M. A…, lequel n’avait cependant pas observé toute la scène, établissaient que l’ensemble constitué par les barges et le remorqueur Tatou II avait rompu ses amarres sous l’effet d’un coup de vent de 47 km / h, avait dérivé pour venir s’appuyer sur le catamaran dont les amarres avaient elles-mêmes cédé sous la poussée exercée par l’ensemble nettement plus lourd que lui ; que les quatre unités avaient ensuite dérivé en paquet jusqu’à la plage où elles s’étaient échouées, écrasant le catamaran et le détruisant en totalité ; que M. B… précisait avoir vu les barges se tourner et se présenter par le travers alors qu’elles étaient amarrées à l’avant ; que les témoignages C…, D…, E… HOLDING et F… étaient concordants sur une dérive commune des quatre embarcations après le heurt des barges avec le catamaran, de telle sorte que la seule version discordante de MM. B… et Z… sur une dérive séparée n’était pas pertinente et pouvait s’expliquer par leur qualité d’employé de la société CHEYRESY ET FASTOUT ; que l’abordage et le dommage qu’il avait impliqué ne procédaient ainsi que du seul fait des embarcations de l’exposante, ce qui conduisait la cour à la déclarer entièrement responsable conformément à l’article 3 de la loi du 7 juillet 1967 sur les événements de mer ;

ALORS QUE, d’une part, l’exposante faisait valoir que le rapport de mer prévu à l’article 10 de la loi du 3 janvier 1969, annexé à l’enquête de gendarmerie, établissait que le catamaran n’était venu s’échouer sur les barges que postérieurement à l’échouage de celles-ci qui n’avaient donc pu l’entraîner dans leur dérive ; qu’en délaissant ces conclusions qui invoquaient un élément de preuve précis, la cour d’appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des prescriptions de l’article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS QUE, d’autre part, après avoir relevé qu’à l’exception du témoignage de MM. Z… et A…, ceux recueillis par la gendarmerie maritime (au nombre de quatre) établissaient que l’ensemble constitué par les barges et le remorqueur avait rompu ses amarres, avait dérivé pour venir s’appuyer sur le catamaran dont les amarres avaient cédé et que les quatre unités avaient ensuite dérivé jusqu’à la plage où elles s’étaient échouées en écrasant le catamaran, le juge ne pouvait ensuite indiquer que la seule version discordante de MM. B… et Z… sur une dérive séparée n’était pas pertinente ; qu’en statuant ainsi, quand il résulte de ses propres constatations que l’existence d’une dérive séparée était établie non seulement par ces témoins-là mais également par un autre, la cour d’appel s’est contredite en méconnaissance des exigences de l’article 455 du Code de procédure civile.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer dans l’attente de la décision à intervenir dans l’instance distincte introduite par le propriétaire de deux barges et d’un bateau (la société CHEYRESY ET FASTOUT, l’exposante), prétendument responsable de l’abordage et de la destruction d’un catamaran, et tendant à la constitution du fonds de limitation de responsabilité prévu par des dispositions d’ordre public et d’avoir non seulement déclaré ce propriétaire entièrement responsable de l’abordage mais encore condamné celui-ci à payer au propriétaire du catamaran détruit une indemnité de 480. 000 euros ;

AUX MOTIFS QUE la société CHEYRESY ET FASTOUT admettait ne pas être propriétaire du remorqueur Tatout II et que l’abordage était intervenu entre les barges dont elle était propriétaire et le catamaran ; qu’elle soutenait par ailleurs que c’était le catamaran qui était venu s’encastrer entre les barges à un moment où elles étaient déjà échouées sur la plage avec le remorqueur ; qu’il n’existait dès lors aucun motif devant conduire la cour à surseoir à statuer dans ladite affaire dans l’attente de la décision devant intervenir sur l’appel de l’ordonnance de référé du 13 mars 2008 ayant rétracté les ordonnances des 3 et 17 mai 2007 sur la constitution du fonds de garantie ;

ALORS QUE, en se prononçant non seulement sur la responsabilité de l’exposante mais en la condamnant encore à payer à la prétendue propriétaire du catamaran une indemnité de 480. 000 euros avant qu’il ait été définitivement statué sur le bien-fondé de sa demande en limitation de responsabilité, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs en violation des articles 58 et suivant de la loi du 3 janvier 1967, 59 à 87 du décret du 27 octobre 1967 et 380-1 du Code de procédure civile.

SIXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir déclaré le propriétaire de deux barges et d’un bateau (la société CHEYRESY & FASTOUT, l’exposante) entièrement responsable d’un abordage dans lequel avait été détruit un catamaran et de l’avoir condamné à payer au prétendu propriétaire de celui-ci (Mme Y…) une indemnité de 480. 000 euros ;

AUX MOTIFS QUE le catamaran avait été cédé le 11 septembre 2004 pour 360. 000 euros ; que l’argumentation de l’exposante était dépourvue de tout sérieux en ce qu’elle remettait en cause la réalité de cette vente sous prétexte que l’acte était muet sur les modalités du prix de vente et que rien n’établissait que l’acquéreur disposait réellement du financement ; que, selon l’article 1583 du Code civil, la vente était parfaite dès lors que les parties étaient convenues de la chose et du prix, quand bien même l’une ne serait pas livrée et la seconde ne serait pas payé ; que le prix de vente de 360. 000 euros avait donc été justement retenu par le premier juge pour fixer la valeur du catamaran au jour de sa destruction ; qu’on ne pouvait exiger de Mme Y… qu’elle fournît pour chacun des objets détruits la facture ou le ticket de caisse dûment estampillé ;

ALORS QUE, d’une part, il résulte des constatations de l’arrêt attaqué que le catamaran avait été vendu le 11 septembre 2004 et que la vente était parfaite dès lors que les parties étaient convenues de la chose et du prix quand bien même la chose n’aurait pas été livrée ni le prix payé ; qu’en ne tirant pas les conséquences légales de ses propres constatations, à savoir que, ayant perdu la propriété du bateau avant sa destruction, l’intéressée était sans qualité pour demander l’allocation d’une indemnité correspondant à sa valeur, la cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil ;

ALORS QUE, d’autre part, après avoir constaté que la vente du catamaran avant sa destruction était parfaite, le juge ne pouvait allouer à la venderesse une indemnité correspondant au prix de vente sans constater que ce prix n’avait pas été payé par l’acquéreur ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil ;

ALORS QUE, enfin, en décidant que l’intéressée était dispensée de rapporter la preuve de l’existence et de la valeur des objets contenus dans le catamaran et détruits lors de l’accident, la cour d’appel a violé l’article 9 du Code de procédure civile.

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Cour de cassation, Chambre commerciale, 5 octobre 2010, 08-19.408, Publié au bulletin