Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 novembre 2010, 09-87.527, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 23 nov. 2010, n° 09-87.527
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 09-87527
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 21 octobre 2009
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : JURITEXT000023250513

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

L’association Union des jeunes avocats à la cour d’appel de Paris, partie civile,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 22 octobre 2009, qui l’a déboutée de ses demandes après relaxe de M. Vincent X… du chef de diffamation publique envers un particulier ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu’à la suite de la publication sur le site internet de l’association Synfdicat des avocats libres (COSAL) d’un texte mettant en cause le comportement, pendant l’Occupation, de certains membres du conseil de l’ordre du barreau de Paris, et notamment de M. Y…, fondateur de l’Union des jeunes avocats (UJA), celle-ci a fait citer devant le tribunal, du chef de diffamation publique envers un particulier, M. X…, directeur de publication de ce site, et l’association COSAL ; que les premiers juges, retenant que deux des neuf passages incriminés revêtaient un caractère diffamatoire à l’égard de la partie civile, et refusant au prévenu le bénéfice de la bonne foi, ont déclaré M. X… coupable de ce délit, l’ont condamné à une peine d’amende, et ont prononcé sur les intérêts civils ; que les parties ont relevé appel de cette décision ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, des articles 23, 29, 32, 35 et 42 de la loi du 29 juillet 1881, de l’article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982, de l’article 1382 du code civil, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

«  en ce que l’arrêt a renvoyé M. X… des fins de la poursuite du chef de diffamation ;

«  aux motifs qu’au fond, suivant acte du 6 mars 2008, Me Z…, huissier de justice, a constaté sur le site internet http :// cosal. net la mise en ligne d’un article de M. X… intitulé « Un éditeur à déconseiller aux charpentophiles » se présentant, sous couvert d’une critique de livres tels que L’aventure du XXè siecle 1900-1945 et La question juive en Europe 1933-1945, dont la vente était proposée au vestiaire des avocats du barreau de Paris, comme la dénonciation du rôle de certaines organisations professionnelles d’avocats au barreau de Paris pendant l’Occupation ; qu’en sa qualité d’auteur de l’article, M. X… commente lui-même ces ouvrages à l’aide de photographies, de documents d’archives et d’extraits de travaux d’historiens ; qu’en sa qualité de directeur de publication, le président du Cosal a déclaré assumer pleinement les réponses aux commentaires des internautes, qu’il a lui-même sélectionnées et mises en ligne ; qu’après avoir exprimé, sur un ton manifestement ironique, sa déception du fait que, « côté histoire, (…) pas un ouvrage n’évoque l’éminent rôle libérateur de l’ordre des avocats à la cour de Paris pendant la seconde guerre mondiale », M. X…, usant de la même ironie, fait part de son égale déception « côté question juive », dès lors qu’il n’y est pas davantage question « du rôle tout à fait admirable de M. A… qui était à la fois membre du conseil de l’ordre des avocats à la cour d’appel de Paris et « commissaire aux questions juives » de Pétain » en précisant que « c’est pourtant lui et le bâtonnier B… qui ont purgé le barreau de Paris de l’invasion métèque » ; que, faisant suite à ce propos liminaire, le premier passage poursuivi par l’UJA de Paris est le suivant : « Comble de l’injustice, pas une ligne non plus au sujet de Joseph Y…, le fondateur de l’UJA de Paris, qui siégeait pourtant au conseil de l’ordre en 1941 lorsque l’on votait la radiation des avocats juifs. On ignore même, en refermant l’ouvrage, ce que sont exactement advenus les avocats juifs, tous radiés par un certain bâtonnier Jacques B…, ni même les exploits en 1941 de ce fameux Joseph Y…, dont se glorifie l’UJA » ; que, selon la partie civile, l’auteur induit de ces deux paragraphes que l’UJA de Paris aurait, au moins par assentiment, et par la voix de son président fondateur M. Y…, eu sa part de responsabilité dans le traitement de la « question juive » par les autorités françaises ; que le deuxième passage poursuivi, présenté sous la maquette de La question juive en europe 1933-1945, comporte les phrases ci-dessous : « La question juive » : la seule chose qui est bien choisie, c’est finalement le titre de l’ouvrage, dont la plus large promotion est assurée, avec le plein assentiment de l’ordre des avocats de Paris. Car l’admirable bâtonnier B… pensait lui aussi qu’il existait bel et bien une « question juive ». Et une question est faite pour être résolue par une solution. Parfois, malheureusement finale.., par exemple la radiation, suivie de la déportation… » ; que le troisième passage incriminé, qui fait suite à la présentation d’un ouvrage du bâtonnier M. B… intitulé Au service de la liberté, puis à celle des Grandes figures de l’histoire de france, l’un des livres proposés au vestiaire des avocats du barreau de Paris, est le suivant : « Mais pas une ligne sur le bâtonnier B… qui pourtant eut le mérite de purger le barreau des « métèques » (il s’agit bien entendu d’une citation…) Et dont le culte est encore célébré de nos jours… Comme celui de Joseph Y…, le père fondateur de l’UJA, dont nous avons pu apprendre qu’il était membre du conseil de l’ordre en 1941, aux côtés d’un certain Xavier A…. Voilà un oubli qu’il convenait de réparer. Au moins Cosal ne sera pas cette fois critiqué pour « offense à la personne du bâtonnier »…, ni pour avoir manqué de respect à la notoirement très courageuse UJA » ; que M. X… apporte ensuite, illustrée d’un arrêté de radiation comportant le nom de M. Y… surligné en jaune, une précision historique sur le rôle de l’UJA de Paris, qui prend la forme d’un nota bene correspondant au quatrième passage poursuivi : « Nb : Le commentaire d’un lecteur, opposant le comportement de l’UJA sous l’occupation à celui de la furieusement antisémite Association nationale des avocats (devenue aujourd’hui la Confédération nationale des avocats, dite « CNA ») nous conduisent à publier un document surprenant que nous avons pu nous procurer.. la photocopie d’un authentique arrêté de radiation d’un avocat « juif ». Or, siégeait bel et bien ce 28 janvier 1941, un certain Joseph Y…. le fondateur de l’Union des jeunes avocats (dite UJA). Que faisait Monsieur Joseph Y…, âgé à l’époque de 57 ans, alors qu’il siégeait au conseil de l’ordre sous le bâtonnat de Jacques B… avec un aussi bon compagnon que Xavier A…, dans le même temps commissaire aux questions juives de Vichy ? Et voici ce que déclarait un autre membre du conseil de l’ordre, le bâtonnier Fernand D…, à l’époque président de l’ANA, l’ex Confédération nationale des avocats… Parlementarisme, libéralisme économique, droits de l’homme, souveraineté de l’individu… Pour ces principes d’hier on n’a pas assez de dédain et de rancune. Et certes, nous avons pu constater à quel point ils étaient hors d’état de constituer pour un peuple moderne une armature solide. Ils sont à l’origine de notre décadence. On a le droit et le devoir de les répudier ; que l’UJA de Paris poursuit également la phrase ci-dessous en italique, constituant le cinquième passage, en reprochant à M. X… de tenir pour acquises les recherches présentées dans un dossier (Genèses 45, déc. 2001) intitulé La résistance dans les milieux judiciaires par l’historienne Mme Liora E…, selon laquelle « l’UJA avait déjà bel et bien « porté » (…), réclamé et approuvé la loi de 1934 qui réservait l’exercice de la profession d’avocat en fonction de l’origine nationale, en clair aux seuls « bons français »… Et il s’agissait des prémisses de Vichy… » : « L’UJA réclamant la loi de 1934, puis son fondateur siégeant au conseil de l’ordre en 1941, de quoi sérieusement écorner le mythe ? » ; que la partie civile incrimine enfin les propos d’internautes suivants sélectionnés par M. X… et les réponses apportées par ce dernier lui-même ou mis en ligne par Cosal :
- sixième passage : « Quand à Joseph Y…, le fondateur de l’UJA, il aura fallu en fait une bonne vingtaine d’années de procès de toutes sortes pour faire reconnaître sa qualité de « résistant », tant ce n’était pas a priori évident »,
- septième passage : « Bien des personnes se sont révélées résistantes sur le tard… N’oubliez pas que quelques jours avant le défilé triomphal de De Gaulle sur les Champs Elysées en août 1944, c’était Pétain, alors en visite officielle que les parisiens acclamaient. Et ceux qui applaudissaient le général étaient souvent les mêmes ! N’oublions pas non plus que dans les heures sombres de l’épuration qui ont suivi la Libération, les « résistants » les plus intransigeants et les plus acharnés étaient ceux qui avaient à se racheter une conduite ou à prouver leur statut de résistant, bien incertain jusqu’alors. Le fait qu’il ait fallu vingt ans et moult es procès à Joseph Y… pour être reconnu comme résistant, montre que cette reconnaissance n’allait pas de soi. Mais ce monsieur était certainement un grand pudique, et avait dû résister tout seul dans son coin, sans en parler à quiconque » ;
- huitième passage : « Joseph Y… avait défendu des résistants sur ordre de B…. Il avait été convoqué Rue des Saussaies à la Gestapo mais, dit sa bio officielle, grâce à son « talent diplomatique », il n’avait pas été inquiété et était ressorti. Il a été ensuite incarcéré trois mois, pour dit-on, ne pas avoir voulu donner de noms, mais curieusement son appartement n’a jamais été perquisitionné… Il est mort sur la Côte d’Azur d’une crise cardiaque (il y possédait une résidence secondaire). Sa femme et l’UJA se sont alors battus après la guerre pour établir un lien entre la crise cardiaque et l’incarcération. Il s’agissait, outre le titre de résistant, d’obtenir une pension au profit de sa femme. Donc, on s’est battu vingt ans devant les tribunaux. En fait il pesait près d’un quintal. Etait-ce l’incarcération trois mois à Fresnes ou bien l’obésité (ou d’autres causes) qui avait provoqué chez un sujet de 57 ans une crise cardiaque ? La justice a tranché. Au bout de 20 ans. Depuis I’UJA et l’ordre (ce qui est à peu près en fait la même chose, tant les liens sont étroits), ont intrigué auprès de la mairie de Paris pour qu’une rue de Paris porte le nom du héros. Et, la salle mise à disposition gratuitement au palais de justice de Paris, au profit de l’UJA, a été baptisée avec toute la pompe nécessaire, et force articles dans la Gazette du Palais, « salle Joseph Y… ». A dix mètres à peine du fameux médaillon en bronze qui célèbre encore aujourd’hui la mémoire du très regretté bâtonnier Jacques B…… Ainsi, l’UJA tenait-elle enfin son héros et l’Ordre également » ;
- neuvième passage : « C’est vraiment moche d’apprendre que Joseph Y… ait siégé à cette réunion du conseil de l’ordre et vraisemblablement à d’autres aussi sinistres que celle rapportée. L’UJA, qui vénère son fondateur avec le zèle qu’on lui connaît, se montre aussi discrète qu’elle ne l’est sur le choix des candidats qu’elle soutient. Mais là, on atteint un sommet. Bien évidemment, l’immense majorité de nos confrères titulaires de leur carte UJA ignore tant l’identité du fondateur du mouvement auquel, la plupart adhère de toute bonne foi, pensant être soutenus dans l’exercice de leur contrat de collaboration, mais ils n’imaginent pas un seul instant que cet homme aura pu consentir à radier l’un des leurs, à raison de ses origines. Face au projet soumis, on s’oppose avec véhémence et on emploie toute son énergie pour convaincre un à un chacun des membres du Conseil de s’opposer à la mesure que ne pouvait prendre seul le bâtonnier B…. Faute de convaincre les siens, on démissionne de cette fonction ! Que je sache, Joseph Y… a exercé son mandat, comme si de rien n’était ! Aujourd’hui, je serais à l’UJA, je déchirerais ma carte, je démissionnerais en refusant « cette paternité » insupportable, et je reprocherais à ses successeurs, non la faute de Y…, mais de me prendre pour un imbécile juste bon à avaler… des couleuvres » ; que, pour l’U. J. A. de Paris, association à vocation syndicale créée en 1922 avec l’aide de Me Joseph Y…, son « président fondateur », dans le but de faciliter l’exercice de la profession aux jeunes avocats, M. X… et l’organisation syndicale dénommée Cosal-syndicat des avocats libres qu’il a fondée en 1986 dénoncent, à travers l’ensemble des propos incriminés à l’exception du septième passage, sous le prétexte d’une critique d’ouvrages historiques, son rôle et celui de ses adhérents avant et pendant la seconde guerre mondiale ; que, procédant par amalgame entre la loi du 19 juillet 1934 et les lois adoptées sous l’occupation nazie, le prévenu lui impute ainsi d’avoir sollicité l’adoption de lois effectivement racistes et de s’être associée, au moins indirectement, par l’entremise de son fondateur, aux purges effectuées par le barreau de Paris jusqu’à participer à la solution finale de l’holocauste des juifs perpétrée par les nazis ; que l’insinuation serait en particulier manifeste aux yeux de la partie civile dans le nota bene, dont M. X… est l’auteur, qui argumente sur une opposition seulement apparente entre le comportement de l’UJA de Paris et celui de la « furieusement antisémite ANA » ; que la partie civile fait, par ailleurs, valoir que le septième passage, ainsi que le troisième paragraphe du huitième passage (« Sa femme et l’UJA se sont alors battus… le nom du héros ») et les 2e (« L’UJA de Paris qui vénère … qu’elle soutient ») et 8e (« Aujourd’hui je serai à l’UJA…. des couleuvres ») paragraphes du 9e passage laissent entendre, d’une part, qu’il y aurait de sa part une falsification délibérée quant au rôle exact joué par M. Y… qui ne serait peut-être pas mort de ses tortures, mais tout simplement d’une crise cardiaque, au point qu’il aurait fallu « une bonne vingtaine d’années de procès de toutes sortes pour faire reconnaître sa qualité de résistant », d’autre part, qu’elle aurait participé à cette falsification en se parant de l’héroïsme en réalité inexistant et même fabriqué de son fondateur, ce qui n’a pas manqué de susciter contre elle l’opprobre des internautes ; que sur le caractère diffamatoire des imputations, après avoir rappelé, d’une part, que le propos diffamatoire, suffisamment précis pour faire l’objet d’un débat sur la preuve de sa vérité, doit être distingué de l’expression subjective d’un jugement de valeur ou d’une opinion, dont la pertinence peut être librement discutée dans le cadre d’un débat d’idées, d’autre part, que n’est recevable à agir que la personne directement visée par le propos incriminé, fut-ce de manière déguisée ou dubitative ou par voie d’insinuation, le tribunal a justement décidé qu’en l’espèce ne peuvent être tenus pour diffamatoires ni les passages évoquant le rôle joué par le conseil de l’ordre des avocats du barreau de Paris dans l’application des lois raciales du gouvernement de Vichy, ou encore la place occupée par M. Y… en tant que membre du conseil de l’ordre, et ce malgré le rappel de sa qualité de fondateur de l’UJA de Paris (1er, 2e, 3e, 4e, 5e et 9e), ni ceux qui qualifient cette association, par antiphrase, de « notoirement courageuse » sans plus de précision (3e et 4e passages) ; que ces propos, s’ils sont évidemment polémiques, ne permettent, en effet, pas d’étendre à l’UJA de Paris le seul fait précis, mis à la charge de son fondateur, d’avoir participé à l’une au moins des séances du conseil de l’ordre, le rapprochement ne pouvant se faire dans l’esprit du lecteur qu’entre la décision de radiation d’un avocat juif d’origine étrangère et les membres de l’organe appelé à délibérer sur cette radiation, l’ordre et l’UJA étant deux personnes distinctes ;

«  1) alors que la diffamation visant une personne peut rejaillir sur une autre dans la mesure où les imputations diffamatoires lui sont étendues, fût-ce de manière déguisée, dubitative ou par voie d’insinuation ; qu’en affirmant que les allégations relatives à la place occupé par M. Y… en tant que membre du conseil de l’ordre des avocats du barreau de Paris dans l’application des lois raciales du gouvernement de Vichy ne pouvait être étendue à l’UJA tout en relevant que les passages incriminés ne manquaient pas de rappeler la qualité de fondateur de l’UJA de Paris de M. Y… en sorte que bien que dirigés en apparence contre le conseil de l’ordre, les propos incriminés rejaillissaient sur l’UJA et que telle était en réalité l’intention de son auteur puisque comme l’a relevé l’arrêt ce débat s’inscrivait dans « un climat de concurrence syndicale » entre l’UJA et l’association Cosal, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des textes susvisés ;

«  2) alors que la diffamation visant une personne peut rejaillir sur une autre dans la mesure où les imputations diffamatoires lui sont étendues, fût-ce de manière déguisée ou dubitative, ou par voie d’insinuation ; qu’en affirmant que ne peuvent être tenus pour diffamatoires les passages évoquant la place occupée par M. Y… en tant que membre du conseil de l’ordre des avocats du barreau de Paris lui-même impliqué dans l’application des lois raciales du gouvernement de Vichy, et ce malgré le rappel de sa qualité de fondateur de l’UJA, l’ordre et l’UJA étant deux personnes distinctes alors qu’il est clairement affirmé au lecteur, aux termes du huitième passage incriminé, jugé diffamatoire, que l’UJA et l’ordre c’est à peu près la même chose tant les liens sont étroits, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision en violation des textes susvisés ;

«  3) alors que l’UJA faisait valoir, dans ses conclusions d’appel, que l’objectif de M. X…, qui avait entendu susciter l’opprobre contre l’UJA qui se parerait de l’héroïsme en réalité inexistant et même fabriqué de son fondateur, M. Y…, qui serait en fait un faux résistant et aurait même collaboré avec les nazis au point de participer, au moins indirectement, à « la solution finale », était atteint à en croire la réaction d’un internaute qui s’exprime avec dégoût en affirmant que s’il était aujourd’hui à l’UJA il déchirerait sa carte et démissionnerait en reprochant à l’UJA de le prendre pour un imbécile ;
qu’en affirmant qu’en dépit du rappel de la qualité de fondateur de l’UJA de M. Y…, le rapprochement ne pouvant se faire dans l’esprit du lecteur qu’entre la décision de radiation d’un avocat juif d’origine étrangère et les membres de l’organe appelé à délibérer sur cette radiation, l’ordre et l’U. J. A étant deux personnes distinctes sans rechercher, comme cela lui était demandé, si les propos des internautes en réaction à ceux de M. X… ne démontraient pas qu’en réalité l’ensemble des passages incriminés reliés entre eux permettait au lecteur de faire un tel rapprochement, la cour d’appel a privé sa décision de motifs en violation des textes susvisés ;

Attendu que, pour qualifier de diffamatoires trois des neuf passages poursuivis, l’arrêt retient, notamment, par les motifs repris au moyen, que les autres passages ne permettent pas d’étendre à l’UJA de Paris le seul fait précis, mis à la charge de son fondateur, M. Y…, d’avoir participé à l’une des séances du conseil de l’ordre, au cours de laquelle a été prise la décision de radiation d’un avocat juif, le rapprochement ne pouvant se faire, dans l’esprit du lecteur, qu’entre cette décision et les membres dudit conseil, et non avec l’UJA, qui est une personne distincte ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision, dès lors que la diffamation visant une personne ne peut rejaillir sur une autre que dans la mesure où les imputations diffamatoires lui sont étendues, fût-ce de manière déguisée ou dubitative, ou par voie d’insinuation ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, des articles 23, 29, 32, 35 et 42 de la loi du 29 juillet 1881, de l’article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982, de l’article 1382 du code civil, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

«  en ce que l’arrêt a renvoyé M. X… des fins de la poursuite du chef de diffamation ;

«  aux motifs qu’au fond, suivant acte du 6 mars 2008, Me Z…, huissier de justice, a constaté sur le site internet http :// cosal. net la mise en ligne d’un article de M. X… intitulé « Un éditeur à déconseiller aux charpentophiles » se présentant, sous couvert d’une critique de livres tels que L’aventure du XXè siecle 1900-1945 et La question juive en Europe 1933-1945, dont la vente était proposée au vestiaire des avocats du barreau de Paris, comme la dénonciation du rôle de certaines organisations professionnelles d’avocats au barreau de Paris pendant l’Occupation ; qu’en sa qualité d’auteur de l’article, M. X… commente lui-même ces ouvrages à l’aide de photographies, de documents d’archives et d’extraits de travaux d’historiens ; qu’en sa qualité de directeur de publication, le président du Cosal a déclaré assumer pleinement les réponses aux commentaires des internautes, qu’il a lui-même sélectionnées et mises en ligne ; qu’après avoir exprimé, sur un ton manifestement ironique, sa déception du fait que, « côté histoire, (…) pas un ouvrage n’évoque l’éminent rôle libérateur de l’ordre des avocats à la cour de Paris pendant la seconde guerre mondiale », M. X…, usant de la même ironie, fait part de son égale déception « côté question juive », dès lors qu’il n’y est pas davantage question « du rôle tout à fait admirable de M. A… qui était à la fois membre du conseil de l’ordre des avocats à la cour d’appel de Paris et « commissaire aux questions juives » de Pétain » en précisant que « c’est pourtant lui et le bâtonnier B… qui ont purgé le barreau de Paris de l’invasion métèque » ; que, faisant suite à ce propos liminaire, le premier passage poursuivi par l’UJA de Paris est le suivant : « Comble de l’injustice, pas une ligne non plus au sujet de Joseph Y…, le fondateur de l’UJA de Paris, qui siégeait pourtant au conseil de l’ordre en 1941 lorsque l’on votait la radiation des avocats juifs. On ignore même, en refermant l’ouvrage, ce que sont exactement advenus les avocats juifs, tous radiés par un certain bâtonnier Jacques B…, ni même les exploits en 1941 de ce fameux Joseph Y…, dont se glorifie l’UJA » ; que, selon la partie civile, l’auteur induit de ces deux paragraphes que l’UJA de Paris aurait, au moins par assentiment, et par la voix de son président fondateur M. Y…, eu sa part de responsabilité dans le traitement de la « question juive » par les autorités françaises ; que le deuxième passage poursuivi, présenté sous la maquette de La question juive en europe 1933-1945, comporte les phrases ci-dessous : « La question juive » : la seule chose qui est bien choisie, c’est finalement le titre de l’ouvrage, dont la plus large promotion est assurée, avec le plein assentiment de l’ordre des avocats de Paris. Car l’admirable bâtonnier B… pensait lui aussi qu’il existait bel et bien une « question juive ». Et une question est faite pour être résolue par une solution. Parfois, malheureusement finale.., par exemple la radiation, suivie de la déportation… » ; que le troisième passage incriminé, qui fait suite à la présentation d’un ouvrage du bâtonnier M. B… intitulé Au service de la liberté, puis à celle des Grandes figures de l’histoire de france, l’un des livres proposés au vestiaire des avocats du barreau de Paris, est le suivant : « Mais pas une ligne sur le bâtonnier B… qui pourtant eu t le mérite de purger le barreau des « métèques » (il s’agit bien entendu d’une citation…) Et dont le culte est encore célébré de nos jours… Comme celui de Joseph Y…, le père fondateur de l’UJA, dont nous avons pu apprendre qu’il était membre du conseil de l’ordre en 1941, aux côtés d’un certain Xavier A…. Voilà un oubli qu’il convenait de réparer. Au moins Cosal ne sera pas cette fois critiqué pour « offense à la personne du bâtonnier »…, ni pour avoir manqué de respect à la notoirement très courageuse UJA » ; que M. X… apporte ensuite, illustrée d’un arrêté de radiation comportant le nom de M. Y… surligné en jaune, une précision historique sur le rôle de l’UJA de Paris, qui prend la forme d’un nota bene correspondant au quatrième passage poursuivi : « Nb : Le commentaire d’un lecteur, opposant le comportement de l’UJA sous l’occupation à celui de la furieusement antisémite Association nationale des avocats (devenue aujourd’hui la Confédération nationale des avocats, dite « CNA ») nous conduisent à publier un document surprenant que nous avons pu nous procurer.. la photocopie d’un authentique arrêté de radiation d’un avocat « juif ». Or, siégeait bel et bien ce 28 janvier 1941, un certain Joseph Y…. le fondateur de l’Union des jeunes avocats (dite UJA). Que faisait M. Joseph Y…, âgé à l’époque de 57 ans, alors qu’il siégeait au conseil de l’ordre sous le bâtonnat de Jacques B… avec un aussi bon compagnon que Xavier A…, dans le même temps commissaire aux questions juives de Vichy ? Et voici ce que déclarait un autre membre du conseil de l’ordre, le bâtonnier Fernand D…, à l’époque président de l’ANA, l’ex Confédération nationale des avocats… Parlementarisme, libéralisme économique, droits de l’homme, souveraineté de l’individu… Pour ces principes d’hier on n’a pas assez de dédain et de rancune. Et certes, nous avons pu constater à quel point ils étaient hors d’état de constituer pour un peuple moderne une armature solide. Ils sont à l’origine de notre décadence. On a le droit et le devoir de les répudier ; que l’UJA de Paris poursuit également la phrase ci-dessous en italique, constituant le cinquième passage, en reprochant à M. X… de tenir pour acquises les recherches présentées dans un dossier (Genèses 45, déc. 2001) intitulé La résistance dans les milieux judiciaires par l’historienne Mme Liora E…, selon laquelle « l’UJA avait déjà bel et bien « porté » (…), réclamé et approuvé la loi de 1934 qui réservait l’exercice de la profession d’avocat en fonction de l’origine nationale, en clair aux seuls « bons français »… Et il s’agissait des prémisses de Vichy… » : « L’UJA réclamant la loi de 1934, puis son fondateur siégeant au conseil de l’ordre en 1941, de quoi sérieusement écorner le mythe ? » ; que la partie civile incrimine enfin les propos d’internautes suivants sélectionnés par M. X… et les réponses apportées par ce dernier lui-même ou mis en ligne par Cosal :
- sixième passage : « Quand à Joseph Y…, le fondateur de l’UJA, il aura fallu en fait une bonne vingtaine d’années de procès de toutes sortes pour faire reconnaître sa qualité de « résistant », tant ce n’était pas a priori évident »,
- septième passage : « Bien des personnes se sont révélées résistantes sur le tard… N’oubliez pas que quelques jours avant le défilé triomphal de De Gaulle sur les Champs Elysées en août 1944, c’était Pétain, alors en visite officielle que les parisiens acclamaient. Et ceux qui applaudissaient le général étaient souvent les mêmes ! N’oublions pas non plus que dans les heures sombres de l’épuration qui ont suivi la Libération, les « résistants » les plus intransigeants et les plus acharnés étaient ceux qui avaient à se racheter une conduite ou à prouver leur statut de résistant, bien incertain jusqu’alors. Le fait qu’il ait fallu vingt ans et moult es procès à Joseph Y… pour être reconnu comme résistant, montre que cette reconnaissance n’allait pas de soi. Mais ce monsieur était certainement un grand pudique, et avait dû résister tout seul dans son coin, sans en parler à quiconque » ;
- huitième passage : « Joseph Y… avait défendu des résistants sur ordre de B…. Il avait été convoqué Rue des Saussaies à la Gestapo mais, dit sa bio officielle, grâce à son « talent diplomatique », il n’avait pas été inquiété et était ressorti. Il a été ensuite incarcéré trois mois, pour dit-on, ne pas avoir voulu donner de noms, mais curieusement son appartement n’a jamais été perquisitionné… Il est mort sur la Côte d’Azur d’une crise cardiaque (il y possédait une résidence secondaire). Sa femme et l’UJA se sont alors battus après la guerre pour établir un lien entre la crise cardiaque et l’incarcération. Il s’agissait, outre le titre de résistant, d’obtenir une pension au profit de sa femme. Donc, on s’est battu vingt ans devant les tribunaux. En fait il pesait près d’un quintal. Etait-ce l’incarcération trois mois à Fresnes ou bien l’obésité (ou d’autres causes) qui avait provoqué chez un sujet de 57 ans une crise cardiaque ? La justice a tranché. Au bout de 20 ans. Depuis I’UJA et l’ordre (ce qui est à peu près en fait la même chose, tant les liens sont étroits), ont intrigué auprès de la mairie de Paris pour qu’une rue de Paris porte le nom du héros. Et, la salle mise à disposition gratuitement au Palais de justice de Paris, au profit de l’UJA, a été baptisée avec toute la pompe nécessaire, et force articles dans la Gazette du Palais, « salle Joseph Y… ». A dix mètres à peine du fameux médaillon en bronze qui célèbre encore aujourd’hui la mémoire du très regretté bâtonnier Jacques B… Ainsi, l’UJA tenait-elle enfin son héros et l’ordre également » ;
- neuvième passage : « C’est vraiment moche d’apprendre que Joseph Y… ait siégé à cette réunion du conseil de l’ordre et vraisemblablement à d’autres aussi sinistres que celle rapportée. L’UJA, qui vénère son fondateur avec le zèle qu’on lui connaît, se montre aussi discrète qu’elle ne l’est sur le choix des candidats qu’elle soutient. Mais là, on atteint un sommet. Bien évidemment, l’immense majorité de nos confrères titulaires de leur carte UJA ignore tant l’identité du fondateur du mouvement auquel, la plupart adhère de toute bonne foi, pensant être soutenus dans l’exercice de leur contrat de collaboration, mais ils n’imaginent pas un seul instant que cet homme aura pu consentir à radier l’un des leurs, à raison de ses origines. Face au projet soumis, on s’oppose avec véhémence et on emploie toute son énergie pour convaincre un à un chacun des membres du Conseil de s’opposer à la mesure que ne pouvait prendre seul le bâtonnier B…. Faute de convaincre les siens, on démissionne de cette fonction ! Que je sache, Joseph Y… a exercé son mandat, comme si de rien n’était ! Aujourd’hui, je serai s à l’UJA, je déchirerais ma carte, je démissionnerais en refusant « cette paternité » insupportable, et je reprocherais à ses successeurs, non la faute de Y…, mais de me prendre pour un imbécile juste bon à avaler… des couleuvres » ; que, pour l’UJA de Paris, association à vocation syndicale créée en 1922 avec l’aide de Me Joseph Y…, son « président fondateur », dans le but de faciliter l’exercice de la profession aux jeunes avocats, Vincent X… et l’organisation syndicale dénommée Cosal-syndicat des avocats libres qu’il a fondée en 1986 dénoncent, à travers l’ensemble des propos incriminés à l’exception du septième passage, sous le prétexte d’une critique d’ouvrages historiques, son rôle et celui de ses adhérents avant et pendant la seconde guerre mondiale ; que, procédant par amalgame entre la loi du 19 juillet 1934 et les lois adoptées sous l’occupation nazie, le prévenu lui impute ainsi d’avoir sollicité l’adoption de lois effectivement racistes et de s’être associée, au moins indirectement, par l’entremise de son fondateur, aux purges effectuées par le barreau de Paris jusqu’à participer à la solution finale de l’holocauste des juifs perpétrée par les nazis ; que l’insinuation serait en particulier manifeste aux yeux de la partie civile dans le nota bene, dont M. X… est l’auteur, qui argumente sur une opposition seulement apparente entre le comportement de l’UJA de Paris et celui de la « furieusement antisémite ANA » ; que la partie civile fait, par ailleurs, valoir que le septième passage, ainsi que le troisième paragraphe du huitième passage (« Sa femme et l’UJA se sont alors battus… le nom du héros ») et les 2e (« L’UJA de Paris qui vénère … qu’elle soutient ») et 8e (« Aujourd’hui je serai à l’UJA…. des couleuvres ») paragraphes du 9e passage laissent entendre, d’une part, qu’il y aurait de sa part une falsification délibérée quant au rôle exact joué par M. Y… qui ne serait peut-être pas mort de ses tortures, mais tout simplement d’une crise cardiaque, au point qu’il aurait fallu « une bonne vingtaine d’années de procès de toutes sortes pour faire reconnaître sa qualité de résistant », d’autre part, qu’elle aurait participé à cette falsification en se parant de l’héroïsme en réalité inexistant et même fabriqué de son fondateur, ce qui n’a pas manqué de susciter contre elle l’opprobre des internautes ; que le fait d’avoir réclamé l’adoption de la loi du 19 juillet 1934 réservant l’accession à la profession d’avocat en fonction de l’origine nationale par l’instauration d’un délai de dix ans entre la naturalisation et l’inscription au barreau (cinquième passage) comporte, en dépit du vote de cette loi par des assemblées démocratiquement élues, l’imputation d’un fait précis contraire à l’honneur et à la considération de l’UJA dès lors qu’il s’agit « des prémisses de Vichy » selon l’expression employée par le Cosal, qui joint trois pages de l’étude susmentionnée de Liora E… et que celle-ci observe, dans cette étude comme dans son ouvrage publié en 2005 sous le titre Robes noires et années sombres, que cette loi « portée » par de grandes associations représentant les barreaux français, comme l’UJA et l’ANA, n’est pas seulement symptomatique d’années marquées par la xénophobie et la peur de la crise, mais « renvoie aussi aux contradictions d’un groupe professionnel qui, tout en se réclamant du libéralisme et de l’individualisme, a eu recours à la puissance publique pour lui garantir le contrôle restrictif de l’accès à la profession en fonction de principes contraires à l’idéal d’égalité entre citoyens » prôné par la profession d’avocats ; que le rôle ainsi attribué à l’UJA dans l’adoption de la législation xénophobe de 1934, même si celle-ci, ainsi que le soutient la partie civile ne peut s’assimiler aux lois racistes en vigueur sous l’occupation nazie, est contraire à son honneur et à sa considération ; qu’enfin, au sujet de l’instrumentalisation de la mémoire volontairement idéalisée de M. Y… et de la participation de l’UJA à la reconnaissance du rôle discutable de résistant de son président fondateur, d’abord en se battant après la guerre, avec sa femme, pour établir un lien entre sa crise cardiaque et son incarcération à Fresnes, puis en « intriguant » aux côtés de l’ordre pour obtenir qu’une rue de Paris porte son nom et en baptisant le local syndical « salle Jean Y… », en grande pompe et avec force articles dans la Gazette du Palais, le tribunal a estimé à juste titre que ces faits précis, susceptibles d’être prouvés, caractérisent de la part de la partie civile une tromperie à l’égard de ses adhérents, contraire à son honneur et à sa considération ; qu’à l’appui de l’exception de bonne foi qu’il invoque comme en première instance pour justifier la publication des propos retenus comme diffamatoires, le prévenu présente un ensemble de documents d’archives, notamment un arrêté de radiation de Me F… en date du 28 janvier 1941 et une décision du tribunal administratif de Paris du 8 juillet 1964, ainsi que des études d’historiens, en particulier Robes noires et années sombres de Liora E…, mais aussi Un antisémitisme ordinaire de Robert G…, outre le témoignage de Me F… recueilli par les premiers juges, tous éléments portant sur des faits antérieurs à la publication des propos incriminés ; que, pour combattre l’exception de bonne foi, la partie civile a fait citer M. H…, archiviste de l’ordre des avocats, en qualité de témoin, et communiqué trente-trois pièces ; qu’alors que les imputations diffamatoires sont réputées faites dans l’intention de nuire, il y a lieu d’observer avec les premiers juges que les critères de la bonne foi doivent s’apprécier différemment selon le genre de l’écrit et la qualité de son auteur, et en l’occurrence, moins strictement à l’égard de M. X… qui, n’étant pas journaliste, s’exprime en tant que dirigeant d’une organisation syndicale d’avocats ; qu’il ne peut, tout d’abord, être sérieusement contesté que le prévenu poursuit le but, parfaitement légitime, même s’il n’est pas historien, de revenir sur la période de l’Occupation et de publier, accompagnés des réflexions de son organisation syndicale sur la résistance des juristes aux lois raciales de Vichy, sujet d’intérêt général s’il en est, des documents éclairant les comportements de personnages du monde judiciaire, et plus particulièrement celui du fondateur de l’UJA de Paris, union qui comptait à l’époque des faits, près d’un millier d’adhérents et, reste aujourd’hui encore, la plus importante organisation de jeunes avocats ; qu’en dépit du ton ironique des propos et de l’existence d’une procédure ayant opposé les parties et donné lieu à un jugement du 3 mai 2007 condamnant définitivement le prévenu à une amende avec sursis pour injure publique, l’animosité personnelle de l’auteur ne ressort ni des propos poursuivis, ni du contexte général de l’affaire, étant observé qu’il ne peut échapper aux internautes que le débat s’inscrit dans un climat de concurrence syndicale ; que néanmoins, et même si l’intérêt du sujet commande de laisser s’instaurer un débat pouvant donner lieu à des critiques considérées comme choquantes, encore faut-il que le prévenu démontre qu’il disposait lors de la mise en ligne de ses propos des éléments lui permettant d’écrire comme il l’a fait que l’UJA de Paris, d’une part, avait « porté » la loi raciste de 1934, d’autre part, avait trompé ses adhérents en participant à la falsification du rôle de M. Y… et en instrumentalisant la mémoire délibérément idéalisée de son fondateur ; qu’au sujet du grief relatif au rôle de la partie civile dans l’adoption de la loi raciste du 19 juillet 1934, les pièces versées au débat font ressortir les points suivants :
- que dès sa naissance en janvier 1922, l’UJA de Paris a été reconnue et agréée par l’institution ordinale, a pris contact avec l’Association nationale des avocats (ANA), son aînée, tenue comme un « porte-parole des revendications xénophobes de la profession », été présente à chacun des congrès de cette organisation, puis représentée dans son comité de direction,
- que comme la plupart des organisations professionnelles d’avocats, marquées au long des années trente par la xénophobie et la peur de la crise (notamment l’ANA), l’UJA, ainsi qu’elle le reconnaît d’ailleurs sans ambages dans sa plaquette éditée à l’occasion de ses 80 ans (La couleur UJA… p. 10), a prôné un contrôle restrictif de l’accès à la profession, que M. G… qualifie dans l’avant-propos d’Un antisémitisme ordinaire, Vichy et les avocats juifs 1940-1944 (de contraire à l’idéal d’égalité des avocats, et a eu recours à une législation xénophobe ;
- que les analyses proposées par Mme E…, M. I… et Mme J…, tous trois spécialistes de la pensée des professions judiciaires dans les années 1930 et de leur résistance sous l’Occupation, convergent pour souligner la mobilisation xénophobe, voire antisémite, des avocats, « à la fois les principaux demandeurs et les principaux bénéficiaires de la loi » de 1934, qu’ils ont « portée » jusqu’à sa promulgation, selon l’expression de l’auteur de Robes noires, années sombres, et ce avec « un rôle décisif » de l’UJA de Paris « dans l’instauration de ce projet, précurseur des législations semblables qui seront mises en place pour les médecins et les professions bancaires notamment » (G. Noiriel, Le creuset français p. 285 et s.), ; qu’au mois d’août 1940, le bâtonnier M. B…, lui-même membre honoraire de l’UJA, a approuvé le principe d’une législation renforçant celle de 1934, puis adressé au gouvernement de Vichy un nouveau projet de réforme de la profession, rétroactif et plus strict encore que le texte finalement voté le 10 septembre 1940 (C. Fillon, Le barreau de Lyon dans la tourmente, p. 59-60), avant d’émettre à la Libération le souhait du maintien de ces mesures par une délibération de l’ordre, en date du 15 octobre 1944, et d’observer en 1949 qu’au barreau de Paris, « il y a toujours eu une question juive » (Au service de la liberté) ; que M. H…, conservateur des archives de l’ordre des avocats du barreau de Paris, conclut son étude des délibérations du conseil de l’ordre de 1940 à 1945 (Le barreau de Paris pendant la seconde guerre mondiale) en soulignant que les avocats « ne protestent pas contre l’exclusion (…) de plus de trois cents de leurs confrères, victimes d’une législation xénophobe et antisémite, mais aussi rétroactive, qui bafoue les principes élémentaires du droit (…), au contraire, ils prennent des décisions permettant d’assurer l’application de ces textes et, en se livrant à des sélections parmi les exclus, pratiquent une discrimination qui fait apparaître l’ordre comme complice de l’oeuvre de Vichy …, que suivant l’observation de M. G… (Un antisémitisme ordinaire, op. Cit.), « le bâtonnier et le conseil de l’ordre ne manquaient pas de critiquer, voire de combattre certaines mesures prises par Vichy lorsqu’elles leur paraissaient attentatoires aux principes traditionnels d’indépendance de la profession », telle l’affaire de la réintégration d’office d’un ancien avocat radié en mai 1943, à l’origine d’un tournant important en ce qui concerne l’audience et les effectifs du Front national judiciaire parmi les avocats, attitude qui valut d’indiscutables titres de résistance à nombre d’entre eux et la croix de guerre à l’Ordre des avocats de Paris ; que, quant au grief d’instrumentalisation de la mémoire de M. Y…, les pièces communiquées tant par le prévenu pour justifier sa bonne foi que par la partie civile pour les contredire mettent en évidence les éléments suivants, qu’il convient de regrouper chronologiquement :
1) Les documents datant de l’Occupation :
- qu’un arrêté du 28 janvier 1941 édicté par le bâtonnier B… en application de la loi du 10 septembre 1940 réglementant l’accès au barreau établit que M. Y…, membre du conseil de l’ordre depuis 1938, a siégé avec vingt autres de ses vingt-quatre membres lors de la séance du conseil prononçant le « non maintien », c’est-à dire la radiation, d’Haïm dit Henri F…, avocat juif, en dépit des gages d’intégration à la communauté française que celui-ci invoquait pour bénéficier d’une exception légale, tandis que le discours prononcé en son souvenir le 12 novembre 1975 relève qu’il « avait trouvé en France une terre d’asile, où il vécut respecté, estimé comme il le méritait », seule « la guerre de 1939 l’obligeant à abandonner provisoirement notre robe »,
- qu’un article de Paris-Soir, cité par M. G… dans Un antisémitisme ordinaire (p. 153), annonce en gros titre à la une du quotidien du 7 janvier 1942 la tenue la veille, sous la présidence du bâtonnier B… et avec la participation de M. Y…, mais en l’absence de M. A…, d’une réunion du conseil de l’ordre du barreau de Paris dont l’objet était de recevoir communication d’un arrêt ayant prononcé « l’omission » de 246 avocats israélites et de sélectionner, conformément au décret du 17 juillet 1941, parmi eux ceux dont les mérites étaient suffisamment éminents pour être maintenus,
- que dans son n° 6 de mars 1944, le Palais libre, organe clandestin du Front national des juristes (dont M. W… était la cheville ouvrière) fait paraître, probablement sous la plume du bâtonnier B…, une notice nécrologique de M. Y… qui, tout en présentant le défunt comme un avocat des plus consciencieux, « il l’était jusqu’au bout de l’âme, avec entrain, avec passion, avec foi… La cause qu’il avait accepté de défendre devenait la sienne. Il se jetait à corps perdu dans la bagarre … », relève qu’il ne s’est « livré à aucune activité clandestine et n’appartenait à aucune organisation de Résistance »,
2) Les documents de l’après-guerre :
- que selon Mme Liora E… (Robes noires, années sombres, op. cit. p. 252), M. W… a rédigé le 11 décembre 1945, en faveur de M. Y…, une « attestation posthume de résistant », déclarant que son confrère a été l’avocat de M. K…, ancien député communiste, et de M. L…, dont il aurait assuré la liaison avec la Résistance avant leur exécution respectivement en septembre et décembre 1941,
- que la partie civile produit la copie certifiée conforme par la mairie du Cannet (Alpes-Maritimes) d’un certificat du Dr M…, médecin à Cannes, en date du 15 décembre 1945 insistant sur le fait qu’au cours des divers séjours qu’il fit dans cette ville en 1941-1942, M. Y… était bien portant, tandis « qu’il semble incontestable que son séjour à la prison de Fresnes est entièrement responsable des accidents mortels qu’il a présentés » depuis son arrivée en wagon-lit le 27 novembre 1943 jusqu’à sa mort le 27 janvier 1944 par affaiblissement du myocarde, ainsi que la copie certifiée conforme par le maire de la même commune le 7 janvier 1946 de la « dernière lettre de M. K… », écrite à la Santé le 22 septembre 1941, veille de son exécution, pour adresser ses remerciements à Me Y…, qui l’avait assisté lors du procès devant la section spéciale,
- que Me Y…, qui figure sur la liste des avocats à la cour d’appel de Paris, fusillés, morts en déportation ou disparus au service de la patrie 1939-1945, apposée sur le monument aux morts de la bibliothèque des avocats parisiens, a reçu la médaille de la Résistance française par décret du 24 avril 1946 (J. O. 17 mai 1946), s’est vu délivrer le 7 août 1946 par le Ministère des anciens combattants un certificat attestant qu’il était « mort des suites des mauvais traitements subis pendant sa détention par les autorités d’occupation » et portant la mention « Mort pour la France », a fait l’objet d’une citation à l’ordre de la Nation du 7 juillet 1948 pour son dévouement à la « défense des prévenus politiques traduits devant les tribunaux d’exception » et son « refus de violer le secret professionnel », enfin obtenu le 21 janvier 1952 un certificat d’appartenance à la Résistance intérieure française, en tant que membre « isolé » du 25 juin 1940 au 1er juillet 1941 et en tant que membre du Front national judiciaire de cette date à sa libération le 11 octobre 1943,
- qu’en 1956, une rue du 20e arrondissement est inaugurée et dédiée à Me Y… (1883-1944), « avocat résistant fusillé par les Allemands » (discours de J.- M. N…, infra),
- que le ministre des anciens combattants et victimes de guerre a cependant pris, le 9 novembre 1961, sur l’avis conforme de la Commission nationale des déportés et internés résistants (CNDIR), une décision de rejet de la demande d’attribution du titre d’interné résistant concernant Me Y… au vu de la notice nécrologique publiée dans le Palais Libre n° 6 de mars 1944,
- qu’il était revenu dès après-guerre sur la mort de Me Y… en notant qu’il était « toujours incapable de refuser un service » et était « mort victime de son devoir professionnel » (Au service de la liberté, 1949), le bâtonnier B…, probable auteur de la notice nécrologique de 1944, a établi une attestation le 15 mai 1962 destinée à être produite au soutien du recours exercé contre la décision administrative susvisée, aux termes de laquelle « nous savions tous dans les réseaux et dans les groupes l’attitude de Me Y… (…) et qu’il avait refusé à l’ennemi tous renseignements qui lui avaient été demandés pour servir contre nous et il est bien certain que s’il avait parlé, bien des nôtres, beaucoup d’eux, auraient subi le sort de notre ami Séjournant »,
- que le tribunal administratif de Paris, saisi par la veuve de Me Y… représentée par Me W…, a rendu le 8 juillet 1964 une fois épuisés tous les moyens de recours amiables, ainsi que le note M. N… dans son discours commémoratif de 2006 (cf. infra) un jugement qui, au vu de la mise au point ci-dessus adressée en cours d’instance à l’avocat de la demanderesse, corroborant désormais les titres octroyés après l’Occupation, annule la décision du ministre des Anciens combattants et victimes de guerre et tranche par l’affirmative la question de savoir si le refus de dénoncer un client lui ayant révélé qu’il hébergeait un pilote anglais à son domicile constituait pour un avocat, non seulement le respect du secret professionnel, mais aussi une aide volontaire apportée à un membre d’un réseau reconnu par l’autorité militaire au titre des FFC, des FFI ou de la résistance intérieure française et si, ce faisant, cet avocat avait résisté à l’ennemi au sens du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre et des articles R. 286 et 287-3° du code des pensions militaires ;
3) Les discours contemporains :
- que représentant du barreau de Paris lors de l’ensevelissement de Me Y… à Cannes, M. de O…, suivant la notice rédigée en 1971 pour celui-ci par le bâtonnier T…, prononce un discours à la mémoire du président fondateur de l’UJA, arrêté et détenu pour avoir refusé de révéler des faits relatifs à un de ses dossiers et de trahir ainsi sa mission, par fidélité à son rôle de défenseur, dans les termes suivants repris par Mme Liora E… (Robes noires, années sombres, op. cit. p. 147) : «… je te dis adieu, toi qui fus l’honneur de notre toge, toi qui fus l’exemple et la gloire d’une profession que tu as aimée comme une seconde Patrie. Tu t’es sacrifié à elle, comme les spartiates des Thermopyles se sacrifièrent à la leur. Et sur la tombe qui ne porte encore aucune inscription, je crois pouvoir en déchiffrer une : « Confrère qui passe, va dire à mon ordre que je suis mort pour obéir à ses lois » »,
- que le 20 janvier 1999, ainsi que le note en particulier M. N… lors de la cérémonie à la mairie de Paris (cf. infra), le local syndical de l’UJA au palais de justice reçoit le nom de salle Joseph Y…,
- que le discours de M. P…, membre de l’UJA, et chargé au début des années 2000, comme premier secrétaire de la conférence, de l’éloge de Me Y…, rapporte, sans citer de nouvelles sources d’information, que c’est sur ce dernier que s’est appuyé le bâtonnier B… pour organiser l’assistance judiciaire aux terroristes devant les sections spéciales, qu’il a assisté les avocats juifs enjoints de quitter leur cabinet en les remplaçant et en leur faisant parvenir les honoraires perçus, qu’il a plaidé aussi bien pour les trois résistants communistes fusillés le 20 septembre 1941 (MM. Q…, R…, S…) que pour M. K… guillotiné le 23 septembre 1941, pour MM. L… et V…, tous deux fusillés en décembre suivant, jusqu’à l’affaire de la non dénonciation de l’aviateur anglais en juin 1943,
- qu’en 2006, la mairie de Paris commémore l’ouverture de la rue Joseph Y…, ce qui donne l’occasion à M. N…, historien-archiviste de la ville de Paris, d’un nouvel éloge de « l’avocat fondateur de l’UJA. et résistant », disponible à partir du site de la partie civile, insistant en particulier sur la fondation de l’UJA et les qualités professionnelles de l’avocat, puis son martyr, l’espoir de Mme Y… que son mari guérisse, ainsi que le laissait entrevoir le certificat médical établi en octobre 1943 par le Dr U…, cardiologue, son décès le 27 janvier 1944, ainsi que son inhumation, les vingt ans de procédure nécessaires à sa veuve pour obtenir la pension de réversion découlant de l’attribution du titre d’interné résistant, enfin, le 20 mars 1951, le transfert de ses cendres dans le carré militaire du cimetière de Cannes au cours d’une cérémonie à laquelle assistèrent son épouse et diverses personnalités de la région ;
que les études historiques récentes produites par les parties, largement relayées par des personnalités comme M. G…, mettent en avant à la fois « la manière dont peu à peu (à compter de l’été 1941), à mesure que croissait la difficulté à assumer leur traditionnel devoir de défense pour de nombreuses affaires, la simple fidélité des avocats aux principes d’exercice de leur profession se rapprochait symboliquement et parfois pratiquement d’un comportement résistant » (Mme Liora E… op. cit. p. 147-148) et, dans le même temps, l’absence de protestation de la profession, voire la coopération de ceux d’entre eux qui siégeaient dans les instances ordinales, pour accepter les mesures discriminatoires décidées par Vichy et mettre en oeuvre l’éviction de tel ou tel, qui pouvait être une figure du barreau comme un maître ayant besoin de son travail pour vivre ; que, par ailleurs, M. H…, archiviste de l’ordre, a témoigné devant le tribunal de la réticence du barreau de Paris à ouvrir ses archives « par nature confidentielles », ce dont le témoignage de la petite-fille de Me F… également recueilli par les premiers juges est une illustration ; qu’ainsi, s’agissant de la première imputation (celle d’avoir « porté la loi raciste du 19 juillet 1934 »), que l’importance des éléments d’enquête produits, rappelant l’état de la recherche historique depuis les travaux de Marrus et Paxton (Vichy et les Juifs 1981) cités par Mme Liora E… et largement vulgarisés dans le monde judiciaire, notamment par M. G… (op. cit. p. 32 sur les liens entre xénophobie et antisémitisme dans les années trente), constitue une base factuelle suffisante pour avoir permis à M. X… d’émettre, en persiflant le « mythe » entretenu par la partie civile, l’opinion que l’UJA avait joué un rôle très actif dans l’adoption de la loi xénophobe du 19 juillet 1934, prémices de la législation antisémite de Vichy ; que, s’agissant de la seconde imputation (celle d’avoir trompé ses adhérents en participant à la falsification du rôle de Me Y… et en instrumentalisant la mémoire délibérément idéalisée de son fondateur), il ressort en premier lieu de l’enquête dont disposait le prévenu, notamment les documents contemporains des faits examinés, que Me Y… a incontestablement participé aux délibérations du conseil de l’ordre des avocats de Paris ayant abouti à la radiation d’avocats juifs, en particulier de Me F… ; qu’à cet égard, le tribunal qui n’a pourtant pas fait cas de l’état de la recherche historique la plus actuelle révélant que ces décisions de radiation ont été rendues sans protestations institutionnelles ou individuelles, a justement relevé que le prévenu avait pu exprimer l’opinion que « la présence de Me Y… à cette séance était en elle-même de nature à justifier la sévère critique qu’il formule » ; qu’il résulte, au surplus, des motifs mêmes de la décision du tribunal administratif de Paris que les attestations et titres de résistance établis dans l’immédiate après-guerre par différentes autorités de l’Etat, y compris par le ministère des anciens combattants, et produits au soutien de la demande de pension de la veuve de Me Y…, n’ont, durant près de vingt ans, entre 1945 et 1964, pas paru suffisamment convaincants à la CNDIR et au ministre des anciens combattants pour faire droit à l’attribution à Me Y… du titre d’interné-résistant, la juridiction administrative ayant dû se livrer, au vu d’un document de dernière heure, à une interprétation nouvelle ; qu’en ce qui concerne l’appartenance de Me Y…, comme avocat de deux anciens députés communistes, à un réseau de résistance, évoquée en particulier par l’attestation de 1945, Mme E… observe dans son ouvrage de référence (op. cit. ch. V, note 29 p. 487) que MM. K… et L… ont tous deux été arrêtés en mai 1941 en tant que membres du parti communiste interdit, et que la défense devant les juridictions d’exception n’a commencé à être organisée comme action de résistance qu’après octobre 1942, en sorte qu’aucun engagement résistant ne peut être établi pour la période 1940-1941 ; qu’au vu de l’ensemble de ces éléments constituant un faisceau d’indices suffisant eu égard en particulier aux difficultés d’accès aux sources d’information relevées par M. H…, M. X…, a exercé son droit de critique sur un sujet d’intérêt général en faisant grief, sur un ton sarcastique qu’autorise le cadre de la lutte syndicale, à l’UJA d’avoir délibérément entretenu et transmis un mythe dont elle ne pouvait ignorer en relisant la biographie de son président fondateur, dans toute sa complexité, à la lumière des travaux menés depuis trente ans en histoire des institutions judiciaires sous l’Occupation et à la Libération, qu’il avait pour partie vécu ; que, ce faisant, le prévenu n’a pas dépassé les limites de la liberté d’expression reconnue par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, laquelle vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent ; que sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par M. X…, qu’il n’y a pas lieu d’y faire droit, dès lors que l’action de l’UJA de Paris est fondée sur des faits qui ont été reconnus, même partiellement, diffamatoires ;

«  1) alors que la bonne foi doit être appréciée en la personne de l’auteur de l’article diffamatoire ; qu’en appréciant la bonne foi en la personne de M. X… tout en relevant que les 6e, 7e, 8e et 9e passages, en ce qu’ils portaient atteintes à l’honneur et à la considération de l’UJA, correspondaient aux propos d’internautes sélectionnés par ce dernier ou mis en ligne par le Cosal, en sorte que la bonne foi devait s’apprécier en la personne de ces internautes, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

«  2) alors que la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu’en accordant à M. X… le bénéfice de la bonne foi concernant l’affirmation selon laquelle la qualité de résistant de Me Y… n’avait été reconnue qu’au bout de vingt ans de procédure tout en constatant que Me Y… a reçu la médaille de la Résistance française par décret du 24 avril 1946 (J. O. 17 mai 1946), s’est vu délivrer le 7 août 1946 par le ministère des anciens combattants un certificat attestant qu’il était mort des suites des mauvais traitements subis pendant sa détention par les autorités d’occupation et portant la mention « Mort pour la France », a fait l’objet d’une citation à l’ordre de la Nation du 7 juillet 1948 pour son dévouement à la défense des prévenus politiques traduits devant les tribunaux d’exception et son refus de violer le secret professionnel, et enfin obtenu le 21 janvier 1952 un certificat d’appartenance à la Résistance intérieure française, en tant que membre « isolé » du 25 juin 1940 au 1er juillet 1941 et en tant que membre du Front national judiciaire de cette date à sa libération le 11 octobre 1943, la cour d’appel a entaché sa décision d’une contradiction de motifs en violation des textes susvisés ;

«  3) alors que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu’en affirmant, sur l’appartenance de Me Y… à la résistance, qu’aucun engagement résistant ne pouvait être établi pour la période 1940-1941 tout en relevant que Me Y… avait obtenu, le 21 janvier 1952, un certificat d’appartenance à la Résistance intérieure française, en tant que membre « isolé » du 25 juin 1940 au 1er juillet 1941 et que le tribunal administratif de Paris avait rendu, le 8 juillet 1964, un jugement qui, corroborant les titres octroyés après l’Occupation, annule la décision du ministre des anciens combattants et victimes de guerre ayant rejeté la demande d’attribution du titre d’interné résistant à Me Y… et tranche par l’affirmative la question de savoir si le refus de dénoncer un client lui ayant révélé qu’il hébergeait un pilote anglais à son domicile constituait pour un avocat, non seulement le respect du secret professionnel, mais aussi une aide volontaire apportée à un membre d’un réseau reconnu par l’autorité militaire au titre des FFC, des FFI ou de la résistance intérieure française et si, ce faisant, cet avocat avait résisté à l’ennemi au sens du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre et des articles R. 286 35 et 287-3° du code des pensions militaires, et sans expliquer pourquoi, avant 1942, il n’était pas possible de résister à l’occupant, fusse à titre individuel, la cour d’appel a privé sa décision de motifs en violation des textes susvisés ;

«  4) alors que l’insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; qu’en écartant le caractère diffamatoire de l’imputation selon laquelle l’UJA aurait sciemment trompé ses adhérents en participant à la falsification du rôle de Me Y… et en instrumentalisant la mémoire délibérément idéalisée de son fondateur sans relever aucun acte de falsification imputable à l’UJA, la cour d’appel a privé sa décision de motifs en violation des textes susvisés » ;

Attendu que, pour accorder au prévenu le bénéfice de la bonne foi, les juges relèvent qu’au vu d’un ensemble d’éléments constituant un faisceau d’indices suffisant eu égard aux difficultés d’accès aux sources d’information, M. X… a exercé son droit de critique sur un sujet d’intérêt général en faisant grief, à l’UJA, sur un ton sarcastique qu’autorise le cadre de la lutte syndicale, d’avoir délibérément entretenu et transmis un mythe dont elle ne pouvait ignorer, en relisant la biographie de son président fondateur, dans toute sa complexité, à la lumière des travaux menés depuis trente ans en histoire des institutions judiciaires sous l’Occupation et à la Libération, qu’il avait pour partie vécu ; qu’ils ajoutent que, ce faisant, le prévenu n’a pas dépassé les limites de la liberté d’expression reconnue par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, laquelle vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel, qui a, sans insuffisance ni contradiction, exposé les circonstances particulières invoquées par le prévenu et énoncé les faits sur lesquels elle s’est fondée pour justifier l’admission à son profit du bénéfice de la bonne foi, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Monfort conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 novembre 2010, 09-87.527, Inédit