Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 février 2013, 11-25.977, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 26 févr. 2013, n° 11-25.977
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 11-25.977
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 7 septembre 2011
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000027132508
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2013:CO00224
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Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la Bred-Banque populaire que sur le pourvoi incident relevé par la Mutuelle des élus locaux et l’Union nationale de la prévoyance de la mutualité française ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, qu’à la suite de la condamnation du secrétaire général de la Mutuelle des élus locaux (la Mudel) gérante de la Caisse autonome mutualiste de retraite des élus locaux (la Carel), organisme d’épargne-retraite sans personnalité morale, pour détournement de fonds par l’intermédiaire de comptes ouverts auprès de la Bred-Banque populaire (la Bred), la Mudel a recherché la responsabilité contractuelle de cette dernière ; que, se prévalant d’un protocole conclu le 20 juillet 1998 entre la Mudel et la Fédération nationale de la mutualité française (la FNMF), l’Union nationale de la prévoyance de la mutualité française (l’UNPMF), venant aux droits de la FNMF, est intervenue à l’instance d’appel pour demander l’allocation des dommages-intérêts sollicités par la Mudel si l’action de celle-ci était déclarée irrecevable ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa deuxième branche :

Vu l’article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu que pour écarter l’effet interruptif de prescription attaché à la plainte avec constitution de partie civile déposée le 14 octobre 1997 et décider que les actions en restitution et en dommages-intérêts de la Mudel étaient prescrites pour la période antérieure au 10 décembre 1994, l’arrêt retient que les deux instances, fondées sur des causes distinctes, tendent à des fins différentes, l’instance devant la juridiction pénale à la répression d’infractions et à l’indemnisation de la partie civile pour le dommage causé par ces délits, celle devant la juridiction civile à la restitution des sommes déposées et à la réparation du dommage causé par un manquement aux obligations contractuelles du banquier, et que l’assignation a été délivrée à la Bred le 10 décembre 2004 ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que si, en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première et, qu’en l’espèce, les actions engagées par la Mudel devant les juridictions répressive et civile visaient l’une et l’autre à obtenir la réparation des détournements commis à son préjudice, ce dont il résultait que la constitution de partie civile déposée par la Mudel avait interrompu la prescription jusqu’à l’arrêt du 28 septembre 2005 mettant fin à l’instance pénale, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu l’article 1165 du code civil ;

Attendu que pour rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Bred et déclarer recevable l’action de la Mudel, l’arrêt retient qu’en admettant celle-là à opposer à celle-ci un protocole auquel la Bred était extérieure, les premiers juges ont méconnu l’effet relatif des conventions et dénaturé le contrat, et que le moyen d’irrecevabilité tiré de la perte de qualité à agir de la Mudel n’est pas fondé ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que le tiers à un contrat peut invoquer à son profit, comme constituant un fait juridique, la situation créée par ce contrat, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l’article 1134 du code civil, ensemble l’article R. 326-1 du code de la mutualité dans sa rédaction issue du décret n° 88-574 du 5 mai 1988, alors applicable ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l’arrêt retient que le protocole n’a pas transféré à la FNMF l’action de la Mudel à l’égard de la Bred, la reprise d’un actif et d’un passif comptables dans le cadre de la mise en oeuvre du système obligatoire de garantie mutualiste ne valant pas transfert du droit à engager et conduire une action par une mutuelle conservant sa personnalité morale, a fortiori quand cette action, dirigée contre une banque dépositaire, est sans rapport avec sa mission de recouvrer les cotisations et de servir les prestations ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait tant des dispositions réglementaires applicables que des stipulations claires et précises du protocole litigieux que celui-ci, qui avait emporté transmission à titre universel, au bénéfice de la FNMF, de l’ensemble des éléments d’actif et de passif afférents à la gestion de la Carel, avait conféré de plein droit à l’UNPMF, venant aux droits de la FNMF, qualité pour exercer ou poursuivre les actions relatives aux biens et droits transmis, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a déclaré l’UNPMF recevable en son intervention volontaire, l’arrêt rendu le 8 septembre 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la Bred Banque Populaire (demanderesse au pourvoi principal).

PREMIER MOYEN DE CASSATION

sur la qualité pour agir de la MUDEL –

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR débouté la BRED Banque Populaire de son exception d’irrecevabilité, d’AVOIR déclaré recevable l’action de la MUDEL et, par suite, d’AVOIR déclaré la BRED débitrice de la restitution des sommes déposées sur les comptes ouverts dans ses livres par la MUDEL et la CAREL à compter du 10 décembre 1994 et contractuellement responsable du dommage causé à la MUDEL à compter de la même date et de l’AVOIR condamnée à payer à la MUDEL la somme de 10. 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

AUX MOTIFS QUE « l’article 1162 lire : 1165 du Code civil dispose que les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes, qu’elles ne nuisent point aux tiers et ne leur profitent qu’en cas de stipulation pour autrui et dans les autres hypothèses prévues par la loi, notamment de renonciation à un droit ; que l’acte sous seings privés du 20 juillet 1998 a été passé entre les seules MUDEL, F. N. M. F. et F. M. P., de sorte que la BRED ne peut l’invoquer sauf à démontrer que la MUDEL a renoncé à ses droits à son encontre ; qu’aux termes de l’article 1er de l’acte sous seings privés passé le 20 juillet 1998, la MUDEL a cédé à la F. N. M. F. « tous les contrats afférents à l’ensemble des risques liés à la retraite et gérés actuellement par la Caisse autonome des retraite des élus locaux dénommés CAREL » ; que ces dispositions, relatives à la gestion et à la charge des contrats de prévoyance retraite, ne concernent pas le présent litige, qui porte sur l’obligation de restitution et la responsabilité contractuelle d’un banquier dépositaire ; que l’article 5 de la convention concerne la répartition entre la F. N. M. F. et la F. M. P. des recettes et des frais afférents à des « procédures en cours », mentionnées à l’annexe 6, et donne, en son alinéa 2, pouvoir à la F. N. M. F. de « poursuivre ou faire cesser toutes procédures judiciaires » ;

qu’il n’intéresse pas le présent litige entre la MUDEL et la BRED, aucune instance n’ayant été engagée entre ces parties à la date de l’acte, le 20 juillet 1998 ; que l’article 3 « Conditions de transfert et situation comptable », qui consiste en un très bref rappel du mécanisme de reprise de passif et d’actif des mutuelles prévu au chapitre unique, « Le fonds de garantie, de la Partie législative, Titre III, Livre IV du Code de la mutualité », n’a aucunement transféré à la F. N. M. F. l’action de la MUDEL à l’égard de la BRED, la reprise d’un actif et d’un passif comptables dans le cadre de mise en oeuvre du système obligatoire de garantie mutualiste ne valant aucunement transfert du droit à engager et conduire une action par une mutuelle conservant sa personnalité morale, a fortiori quand cette action, dirigée contre une banque dépositaire, est sans rapport avec sa mission de recouvrer les cotisations et de servir les prestations ; qu’en application de l’article 1251, 3°, du Code civil, la subrogation a lieu de plein droit au profit de celui qui, étant tenu avec d’autres ou pour d’autres au payement de la dette, avait intérêt de l’acquitter ; que la F. N. M. F., si elle est subrogée aux droits de la MUDEL relativement au recouvrement des cotisations d’élus et de collectivités territoriales destinées à financer le risque retraite, ne l’est pas au titre d’une créance indemnitaire de la MUDEL envers la BRED pour manquement aux obligations de dépositaire, créance qui est sans rapport avec les contrats de prévoyance repris ; qu’il s’évince de ces constatations qu’en admettant la B. R. E. D à opposer à la MUDEL un protocole auquel la première était extérieure, alors que la première ne pouvait se prévaloir d’une renonciation à un droit, les premiers juges ont méconnu l’effet relatif des conventions et dénaturé le contrat ; que le moyen d’irrecevabilité de la BRED tiré de la perte de la qualité à agir de la MUDEL n’est pas fondé ; qu’en l’état de ces énonciations, il échet, infirmant le jugement entrepris, de débouter la société BRED de son exception d’irrecevabilité » ;

1. ALORS QUE les tiers à un contrat peuvent toujours invoquer à leur profit, comme un fait juridique, la situation créée par ce contrat ; qu’en l’espèce, la BRED rappelait dans ses conclusions que, par un protocole d’accord du 20 juillet 1998, la Mutuelle des Elus Locaux (MUDEL), antérieurement gestionnaire de la Caisse de retraite CAREL, avait cédé à la Fédération Nationale de la Mutualité Française (FNMF) « tous les contrats afférents à l’ensemble des risques liés à la retraite et gérés actuellement par la Caisse Autonome de Retraite des Elus Locaux dénommée CAREL » et qu’il avait été expressément convenu que ce transfert « entraînera pour la FNMF la reprise de l’actif et du passif de la caisse CAREL » ; que, se prévalant de la situation de fait créée par ce protocole d’accord, la BRED faisait valoir qu’en transférant à la Fédération Nationale de la Mutualité française l’ensemble du patrimoine de la CAREL, en tous ses éléments actifs et passifs, la MUDEL avait perdu toute qualité pour agir à son encontre en restitution des sommes antérieurement déposées sur les comptes bancaires de la CAREL ouverts dans ses livres et en réparation du dommage causé par les manquements qui lui étaient imputés ; que pour juger que la BRED n’était pas fondée à se prévaloir de ce protocole d’accord, la Cour d’appel a énoncé que les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties et ne nuisent ni ne profitent aux tiers et en a faussement déduit que la banque n’aurait pu, en sa qualité de tiers, invoquer ce protocole qu’à la condition de démontrer que la MUDEL ait renoncé à ses droits à son encontre ; qu’en se prononçant de la sorte, au prix d’une confusion entre l’effet relatif d’une convention et l’opposabilité de la situation nouvelle créée par celle-ci, la Cour d’appel a violé l’article 1165 du Code civil ;

2. ALORS, de deuxième part, QUE dans sa version issue du décret n° 88-574 du 5 mai 1988, l’article R. 326-1 du Code de la mutualité disposait, en son alinéa premier que le transfert ou la cession par un groupement mutualiste gestionnaire d’une caisse autonome à une ou plusieurs autres caisses autonomes mutualistes ou à la Caisse nationale de prévoyance de tous les contrats afférents à l’ensemble ou à certains risques dont la caisse autonome cédante assure la couverture (…) ne peuvent être décidés que dans les mêmes formes que celles que requièrent les articles L. 126-1 à L. 126-4 pour la fusion, la scission ou la dissolution des mutuelles, puis en son deuxième alinéa, que la décision approuvant ces opérations détermine, s’il y a lieu, les conditions de transfert de l’actif et du passif à l’un de ces organismes ; qu’en l’espèce, il résultait des articles 1er et 3e du protocole d’accord du 20 juillet 1998, que se plaçant expressément sous le régime de l’article R. 326-1 précité du Code de la mutualité, la Mutuelle des Elus locaux (MUDEL) avait cédé à la Fédération Nationale de la Mutualité Française (FNMF) « tous les contrats afférents à l’ensemble des risques liés à la retraite et gérés actuellement par la Caisse Autonome de Retraite des Elus Locaux dénommée CAREL » et qu’il avait été expressément convenu que ce transfert « entraîner (ait) pour la FNMF la reprise de l’actif et du passif de la caisse CAREL, selon une situation comptable sincère et véritable arrêtée au 31 décembre 1997 … » ; que pour juger que ce protocole d’accord n’avait pu avoir pour effet de transférer à la Fédération Nationale de la Mutualité française l’action contractuelle de la MUDEL à l’égard de la BRED, la Cour d’appel a retenu que la reprise d’un actif et d’un passif comptables dans le cadre de la mise en oeuvre du système obligatoire de garantie mutualiste ne vaut aucunement transfert du droit d’engager et de conduire une action par une mutuelle conservant sa personnalité morale, a fortiori quand cette action, dirigée contre une banque dépositaire, est sans rapport avec sa mission de recouvrer les cotisations et de servir les prestations ; qu’en se prononçant de la sorte, quand il ressortait tant des stipulations claires et précises du protocole susvisé que des dispositions réglementaires ainsi mises en oeuvre que le transfert des contrats gérés par la CAREL s’était accompagné de la transmission à titre universel, au bénéfice de la FNMF, du patrimoine antérieurement affecté par la MUDEL à la gestion de la CAREL, en tous ses éléments actifs et passifs, la Cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil, ensemble l’article R. 326-1 précité du Code de la mutualité dans sa version alors applicable ;

3. ALORS, de surcroît, QU’EN se prononçant comme elle l’a fait, cependant que l’action engagée par la MUDEL tendait au moins pour partie à la restitution des sommes antérieurement déposées sur les comptes bancaires de la CAREL ouverts dans les livres de la banque, c’est-à-dire à la reconstitution de l’actif de la CAREL, pourtant irrévocablement transféré à la Fédération Nationale de la Mutualité française, la Cour d’appel a violé de plus fort les textes susvisés.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

sur les manquements contractuels imputés à la BRED –

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR déclaré la BRED Banque Populaire débitrice de la restitution des sommes déposées sur les comptes ouverts dans ses livres par la MUDEL et la CAREL à compter du 10 décembre 1994, de l’AVOIR déclarée contractuellement responsable du dommage causé à la MUDEL à compter de la même date et d’AVOIR condamné la BRED Banque Populaire à payer à la MUDEL la somme de 10. 000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QUE « sur l’action fondée sur l’obligation de restitution à la charge de la BRED, en application de l’article 1937 du Code civil, le banquier doit rendre les sommes qu’il a reçues ; qu’il ne peut opposer au déposant les payements qu’il a faits sur les instructions d’une personne qui n’avait pas pouvoir, sauf à démontrer que cette personne avait un mandat apparent ; que l’article 5 du décret n° 86-1359 du 30 décembre 1986 modifiant certaines dispositions du Code de la mutualité et portant établissement des statuts types des mutuelles, des unions de mutuelles et de leurs fédérations, impose aux organismes mutualistes des statuts types obligatoires figurant en annexe ; que ces statuts types attribuent au président de l’organisme mutualiste le pouvoir d’engager les dépenses, et au trésorier celui de les payer ; que ces pouvoirs ne peuvent être délégués, par le président et/ ou le trésorier, qu’à un directeur salarié ou à un autre salarié ; que ces dispositions réglementaires ont été intégrées aux articles 42 et 45 des statuts de la MUDEL ; que la BRED ne peut prétendre avoir ignoré les dispositions réglementaires d’ordre public susvisées, non seulement en raison du principe de connaissance nécessaire de la loi, mais encore parce qu’il s’agissait d’un texte dont un organisme bancaire acceptant un organisme mutualiste dans sa clientèle ne peut soutenir ne pas avoir eu connaissance effective au sens de la décision du Conseil constitutionnel du 16 décembre 1999, comme les statuts, qui ne font que reproduire le règlement ; que ces textes ne permettaient pas au secrétaire général de payer les dépenses, ni à un organe de la mutuelle de lui conférer ce pouvoir ; que, s’agissant des statuts de la MUDEL, il est de plus démontré, et non contesté, que ce document, dûment validé par l’autorité administrative de contrôle, a été remis à la BRED lors de l’ouverture du compte – la chargée de comptes ayant déclaré au magistrat instructeur : « Mme X…… avait également remis les statuts de la MUDEL » – étant relevé en outre que la BRED n’aurait pu, s’agissant d’opérations bancaires d’un organisme mutualiste, permettre des opérations sur les comptes que si elle disposait des statuts dûment approuvés par l’autorité administrative ; que, contrairement à ce que soutient la BRED, les statuts d’une personne morale ne sont pas un acte auquel elle n’est pas partie et qui lui est inopposable, mais, constituant la condition de la qualité à agir de personnes physiques pour le compte de la personne morale cliente, un document que la banque doit obligatoirement exiger et respecter ; que l’obligation de non-ingérence de la banque ne la dispense pas de celle, totalement différente, de s’opposer à toute opération manifestement prohibée par une norme législative ou réglementaire et/ ou les statuts de son client ; que la BRED, invoquant la théorie du mandat apparent, fait valoir que M. Y… apparaissait comme titulaire du pouvoir de payer les dépenses de la mutuelle, cette croyance étant étayée par le comportement de la présidente de la MUDEL, qui a consenti une délégation de pouvoirs à M. Y… et l’a fait figurer sur le carton de signature ; Mais considérant que le mandat apparent a pour fondement la croyance légitime qui aurait été celle de toute personne normalement prudente et se trouvant dans les mêmes conditions dans les pouvoirs de celui avec qui il a été contracté ou dont les instructions ont été exécutées ; qu’il ne peut y avoir croyance légitime dans des pouvoirs qui sont en contradiction avec, à la fois, des dispositions réglementaires d’ordre public régissant le fonctionnement des organismes mutualistes et les statuts de la mutuelle cliente ; que la règle nemo auditur propriam turpitudinem allegans ne trouve application que pour faire obstacle aux restitutions consécutives à l’annulation d’un contrat dont la cause est immorale ; que les conventions passées entre la BRED et la MUDEL-CAREL n’ayant pas de cause immorale et n’étant pas annulées, l’invocation de ce principe est inopérant ; que la MUDEL-CAREL invoque l’obligation de restitution du dépositaire ; qu’il s’ensuit que la BRED ne saurait lui opposer une reprise de son passif par des organismes mutualistes qui aurait fait disparaître le préjudice, l’organisme mutualiste ne demandant pas à titre principal la réparation d’un dommage, mais la restitution d’un dépôt de sommes ; qu’il s’évince de ces énonciations que la BRED, qui n’avait pas le droit d’accepter d’instructions de payement ou de virement de M. Y…, ni de lui remettre des moyens de payement, notamment les deux cartes bancaires, a l’obligation de restituer à la MUDEL-CAREL tous les fonds que celle-ci lui a confiés à compter du 10 décembre 1994, incluant les sommes que le secrétaire général a fait payer ou virer à des organismes qu’il dirigeait ou qu’il s’est attribué personnellement » ;

ET AUX MOTIFS QUE « sur l’action de la MUDEL-CAREL en dommages-intérêts, l’interdiction pour le banquier de s’immiscer dans les affaires de son client ne le dispense ni de l’obligation de vérifier diligemment les pouvoirs de son représentant, ni de celle de refuser d’exécuter des opérations manifestement illégales ; qu’en exécutant les instructions de payement ou de virement de M. Y… et en lui attribuant deux cartes bancaires sur le compte de la mutuelle, alors qu’il ne disposait pas, et ne pouvait disposer en vertu des dispositions réglementaires et statutaires applicables, du pouvoir pour payer au nom de la MUDEL-CAREL, la BRED a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle envers la MUDELCAREL ; que la BRED, qui ne pouvait que connaître l’activité mutualiste de sa cliente, ne pouvait ignorer que les fonds perçus par une caisse autonome de prévoyance ne peuvent légalement être utilisés qu’au règlement des prestations mutualistes et des frais de gestion ; que l’interdiction d’immixtion faite au banquier n’est pas un droit de prêter son concours à des actes illégaux, ni même de les permettre par sa passivité ;

que la BRED ne peut soutenir qu’elle ignorait la destination des sommes provenant des comptes MUDEL-CAREL dont bénéficiait le Club de l’Élu et l’I. R. F. E. L., alors que sa chargée de comptes a reconnu au cours de l’information que M. Y… l’avait entretenue de la création de ces deux entités, chargées l’une d’une activité de formation des élus, l’autre de l’octroi de prêts, objets évidemment étrangers à celui d’une caisse mutualiste de retraite, et qu’elle l’avait dirigé vers des filiales de la BRED, censées plus adaptées au financement de ce type d’activités ; que la BRED ne peut donc soutenir qu’elle ignorait que les très importants mouvements à partir des comptes MUDEL-CAREL au profit de ces deux entités, notamment, étaient interdits par le Code de la mutualité et le règlement d’application ; que la BRED a de la sorte commis des fautes engageant sa responsabilité contractuelle ; que, pour les motifs développés ci-dessus, les arguments tirés du mandat apparent et de la règle nemo auditur sont inopérants ; que la BRED ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 2 du Code de procédure pénale, l’action de la mutuelle étant fondée sur l’obligation de restitution du dépositaire et sur la responsabilité contractuelle de la banque, alors que la condamnation prononcée contre MM. Y… et Z…, le Club de l’Élu et l’I. R. F. E. L. est fondée sur la responsabilité délictuelle, dans la limite du dommage causé par les infractions dont ils ont été déclarés convaincus ; que la BRED ne peut soutenir que les fautes de la MUDEL ont contribué au préjudice de celle-ci, alors que, quelles qu’aient été l’incurie et la désinvolture de certains organes de cette mutuelle, le dommage ne se serait jamais produit si la banque avait refusé, comme elle en avait l’obligation, tout ordre de payement manifestement irrégulier comme toute délivrance de cartes bancaires à M. Y… ; qu’elle ne peut donc s’exonérer, même partiellement, de sa responsabilité au motif que des organes de la mutuelle lui auraient donné des instructions dont elle devait nécessairement connaître l’illicéité et qu’elle devait refuser d’exécuter » ;

1. ALORS, de première part, QUE la présomption de connaissance des actes administratifs à caractère réglementaire n’est attachée qu’à celles de leurs dispositions qui ont été publiées au Journal officiel ; que, si le décret n° 86-1359 du 30 décembre 1986 dispose en ses articles 5 et 6 que « l’annexe au présent décret constitue (…) les statuts types des mutuelles, des unions de mutuelles et de leurs fédérations » et que « présentent un caractère obligatoire dans les conditions qu’elles précisent celles des dispositions des statuts types qui portent la mention « disposition obligatoire » », cette annexe n’a pas été publiée au Journal officiel, mais seulement au Bulletin officiel du ministre des affaires sociales et de l’emploi ; que cette mesure de publicité limitée n’était pas de nature à rendre les dispositions de cette annexe opposables aux tiers contractant avec des organes mutualistes, tels que les établissements de crédit ; que pour reprocher néanmoins à la BRED de ne pas avoir décelé la contrariété aux statuts types établis par l’annexe du décret susvisé des procurations établies en faveur de M. Y… lors de l’ouverture des comptes bancaires de la MUDEL, la Cour d’appel retient qu’en raison du principe de connaissance nécessaire de la loi, la banque, du fait de l’acceptation d’un organisme mutualiste dans sa clientèle, n’était pas fondée à soutenir ne pas avoir eu une connaissance effective, au sens de la décision du Conseil constitutionnel du 16 décembre 1999, des dispositions règlementaires de l’annexe susvisée ; qu’en se prononçant de la sorte, la Cour d’appel a violé l’article 1er du Code civil, ensemble le principe selon lequel nul n’est censé ignorer la loi, par fausse application, et le principe de sécurité juridique, par refus d’application ;

2. ALORS, de deuxième part, QUE les clauses statutaires d’une personne morale qui restreignent les pouvoirs conférés par la loi à ses organes sont inopposables aux tiers, peu important que ceux-ci en aient eu connaissance ; que dans sa rédaction issue de la loi n° 85-773 du 25 juillet 1985, en vigueur lors de l’ouverture des comptes bancaires de la MUDEL et de la CAREL, l’article L. 125-7 du Code de la Mutualité conférait au conseil d’administration le pouvoir d’administrer l’organisme mutualiste et de l’engager dans tous les actes de la vie civile et disposait que « sauf pour la fixation du montant ou du taux des cotisations, le conseil d’administration peut déléguer, sous sa responsabilité, une partie de ses pouvoirs, soit au Président, soit à un ou plusieurs administrateurs », étant ici précisé qu’aucune disposition du Code de la mutualité ne conférait de pouvoirs propres au trésorier ; qu’en l’espèce, la BRED rappelait dans ses conclusions que lors de l’ouverture des comptes bancaires de la MUDEL et de la CAREL, la banque s’était vue remettre les procès-verbaux de l’assemblée générale et du conseil d’administration de la MUDEL du 14 octobre 1991 mandatant le conseil à l’effet de procéder à l’ouverture de comptes bancaires ainsi qu’une procuration établie par son Président au profit du Secrétaire général, également administrateur de cette mutuelle, à l’effet de faire fonctionner ces comptes bancaires sous sa signature (p. 3) ; qu’en jugeant la MUDEL fondée à invoquer, à l’appui de son action à l’encontre de la BRED, l’irrégularité de cette procuration au regard des dispositions de ses statuts limitant les pouvoirs du Conseil d’administration et de son Président, la Cour d’appel a violé l’article L. 125-7 du Code de la mutualité, dans sa rédaction issue de la loi n° 85-773 du 25 juillet 1985 ;

3. ALORS, en toute hypothèse, QUE la ratification des ordres de débit du compte bancaire d’une personne morale passés par une personne physique investie d’un mandat irrégulier peut être simplement tacite et résulter de l’absence de protestations et de réserves émanant de l’organe de la personne morale ayant compétence pour faire fonctionner ce compte bancaire à réception des relevés de compte retraçant les mouvements effectués ; qu’en l’espèce, la BRED rappelait dans ses conclusions que les comptes bancaires de la MUDEL ouverts dans ses livres avaient fonctionné pendant près de six ans sous la signature de son secrétaire général, Monsieur Y…, au su et au vu des organes de la Mutuelle, sans que ces derniers et, notamment son trésorier, n’aient élevé la moindre protestation ni réserve à réception des relevés de comptes retraçant les écritures passées en débit (conclusions, p. 31, pénultième alinéa) ; que pour déclarer la banque tenue de restituer l’ensemble des sommes déposées sur les comptes ouverts dans ses livres par la MUDEL et la CAREL à compter du 10 décembre 1994 et contractuellement responsable du dommage subi par cette mutuelle, la Cour d’appel relève que le banquier dépositaire ne peut opposer au déposant les paiements qu’il a effectués sur les instructions d’une personne qui n’avait pas pouvoir et énonce, qu’en l’espèce, la BRED aurait dû déceler l’irrégularité des procurations consenties par le Président du Conseil d’administration au Secrétaire Général à l’effet de faire fonctionner les comptes bancaires de la MUDEL au regard des dispositions statutaires et réglementaires régissant le fonctionnement de cette dernière ; qu’en se prononçant de la sorte, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si l’absence de protestation et de réserves émises par les organes de la MUDEL compétents pour engager et régler les dépenses de la mutuelle pendant une telle durée, ne valait pas ratification des actes accomplis par le Secrétaire Général, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1239 alinéa 2, 1937 et 1998, alinéa 2 du Code civil ;

4. ALORS, enfin, QUE la banque ne doit pas s’immiscer dans les affaires de son client et n’est pas tenue, à défaut d’anomalie apparente dans le fonctionnement du compte ou dans les effets présentés au paiement, de s’interroger sur la cause ou l’opportunité des mouvements de fonds intervenus au débit de son compte, ni même sur leur conformité à l’objet de la personne morale titulaire du compte ; que pour juger la BRED responsable du dommage causé à la MUDEL, la Cour d’appel énonce que l’interdiction d’immixtion faite au banquier n’est pas un droit de prêter son concours à des actes illégaux, ni même de les permettre par sa passivité, et retient qu’en l’espèce, la BRED, qui avait été informée par M. Y… de la création du Club de L’élu et de l’IRFEL, ne peut soutenir avoir ignoré que les très importants mouvements de fonds intervenus au bénéfice de ces deux entités étaient étrangers à l’activité mutualiste de la MUDEL et à l’affectation légale des fonds perçus par une caisse autonome de retraite au règlement des prestations mutualistes et des frais de gestion ; qu’en se prononçant de la sorte, cependant que l’importance des mouvements de fonds intervenus au bénéfice des deux entités susvisées n’était pas à elle seule de nature à caractériser une anomalie apparente dans le fonctionnement du compte qui aurait dû conduire la banque à s’interroger sur la cause des mouvements de fonds intervenus au débit des comptes de la mutuelle, la Cour d’appel a violé les articles 1135 et 1147 du Code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

– subsidiairement, sur les conséquences des manquements contractuels imputés à la BRED et le partage des responsabilités –

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR déclaré la BRED Banque Populaire débitrice de la restitution des sommes déposées sur les comptes ouverts dans ses livres par la MUDEL et la CAREL à compter du 10 décembre 1994, de l’AVOIR déclarée contractuellement responsable du dommage causé à la MUDEL à compter de la même date et d’AVOIR condamné la BRED Banque Populaire à payer à la MUDEL la somme de 10. 000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QUE « sur l’action fondée sur l’obligation de restitution à la charge de la BRED, en application de l’article 1937 du Code civil, le banquier doit rendre les sommes qu’il a reçues ; qu’il ne peut opposer au déposant les payements qu’il a faits sur les instructions d’une personne qui n’avait pas pouvoir, sauf à démontrer que cette personne avait un mandat apparent ; que l’article 5 du décret n° 86-1359 du 30 décembre 1986 modifiant certaines dispositions du Code de la mutualité et portant établissement des statuts types des mutuelles, des unions de mutuelles et de leurs fédérations, impose aux organismes mutualistes des statuts types obligatoires figurant en annexe ; que ces statuts types attribuent au président de l’organisme mutualiste le pouvoir d’engager les dépenses, et au trésorier celui de les payer ; que ces pouvoirs ne peuvent être délégués, par le président et/ ou le trésorier, qu’à un directeur salarié ou à un autre salarié ; que ces dispositions réglementaires ont été intégrées aux articles 42 et 45 des statuts de la MUDEL ; que la BRED ne peut prétendre avoir ignoré les dispositions réglementaires d’ordre public susvisées, non seulement en raison du principe de connaissance nécessaire de la loi, mais encore parce qu’il s’agissait d’un texte dont un organisme bancaire acceptant un organisme mutualiste dans sa clientèle ne peut soutenir ne pas avoir eu connaissance effective au sens de la décision du Conseil constitutionnel du 16 décembre 1999, comme les statuts, qui ne font que reproduire le règlement ; que ces textes ne permettaient pas au secrétaire général de payer les dépenses, ni à un organe de la mutuelle de lui conférer ce pouvoir ; que, s’agissant des statuts de la MUDEL, il est de plus démontré, et non contesté, que ce document, dûment validé par l’autorité administrative de contrôle, a été remis à la BRED lors de l’ouverture du compte – la chargée de comptes ayant déclaré au magistrat instructeur : « Mme X…… avait également remis les statuts de la MUDEL » – étant relevé en outre que la BRED n’aurait pu, s’agissant d’opérations bancaires d’un organisme mutualiste, permettre des opérations sur les comptes que si elle disposait des statuts dûment approuvés par l’autorité administrative ; que, contrairement à ce que soutient la BRED, les statuts d’une personne morale ne sont pas un acte auquel elle n’est pas partie et qui lui est inopposable, mais, constituant la condition de la qualité à agir de personnes physiques pour le compte de la personne morale cliente, un document que la banque doit obligatoirement exiger et respecter ; que l’obligation de non-ingérence de la banque ne la dispense pas de celle, totalement différente, de s’opposer à toute opération manifestement prohibée par une norme législative ou réglementaire et/ ou les statuts de son client ; que la BRED, invoquant la théorie du mandat apparent, fait valoir que M. Y… apparaissait comme titulaire du pouvoir de payer les dépenses de la mutuelle, cette croyance étant étayée par le comportement de la présidente de la MUDEL, qui a consenti une délégation de pouvoirs à M. Y… et l’a fait figurer sur le carton de signature ; Mais considérant que le mandat apparent a pour fondement la croyance légitime qui aurait été celle de toute personne normalement prudente et se trouvant dans les mêmes conditions dans les pouvoirs de celui avec qui il a été contracté ou dont les instructions ont été exécutées ; qu’il ne peut y avoir croyance légitime dans des pouvoirs qui sont en contradiction avec, à la fois, des dispositions réglementaires d’ordre public régissant le fonctionnement des organismes mutualistes et les statuts de la mutuelle cliente ; que la règle nemo auditur propriam turpitudinem allegans ne trouve application que pour faire obstacle aux restitutions consécutives à l’annulation d’un contrat dont la cause est immorale ; que les conventions passées entre la BRED et la MUDEL-CAREL n’ayant pas de cause immorale et n’étant pas annulées, l’invocation de ce principe est inopérant ; que la MUDEL-CAREL invoque l’obligation de restitution du dépositaire ; qu’il s’ensuit que la BRED ne saurait lui opposer une reprise de son passif par des organismes mutualistes qui aurait fait disparaître le préjudice, l’organisme mutualiste ne demandant pas à titre principal la réparation d’un dommage, mais la restitution d’un dépôt de sommes ; qu’il s’évince de ces énonciations que la BRED, qui n’avait pas le droit d’accepter d’instructions de payement ou de virement de M. Y…, ni de lui remettre des moyens de payement, notamment les deux cartes bancaires, a l’obligation de restituer à la MUDEL-CAREL tous les fonds que celle-ci lui a confiés à compter du 10 décembre 1994, incluant les sommes que le secrétaire général a fait payer ou virer à des organismes qu’il dirigeait ou qu’il s’est attribué personnellement » ;

ET AUX MOTIFS QUE « sur l’action de la MUDEL-CAREL en dommages et intérêts, l’interdiction pour le banquier de s’immiscer dans les affaires de son client ne le dispense ni de l’obligation de vérifier diligemment les pouvoirs de son représentant, ni de celle de refuser d’exécuter des opérations manifestement illégales ; qu’en exécutant les instructions de payement ou de virement de M. Y… et en lui attribuant deux cartes bancaires sur le compte de la mutuelle, alors qu’il ne disposait pas, et ne pouvait disposer en vertu des dispositions réglementaires et statutaires applicables, du pouvoir pour payer au nom de la MUDEL-CAREL, la BRED a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle envers la MUDEL-CAREL ; que la BRED, qui ne pouvait que connaître l’activité mutualiste de sa cliente, ne pouvait ignorer que les fonds perçus par une caisse autonome de prévoyance ne peuvent légalement être utilisés qu’au règlement des prestations mutualistes et des frais de gestion ; que l’interdiction d’immixtion faite au banquier n’est pas un droit de prêter son concours à des actes illégaux, ni même de les permettre par sa passivité ; que la BRED ne peut soutenir qu’elle ignorait la destination des sommes provenant des comptes MUDEL-CAREL dont bénéficiait le Club de l’Élu et l’I. R. F. E. L., alors que sa chargée de comptes a reconnu au cours de l’information que M. Y… l’avait entretenue de la création de ces deux entités, chargées l’une d’une activité de formation des élus, l’autre de l’octroi de prêts, objets évidemment étrangers à celui d’une caisse mutualiste de retraite, et qu’elle l’avait dirigé vers des filiales de la BRED, censées plus adaptées au financement de ce type d’activités ; que la BRED ne peut donc soutenir qu’elle ignorait que les très importants mouvements à partir des comptes MUDEL-CAREL au profit de ces deux entités, notamment, étaient interdits par le Code de la mutualité et le règlement d’application ; que la BRED a de la sorte commis des fautes engageant sa responsabilité contractuelle ; que, pour les motifs développés ci-dessus, les arguments tirés du mandat apparent et de la règle nemo auditur sont inopérants ; que la BRED ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 2 du Code de procédure pénale, l’action de la mutuelle étant fondée sur l’obligation de restitution du dépositaire et sur la responsabilité contractuelle de la banque, alors que la condamnation prononcée contre MM. Y… et Z…, le Club de l’Élu et l’I. R. F. E. L. est fondée sur la responsabilité délictuelle, dans la limite du dommage causé par les infractions dont ils ont été déclarés convaincus ; que la BRED ne peut soutenir que les fautes de la MUDEL ont contribué au préjudice de celle-ci, alors que, quelles qu’aient été l’incurie et la désinvolture de certains organes de cette mutuelle, le dommage ne se serait jamais produit si la banque avait refusé, comme elle en avait l’obligation, tout ordre de payement manifestement irrégulier comme toute délivrance de cartes bancaires à M. Y… ; qu’elle ne peut donc s’exonérer, même partiellement, de sa responsabilité au motif que des organes de la mutuelle lui auraient donné des instructions dont elle devait nécessairement connaître l’illicéité et qu’elle devait refuser d’exécuter » ;

1. ALORS QUE la personne morale dont le représentant légal a, en violation de ses statuts et des dispositions réglementaires régissant son fonctionnement, confié à une personne physique une procuration irrégulière à l’effet de faire fonctionner ses comptes bancaires, contribuant ainsi, par sa propre faute, à favoriser les détournements de fonds commis par ce mandataire, n’est pas fondée à solliciter la condamnation de la banque dépositaire à lui restituer l’intégralité des sommes débitées de son compte sur l’ordre de cette personne physique du seul fait que la banque aurait elle-même dû déceler l’irrégularité qui entachait cette procuration ; qu’il lui est seulement permis d’engager, à l’encontre de la banque, une action indemnitaire et ce, uniquement pour la part de responsabilité lui incombant dans la survenance du dommage subi ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel a constaté, que lors de l’ouverture des comptes bancaires de la MUDEL et de la CAREL dans les livres de la BRED, le Président du Conseil d’administration et représentant légal de la MUDEL, avait remis à la banque des procurations qu’il avait établies au profit du Secrétaire général de cette mutuelle à l’effet de faire fonctionner ces comptes sous sa signature (p. 3) et que ces procurations, de même que la délibération du conseil d’administration les ayant autorisées, étaient « totalement irréguliers » au regard des dispositions réglementaires et statutaires qui réservent au seul trésorier de la mutuelle le paiement des dépenses engagées par le Président et ne lui permettent de déléguer ses pouvoirs qu’à des collaborateurs salariés (p. 4, al. 2) ; qu’en déclarant néanmoins la BRED tenue de restituer l’ensemble des sommes déposées sur les comptes ouverts dans ses livres par la MUDEL et la CAREL depuis le 10 décembre 1994, en raison du manque de vigilance dont elle avait fait preuve en négligeant de s’assurer de la licéité des procurations qui lui avaient été remises, cependant que ce défaut de vigilance de la banque ne pouvait être sanctionné que par une condamnation indemnitaire dès lors qu’il venait en concours avec les fautes imputables aux organes de la mutuelle, la Cour d’appel a violé les articles 1147 et 1937 du Code civil.

2. ALORS, en outre, QUE la faute commise par le déposant exonère au moins pour partie le banquier dépositaire de sa responsabilité contractuelle dès lors qu’elle a concouru à la réalisation du dommage ; qu’en l’espèce, la BRED rappelait dans ses conclusions que le rapport de l’IGAS du 18 août 1997 avait mis en évidence l’écrasante responsabilité des organes de la MUDEL dans les détournements de fonds perpétrés par son Secrétaire général, en relevant une « impressionnante collection d’anomalies par rapport aux dispositions du Code de la mutualité », de multiples « violations dans l’application des statuts », la méconnaissance par le Président de son devoir statutaire de « veiller à la régularité du fonctionnement de la Mutuelle conformément au Code de la Mutualité et aux statuts », « des doutes sérieux jusqu’à l’existence même d’une comptabilité avant 1996 », la passivité de tous les administrateurs ayant conduit à « encourager le Secrétaire général dans la voie de ses errements alors que les conséquences de ces errements étaient visibles et auraient pu être corrigées dès 1993 » et, plus généralement « la répudiation de tous les garde-fous prévus par la loi, comme par les principes les plus élémentaires de prudence » ; que la Cour d’appel a elle-même constaté que les procurations établies par le Président de la MUDEL en faveur du Secrétaire général, à l’effet de faire fonctionner les comptes bancaires de la mutuelle sous sa signature, de même que la délibération du conseil d’administration ayant organisé ce système, étaient « totalement irréguliers » au regard des statuts de la mutuelle et des dispositions réglementaires régissant son fonctionnement, « la présidente étant radicalement incompétente pour attribuer ces pouvoirs et le secrétaire général pour les recevoir » (p. 4, al. 2) ; qu’en énonçant néanmoins que, « quelles qu’aient été l’incurie et la désinvolture de certains organes de cette mutuelle », la banque n’était pas fondée à se prévaloir d’une cause d’exonération même partielle de sa responsabilité, au motif inopérant que le dommage ne se serait jamais produit si la banque avait refusé tout ordre de paiement manifestement irrégulier comme toute délivrance de cartes bancaires au secrétaire général, alors que cette seule énonciation était impropre à écarter le rôle causal des fautes des organes légaux de la MUDEL dont elle constatait l’existence, la Cour d’appel a violé les articles 1147 et 1937 du Code civil ;

3. ALORS, en toute hypothèse, QUE le paiement fait par le banquier dépositaire à celui qui n’avait pas pouvoir de recevoir pour le déposant est libératoire si celui-ci en a profité ; qu’en déclarant la BRED tenue de restituer l’ensemble des sommes déposées sur les comptes ouverts dans ses livres par la MUDEL et la CAREL depuis le 10 décembre 1994, sans distinguer, parmi les sommes prélevées sur les comptes bancaires de la MUDEL du chef de son Secrétaire général, celles qui lui avaient profité en venant acquitter des dettes régulièrement contractées par la mutuelle de celles qui avaient été frauduleusement détournées, ainsi qu’elle y était invitée par les conclusions de la banque (p. 35, al. 1er, p. 37, al. 1er), la Cour d’appel a violé les articles 1239 alinéa 2 et 1937 du Code civil.

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la mutuelle des Elus locaux et de l’Union nationale de la prévoyance de la mutualité française (demanderesses au pourvoi incident).

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que les actions en restitution et en dommages-intérêts de la MUDEL étaient prescrites pour la période courant jusqu’au décembre 1994, d’AVOIR limité la condamnation de la BRED à restituer les sommes déposées sur ses comptes par la MUDEL à compter du 10 décembre 1994 et d’AVOIR en conséquence limité la mission d’expertise à l’examen des comptes à compter de cette date ;

AUX MOTIFS QUE la banque BRED étant un commerçant, l’action en restitution des fonds déposés comme celle en responsabilité contractuelle se prescrivent pas dix ans conformément à l’article 110-4 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à l’article 15 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, sauf les exceptions prévues par la loi ; que la MUDEL ne démontre pas s’être trouvée dans l’impossibilité prouvée ou présumée d’agir, de sorte qu’elle ne peut invoquer la suspension de la prescription au sens de l’ancien article 2251 du Code civil ; qu’elle ne justifie pas de l’existence d’un acte recognitif ou interpellatif au sens de l’ancien article 2231 du Code civil ; que l’instance pénale qui s’est achevée par un arrêt définitif de la chambre des appels correctionnels de la Cour d’appel de Paris du septembre 2005, n’a pu suspendre ni interrompre la prescription, alors que la BRED comme personne morale ou ses préposé n’ont jamais été mis en cause dans cette procédure – une chargée de compte ayant été exclusivement entendue comme témoin assisté – et que les deux instances, fondées sur des causes distinctes, tendent à des fins totalement différentes, l’instance devant la juridiction répressive à la répression de faits de faux en écriture, usage de faux et abus de confiance et à l’indemnisation de la partie civile pour le dommage causé par ces délits, celle devant la justice civile à la restitution de sommes déposées et à la réparation du dommage causé par un manquement aux obligations contractuelles du banquier ; qu’il s’évince de ces constatations que, l’assignation ayant été délivrée à la BRED le 10 décembre 2004, l’action de la MUDEL à l’encontre de cette banque est prescrite pour tout manquement antérieur au 10 décembre 1994 ;

1° ALORS QUE la plainte avec constitution de partie civile manifeste la volonté de la victime de se prévaloir de la responsabilité de tous ceux ayant participé à la réalisation du dommage résultant des faits qu’elle vise à faire établir et interrompt, de ce fait, toutes les actions en réparation ayant pour fin la condamnation de ceux qui, par leur faute civile, y ont concouru ; qu’en déclarant prescrite l’action de la MUDEL « pour tout manquement antérieur au 10 décembre 1994 », aux motifs que la banque n’avait pas été pénalement poursuivie et que les actions pénales et civiles n’avaient pas les mêmes fins, quant la plainte avec constitution de partie civile, contre personne non dénommée, déposée par la MUDEL visait la responsabilité

civile de toute personne susceptible d’être impliquée dans les faits en cause, la Cour d’appel a violé l’article L. 110-4 du Code de commerce ;

2° ALORS QUE si, en principe, les actes interruptifs de la prescription ne développent d’effets qu’à l’égard de l’action qu’ils visent, il en est autrement lorsque deux actions, quoiqu’ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but ; qu’il en va ainsi de l’action publique déclenchée par une plainte avec constitution de partie civile, dirigée contre personne non dénommée, qui a, pour la victime, pour fin de faire établir la réalité des faits, d’en déterminer les circonstances et les responsables, sur le plan pénal comme sur le plan civil, pour pouvoir obtenir d’eux une indemnisation ; qu’en jugeant que les actions devant les juridictions répressives et civiles tendaient à des fins différentes, alors que toutes deux visaient, pour la victime, à obtenir la réparation des détournements réalisés par Monsieur Y…, que la banque a, par sa faute, rendus possibles, la Cour d’appel a violé l’article L. 110-4 du Code de commerce ;

3° ALORS QUE l’action en réparation est recevable, quelle que soit la date de réalisation de la faute, dès lors qu’elle est introduite dans les dix ans de la découverte du dommage par la victime s’il est établi qu’elle n’en avait pas précédemment connaissance ; que la Mutuelle et l’UNPMF soutenaient, dans leurs conclusions d’appel, que seule l’information judiciaire avait permis d’apprécier l’ensemble des détournements et d’en déterminer les responsables, tant pénalement que civilement (conclusions d’appel p. 19, § 5), d’où il résultait nécessairement qu’en 2004, la MUDEL était recevable à agir en réparation de tous les préjudices que lui avait causés les fautes de la banque dont elle n’avait eu connaissance qu’en 1997 ; qu’en jugeant que « l’assignation ayant été délivrée à la BRED le 10 décembre 2004, l’action de la MUDEL à l’encontre de la banque était prescrite pour tout manquement antérieur au 10 décembre 1994 », sans répondre à ce moyen, la Cour d’appel a privé sa décision de motif et a violé l’article 455 du Code de procédure civile ;

4° ALORS QUE l’action en réparation est recevable, quel que soit la date de réalisation de la faute, dès lors qu’elle est introduite dans les dix ans de la découverte du dommage par la victime s’il est établi qu’elle n’en avait pas précédemment connaissance ; qu’en jugeant que « l’assignation ayant été délivrée à la BRED le 10 décembre 2004, l’action de la MUDEL à l’encontre de la banque était prescrite pour tout manquement antérieur au 10 décembre 1994 », après avoir constaté que les premiers problèmes financier de la MUDEL étaient apparus en 1995 et que seul l’audit réalisé en fin d’année 1996 avait mis en évidence les irrégularités comptables, motifs desquels il résultait nécessairement qu’en 2004, la MUDEL était recevable à agir en réparation de tous les préjudices que lui avait causé les fautes de la banque dont elle n’avait eu connaissance qu’entre 1995 et 1996, la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article L. 110-4 du Code de commerce.

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Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 février 2013, 11-25.977, Inédit